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La "guerre des épistèmes". Le rapport entre littérature et science dans la fiction francophone contemporaine (APFUCC 2020, London, Ontario, Canada)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Julia Galmiche)

APFUCC - Congrès 2020, 30 mai - 2 juin 2020

Université Western, London, Ontario, Canada

ATELIER 10

La « guerre des épistèmes » :

le rapport entre littérature et science dans la fiction francophone contemporaine

 

Le rapport entre littérature et science est sans doute l'un des plus épineux qui soit, ces deux modes de connaissance du monde étant généralement perçus comme diamétralement opposés. La littérature, subjective par essence, appartiendrait ainsi au domaine de l'imaginaire, alors que la science, réputée objective, relèverait quant à elle de la raison. Et pourtant textes littéraires et savoirs scientifiques ont bien plus en commun qu'on ne le croit. Nous pensons ici à ce que Mudimbe a appelé la « bibliothèque coloniale » (1988 : 181), cet ensemble de savoirs anthropologiques, ethnologiques, linguistiques, historiques, géographiques ou encore théologiques nés de l’entreprise coloniale et qui ont contribué à la légitimer.

En effet, ces savoirs, qui avaient avant tout pour mission de servir les objectifs de la colonisation, relevaient davantage de la fiction que de la réalité. En ce sens, ils illustrent ce que Barthes appelle « l’une de nos servitudes majeures », à savoir « le divorce accablant de la connaissance et de la mythologie » (1957 : 63). Les savoirs qui peuplent cette bibliothèque et, plus largement, les disciplines qui les portent sont perçus comme étrangers non seulement parce qu’ils découlent de la colonisation, mais aussi par leur caractère étrange, fictionnel. Ils constituent ainsi un terreau fertile pour l'écrivain francophone dit du « Sud » qui partage avec le colonisé son statut d'être de fiction, de superstition mû par son imagination, alors que l'Occidental serait quant à lui du côté de la raison.

Cet atelier se propose d'étudier la mise en fiction de ces savoirs dits « scientifiques » dans les littératures francophones contemporaines qui ont pour particularité de s'être constituées par rapport à ces derniers. L'objectif est d'interroger la manière dont les écrivains francophones contemporains cherchent à démythifier, à décoloniser le rapport aux savoirs dits « occidentaux » pour mieux les rejeter ou, au contraire, se les (ré)approprier par le truchement de la fiction. À l'ère médiatique de la désinformation et des « fake news », il nous semble particulièrement intéressant d'étudier la manière dont la fiction francophone participe elle aussi à cette « guerre des épistèmes » (Maria-Benedita Basto, 2014 : 12).

Nous proposons les axes de recherche suivants :

1. État des lieux

Analyser la mise en fiction des savoirs qu'ils soient linguistiques, anthropologiques, ethnologiques, historiques, géographiques, théologiques ou autres. De quelle manière ces derniers sont-ils traduits, incorporés, récupérés ou encore transmis par la fiction ? Dans quelle mesure, l'écrivain francophone participe-t-il à leur vulgarisation, leur popularisation, voire leur pérennisation ? Si la littérature a joué un rôle fondamental dans l'élaboration de l'imaginaire colonial (Fanoudh-Siefer, 1968), dans quelle mesure les littératures francophones contemporaines peuvent-elles être lues comme de nouvelles « fabriques à mythes » ?

2. Déconstruire...

Repérer les processus de déconstruction, de différenciation, mais aussi d'actualisation et de réappropriation du savoir sous toutes ses formes. Comment l'œuvre de fiction francophone distingue-t-elle la réalité des faits de leur interprétation ? Comment traite-t-elle la question de l'institutionnalisation des croyances et des partis pris idéologiques, de leur internationalisation, mais aussi de la colonisation des savoirs et, partant, des esprits ? Comment cherche-t-elle à remettre, ou non, en question les frontières disciplinaires dans l'espace de la fiction et à privilégier la transdisciplinarité ?

3. … pour mieux (re)bâtir

Étudier la manière dont l'œuvre littéraire francophone tente de réconcilier des visions du monde présentées comme opposées, telles que fiction et réalité, savoir théorique et expérience pratique, subjectivité et objectivité, culture et nature, science et imaginaire, raison et imagination, matérialité et spiritualité ou encore histoire et littérature. Quelles sont les stratégies mises en place pour dépasser ces systèmes d'opposition en synchronie (passé vs présent), mais aussi en diachronie (Occident vs le reste du monde) ? De quelle manière les littératures francophones (re)découvrent-elles et valorisent-elles des savoirs ancestraux ? Ces derniers sont-ils mis au service de la fiction car ils relèveraient davantage de la superstition, de l’imagination ? Ou bien la fiction est-elle mise au service d’une forme de légitimation de ces croyances ? Finalité esthétique ou agenda politique ?

4. … l'avenir

S'interroger sur les potentialités de l'acte fictionnel et le rôle de l'écrivain francophone qui se fait tour à tour mythologue, historiographe, épistémologue ou encore exégète. Quelles conséquences ces postures, qu'elles soient assumées ou non, ont-elles sur la forme du texte littéraire (langue utilisée, terminologie employée) ? Mais aussi sur les choix thématiques opérés (dimension méta-réflexive) ? La fiction francophone peut-elle produire de nouveaux savoirs sur le monde ? Si oui, en quoi lui sont-ils spécifiques et quelle relation entretiennent-ils avec le réel ? Les écritures francophones contemporaines vont-elles jusqu'à participer à la théorisation de nouvelles sciences (plus) humaines ? Dans ce cas, quelle est leur contribution au renouvellement du champ d'étude dans lequel elles s'inscrivent ?

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Responsable de l'atelier :

Julia Galmiche, Université de Toronto

julia.galmiche@mail.utoronto.ca

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Date limite pour l’envoi des propositions (250-300 mots) : le 15 décembre 2019

Les personnes ayant soumis une proposition de communication recevront un message de l'organisatrice de l’atelier avant le 20 janvier 2020 les informant de sa décision. L’adhésion à l’APFUCC est requise pour participer au colloque. Il est également d’usage de régler les frais de participation au Congrès des Sciences humaines ainsi que les frais de conférence de l’APFUCC. Ils doivent être réglés avant le 31 mars 2020 pour bénéficier des tarifs préférentiels. La date limite pour régler les frais de conférence et l’adhésion est le 10 avril 2020. Passé cette date, le titre de votre communication sera retiré du programme de l’APFUCC.

Vous ne pouvez soumettre qu’une seule proposition de communication pour le colloque de 2020. Toutes les communications doivent être présentées en français pour l’APFUCC, en personne, même dans le cas d’une collaboration.

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RÉFÉRENCES

Barthes, Roland (1957). Mythologies. Paris : Éditions du Seuil.

Basto, Maria-Benedita (2014). « Une main peut en cacher une autre : décolonisation des savoirs, histoire et épistémologie au cœur des écritures littéraires mozambicaines ». Études littéraires africaines, 37, pp. 53-72.

Fanoudh-Siefer, Léon (1968). Le Mythe du nègre et de l'Afrique noire dans la littérature française (de 1800 à la 2e Guerre Mondiale). Paris : Librairie C. Klincksieck.

Mudimbe, Valentin-Yves (1988). The Invention of Africa. Gnosis, Philosophy, and the Order of Knowledge. Bloomington : Indiana University Press.