
Argumentaire
À l’heure des profondes mutations sociales et des défis environnementaux, politiques et climatiques auxquels sont confrontées nos sociétés contemporaines, la question des connaissances occupe une place centrale dans de nombreux débats publics. Issu du latin cognoscere, le terme « connaissance » est polysémique et renvoie aussi bien à l’idée d’apprendre, d’étudier, de faire ou de prendre connaissance. Cette notion s’appuie également sur trois grandes théories qui ont marqué l’histoire de l’épistémologie (Besnier, 1996) : l’une fondée sur la raison (Descartes, 1629 ; Leibniz, 1684), une autre sur l’expérience sensible (Locke, 1689 ; Hume, 1740), et la dernière issue de l’interaction entre les données de l’expérience et les structures de l’esprit humain (Kant, 1781). Au fil des siècles, et depuis le Moyen Âge, les connaissances se sont diffusées selon des modalités spécifiques aux contextes culturels, sociaux et géographiques (Gonzales Bernaldo et Hilaire Pérez, 2019). Cette circulation a été grandement facilitée par le phénomène de mondialisation, qui intensifie et fluidifie les échanges. À partir des années 1970, la circulation de l’information s’accélère considérablement, bien qu’elle ait des origines antérieures à cette période. Considérant cette dimension temporelle, il est nécessaire d’interroger la dialectique entre savoirs et connaissances. Les savoirs, en tant que notion implicite, renvoient à l’expérience et aux pratiques vécues, tandis que les connaissances se définissent comme un état formalisé, enraciné dans les institutions politiques, académiques ou éducatives (Ibid, 2019).
En plus d’appréhender les connaissances comme un phénomène dynamique et évolutif, il convient de s’intéresser aux acteurs qui participent à leur transmission ainsi qu’aux modalités de mise en œuvre de ce processus : qui sont les connecteurs ou transmetteurs de connaissances ? Par quels biais ces transmissions s’effectuent-elles ? L’accroissement et la fluidité des échanges humains, couplé à la démocratisation de l’accès à internet et aux réseaux sociaux, ont non seulement favorisé la généralisation de la circulation des connaissances, mais ont également mis en lumière les obstacles qui en entravent parfois le développement. Par exemple, la pandémie de Covid-19 a accéléré la création et la diffusion d’informations et de savoirs numériques, tout en soulevant des interrogations sur leur légitimité. Pourtant, la question de la surcharge informationnelle, voire de la désinformation, n’est pas propre à l’ère du numérique, mais remonte également à l’époque moderne (Blair, 2020).
Par ailleurs, l’apparition des connaissances situées (Haraway, 1988), qu’elles soient autochtones, expertes ou profanes, invitent à déconstruire l’image des savoirs exclusivement fondés sur le « fait scientifique » et les experts qui y sont associés, en tenant compte des croyances, idéologies et interprétations associées aux supports de transmission. En dehors des vecteurs de transmission, il convient de s’intéresser aux conditions de réception des connaissances. Chaque individu évolue dans des contextes sociaux, culturels et territoriaux qui pèsent sur la manière dont les connaissances sont reçues, perçues et appropriées. De ce fait, la somme de ces influences collectives et individuelles justifie de s’intéresser à des fabriques de la connaissance, en tant que processus fluctuant et multidimensionnel.
Les communications pourront se déployer selon trois axes :
- Le premier concerne la globalisation des connaissances. Il entend aborder la notion de connaissances à travers une approche historique, culturelle, sociale ou géographique. Cet axe doit permettre d’aborder la question de la circulation et de la généralisation des connaissances, ses spécificités temporelles, culturelles ou spatiales.
- La deuxième porte sur les vecteurs et transmetteurs des connaissances. Cet axe interroge donc également le rôle et le positionnement des experts, des non-experts, ainsi que leur légitimité à faire circuler et transmettre des connaissances via divers canaux et médias. Les communications pourront aussi s’appuyer sur des débats contemporains dans les sciences sociales, notamment autour des libertés académiques, des enjeux de censure et des tentatives de contrôle de la connaissance par les pouvoirs publics.
- Le troisième s’intéresse aux phénomènes de réception des connaissances. Cet axe vise à répondre à la question suivante : comment les connaissances sont-elles perçues ? Il entend explorer les caractéristiques individuelles et collectives qui influencent la manière de s’approprier les connaissances transmises ou acquises. La possession de différentes formes de capitaux, notamment culturels, pourra être analysée, de même que la capacité croissante des citoyens à participer au débat public, en se positionnant comme des « experts d’usage » dans l’espace démocratique.
Sont attendues des propositions issues de travaux de recherche en cours, notamment de doctorants issus de tous les domaines des lettres, sciences humaines et sociales. Cette journée thématique sera donc interdisciplinaire et mettra en avant plusieurs disciplines et cadres théoriques.
Lors de la journée, les propositions seront présentées sous forme de communications orales d’une vingtaine de minutes, suivies d’un temps d’échange avec le public.
Modalités de soumission des propositions de communication
Les propositions de communications ne devront pas excéder 3000 signes, espaces compris.
Elles seront à transmettre à l’adresse suivante : jtlshs2025@gmail.com avant le 7 avril 2025
Comité d’organisation
Michel Beaulieu, doctorant au CERES (UR 14922)
Morgane Brissaud, doctorante au laboratoire GEOLAB (UMR 6042 CNRS)
Gaël Marimoutou, doctorant au CERES (UR 14922)
Ismaël Millogo, doctorant aux laboratoires FrED (UR 20199) et EHIC (UR 13334)
Pierre Texier, doctorant au laboratoire GEOLAB (UMR 6042 CNRS)
Comité scientifique
Bérangère Collet, doctorante au laboratoire GEOLAB (UMR 6042 CNRS)
Lucie Chevalier, doctorante au GRESCO (UR 15075)
Flavie Falais, doctorante au laboratoire EHIC (UR 13334)
Khouloud Hammami, doctorant au laboratoire EHIC (UR 13334)
Jean-Luc Labbé, doctorant au CRIHAM (UR 15507)
Jérémy Laporte, doctorat au GRESCO (UR 15075)
Thomas Luberriaga, doctorant au laboratoire EHIC (UR 13334)
Louis Tissot, doctorant au laboratoire GEOLAB (UMR 6042 CNRS)
Calendrier
Avant le 7 avril 2025 : envoi des propositions de communication
Mi-avril : réponses envoyées aux intervenant.e.s
19-20 juin 2025 : tenue des journées thématiques
Bibliographie indicative
Berthelot, J-M. (1999), « Cumulativité et normativité », in G. Houlde et N. Ramagnino (Éds.), Sociologie et normativité scientifique (p.73-90), Toulouse, Presses universitaires du Mirail
Besnier, J-M. (1996). Histoires des idées. Paris, Ellipses
Blair, A. (2020), Tant de choses à savoir. Comment maitriser l’information à l’époque moderne ?, Paris, Seuil
Chapoulie, J-M. (2017), Enquête sur la connaissance du monde social. Anthropologie, histoire, sociologie. France-Etats-Unis, 1950-2000, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
Descartes, D. (2023), Le monde ou le Traité de la lumière. Œuvres complètes II, 1., Paris, Vrin [1629]
Elissalde, J., Gaudet J., Renaud, L. (2010), Circulation des connaissances : Modèles et stratégies. Note de recherche. Revue internationale de communication sociale et publique, 3-4, 135-149
Gonzales Bernaldo, P., Hilaire Pérez, L. (2019), Les savoirs-mondes. Mobilités et savoirs depuis le Moyen Âge, Rennes, Presses Universitaires de Rennes
Haraway, D. (1988), “Situated Knowledges : The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective”, Feminist studies, vol. 14, 3, pp.575-599
Hume, D. (1983), Traité de la nature humaine, Paris, Aubier [1740]
Kant, E. (2012), Critique de la raison pure, Paris, Presses Universitaires de France [1781]
Leibniz, G. W. (1998), Recherches générales sur l’analyse des notions et des vérités, Paris, Presses Universitaires de France [1684]
Locke, J. (2007), Lettre sur la tolérance et autres textes, Paris, Flammarion [1689]