Parutions Acta Fabula https://www.fabula.org/revue/ Dans l'ensemble des publications consacrées à la littérature, Acta fabula sepropose de recenser les essais présentant de nouveaux objets théoriques,mais aussi les ouvrages collectifs qui, relevant d'un champ disciplinaireplus étroit, recèlent de réels enjeux de poétique générale. fr contacts@fabula.org (Webmestre Fabula) 60 Copyright © Fabula contacts@fabula.org (Webmestre Fabula) acta Entre diffraction et constellation. Mallarmé entre les arts https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20187 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20187/Couv_Cabral_Illouz_Mallarmé.jpg" width="100px" />Lauréat 2025 du Prix Henri Mondor de l’Académie française pour son ouvrage, Jean-Nicolas Illouz, professeur à l’université Paris 8 (Vincennes à Saint-Denis) et spécialiste de Nerval, de Mallarmé, du symbolisme et des rapports entre la poésie et les arts, propose dans Mallarmé entre les arts (Presses universitaires de Rennes), un travail critique inédit sur les interactions entre le poète de la Rue de Rome et les artistes de son temps – peintres, musiciens, photographes – ainsi que de ses relectures contemporaines. Le livre s’inscrit dans une tradition de recherche sur les relations entre les arts, mais il en renouvelle les termes par son refus de toute synthèse illustrative : loin de l’idée d’une œuvre d’art totale, Mallarmé devient chez Illouz l’opérateur d’un dispositif de diffraction formelle. Mallarmé entre les arts n’est pas un livre que l’on parcoure d’un trait : il se déplie, pli selon pli, à la manière d’une partition où chaque chapitre, autonome et résonant, module un rapport singulier entre les formes. Ce livre interroge une question centrale : comment une œuvre poétique agit-elle sur la lisibilité des autres arts ? Et plus largement : comment Mallarmé permet-il de penser un autre régime de coexistence entre le texte, l’image, le son et le silence ? Il faut saluer dans Mallarmé entre les arts une entreprise d’une rare exigence, qui ne se contente pas de revisiter une œuvre, mais en interroge les conditions mêmes d’apparition et de lisibilité. Jean-Nicolas Illouz ne suppose pas entre les arts une continuité de principe ni une transparence des langages : il interroge, avec finesse, les points de friction, les seuils de forme, les écarts de temporalité et de support. Il fait œuvre d’analyse dans le geste même de la dissémination, en se tenant au plus près des textes, des images, des sons, des silences qui constituent la constellation mallarméenne de la modernité. Le titre du livre est programmatique : Mallarmé entre les arts : ni au-dessus, ni à la croisée, mais dans cet intervalle agissant, ce suspens fertile que Derrida, Blanchot, Valéry ou Boulez auront lu comme un champ critique. Le projet critique ne vise pas une cartographie des influences, mais une relecture serrée des formes de coexistence, de diffraction, de seuil. C’est en cela que le livre d’Illouz ne suit pas la logique du commentaire linéaire : il module, déplace, replie les gestes du poète au contact d’autres arts. Lire ce livre, c’est entrer dans une composition de tensions et de repr Tue, 28 Oct 2025 11:58:35 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20187 acta Plasticités de l’écopoétique : régler ses contes au monde https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20115 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20115/126067_062722b0b19db78170a169f2c62f872f.jpg" width="100px" />Dans son ouvrage aux airs de manuel d’écopoétique, Christine Marcandier nous offre une carte des diverses sentes à arpenter dans cette « (in)discipline » (p. 5) encore jeune. Le livre part sur la piste d’une définition de l’écopoétique — définition nécessairement temporaire, en constante reformulation, à la fois du fait qu’il s’agit d’une discipline très récente aux croisements de nombreuses disciplines, mais aussi dans la mesure où l’écopoétique est elle-même attentive aux métamorphoses, aux reconfigurations, ainsi qu’aux dimensions protéennes parallèles du vivant et de la littérature. À cet égard, l’autrice s’inspire de Derrida ainsi que d’Anne Simon pour figurer l’écopoétique comme plasticité : C’est là sa difficulté comme sa richesse : sa plasticité permet de s’approprier ses méthodes et de les modeler (c’est le sens étymologique du terme plassein, façonner, modeler puis imaginer et créer), avant qu’il ne renvoie à un polymère saturé d’additifs et colorants, à cette matière dont les microbilles colonisent terres, eaux et corps. (p. 74) Cette plasticité faite méthode est le sens de la démarche de l’autrice. La forme même de l’ouvrage, lequel est composé de huit chapitres, d’une introduction et d’un propos conclusif, consiste en une navigation entre références théoriques et littéraires, faisant également la part belle aux pratiques écopoétiques. Il s’agit proprement de mettre en œuvre ce que les textes font et défont : déployer des imaginaires, mobiliser des affects, avancer des idées, proposer d’autres narratifs. Empruntant à de nombreux champs disciplinaires, à de nombreux auteurs et autrices, Christine Marcandier nous propose un parcours balisé de l’écopoétique, qui n’hésite pas parfois à se laisser volontairement dériver. Au carrefour des dénominations Tout le livre se fonde sur l’idée que l’écopoétique « n’est pas seulement une manière de lier littérature et écologie » (p. 6), mais une façon de faire de la littérature, revenant par là sur le poïein spécifique de l’écopoétique. Plus précisément, cette dernière est « une méthode critique qui porte un discours à la fois formel et éthique et se situe dans un espace de convergence entre arts et sciences » (p. 73), susceptible par exemple de « réactive[r] et met[tre] en mouvement des mots en retrouvant leurs étymons » (p. 188). Il s’agit ainsi d’une entreprise de décentrement diversifiée, pluridisciplinaire, transversale, laquelle à cet égard ne peut pas per definitionem être considérée comme neutre. Elle Tue, 14 Oct 2025 12:12:20 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20115 acta Approcher l’art avec André du Bouchet : la poésie comme geste de création critique https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20170 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20170/Capture d’écran 2025-10-25 à 11.50.26.png" width="100px" />À l’automne 2024, alors que l’on fêtait le centenaire de la naissance du poète André du Bouchet (1924-2001), Martine Créac’h a fait paraître, en un ouvrage concis, une étude extrêmement fouillée de la relation singulière que l’écrivain a entretenue durant toute sa vie avec les arts plastiques, et en particulier la peinture. Grand amateur d’art, André du Bouchet a en effet consacré de nombreux textes aux œuvres de ses contemporains – dont Alberto Giacometti, Jean Hélion, Nicolas de Staël et Pierre Tal Coat – mais aussi aux œuvres de siècles antérieurs – notamment à celles d’Hercules Seghers, Nicolas Poussin, Théodore Géricault et Gustave Courbet. Une part importante de ces textes avait été rassemblée par Thomas Augais dans un livre paru en 2017 aux éditions Le Bruit du temps, sous le titre La peinture n’a jamais existé. Écrits sur l’art 1949-19991. Dans Sortir de l’art. André du Bouchet, M. Créac’h offre une analyse fine et renouvelée de ce corpus très riche qu’elle fait dialoguer non seulement avec d’autres textes de l’écrivain – y compris tous ceux qu’il a pu écrire sur la poésie elle-même – mais aussi avec ceux de ses aînés – Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Stéphane Mallarmé, Ossip Mandelstam – et ceux des poètes de son temps – Yves Bonnefoy, Pierre Reverdy, René Char, Paul Celan et bien d’autres encore. À travers cet essai éminemment polyphonique, elle poursuit ainsi son travail d’exploration des discours littéraires sur l’art et plus précisément des liens profonds qui unissent la peinture à la création poétique. Un paradoxe inaugural Le titre de l’ouvrage – Sortir de l’art – est intrigant car a priori paradoxal : il suggère une volonté de la part d’André du Bouchet de prendre ses distances vis-à-vis de ce qui, justement, constitue l’objet de son attention la plus vive. Il confère même à cette volonté un caractère d’urgence qui donnerait presque l’impression que l’art étouffe celles et ceux qui le côtoient. M. Créac’h introduit son propos en nous éclairant sur ce point. Ce titre renvoie directement à celui d’un texte publié par André du Bouchet en 1969, en réaction à la rétrospective Giacometti qu’il vient de découvrir au musée de l’Orangerie à Paris : « ...tournant au plus vite le dos au fatras de l’art2 ». Ce qui s’opère à travers ce texte, c’est la distinction qu’établit le poète entre l’art – terme abstrait désignant un cadre figé par une longue tradition critique et par une institution muséale dont se méfie André du Bouchet – et, d’autre part, Sat, 25 Oct 2025 11:57:00 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20170 acta Contemporanéités du Parnasse contemporain. Contextualisation historique et réactualisation critique https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20119 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20119/Capture d’écran 2025-10-14 à 12.24.33.png" width="100px" />Au cours de l’automne 1865, la préfecture de Paris refuse le projet de lectures poétiques proposé par Catulle Mendès, qui devait réunir Leconte de Lisle, Baudelaire, Banville, Ménard, Boyer, Villiers et Dierx, cosignataires de la demande, et se proposant de faire entendre des vers inédits et des traductions poétiques. Ainsi naît l’idée du Parnasse contemporain. Recueil de vers nouveaux, appelé à remplacer ces lectures : sur une idée de Mendès, grâce à l’éditeur Alphonse Lemerre et aux fonds de Louis-Xavier Ricard, les poètes de la nouvelle école du siècle sont publiés en une anthologie de dix-huit livraisons hebdomadaires, le samedi, du 3 mars au 30 juin 1866. Moins de cent soixante ans après, Henri Scepi et Seth Whidden, professeurs de littérature française respectivement à l’Université Sorbonne Nouvelle et au Queen’s Collège à Oxford, décident de publier la première édition critique de ce recueil en feuilleton. Ils réunissent les dix-huit livraisons en volume et font appel à plusieurs nouvelles voix de la critique dix-neuvièmiste pour analyser les poèmes et en recontextualiser la publication. Bien plus qu’une anthologie Après la préface des deux éditeurs scientifiques, l’introduction de Yann Mortelette invite le lecteur à se plonger dans les dynamiques relationnelles et professionnelles reliant entre eux ces poètes qui, à la moitié des années 1860, décident d’agir en groupe pour que leurs vues poétiques se diffusent davantage et soient perçues comme un véritable mouvement. Ainsi, le Parnasse contemporain est introduit du point de vue historique en amont et en aval de sa publication – de l’origine du projet à sa réception controversée –, mais aussi dans une perspective poétique : une vision d’ensemble des choix thématiques, métriques et stylistiques des poètes est esquissée, rendant compte des tendances communes et des divergences. Les dix-huit livraisons s’offrent ensuite au lecteur l’une après l’autre, constituées des poèmes tels qu’ils se suivaient dans l’édition de 1866 : l’orthographe est maintenue, les notes critiques en bas de page reflètent l’état de l’original et seules les variantes précédant les livraisons, hors manuscrit, sont indiquées. Enfin, chaque livraison est suivie d’une notice qui recontextualise l’anthologie de poèmes en question dans le projet éditorial global, dans le paysage littéraire et social de l’époque et dans l’œuvre de ses auteurs, pour développer une interprétation critique de la composition, de la poétique et de l’esthéti Tue, 14 Oct 2025 12:19:45 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20119 acta Échappées épistolaires : ces mots trop clairs pour être compris https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20136 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20136/couv_gur_bousquet.jpg" width="100px" />Écoutez-moi bien : la parole entendue inspire la parole prononcée ; les mots naissent de la lumière qu’ils seront dans l’âme formée pour les recueillir1. Préfacé et annoté par Paul Giro (auteur d’une monumentale biographie de Joe Bousquet [1897-1950]2), L’Opium des songes (un recueil de lettres adressées à Ginette Lauer, entre juillet 1938 et juillet 1945) nous invite à réexaminer les enjeux singuliers de la démarche littéraire que l’auteur de Traduit du silence (1941) n’aura eu cesse d’asseoir au fil de ses œuvres et de son journal, voire au sein des précédents recueils épistolaires publiés à ce jour : notamment les Lettres à Marthe, comme celles à Poisson d’Or, ou encore à Ginette Augier. L’étoffe des enchantements Dans L’Opium des songes, l’espace intime qui s’ouvre à Ginette Lauer n’est autre que l’atelier au creuset duquel Bousquet vient de mettre « le point final à trois livres de prose » : Le Mal d’enfance, Le Passeur s’est endormi et Iris et Petite-Fumée. Alité depuis la blessure de guerre qui, en 1918, l’avait condamné à l’immobilité, Bousquet lui présente son alcôve en des termes qui en font une chambre d’échos, un carrefour propice aux émotions suscitées par des regards, des intonations verbales et des lectures : « Il n’y a pas un rayon dans l’atmosphère de ma chambre qui ne me parle de mon cœur. J’entends de jolies voix, je vois des yeux purs, je lis des livres qui m’émeuvent » (p. 139). C’est au cœur de cet espace en enfilade que la rémission est appelée à prendre la forme salutaire que la démarche poétique, onirique et existentielle s’emploie à déterminer : « Ma survie a étonné les médecins, moi aussi » (p. 30), « J’ai fait l’oubli sur mon mal. J’ai fraudé mon sort […]. J’ai respiré l’opium des paroles, des songes » (p. 30). La métaphore du stupéfiant évoqué mérite toute notre attention : le comparant choisi pour associer la parole et le songe (dont l’action hallucinogène interne laisse une empreinte dans l’œil de ceux qui s’y adonnent3) traduit notamment « cette peur de mes yeux de se fermer sur moi » dont il est question dans La Connaissance du Soir4, et qui nourrit une œuvre qui, à maints égards, s’est frayée une voie singulière au « carrefour des enchantements » surréalistes5. Aussi est-ce le goût manifesté pour l’émotion poétique qui ouvre la porte de l’antre ombragé à la jeune femme (à qui sont adressées ces lettres si riches en conseils et recommandations de lectures variées), sans pour autant que Bousquet se flatte toujours des nombr Thu, 16 Oct 2025 12:41:06 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20136 acta Dramaturgie et duplicité : relire Euripide au prisme de la ruse https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=19983 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/19983/couv Latifses.jpg" width="100px" />Depuis le ve siècle av. J.-C., l’œuvre d’Euripide fascine par son goût du paradoxe, ses figures ambivalentes et ses situations aux contours incertains. Dans La Muse trompeuse. Dramaturgie de la ruse dans les tragédies d’Euripide, un ouvrage issu de sa thèse de doctorat, publié aux Belles Lettres en 2021 et récompensé par le prix Alfred Croiset en 2022, Ajda Latifses s’attache à démontrer que la ruse n’est pas simplement un motif récurrent, mais une véritable matrice dramaturgique du spectacle euripidéen. Sa démarche s’inscrit dans la continuité d’études récentes sur le théâtre antique, initiées, entre autres, par Oliver Taplin, Christine Mauduit, Vincenzo di Benedetto et Enrico Medda1. Au prisme de la duplicité, du déguisement, de l’artifice, l’ouvrage propose ainsi une relecture ambitieuse et bien menée de onze pièces du corpus euripidéen (Médée, Hippolyte, Andromaque, Hécube, Ion, Iphigénie en Tauride, Électre, Hélène, Oreste, Iphigénie à Aulis, Les Bacchantes), intégralement conservées, qui permettent à Ajda Latifses d’élaborer une typologie cohérente de la ruse euripidéenne. En effet, dans chacune de ces tragédies, la mise en scène de la ruse s’inscrit dans la forme du scénario rusé et de scène types. Au ve siècle av. J.-C, Aristophane mettait déjà en lumière la récurrence et l’importance du thème de la ruse dans les tragédies euripidéennes, comme le rappelle l’introduction (p. 9-12). Les Grenouilles et les Thesmophories, qui parodient le style et l’intrigue des pièces d’Euripide, prennent une dimension souvent métatragique et présentent le poète comme un maître des raisonnements subtils, de la controverse et des artifices. Remarquée et détournée par le poète comique, la ruse euripidéenne a été quelque peu oubliée par les analyses dramaturgiques. Il fallut attendre la définition que Friedrich Solmsen proposa du mèchanèma comme « le choix et l’utilisation calculateurs, rusés, de moyens appropriés à des fins égoïstement poursuivies2 » puis l’intégration de la ruse parmi les formes caractéristiques de la dramaturgie euripidéenne qu’initia Hans Strohm3, pour qu’elle devienne centrale. Rompant avec l’approche morale de Friedrich Solmsen, Ajda Latifses cherche à combler les lacunes de l’étude de Hans Strohm, qui raisonne en termes de moments de l’intrigue et non de paradigmes dramaturgiques ou de dispositifs discursifs et spectaculaires. Son étude thématique permet également de croiser des réflexions jusque-là dispersées dans des études portant spécifiquemen Thu, 18 Sep 2025 11:24:16 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=19983 acta Contre la norme, la tragédie. Pour une lecture queer et décoloniale de la tragédie grecque, de Judith Butler à Mario Telò https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20004 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20004/couverture Telo.jpg" width="100px" />Dernier ouvrage en date de Mario Telò, professeur de littérature comparée et d’études grecques et latines à l’Université de Californie, Reading Greek Tragedy with Judith Butler est une discussion entre les deux penseur-se-s, qui invite à relire les tragédies grecques à l’aune du présent. Le chercheur interroge leur réception située et les fait dialoguer avec des philosophies, modes de pensées et théories critiques contemporaines, comme c’était le cas dans ses précédents ouvrages. Dans Greek Tragedy in a Global Crisis: Reading Through Pandemic Times1 écrit en 2020 et publié en 2023, il interroge le sens que peuvent prendre les tragédies grecques pendant une période aussi déstabilisante et « tragique2 », selon ses propres mots, que celle du confinement. À travers l’ouvrage Archive Feelings: A Theory of Greek Tragedy3, le chercheur repense les tragédies antiques à l’aune d’enjeux contemporains, en mobilisant la psychanalyse, la philosophie, les queer studies et les études décoloniales. Dans le sillage de ces deux essais, Reading Greek Tragedy with Judith Butler fait entrer en résonance les théories de l’auteur avec celles de Judith Butler sur la tragédie grecque. Mario Telò s’appuie sur Antigone’s Claims4, une étude politique et queer de l’Antigone de Sophocle, et des articles et conférences sur les Bacchantes d’Euripide5 et les Euménides d’Eschyle6. Judith Butler, philosophe et pionnier-ère des études de genre, s’appuie régulièrement sur ces trois tragédies pour développer ses théories sur les relations familiales et sociales et sur la violence systémique, et pour réfléchir aux questions de genre, de sexualité et de reconnaissance, notamment dans les luttes LGBTQIA+. Son travail sur les tragédies est philosophique et politique : la tragédie grecque lui donne un cadre discursif pour remettre en question des structures du pouvoir relationnel et politique, voire psychique, perçues comme naturelles, tout en lui permettant d’imaginer les nouvelles formes que peut prendre le lien social. L’approche philosophique se double d’une approche dramaturgique : Judith Butler lit les tragédies en praticien-ne du théâtre et a par ailleurs interprété Créon dans la réécriture d’Anne Carson, Antigonick, en 2012. À partir de ce qu’il nomme la « trilogie butlerienne », Mario Telò invite à déplacer notre regard sur les tragédies grecques en les lisant à partir d’un horizon contemporain. Sa lecture interroge la manière dont ces textes permettent de penser l’altérité — entendue ici Fri, 19 Sep 2025 08:59:18 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20004 acta Diomède à la croisée des chemins : réappropriations d’un mythe https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=19965 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/19965/couv Barbara.jpg" width="100px" />Issu du remaniement d’une thèse de doctorat soutenue vingt ans plus tôt1, l’ouvrage Diomède outre-mer de Sébastien Barbara, actuellement Maître de conférences en « Langue et littérature latines » à l’Université de Lille, comble un manque dans les études de réception des grands héros grecs de la « génération troyenne », en sortant de l’ombre l’un des chefs de guerre achéens resté largement méconnu en Occident à l’inverse d’Achille, d’Ulysse ou d’Agamemnon avec lesquels il assiégeait la cité de Troie. Ce ne sont cependant pas les exploits du fils de Tydée aux chants V et VI de l’Iliade qui intéressent Sébastien Barbara, mais son destin italien. Conformément à un schéma récurrent dans la littérature grecque, les poètes ont élaboré une suite aux épopées d’Homère et du cycle, construisant le devenir occidental du personnage parallèlement aux phénomènes de diasporas historiques qui s’enchaînent à partir du viiie siècle avant notre ère. Depuis la poésie de Mimnerme, l’histoire la plus répandue rapporte que Diomède, une fois de retour dans sa cité d’Argos, aurait échappé de peu à une tentative de meurtre fomentée par son épouse Aigialé. Son exil le mène sur les côtes italiennes, plus précisément en Apulie, correspondant à l’actuelle région des Pouilles, où il aurait fondé plusieurs cités qui lui auraient ensuite dédié un culte. Contrairement à ce que laisserait paraître ce rapide résumé des aventures posthomériques du héros épique, le but de cette monographie n’est pas de « construire une sorte d’“odyssée” de Diomède » (p. 126), qui mettrait bout à bout les différents épisodes connus pour constituer une œuvre linéaire et cohérente. C’est dans toute sa complexité qu’est envisagé ce mythe, à travers une enquête minutieuse qui confronte la tradition littéraire aux données historiques, archéologiques et iconographiques2. Les deux premières parties de l’analyse sont consacrées à l’étude diachronique des textes grecs (« Entre Troie et l’Hespérie », p. 43 sq.) et latins (« Légendes et fondations de Diomède en Italie », p. 131 sq.), qui ont contribué à forger le mythe du héros achéen en Occident. Sébastien Barbara expose ensuite les différents cultes rendus à Diomède en Italie (p. 423 sq.) avant de s’interroger sur les rapports entre « Rome et la légende de Diomède en Italie » (p. 559) en s’appuyant sur les éléments offerts par les différents contextes historiques. Il serait impossible de rendre compte de façon exhaustive de la richesse de cette monographie qui retrace su Thu, 18 Sep 2025 11:12:52 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=19965 acta Quand une prophétesse païenne annonce la révélation biblique en hexamètres : analyse poétologique des Oracles Sibyllins https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20028 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20028/couv Lafontaine.jpg" width="100px" />La monographie de Xavier Lafontaine, issue de sa thèse de doctorat, est le couronnement de plusieurs années de recherche combinant sciences religieuses et philologie classique1. Son but est, comme le titre l’indique, de décrire l’articulation entre la culture grecque et une collection de prophéties d’inspiration biblique, placées sous « l’autorité2 » de la Sibylle3. Pour ce faire, il propose, en partant de ce qu’il identifie comme un « phénomène littéraire, celui de la réécriture des matériaux narratifs liés aux traditions bibliques » (p. 6), une analyse littéraire des modalités linguistiques et poétiques de l’élaboration de ces λόγοι oraculaires. Face à la variété des sibyllistes ayant vécu à des époques différentes et dont les discours reflètent, dans leur « dialogue conscient avec les formes littéraires grecques » (p. 115), « les goûts et les attentes des communautés où les Oracles Sibyllins ont vu le jour et circulé » (p. 113), il identifie des « marqueurs textuels qui permettent de construire les parentés génériques, à travers l’ensemble du « corpus » qui nous est parvenu, en soulignant les continuités formelles qui traversent ces textes sans trop en niveler la diversité » (p. 12). S’inscrivant explicitement dans la lignée de Jane Lightfoot4 qui avait déjà noté que le contenu des Oracles Sibyllins était plus étudié que la manière dont les sibyllistes s’expriment, Xavier Lafontaine « éclaire les stratégies littéraires de mobilisation du matériau biblique » (p. 6) en utilisant la théorisation genettienne de l’intertextualité basée sur les notions d’hypertexte et d’hypotexte5 ainsi que les travaux sur la tradition scolaire (paideia) des progymnasmata rhétoriques, la théorie ancienne de la paraphrase, et leur importance dans la formation des élites cultivées6 et par conséquent dans celle des sibyllistes. L’utilisation de Genette s’articule par ailleurs avec un rejet explicite de l’approche de la Quellenforschung : l’Auteur insiste en effet sur la notion de « dialogue conscient avec le texte d’origine » (p. 117) que sous-entendrait le terme d’hypotexte, dialogue qu’il oppose à la Quellenforschung « qui identifie les sources sans poser de manière aussi explicite la question des enjeux littéraires de la reformulation ». Dans son organisation globale, l’ouvrage de Xavier Lafontaine est constitué de deux parties. Dans une première, définitoire et au titre explicite (« Inscription générique des Oracles Sibyllins »), l’Auteur s’attache « à mettre en valeur les c Sun, 21 Sep 2025 19:24:05 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20028 acta La tragédie grecque à demi-mot ? Présences et influences des modèles grecs sur la formation de la tragédie française https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=19996 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/19996/origines-grecques-tragedie-francaise-560x844.jpg" width="100px" />La dimension polémique de l’ouvrage de Tristan Alonge apparaît dans le titre, programmatique : Les Origines grecques de la tragédie française : une occasion manquée. L’auteur annonce d’emblée prendre le contre-pied de la doxa consistant à faire de la tragédie à la française un genre littéraire inspiré par le latin Sénèque. L’auteur compte explorer les différentes manifestations d’influence de la tragédie grecque sur la tragédie française, tout en prenant acte de l’échec, ou du moins de tentatives inabouties, pour imposer le corpus grec sur la scène française. Pour ce faire, il embrasse un corpus couvrant les xvie et xviie siècles, identifiant dans la traduction française de l’Électre de Sophocle en 1529 le point de départ d’un contact des dramaturges français avec la tragédie grecque, et dans la représentation de la Phèdre de Racine en 1677 le point d’aboutissement de ce mouvement de récupération. Cette ampleur chronologique a pour ambition de sortir la tragédie racinienne d’un certain isolement pour la resituer dans un parcours plus large de réappropriation ou de rejet des textes grecs. Dans un livre à l’organisation principalement chronologique, Tristan Alonge a donc le mérite d’attirer l’attention sur un phénomène largement sous-estimé qui l’inscrit parfaitement dans l’effervescence des études sur la réception de la tragédie grecque dans l’Europe de la première modernité1. Plutôt qu’un résumé de l’ouvrage, nous proposons ici d’en reparcourir des aspects thématiques, en partant du contexte historique pour aborder ensuite les interprétations de l’auteur afin d’expliquer l’absence de la tragédie grecque, avant de suggérer des pistes, moins explorées dans l’ouvrage, qui permettent de compléter ce panorama des rapports entre la tragédie grecque et la tragédie française. L’hellénisme, un mouvement culturel au piège des querelles religieuses Pour comprendre le bouillonnement des écrits directement inspirés par la tragédie grecque dans les années 1530-1550 puis leur évanouissement soudain, Tristan Alonge s’appuie en grande partie sur le contexte historique, et surtout religieux, de ces deux siècles. L’attention portée au cadre historique, auquel sont dédiés des chapitres entiers (en particulier le chapitre trois sur les cercles hellénistes des années 1530, et le chapitre cinq sur la place du grec dans l’enseignement jésuite au xviie siècle), vise à rendre compte d’un certain nombre de phénomènes d’un point de vue extra-littéraire. Ces analyses se révèlent surto Fri, 19 Sep 2025 08:56:53 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=19996 acta Défense et illustration de la littérature latine médiévale https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20058 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20058/Tilliette.jpg" width="100px" />La Littérature latine du Moyen Âge. Les jeux d’une langue poétique est l’œuvre d’une carrière. L’ouvrage réunit près de seize contributions présentées comme des essais1 qui ont jalonné le parcours de Jean-Yves Tilliette, professeur de langue et littérature latines médiévales à l’Université de Genève, de 1990 à 2019. Le titre, en apparence simple, annonce en réalité la dimension polémique du projet : défendre l’idée d’une littérature latine médiévale face à la réticence encore observable de nos jours à inclure les écrits latins de l’époque dans le champ du littéraire. Si, comme Jean-Yves Tilliette le note, « nul ne dénie aux œuvres en langues vernaculaires composées entre le xe (Beowulf) et le xve siècles (François Villon) l’appartenance de plein droit à la Littérature, avec ou sans majuscule » (p. 9) depuis le xixe siècle, il semble encore difficile d’en dire de même des œuvres latines qui leur sont contemporaines. C’est donc la défense de la validité du syntagme « littérature latine médiévale » que l’auteur entend mener au travers des contributions qu’il a sélectionnées et réunies en trois parties : « Questions de méthode », « Dialogues avec l’Antiquité » et « Dialogues avec la littérature en langue vulgaire ». Ces trois parties sont encadrées par un avant-propos intitulé « Qu’est-ce que la littérature (latine médiévale) ? », dont l’usage des parenthèses dévoile les contours de la question, et par la dernière contribution, formant à elle seule une section intitulée « Finale », qui n’est autre que la leçon d’adieu prononcée par Jean-Yves Tilliette à l’Université de Genève en 2019. On notera également la présence d’une courte bibliographie, destinée à lister les principaux textes cités (p. 341-343), et deux index : l’un pour les auteurs anciens et œuvres anonymes (p. 345 sq), le second pour les auteurs modernes (p. 349 sq). Existe-t-il une littérature latine médiévale ? Dans son avant-propos, Jean-Yves Tilliette affronte les objections à parler de littérature au sujet des écrits latins du Moyen Âge. Il rappelle notamment « l’inadéquation aux productions anciennes du terme de littérature dans ses acceptions modernes […] » (p. 9) et l’image d’un Moyen Âge « réfractaire au jugement esthétique » (p. 10) du point de vue de l’histoire littéraire scolaire. C’est que la littérature latine du Moyen Âge pâtit d’une lecture qui « brouille [s]a visibilité » (p. 11). Jusqu’au début du xxe siècle, le regard porté sur ces textes n’est pas littéraire2. Son « triple handica Mon, 06 Oct 2025 17:29:48 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20058 acta Achille et Patrocle : itinéraire et cartographie d’un couple devenu mythique https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20067 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20067/Achille et Patrocle_C Gendry.png" width="100px" />I knew I’d stumbled on something too private to be witnessed. There were always those, then and later, who believed Achilles and Patroclus were lovers. Theirs was a relationship that invited speculation […]. And perhaps they were lovers, or had been at some stage, but what I saw on the beach that night went beyond sex, and perhaps even beyond love. I didn’t understand it then — and I’m not sure I do now — but I recognized its power1. Dans son article précurseur consacré aux liens entre « mythes, littérature et gender », Véronique Gély pose la question de l’existence de « mythes masculins2 », regrettant le manque d’études sur les masculinités en comparaison de celles menées sur les « mythes féminins », plus particulièrement sur « l’âge d’homme », défini comme « la maturité active, de celui qui est censé [...] exercer charges, responsabilités, pouvoir3 ». Semblant répondre à cet appel, l’ouvrage de Cyril Gendry vient retracer la réception d’un couple supra-célèbre qui restait en attente d’une « étude d’importance » (p. 25) d’ordre diachronique s’intéressant à la nature de leur relation, de même qu’il apporte un éclairage bienvenu au domaine de l’étude des mythes, alimenté par les études de genre et les études gays. L’auteur met à profit sa formation en lettres classiques dans cette publication qui reprend sa thèse de littérature comparée, dirigée par Véronique Gély et soutenue en 2020 à Sorbonne Université : l’ouvrage prend en effet à bras-le-corps cette vision « anachronique » (p. 19) faisant d’Achille et de Patrocle un couple homosexuel, qui circule dans les productions culturelles contemporaines (notamment de l’aire anglophone4) et fonde l’hypothèse de recherche à l’origine de l’étude (p. 29), dont le lecteur est invité à observer les évolutions au fil des introductions et conclusions partielles. Les réflexions de Cyril Gendry s’inscrivent en ce sens dans l’héritage des débats historiographiques ayant eu cours dans les années 1980 et 1990 à partir des travaux de John Winkler et de David Halperin, lesquels postulent que l’Antiquité grecque se situe « before sexuality5 », c’est-à-dire qu’il s’agit d’une « société où les catégories d’homo– et d’hétérosexualité n’existent pas mais aussi [d’]une société dans laquelle le sexe n’est pas un critère identitaire6 ». Si, depuis ces débats, l’Antiquité a cristallisé de nombreuses réflexions sur les identités de genre et les sexualités7, l’ouvrage éclaire avec précision cette période tout en considérant sur le temps l Mon, 06 Oct 2025 17:34:57 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20067 acta La philosophie antique était-elle une quête de savoir ou une manière de vivre ? Une discussion de la conception de Pierre Hadot par Sylvain Roux https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20015 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20015/Roux image couv.jpg" width="100px" />Un nécessaire changement de paradigme en histoire de la philosophie antique ? Il y a plus d’un demi-siècle, Pierre Hadot commençait d’élaborer une conception originale de la philosophie antique selon laquelle celle-ci ne consiste pas — ou pas seulement — dans une réflexion théorique, mais avant tout dans la pratique d’exercices spirituels visant à transformer l’existence même du sujet. Le modèle de la philosophie comme manière de vivre est peu à peu devenu incontournable pour les historiens de la philosophie antique. Il a aussi largement contribué à populariser cette dernière auprès du grand public, en lui prêtant une dimension pratique contrastant avec le caractère spéculatif que l’on associe plus volontiers à la philosophie aujourd’hui. C’est précisément ce modèle que Sylvain Roux se propose de soumettre à un examen critique dans le présent ouvrage. Comme peut le laisser deviner le sous-titre, Sylvain Roux interprète la situation actuelle de l’histoire de la philosophie antique à l’aide de la théorie des révolutions scientifiques proposée par Thomas Kuhn : selon celle-ci, la science connaît des moments de crise lors desquels « le paradigme dominant se trouve mis en difficulté par des problèmes qu’il ne peut et ne sait résoudre » (p. 10), et laisse progressivement la place à un nouveau paradigme. Si le rapprochement est intéressant, dans la mesure où la théorie de Pierre Hadot a effectivement pu jouer un rôle structurant pour la discipline pendant plusieurs décennies, il ne nous semble pas devoir être poursuivi jusqu’à son terme : en histoire de la philosophie, il n’est sans doute pas nécessaire qu’un ancien paradigme laisse place à un nouveau — ce que Sylvain Roux soutient lui-même (p. 17). Comme nous le suggérerons en conclusion, une situation de controverse entre plusieurs théories concurrentes peut même sembler plus propice à l’interprétation des textes. Dans l’introduction, l’auteur met en évidence les deux présupposés que recèlerait la conception de Pierre Hadot et qui justifieraient qu’on la discute. Un présupposé de nature biographique d’abord : c’est poussé par son insatisfaction à l’endroit de la philosophie contemporaine que Pierre Hadot aurait cherché dans l’Antiquité une forme antagoniste d’activité philosophique, qui se serait perdue au fil des siècles (p. 14-15). Il ne nous paraît pas, toutefois, que les raisons biographiques de la constitution d’une théorie suffisent à discréditer cette dernière, même si elles peuvent éventuellement faire Fri, 19 Sep 2025 09:03:29 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20015 acta Subversion du style, théorie linguistique, jeux poétiques, histoire de la traduction : transformations et héritages de la langue latine entre Antiquité et première modernité https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20065 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20065/couv Laurens.jpg" width="100px" />L’ouvrage de Pierre Laurens explore les différentes conceptions et réappropriations de la langue latine par les auteurs du début de l’époque moderne. Au travers de vingt chapitres regroupés en parties thématiques, cette collection d’essais propose de multiples réflexions sur les ressources de la langue latine, à une époque où celle-ci s’impose comme langue de communication savante et fait alors l’objet de vifs débats sur les adaptations et torsions qu’elle peut ou non subir. À quinze contributions plus anciennes, augmentées ou remaniées, l’ouvrage associe cinq chapitres inédits qui viennent illustrer les innovations linguistiques que connaît la langue latine sous la plume des auteurs de la première modernité. Épigrammes : du grec au latin, de l’Antique au Moderne La première partie se focalise sur les « Différences » entre grec et latin mais aussi entre antique et moderne. Le premier chapitre propose une étude de la performance descriptive dans les épigrammes du livre VI de l’Anthologie Grecque et dans les livres XIII et XIV des Épigrammes de Martial. Le second chapitre poursuit l’analyse des divergences entre les épigrammes grecques et latines pour s’intéresser par la suite aux efforts des premiers modernes pour proposer une classification théorique des épigrammes antiques. Le chapitre offre ensuite une étude de la vaste production épigrammatique de la Renaissance pour montrer que la « rhétorisation » des épigrammes antiques (p. 45) à l’œuvre dans les épigrammes à la Renaissance transforme toutes les catégories d’épigrammes traditionnelles. L’étude comparative des influences grecques et latines sur le genre épigrammatique aboutit à la conclusion que « l’épigramme de la Renaissance c’est, pour une grande part, toute la palette, encore enrichie, de l’épigramme grecque, mais revue et corrigée par l’esthétique de Martial » (p. 47). Le troisième chapitre étudie les allusions mythologiques chez Properce et propose une interprétation de deux de ses élégies (I, 3 et II, 12) ainsi que de leurs différentes résonances aux époques ultérieures. Le quatrième chapitre parcourt l’élégie latine pour mener une réflexion sur la nature de l’« élégiaque » : alors que traditionnellement, la tonalité élégiaque dérive de la forme littéraire, l’élégie, l’auteur s’interroge sur les traits qui permettent d’identifier l’élégiaque, une fois dissociée de la forme poétique. Il identifie donc quatre types de répétitions imposant un rythme à travers lequel « la souffrance se fait pure mu Mon, 06 Oct 2025 17:33:11 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20065 acta « Traire de rommans en français » : une première traduction du premier livre de l’Ovide moralisé https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20036 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/20036/couv deleville Possamai.png" width="100px" />Jalon capital de la réception de l’Antiquité au Moyen Âge et au-delà, l’Ovide moralisé est une vaste réécriture des Métamorphoses en quelque 72 000 octosyllabes, composée par un auteur anonyme au début du xive siècle. Réécriture et non simple traduction, comme le titre « moralisé » l’indique, ce long poème constitue une fascinante acculturation de la fable au Moyen Âge chrétien, où la glose et l’allégorie s’entrelacent aux mythes antiques. Son influence culturelle a été considérable pendant plusieurs siècles, à en juger par le nombre d’auteurs et d’autrices qui en ont disposé sur leur table de travail, comme Guillaume de Machaut, Jean Froissart ou Christine de Pizan1. Ce très long texte avait connu une première édition critique intégrale en cinq tomes par Cornelis de Boer (1915-1938)2. Celle-ci est aujourd’hui en cours de remplacement par le travail de l’équipe internationale « Ovide en français », qui a fait paraître à la Société des anciens textes français, en 2018, les premiers fruits de son labeur collectif3. Seul le premier des quinze livres est pour l’instant publié, assorti d’un volume d’introduction générale. Une traduction en français moderne vient d’en paraître dans la collection « Moyen Âge en traduction » des Classiques Garnier, par les soins de Prunelle Deleville et Marylène Possamai-Pérez. L’auteur médiéval de l’Ovide moralisé suit très précisément le déroulé diégétique des Métamorphoses (pour le premier livre ici publié, donc, de la création du monde à Phaéton) et assortit chaque épisode d’une moralisation « où tous puissent trouver des exemples pour faire le bien et mépriser le mal » (p. 47), comme il l’écrit dans son prologue. Pour donner un exemple, l’épisode d’Apollon et Daphné est d’abord traduit plutôt librement, non sans rappeler les romans médiévaux et leurs portraits topiques de jeunes filles (teint d’aubépine, bras potelés, cheveux blonds), avant de faire l’objet d’une explication de plusieurs niveaux : naturaliste (la chaleur du soleil fait pousser les lauriers), historique (Daphné, noble demoiselle, fut violée par Phébus puis enterrée sous un laurier), morale (la froide Daphné est un modèle de chasteté : le laurier est caduc comme une vierge sans descendance), religieuse (Daphné est la Vierge ; le soleil est Jésus qui voulut s’unir à elle), théologique enfin (Cupidon est Dieu qui nous guide vers l’amour loyal, les deux flèches du mythe antique sont allégorisées en Charité et Envie). On mesure par ce seul exemple l’originalité et Sun, 21 Sep 2025 19:27:54 +0200 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=20036