Essai
Nouvelle parution
Laurent Danon-Boileau, Voix des racines. Glossaire giboyeux à l’usage des promeneurs et autres amateurs de mythologie lexicale

Laurent Danon-Boileau, Voix des racines. Glossaire giboyeux à l’usage des promeneurs et autres amateurs de mythologie lexicale

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne

Les mots ont une histoire, nous le savons, des origines tantôt douteuses, tantôt parfaitement claires et légitimes. Et on croit avoir tout saisi dès lors qu’on se pique un peu d’étymologie. Or ce que nous mesurons mal, ce que nous ignorons, des mots, c’est leur vie souterraine, obscure, à bas bruit. On dirait un peuple : avec son unité de façade, sa simplicité apparente, ses contours, mais aussi ses fractures antédiluviennes et toujours sensibles, ses lignages mal visibles mais persistants, ses accointances secrètes ou paradoxales, ses alliances, ses errances, ses mouvements, ses trahisons, ses camaraderies, sa fougue. Il y a des foules, mais elles sont éphémères, il y a des chefs, ou supposés tels, des castes, mais aussi des trublions ou des marginaux.

Oui, nous ne considérons jamais assez les apparentements sensibles, signifiants, poétiques même, entre texte et textile, entre méprise et mépris, entre l’inquiétude et le fait de quitter, entre extase et existence. Nous ne soupçonnons pas le pouvoir d’un préfixe, ses fonctions innombrables et parfois ses conflits d’intérêts, nous négligeons les nuances qui défont des fratries, entre exil et exode, entre désirer et sidérer, entre impartir et se départir.

Ce livre est un poison, délicieux, intense, addictif. Et il constitue son propre antidote. Nul ne sortira de sa lecture sans une curiosité sans fin, mêlée de trouble : la langue est un terrain miné et lorsque nous avançons insouciants, les explosions sont, le plus souvent, d’allégresse.

« Nous sommes quelques-uns, philologues impénitents, autorisés ou non, à croire que certains Olympiens, étouffant dans l’atmosphère raréfiée des cimes, préférèrent décidément une résidence souterraine, entre racines, préfixes et suffixes. Ils y logent invisibles, glissant entre les doigts du sens comme les nymphes des bois entre les branches des ormes. Protégés aujourd’hui, ils soutiennent nos songes sans alentir toutefois l’allure de la parole lorsqu’elle doit sacrifier aux exigences de clarté et se plier sans regimber aux lois du bon sens pour se faire convaincante. » — L. D.-B.