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Port-Royal et la sainteté (Magny-les-Hameaux, FR)

Port-Royal et la sainteté (Magny-les-Hameaux, FR)

Publié le par Romain Bionda (Source : Olivier Andurand)

Port-Royal et la sainteté
colloque de la Société des Amis de Port-Royal avec l'Université Paris Nanterre

Né au siècle des saints, le mouvement port-royaliste se forge dans un moment où les questions sur la sainteté sont de plus en plus prégnantes. Après le concile de Trente s’affirme une pensée de style juridique dans la théologie, qui conduit le magistère romain à alourdir sensiblement les processus de canonisation[1]. En 1588, la création de la Sacrée Congrégation des Rites permet de donner un premier cadre normatif aux causes de canonisation. Après avoir institué le promoteur de la Foi en 1631, Urbain VIII renforce la codification de l’instruction des procès. La nouvelle législation, définitivement validée en 1642, impose le procès super non cultu vérifiant l’absence de culte local et l’obligation de respecter un délai de cinquante ans entre la date du décès du serviteur de Dieu et l’ouverture de la procédure apostolique[2]. Il devient dès lors beaucoup plus difficile de parvenir au terme d’une instruction : la collaboration de l’épiscopat, la connaissance des normes juridiques, l’accord du siège apostolique deviennent indispensables.

Dans ce contexte de centralisation et de prise en main de la fabrique des saints par l’autorité pontificale, il devient nécessaire de se pencher sur les rapports particuliers entre Port-Royal et la sainteté. Bons catholiques, les jansénistes n’en entretiennent pas moins des liens assez distants avec les conceptions romaines de la sainteté et les positions thomistes qui inspirent les décisions de la Sacrée Congrégation des Rites. Héritiers d’une théologie de l’élection divine, ils produisent des textes hagiographiques et des réflexions qui s’écartent souvent des règles prescrites par Rome.

Après les travaux de Christian Renoux, d’Albrecht Burkardt et d’Éric Suire[3], et les réflexions sur les nouveaux champs de recherches menées autour des reliques[4] ou de la littérature hagiographique[5], ce colloque entend examiner les particularités du discours janséniste sur cet enjeu essentiel de la vie chrétienne et du combat porté par la frange la plus augustinienne du catholicisme moderne. La réflexion doit nécessairement s’inscrire dans une perspective pluridisciplinaire croisant les approches des théologiens, historiens, historiens de l’art et spécialistes de la littérature et de la philosophie.

Plusieurs axes doivent soutenir cette réflexion :

  • Un axe théologique : il s’agit d’étudier la particularité janséniste dans le rapport à la sainteté. Les proches de Port-Royal sont partisans d’une élection divine qui ne peut se satisfaire des normes juridiques imposées par les pontifes romains au cours du XVIIe siècle. Quels sont les aspects de la réflexion janséniste qui permettent de cerner leur conception de la sainteté ?
  • Un axe littéraire : la production hagiographique en provenance de la mouvance port-royaliste est importante. De Martin de Barcos à Barthélemy Doyen en passant par Pierre Nicole, pour ne citer qu’eux, les œuvres produites donnent à voir un choix de personnalités honorées par ces auteurs d’une gloire particulière. Dans la même perspective, il serait intéressant de considérer les nombreuses histoires de l’abbaye de Port-Royal comme une tentative de canonisation générale des hommes et des lieux à l’origine du mouvement janséniste.
  • Un axe politique : Engagé dans une longue querelle avec les partisans de la constitution Unigenitus, les jansénistes ont mené tout au long du XVIIIe siècle une véritable « guerre des saints ». L’étude des oppositions autour du diacre Pâris, de la visitandine Marguerite-Marie Alacoque, ou de Vincent de Paul peut se révéler riche d’enseignements sur l’utilisation politique de la sainteté dans le contexte particulier du siècle des Lumières.
  • Un axe artistique : Grands amateurs de reliques, les jansénistes ont produit de très nombreux reliquaires qui n’ont, à l’heure actuelle, fait l’objet d’aucune étude d’ensemble. De même la production de gravures ou d’œuvres de plus grand format peut permettre de cerner les enjeux de la sainteté dans la production janséniste.

Coordination :

Olivier Andurand, Philippe Luez et Éric Suire

 

Musée national de Port-Royal des Champs, 11 et 12 octobre 2018

 

Les propositions de contribution (1000 signes environ) devront être livrées au plus tard le 1er février 2018 et envoyées aux adresses suivantes :

o.andurand@aliceadsl.fr

philippe.luez@culture.gouv.fr

Eric.Suire@u-bordeaux-montaigne.fr



 

 

 

[1] Christian Renoux, « Une source de l’histoire de la mystique moderne revisitée : les procès de canonisation », in Mélanges de l’école française de Rome. Italie et Méditerranée, 1993, vol. 105, n° 105-1, p. 177-217 ; Miguel Gotor, « Le théâtre des saints modernes : la canonisation à l’âge baroque », in Florence Buttay, Axelle Guillausseau (dir.), Des saints d’État ? Politique et sainteté au temps du concile de Trente, Paris, PUPS, 2012, p.23-34.

[2] Éric Suire, La Sainteté française de la Réforme catholique (XVIe-XVIIIe siècles) d’après les textes hagiographiques et les procès de canonisation, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2001, p. 353.

[3] Christian Renoux, Sainteté et mystique féminine à l’âge baroque. Naissance et évolution d’un modèle en France et en Italie, Thèse de doctorat d’histoire, Université Paris I, 1995 ; Albrecht Burkardt, Les clients des saints. Maladie et quête du miracle à travers les procès de canonisation de la première moitié du XVIIe siècle en France, Rome, E.F.R., 2004, ; Éric Suire, « L’hagiographie janséniste. Théorie et réalités », in Histoire, économie et société, n° 2, 2000, p. 185-2000 ; et Id., Sainteté et Lumière, Hagiographie, Spiritualité et propagande religieuse dans la France du XVIIIe siècle, Paris, Champion, 2011 ; Id., « Quelques pistes pour l’étude de la sainteté janséniste » in Gilles Deregnaucourt, Yves Krumenacker, Philippe Martin, Frédéric Meyer (dir.), Dorsale catholique, Jansénisme, Dévotion : XVIe-XVIIIe siècles. Mythe, réalité, actualité historiographique, Paris, Riveneuve Éd., 2014, p. 73-83.

[4] Anne-Solenn Lepetit, Études des reliques jansénistes à partir du fonds de la bibliothèque de la Société de Port-Royal (XVIIe, XVIIIe, XIXe siècles), mémoire de Master 2, université Paris-Ouest-Nanterre La Défense, 2013 ; Philippe Boutry, Pierre-Antoine Fabre, Dominique Julia, Reliques modernes, cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions, Paris, éd. de l’EHESS, 2009 ; Nicolas Guyard, « Un essai de normalisation. Diffusion et réception des reliques des catacombes. L’exemple de Lyon au XVIIe siècle », in Histoire, monde et cultures religieuses, 2016, 2, n° 38.

[5] Axelle Guillausseau, Sainteté et miracles dans les royaumes de France et d'Espagne des lendemains du concile de Trente aux décrets d'Urbain VIII, thèse de doctorat, univ. Tours, dir. Gérald Chaix, 2007 ; Antoine Roullet, Corps et pénitence. Les carmélites déchaussées espagnoles (ca 1560-ca 1640), Madrid, Casa de Velázquez, 2015, 337 p.