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Au-delà des genres : transgenre, transidentité, transsexualité dans les fictions pour la jeunesse (Lille)

Au-delà des genres : transgenre, transidentité, transsexualité dans les fictions pour la jeunesse (Lille)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Bochra Charnay)

Colloque international en littérature de jeunesse

Les 13-14 novembre 2023, à l'Université de Lille

Bochra Charnay et Thierry Charnay

« Au-delà des genres : transgenre, transidentité, transsexualité dans les fictions pour la jeunesse »


Pline dict avoir veu Lucius Cossitius de femme changé en homme le jour de ses nopces. Pontanus et d’autres racontent pareilles metamorphoses advenuës en Italie ces siècles passez. — Michel de Montaigne[1]

La mythologie grecque déjà démontrait la force de l’imagination qu’évoque Montaigne en figurant des histoires de transmutation sexuelle comme celle de Leucippe, fille de Galatée et Lamporos, ou celle, semblable, d’Iphis fille de Téléthuse et de Ligdos. À chaque fois, le père souhaite ardemment avoir un garçon, et la mère, qui a accouché d’une fille, la cache en l’élevant comme un garçon. Lorsque la situation devient intenable et que la révélation est imminente, la mère implore les déesses Léto ou Isis qui accèdent à sa demande et changent le sexe de son enfant de fille en garçon. La transsexualité et la transidentité, grâce à une « aide surnaturelle »[2], permettent ici de rétablir et de respecter l’ordre instauré par le père. À ceci près qu’Iphis est amoureuse de la jeune Ianthé, figurant un désir homosexuel. La transmutation rétablit l’ordre des choses, de plus, comme l’écrit Ovide que reprend Montaigne : « Garçon, Iphis acquitta des vœux qu’il avait fait étant fille »[3].

Les ethno-contes présentent également ce type de transmutation sexuelle, particulièrement le cycle « The Shift of Sex » (ATU 514), qui n’est pas représenté en France, mais l’est notamment en Espagne avec les récits de « La filleule de Saint Pierre » et « L’Olicorne »[4] , et en Grèce avec « Le prince Sommeil » et « La fille en garçon »[5]. Le plus fréquent est « A girl Disguised as a Man in Wooed by the Queen » (ATU 884, « La fille déguisée en garçon ») dont on trouve des variantes dans L’histoire de Merlin (épisode de Girandolle), ainsi que chez Straparole, Basile, Mme D’Aulnoy, Grimm (« Les douze chasseurs », KHM67) ; de même, des exemplaires d’ethno-contes ont été relevés en France : en Bretagne, Corse, Occitanie. L’aire d’expansion internationale est vaste, puisque l’on retrouve ce récit en Allemagne, Wallonie, Canada, Portugal, Espagne, Turquie, Russie, Italie, Corée, Chine (histoire de Hua Mulan qui a inspiré Disney), Maghreb. Cycle qui manifeste les rapports entre les genres, sous tout un jeu d’occultation et de révélation, de voilement et de dévoilement.

Il est pertinent d’explorer cette question contemporaine de l’identification du sujet à un genre ou non, de s’interroger sur le droit d’assigner une place genrée à un individu, à travers les contes, les albums et romans pour les enfants et les jeunes. Leur nombre est impressionnant et prouve que l’interrogation sur les normes genrées traverse notre société avec acuité. Depuis les albums Rose Bombonne publié en 1975 par Édition des femmes, et L’Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon publié en 1978 par Le sourire qui mord, et adapté au théâtre, jusqu’à La princesse qui pue qui pète (2020) et Julian est une sirène (2020), en passant par les princesses de Nadja, et Buffalo Belle d’Olivier Douzou (2016), et bien d’autres encore. Les romans pour adolescents ayant pour personnage principal-e- un ou une trans-genre sont nombreux, depuis La face cachée de Luna (2005) dont le personnage principal est une fille trans. Citons des œuvres récentes : Birthday (2021) dont le personnage principal est une fille trans, Les Nouvelles Vagues (2021) dont le héros est un jeune homme trans, et L’odeur de la pluie (2020) avec un garçon trans. Nous faisons une mention spéciale à Samuel Champagne, auteur québécois de romans LGBT pour adolescents, homosexuel et transsexuel, qui nous a fait déjà l’honneur de participer à l’un de nos précédents colloques, auteur notamment de Recrue, son premier roman paru en 2013 aux éditions de Mortagne auxquelles il est toujours fidèle ; quelques-uns de ses autres romans : Garçon manqué (2014), Quand le destin s’en mêle (2016),  Trans (2017), Le choix d’une vie (2019), Noa Intersexe (2021) et Eloi (2022). Comme l’exprime le sociologue Arnaud Alessandrin : « Tour à tour caricaturé, psychiatrisé, dans le meilleur des cas ignoré, dans le pire rejeté, le fait transidentitaire pose problème dans un contexte normatif fort. À l’image de l’homosexualité, les peurs et les tabous demeurent »[6]. Il est donc utile d’étudier la façon dont les fictions pour la jeunesse abordent le problème évoqué et traitent des figures de travesti, androgyne, etc.

Tous les objets sémiotiques (écrits, images, jeux vidéo, etc.) sont exploitables pour tenter de rendre compte des valeurs et significations transmises par le récit des désirs hors normes, de la remise en cause des normes de genre, de leur déplacement, de leur subversion, de la transsexualité comme de l’intersexualité. Comme, selon Arnaud Alessandrin « Les transidentités relèvent aujourd’hui de profils multiples, de parcours variés et d’identités foisonnantes [7]» qui ne se limitent plus à la figure binaire des transformations homme-femme ou femme-homme, comme « les profils transidentitaires se désolidarisent des représentations et des attentes traditionnelles du genre »[8], on peut se demander si et comment les fictions jeunesse abordent les phénomènes d’hommes enceints, de personnes trans mineures, d’identités queer, les doubles parcours de transition, et autres.

Les propositions de communication devront être innovantes, originales et inédites. Elles peuvent s’articuler, selon des approches pluridisciplinaires ou transdisciplinaires, autour des axes suivants :

-       Manifestations des thématiques de genre et leur traitement dans la littérature de jeunesse

-       Traitement des figures de travesti, androgyne, trans, etc.

-       L’identité : déconstruction et reconstruction de la personnalité

-       Les valeurs 

-       Les tabous, leur transgression

-       Inhibitions, craintes, angoisses

-       La réception

-       Autres

Comité d’organisation

Bochra CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Thierry CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Comité scientifique

Sandra BECKETT, Brock University, Saint Catharines, Canada

Bochra CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Thierry CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Kirill CHEKALOV, Institut de Littérature mondiale de l’Académie des Sciences de Russie, Moscou

Christiane CONNAN-PINTADO, UR PLURIELLES, Université Bordeaux-Montaigne

Dominique PEYRACHE-LEBORGNE, E.A. 4276, Université de Nantes

Natacha RIMASSON-FERTIN, ILCEA4, Université Grenoble-Alpes

Marie-Agnès THIRARD, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Modalités et calendrier

Les propositions de communication (titre, résumé de 1500 caractères maximum (espaces comprises), mots clés, et références bibliographiques seront accompagnées d’une brève biobibliographie de 1500 caractères (espaces comprises) maximum comprenant : statut, établissement et équipe d’accueil ainsi que les principales publications récentes.

Les propositions sont à envoyer, au plus tard, le 15 juin 2023 à l’adresse suivante :

litteraturejeunesseunivlille@gmail.com.
 

 
[1] Michel de Montaigne, Essais 1, Garnier-Flammarion, 1969, chap. XXI, « De la force de l’imagination », p. 144. 
[2] Pour reprendre les termes des catégories des contes merveilleux selon la classification internationale.
[3] « Vota puer solvit, quoe foemina voverat Iphis », dans Michel de Montaigne, Essais 1, Ibid.
[4] Aurelio M. Espinoza, Blanca Flor et autres contes d’Espagne, trad. Marianne Million, José Corti, 2003.
[5] Anna Angelopoulos, Contes de la nuit grecque, José Corti, 2013.
[6] Arnaud Alessandrin, Sociologie des transidentités, éd. Le Cavalier Bleu, 2018 (rééd. 2023), p. 11..
[7] Ibid. p ; 12.
[8] Ibid. p. 13.