éditoriaux

Rêver la littérature mondiale

Rêver la littérature mondiale

Il y a quelques années Jérôme David faisait paraître Spectres de Goethe. Les métamorphoses de la "littérature mondiale" (Les Prairies ordinaires), dont l'Atelier littéraire de Fabula avait accueilli un large extrait ainsi qu'un entretien de l'auteur avec Lionel Ruffel, et dont Didier Coste avait rendu compte au sein d'un dossier critique d'Acta fabula intitulé "Anywhere out of the nation". Devenu l'un des animateurs du "Bodmer Lab" voué  à valoriser les immenses collections de la Fondation Bodmer, il avait fait paraître ensuite une anthologie des textes de Martin Bodmer consacrés à la littérature mondiale, accompagnée d'un essai sur Martin Bodmer et les promesses de la littérature mondiale (les deux titres aux éd. Ithaque). Jérôme David nous invite aujourd'hui à Rêver la littérature mondiale, car la littérature mondiale désigne depuis deux siècles un rêve, "celui d’un commun devenu mondial et favorisé par la circulation des œuvres littéraires. Ou un cauchemar, quand des régimes totalitaires s’inven­tent leur propre Welt­literatur ou mirovaja literatura. Un passé hétérogène, en somme, dont on n’hérite pas sans confusion aujourd’hui. Explorer les archives, même les plus improbables, ne suffit pas. Il faut rêver à notre tour, puis juger ce que nous y découvrons : quelle expérience de la mondialité chaque littérature mondiale nous propose-t-elle ? Si nous rêvons avec elle, comment faisons-nous communauté par la littérature ?" Mêlant théorie, histoire et auto­biographie, l'essai propose une réflexion qui va de Goethe à Spivak, des journaux de propagande aux foires du livre contemporaines, des bibliothèques prestigieuses aux plus modestes boîtes à bouquins.

La méthode Sherlock

La méthode Sherlock

Une adresse londonienne, 221B Baker Street, dotée d’un bow-window par lequel observer la rue et méditer sur l’existence en attendant que frappe à la porte la nouvelle aventure ; un narrateur, le docteur Watson, colocataire du 221B et qui consacre ses loisirs à mettre en forme les notes qu’il a prises au fil des enquêtes dont il était le témoin ; un ennemi juré, le professeur Moriarty, véritable génie du mal ; et un héros, Sherlock Holmes, "détective consultant" de son état, alternativement muni d’une canne, d’une loupe, d’une pipe ou d’un violon, et équipé par ses illustrateurs d’une casquette de chasse qui deviendra son emblème. Non content de posséder une mémoire prodigieuse, Holmes a une autre particularité remarquable : aux yeux de cet authentique sémiologue, la réalité est un réseau de signes qui ne demandent qu’à être déchiffrés. La Bibliothèque de la Pléiade rassemble ses aventures dans deux volumes et de nouvelles traductions : quatre romans, cinquante-six récits réunis en cinq recueils – le tout formant le canon holmésien –, sans oublier quatre histoires dites extracanoniques parce que Conan Doyle n’a pas souhaité les faire figurer au nombre de celles qu’il revendique. Paraît dans le même temps un Album Sherlock Holmes, le premier parmi les Albums de la Pléiade consacré à un personnage de fiction. Signé par Baudoin Millet, l'essai retrace l’histoire des relations entre Doyle et Holmes, et raconte la progressive émancipation de ce dernier, lequel, comme le montrent les images rassemblées et le récit à la fois malicieux et savant de Baudouin Millet, vit désormais sa propre vie, dans son pays et abroad, pour le plus grand plaisir de ses adeptes, lecteurs, spectateurs, téléspectateurs et autres aficionados.

Écrire la lecture

Écrire la lecture

Un couple panafricain

Un couple panafricain

En 1968, Miriam Makeba et Stokely Carmichael quittent les États-Unis pour s’installer à Conakry, capitale de la Guinée socialiste. Réfugiés politiques en exil, la chanteuse sud-africaine mondialement connue et le militant révolutionnaire noir décident de se mettre au service du régime de Sékou Touré et de son ambitieux programme de décolonisation des esprits. Dans Un couple panafricain. Miriam Makeba et Stokely Carmichael en Guinée (Rot-Bo-Krik éd.), Elara Bertho suit ce couple iconique de la lutte antiraciste dans ses pérégrinations transatlantiques, ce qui revient à replacer Conakry dans une cartographie mondiale et une histoire globale des luttes de libération. Dans cette capitale africaine, radicalités noires, combat anti-impérialiste, décolonisation des savoirs et idéal panafricain furent adossés à une politique culturelle ayant pour aspiration de rayonner depuis l’Afrique vers le reste du monde. Fabula donne à lire l’introduction du livre : Un couple à Conakry…, dont Chloé Chaudet propose déjà une recension au sommaire de mai d'Acta fabula, sous le titre : "Amour, gloire et panafricanisme".

La Prisonnière délivrée

La Prisonnière délivrée

Entreprise sous la direction de Matthieu Vernet, l'un des maîtres d'œuvre par ailleurs du volume des Essais de Marcel Proust dans "La Bibliothèque de la Pléiade", la nouvelle édition d'À la recherche du temps perdu au Livre de Poche s'installe tranquillement dans le paysage éditorial. Le cinquième volume paraît ces jours-ci : La Prisonnière, dans un texte procuré par Maya Lavault. Paru à titre posthume le 14 novembre 1923, presque un an jour pour jour après la mort de Marcel Proust, La Prisonnière est le volet central d’un roman de la jalousie, dont les fils enferment les deux protagonistes. D’enquêtes en interrogatoires, le narrateur, geôlier prisonnier de sa propre jalousie, exacerbe les penchants d’Albertine pour le mensonge et, finalement, précipite sa fuite. Drame à huis clos marqué du sceau de la mort imminente, La Prisonnière donne pourtant un souffle nouveau à la Recherche du temps perdu, tissant tous les fils romanesques autour du personnage d’Albertine, insaisissable "être de fuite" et héroïne d’une fulgurante modernité.

Les plus fidèles lecteurs de Fabula se souviennent peut-être, et les autres auront plaisir à le découvrir, que la réflexion de Maya Lavault sur ce versant de la Recherche avait été inaugurée il y a tout juste vingt ans dans Acta fabula par les comptes rendus de "L’Albertine disparue de Jean Milly : ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre" et de l'essai de Nathalie Mauriac-Dyer, Proust inachevé. Le dossier "Albertine disparue" (Champion, 2005) : "Albertine disparue et ses possibles. Ce qui achève de faire la preuve que pour travailler sur Proust, il faut avoir de la suite dans les idées. Mais aussi : qu'à écrire pour Fabula, on ne perd jamais son temps.

Portrait de l'auteur devant trois tableaux

Portrait de l'auteur devant trois tableaux

Sentimentale Sophie

Sentimentale Sophie

Au Livre de Poche également, Marie Baudry donne une nouvelle édition de Claire d'Albe de Sophie Cottin. Paru anonymement en 1799, ce roman fut l’un des premiers best-sellers de son temps, en faisant scandale pour sa peinture sans fard de la passion amoureuse. Il révèle aujourd’hui des personnages et une pensée complexes et avant-gardistes, dénonçant en creux l’institution du mariage et préfigurant le héros romantique byronien. Fabula vous invite à en lire quelques pages… Le troisième volume de la Correspondance de la romancière paraît dans le même temps aux Classiques Garnier sous la direction de Huguette Krief et Mathilde Chollet, avec La Romancière (1799-1802) qui présente 423 lettres établies d’après les manuscrits, révèle le travail d’écriture de Sophie Cottin, le scandale autour de ses romans, ses belles amitiés et relations politiques, ainsi que sa rencontre pyrénéenne avec le philosophe Azaïs qui est une invitation inattendue au bonheur.

Rappelons au passage la traduction proposée naguère par Marie Baudry de l'essai de Margaret Cohen, L’Éducation sentimentale du roman (Classiques Garnier), dont Silvia Lorusso avait rendu compte dans Acta fabula : "À propos du roman sentimental social", ainsi que la recension par Vincenzo De Santis du livre de Silvia Lorusso, Le Charme sans la beauté, vie de Sophie Cottin (Classiques Garnier) : "Auteure malgré elle ? Sophie Cottin entre histoire et littérature".

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