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La violence dans les théâtres d’enfance et de jeunesse : une écriture singulière ? (Arras)

La violence dans les théâtres d’enfance et de jeunesse : une écriture singulière ? (Arras)

Publié le par Marc Escola (Source : D. Delcheva)

« La violence dans les théâtres d’enfance et de jeunesse : une écriture singulière ? »

Équipe d’accueil « Textes et cultures »,

axe « Littératures et cultures d’enfance », Université d’Artois

Dans le cadre des réflexions conduites au sein du séminaire « Écrire pour les jeunes publics : enjeux éthiques et politiques » porté par Isabelle De Peretti, Béatrice Ferrier et Françoise Heulot-Petit de l’équipe LCE, nous souhaiterions interroger la question des représentations et des enjeux de la violence dans le théâtre destiné à l’enfance. Dans quelle mesure le destinataire enfantin entraînerait-il un traitement singulier de la violence, d’ordres et de degrés divers, dans l’écriture dramatique et dramaturgique ? 

Afin d’engager la réflexion de manière diachronique, de contextualiser les corpus et de prendre en considération les spécificités esthétiques, deux volets – l’un historique, l’autre contemporain – sont envisagés. Si, au XVIIIe siècle, le théâtre d’enfance est au service de l’éducation morale, le théâtre de jeunesse contemporain obéit davantage à des enjeux esthétiques. Il sera donc intéressant, dans cette perspective diachronique, d’observer à travers le prisme de la violence comment s’opèrent les jeux d’équilibre entre dimension esthétique et dimension éthique dans le théâtre destiné à l’enfance.

La première journée, consacrée au volet historique, « La violence dans les théâtres d’enfance et de jeunesse : une écriture singulière aux XVIIe et XVIIIe siècles ? » organisée par Béatrice Ferrier et Isabelle de Peretti s’est tenue le 8 décembre 2023.

Le présent appel, consacré au volet contemporain, « La violence dans les théâtres d’enfance et de jeunesse : une écriture singulière aux XXe et XXIe siècles ? », organisée par Françoise Heulot-Petit et Dimka Delcheva se tiendra le 17 janvier 2025, à l’Université d’Artois à Arras.

Comment écrire la violence ? En étudiant les représentations de la guerre, nous avons relevé qu’une des premières difficultés, pour l’auteur, réside dans la posture dramaturgique adoptée pour montrer la violence, rendre compte de la violence, ou en explorer les traces. Comment rendre sensible et en même temps garder une distance propre à amener les enfants à recevoir le spectacle ? Si la représentation de la guerre implique un rapport direct au conflit, la représentation de la violence repose sur un spectre plus large et difficile à circonscrire. En effet, la violence n’est pas seulement physique et peut revêtir de nombreuses formes, y compris psychiques, liés à des facteurs externes ou ancrés en nous-mêmes. Interroger cette notion invite à la fois à revenir sur ce qui serait communément considéré comme violent pour interroger comment les formes de jugement de valeur voire de censure amènent à réévaluer ces critères à l’aune de l’enfance car la violence touche à des thèmes qui peuvent être considérés comme « tabous » encore aujourd’hui, difficiles à aborder en famille et à l’école. 

La question de la représentation de la violence n’est pas nouvelle et il ne s’agit pas ici de revenir à un vieux débat mais davantage de l’interroger du côté de la responsabilité et donc de l’effet produit sur le lecteur et spectateur et en l’occurrence du jeune spectateur. Le terme de violence recouvre une réalité complexe s’attachant au domaine humain ou non humain représenté au théâtre tant d’un point de vue positif que négatif et on peut interroger la force des images produites au théâtre dans un monde où les médias ont apporté un autre rapport à la violence. Geneviève Jolly précise : « on peut violenter un spectateur de diverses manières, et […] contrairement à ce que l’on peut lire dans la presse, ces atteintes aux seuils de tolérance du public peuvent s’avérer positives ou constructives, quand elles servent à remettre en cause une vision réactionnaire ou conformiste du monde du théâtre. Elles obligent alors les lecteurs et spectateurs à déplacer leurs attentes ou leurs certitudes esthétiques, morales ou idéologiques, il s’agit donc d’envisager ces textes, et les mises en scène les concernant, dans leur dimension éthique et politique »[1]. Cette analyse distingue, la franche brutalité, la subtile cruauté, les formes de comique, de farces macabres, ou encore l’obscénité, mais si la représentation de la violence dans le théâtre tout public amène à remettre en cause des positions, appliquer cette remarque au théâtre jeune public implique que les jeunes spectateurs soient déjà porteurs de préjugés. De quelle manière la représentation de la violence invite-t-elle à un pas de côté pour l’interroger ? Jusqu’à quel point heurter ? 

Les analyse de Geneviève Jolly s’attardent sur des violences faites au corps or si l’on interroge le théâtre jeune public sous ce prisme, il nous semble que la violence se déplace davantage aujourd’hui à une sphère psychologique, où le harcèlement prend une large place. Dans ce cas, de quelle manière les auteurs offrent-ils des contre-points, comme le merveilleux par exemple, qui entre en tension avec la représentation du réel comme l’observe Dominique Paquet[2]. Un merveilleux qui fait face à la violence et qui surgit par fragments dans des dramaturgies de la consolation. « Où trouver encore la merveille dans ce théâtre désenchanté ? » demande-t-elle. Sans doute dans la force de la « métaphore créatrice »[3] que cherche Suzanne Lebeau, et qui réside dans la poésie. Dans le théâtre, la violence passe par les mots, mais la violence faite aux mots est-elle un moyen de rendre compte de la radicalité du monde ? 

Axes de réflexion :

1.     La représentation de la violence dans le théâtre jeune public :

Quels types de violence sont représentés ? (Violence à l’humain : violence physique, violence sexuelle, harcèlement, séparation due à la guerre, au divorce, à l’abandon. Violence faite à la nature) et dans quel contexte ? (Violence familiale, violence à l’école)

Quel engagement du personnage dans l’action ? (subir la violence ou faire violence, se faire violence)

Pourquoi certaines thématiques violentes sont-elles encore considérées comme « tabou », et comment sont-elles abordées dans les œuvres dramatiques pour enfants ? (quelle place pour le non-dit ?)

De quelle manière les auteurs se censurent-ils ?

Comment la violence est-elle représentée dans le théâtre jeune public ? (visible ou non visible ?)

Quels sont les mécanismes narratifs utilisés pour aborder cette thématique de manière « adaptée » aux enfants ? (stratégie de contournement, parabole, conte ?)

2.     Objectifs dramaturgiques

Comment la violence et l’espoir interagissent-ils dans les récits avec les contextes sociaux ? (enjeux historiques et géopolitiques)

De quelle manière ces représentations peuvent-elles contribuer au développement de la résilience chez l’enfant ? (représentation de l’adulte, représentation de l’enfant, discours et action portés par chacun)

Quelle est la portée pédagogique de la mise en scène de la violence dans ce théâtre jeune public ?

Quel est la place de ce théâtre dans l’équilibre entre les responsabilités familiales et scolaires ? ( rôle du théâtre dans l’éducation émotionnelle et sociale des enfants )

 3. Médiation du théâtre jeune public

Comment les éditeurs définissent-ils des critères qui permettent de classifier les pièces ? (violence, harcèlement, racisme, famille, etc.) et de quelle manière orientent-ils la lecture ?  

De quelle manière ces textes entrent-ils dans une médiation ? (atelier d’écriture, intervention en classe)

Comment ces textes sont-ils pensés au sein d’une programmation ?

Ces axes de questionnement peuvent servir de point de départ pour une réflexion plus approfondie sur le rôle du théâtre dans l’accompagnement des jeunes face aux réalités difficiles de la vie.

Calendrier :

Propositions de communications (1 page) et CV : 30 octobre 2024

Sélection des propositions : novembre 2024 

Contact :

Françoise Heulot-Petit : francoise.heulotpetit@univ-artois.fr

Dimka Delcheva : dimka.delcheva@univ-artois.fr

 
[1] Geneviève Jolly, Théâtres hors limites : autour des dramaturgies contemporaines « violentes », Strasbourg, 2021.
[2] Dominique Paquet, Abymes et surgissements. Généalogie du merveilleux suivie de L’écriture du merveilleux dans le théâtre jeunesse, Presses universitaires de Bordeaux, coll. Etudes sur le livre de jeunesse, Bordeaux, 2024.
[3] Suzanne Lebeau, Écrire pour les jeunes publics : une conquête de la liberté, Dramaturges éditeurs, 2019.