Dans un contexte de mondialisation culturelle, la notion de « paysage originel » permet de retrouver un sol. Cet essai montre combien l’identité peut se construire par la littérature, car nous nous reconnaissons tous dans des lieux fondateurs avec des valeurs qui nous constituent. L’élaboration dynamique de soi est ici explorée par les poésies dites « francophones » et l’étonnante construction d’un « étranger au sein de la même langue ». Par-delà les déterminismes nationaux, l’affirmation de l’identité articule les échelles de la diversité, du « pluriversel ». De manière emblématique, les poètes provenant de Suisse romande tentent d’échapper à un héritage particularisant ; ou, au contraire, de le revendiquer. Le choix des paysages originels souligne alors un trait commun : on ne naît pas « écrivain francophone », on le devient.
Antonio Rodriguez est poète et écrivain. Professeur de la littérature française à l’université de Lausanne et Directeur du Printemps de la poésie en Suisse, il œuvre à replacer la poésie au centre de la vie publique.
Lire sur Fabula un extrait de l'ouvrage...
*
Table des matières
Regarder par la fenêtre
Comment se faire une identité littéraire en français à l’ère de la mondialisation ?
L’étranger au sein de la même langue
Un premier essai sur la poésie suisse francophone
Le paysage originel et l’esthétique francophone
Première partie
Le paysage originel
I. Le « paysage originel » face au « paysage originaire »
Le paysage, une conception globale
II. Le sacré dans le paysage
Trouver un « sol » à l’ère de la mondialisation.
Reconnaître sa trajectoire dans le paysage originel.
Le paysage originel comme notion opératoire
L’esthétique francophone
III. Des histoires nationales aux contextes transnationaux
Le modèle national dans les « périphéries » francophones (1960-1980).
Le développement des échanges littéraires francophones (1980-2010).
Les poésies « francophones » dans la mondialisation (de 2010 à nos jours)
IV. Les attentes esthétiques francophones et leurs interactions
Le paysage originel et sa portée emblématique.
Les limites des positions sociologiques.
Les limites des données biographiques
Le paysage originel dans la poésie suisse romande moderne
Deuxième partie
Situer la poésie en Suisse romande
I. Par-delà l’homogénéité nationale
L’échelle transnationale : les flux mondiaux dans un ancrage local
II. Le paysage face à la rhétorique des avant-gardes
Le corpus, une écopoétique avant l’heure ?
Le monde et la vallée
III. Blaise Cendrars, musique métallique et mondiale dans le paysage originel
Entre deux mondes : les cloches anciennes et la musique issue des rues. L’origine métallique dans le voyage. L’origine mécanique de l’écriture.
IV. Du « petit village » à la « vallée » (C. F. Ramuz)
Le premier recueil de Ramuz : la Suisse comme « petit village ». Le berceau du Rhône et la recherche d’un particularisme.
L’originel dans le monde environnant : Gustave Roud
V. Le « paradis humain » dans le paysage
L’originel dans l’accord aux paysages. L’originel entre le jardin et l’horizon. Le « paradis humain » comme réconciliation
VI. L’ouverture érotique de l’originel
L’érotisme face à Aimé, l’être premier. La relation sacrée.
VII. Le deuil de la mère et l’émerveillement du monde
L’appel à la présence. Le deuil possible et le regain de la merveille.
VIII. L’athlète et la statue dans les champs (le poète-photographe)
Du poète vaudois à l’écrivain-photographe européen. Fernand ou l’athlétisme originel des champs. Les réserves de Philippe Jaccottet. Contre la photographie idyllique, Nicolas Bouvier.
La nostalgie des origines
IX. Maurice Chappaz, élégies pour un paradis perdu
L’enfance et l’imaginaire de la scission. L’originel en testament. L’élégie et la prophétie : une fonction romantique du poète ?
X. Alexandre Voisard, le Jura comme « pays d’enfance »
La scène originelle : « le cœur de la terre ». La Terre Mère ou le pays de la quête. « Le pays d’enfance ». De l’élégie à la recherche de la source. La terre maternelle dans l’écriture engagée
XI. Jean-Georges Lossier, ou l’anti-paysage originel
La temporalité mélancolique de l’originel. La clôture du destin et la perte de la puissance. La dépossession de soi. Le paradis maternel ou le deuil impossible de l’enfance.
L’originel dans l’élémentaire
XII. Philippe Jaccottet, allers et retours vers un « centre » originel
Le lieu, le centre, la quête de l’originel. Surmonter le désir originel (face à Gustave Roud). L’élémentaire et l’inactuel
XIII. Matérialisme et opacité de l’originel chez Pierre Chappuis
L’élémentaire en suspens. Les noces originelles de la matérialité. La naissance perpétuelle dans le paysage.
XIV. Anne Perrier, l’origine à venir
L’enfance dans les vergers et l’horizon adulte. L’horizon « transfiguré » par l’originel. L’écriture poétique comme « Paradis du langage ».
L’originel sans fin
Conclusion