L’univers interartistique de Mahi Binebine : entre littérature et arts (revue Expressions maghrébines)
Expressions maghrébines
Revue de la Coordination internationale des chercheur.e.s sur les littératures du Maghreb
Vol. 25, no 1, été 2026 : Appel à articles
L’Univers interartistique de Mahi Binebine : entre littérature et arts
Dossier coordonné par Hicham Belhaj
Date limite de soumission des articles : 30 juin 2025
Parution : mai 2026
Mahi Binebine est une figure emblématique de la scène artistique et littéraire marocaine dont le travail se situe à la croisée de plusieurs disciplines : la littérature, la peinture et la sculpture. Ses œuvres picturales sont exposées dans la collection permanente du musée Guggenheim à New York, tandis que plusieurs de ses romans ont été traduits en une dizaine de langues, témoignant de la portée internationale de son art et de sa littérature
Né à Marrakech en 1959, Binebine a su tisser une œuvre complexe et foisonnante où chaque médium se fait écho, enrichissant les autres dans une dynamique de complémentarité. Auteur de nombreux romans, tels que Le Sommeil de l’esclave (1992), Les Funérailles du lait (1994), L’Ombre du poète (1997), Cannibales (1999), Pollens (1999), Terre d’ombre brûlée (2004), Les Étoiles de Sidi Moumen (2010), Le Seigneur vous le rendra (2013), Le Fou du roi (2017) ou encore Mon frère fantôme (2022), il aborde des thèmes tels que la quête identitaire, l’immigration clandestine, la violence sociale et politique, la mémoire des années de plomb, la drogue, l’exploitation et l’arbitraire du pouvoir, la radicalisation des jeunes, ou encore la condition des femmes dans la société marocaine. Ses récits, salués pour leur sensibilité et leur acuité, s’inscrivent dans une réflexion sur les fractures sociales du Maroc moderne et contemporain tout en touchant à des problématiques universelles.
Parallèlement à son œuvre littéraire, Mahi Binebine exprime son univers artistique à travers une production plastique intense. Ses peintures et sculptures, souvent empreintes d’une force brute, révèlent des corps fragmentés et des figures humaines réduites à l’essentiel. Cette esthétique fragmentée est l’écho visuel d’une écriture qui, tout en étant structurée, laisse aussi une large part à l’émotion.
Si la littérature est pour lui un espace de réflexion et de construction, la peinture et la sculpture sont des lieux de libération immédiate. L’acte créatif y est plus instinctif, moins contraint par les mots. Cette complémentarité entre les deux médiums est remarquable : l’un vient nourrir l’autre, créant ainsi une œuvre globale où chaque facette éclaire l’ensemble. Les thèmes récurrents de Binebine trouvent ainsi une résonance particulière dans cette interaction entre l’image et le texte.
Au cœur de l’œuvre de Mahi Binebine, l’intermédialité crée un univers où la littérature et les arts visuels dialoguent, se nourrissent et se transforment mutuellement, conférant à son expression artistique une profondeur unique. Loin d’être simplement juxtaposées, ces disciplines artistiques s’entrelacent, chaque forme d’expression absorbant et recyclant les motifs et les thèmes de l’autre. En ce sens, l’art de cet écrivain-artiste s’inscrit dans une perspective d’ « art total » (Wagner 1898 ; Lista 2006 ; Schefer 2009), où le texte devient un réceptacle d’autres pratiques artistiques, et l’image se pare d’une charge narrative.
Ce numéro spécial propose ainsi d’explorer cette intermédialité comme clé de lecture de son univers créatif. Comment les récits littéraires de Binebine puisent-ils dans la peinture et la sculpture pour exprimer des réalités humaines et sociales complexes ? De quelle manière ses œuvres visuelles réinjectent-elles, à leur tour, les thèmes littéraires de l’identité, de la violence ou de la marginalisation dans une expérience esthétique intégrée ?
L’intermédialité dans l’œuvre de Binebine invite à une analyse des mécanismes à travers lesquels texte et image se réinventent et se complètent. Ce numéro spécial se propose donc de dévoiler comment Binebine, par cette interaction étroite entre littérature et arts plastiques, crée un espace d’expression transdisciplinaire, ancré dans les réalités marocaines et, pourtant, résonnant avec des préoccupations universelles.
Axes de réflexion proposés
Nous tenons à préciser que les axes de réflexion qui suivent ne se prétendent pas exhaustifs et invitent à une exploration enrichissante de perspectives diverses. D'autres aspects, approches et points de vue sont également les bienvenus.
· Le corps comme vecteur d’intermédialité, évocateur de thèmes abordés dans ses récits, ses peintures et ses sculptures.
· Narrativité et langage visuel : dialogues interartistiques entre texte et image (ekphrasis, descriptions détaillées, métaphores dans les récits littéraires ; ekphrasis inversée dans son art, racontant des récits visuels qui rappellent la vivacité et la profondeur émotionnelle de ses écrits).
· Le temps et l’espace et comment ces notions sont représentées différemment dans la littérature et dans les arts visuels.
· Les symboles récurrents dans l’œuvre de Binebine et leur évolution au fil de sa carrière, ainsi que leur fonction dans l’établissement de liens entre les différents médiums.
· La construction d’une identité marocaine complexe et plurielle à travers ses œuvres, en tenant compte des influences occidentales et des enjeux de la mondialisation.
· La notion de « marge » tant sur le plan géographique que social, et comment elle est liée aux questions d’identité et
d’exclusion, et à la dénonciation des injustices et des inégalités.
· Les procédés artistiques (comme le collage, l’usage de matières mixtes) permettant à Binebine de tisser des liens entre ses différentes formes d’expression, et en évaluer l’impact sur la perception de son œuvre.
Ce numéro spécial explore l’œuvre singulière de Mahi Binebine à travers le prisme de l’intermédialité. En analysant les liens profonds qui unissent ses récits, ses peintures et ses sculptures, il s’agit de révéler comment ces différentes formes d’expression s’imprègnent mutuellement, créant ainsi un univers cohérent et puissant.
Ce dialogue entre les arts permet de saisir toute la complexité des thèmes abordés par Binebine : l’identité, la violence, la marginalisation, la mémoire. En s’appuyant sur l’interaction entre le texte et l’image, l’œuvre de Binebine acquiert une dimension universelle, touchant au cœur de l’expérience humaine. Ce numéro invite à une exploration approfondie de cet univers où chaque médium amplifie la résonance des autres, offrant ainsi au lecteur et au spectateur une expérience esthétique unique et marquante.
Les articles ne devront pas dépasser 40.000 signes, espaces inclus (6.000 mots environ). La ponctuation, les notes et les références doivent être conformes aux normes appliquées par la revue : http://www.ub.edu/adhuc/em.
Les demandes de renseignements complémentaires et les articles complets doivent être adresses par courrier électronique à la présidente du comité scientifique :
expressions.maghrebines@ub.edu .
La section VARIA de la revue maintient toujours un appel aux articles (sans date limite de soumission) concernant les cultures maghrébines : littérature, cinéma, arts.
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Vol. 25, no 1, été 2026: Call for Papers
L’Univers interartistique de Mahi Binebine : entre littérature et arts
Edited by Hicham Belhaj
Final Papers Submission Deadline: June 30, 2025
Publication: May 2026
Mahi Binebine is an emblematic figure on the Moroccan artistic and literary scene whose work lies at the crossroads of several disciplines: literature, painting, and sculpture. His pictorial works are exhibited in the permanent collection of the Guggenheim Museum in New York, while several of his novels have been translated into a dozen languages, testifying to the international scope of his art and literature.
Born in Marrakech in 1959, Binebine has woven a complex and abundant body of work with each medium echoing the others and enriching them in a dynamic of complementarity. The author of numerous novels, including Le Sommeil de l’esclave (1992), Les Funérailles du lait (1994), L’Ombre du poète (1997), Cannibales (1999), Pollens (1999), Terre d’ombre brûlée (2004), Les Étoiles de Sidi Moumen (2010), Le Seigneur vous le rendra (2013), Le Fou du roi (2017), and Mon frère fantôme (2022), Binebine addresses a vast array of themes, such as the quest for identity, illegal immigration, social and political violence, the memory of the “Years of Lead”, drugs, the exploitation and arbitrariness of power, the radicalization of young people, and the status of women in Moroccan society. His stories, hailed for their sensitivity and acuity, reflect on the social fractures of modern, contemporary Morocco while simultaneously touching on universal issues.
Alongside his literary work, Mahi Binebine expresses himself through an intense and productive visual arts practice. His paintings
and sculptures, often imbued with brute strength, reveal fragmented bodies and human figures reduced to the essential. This fragmented aesthetic is the visual echo of a style of writing that, while structured, also leaves plenty of room for emotion.
If, for him, literature provides a space for reflection and construction, painting and sculpture provide the space for immediate liberation, where the creative act is more instinctive and less constrained by words. This complementarity between the two media is remarkable: each feeds the other, creating a global body of work where each individual facet illuminates the whole. In this way, Binebine’s recurring themes find a particular resonance in the interaction between image and text.
At the heart of Mahi Binebine’s work, intermediality creates a universe where literature and visual arts dialogue, nourish, and transform one another, imparting a unique depth to his artistic production. Far from simply being juxtaposed, these artistic disciplines are intertwined, with each form of expression absorbing and recycling the motifs and themes of the others. In this sense, the work of this writer-artist is in keeping with a perspective of the “total work of art” (Wagner 1898; Lista 2006; Schefer 2009), where the text becomes a receptacle for other artistic practices and the image takes on a narrative charge.
This special issue thus explores intermediality as the key to understanding his creative universe. How do Binebine’s literary narratives draw on painting and sculpture to express complex human and social realities? How do his visual works, in turn, reinject literary themes of identity, violence, and marginalization into an integrated aesthetic experience?
Intermediality in Binebine’ s work calls for an analysis of the mechanisms through which text and image both reinvent and complement each other. This special issue therefore sets out to reveal how Binebine, through this close interaction between literature and art, creates a transdisciplinary space of expression both rooted in Moroccan realities and resonating with universal concerns.
Possible lines of inquiry
The following lines of inquiry are not intended to be exhaustive but rather provide an enriching exploration of diverse perspectives. Other aspects, approaches, and points of view are also welcome.
· The body as a vector of intermediality, evocative of themes addressed in Binebine’s texts, paintings, and sculptures
· Narrativity and visual language: interartistic dialogues between text and image (ekphrasis, detailed descriptions, metaphors in literary texts; inverse ekphrasis in his artistic production, accounts of visual texts that recall the vivacity and emotional depths of his writings)
· Time and space, and how these ideas are represented differently in literature and art
· Recurring symbols in Binebine’s works and their evolution over the course of his career, as well as how they function to establish connections between different media
· The construction of a plural and complex Moroccan identity throughout his work, taking into account Western influences and the challenges of globalization
· The notion of “margin”, both social and geographical, and how it relates to questions of identity and exclusion, and to the denunciation of injustices and inequalities
· Artistic processes (like collage, mixed media) that allow Binebine to forge ties between his different forms of expression, and their impact on the perception of his work
This special issue thus explores Mahi Binebine’s singular body of work through the prism of intermediality. By analyzing the profound links between his texts, paintings, and sculptures, it seeks to reveal how these different forms of expression permeate one another, creating a cohesive and powerful universe.
This dialogue between different forms of art enables us to grasp in the full complexity of the themes Binebine addresses: identity, violence, marginalization, memory. By drawing on the interaction
between text and image, Binebine’s work acquires a universal dimension, getting to the heart of human experience. This issue invites a deep exploration of this universe, where each medium amplifies the resonance of the others, offering readers and viewers a unique and memorable aesthetic experience.
Articles should not exceed 40,000 characters, spaces included (approximately 6,000 words). Punctuation, footnotes, and references must conform with the journal’s norms: http://www.ub.edu/adhuc/em.
Articles or requests for further information should be sent to the Chair of the Editorial Board at: expressions.maghrebines@ub.edu. The journal’s VARIA section maintains an open call for articles concerning Maghrebi cultures: literature, cinema, arts…