Parutions Acta Fabula https://www.fabula.org/revue/ Dans l'ensemble des publications consacrées à la littérature, Acta fabula sepropose de recenser les essais présentant de nouveaux objets théoriques,mais aussi les ouvrages collectifs qui, relevant d'un champ disciplinaireplus étroit, recèlent de réels enjeux de poétique générale. fr contacts@fabula.org (Webmestre Fabula) 60 Copyright © Fabula contacts@fabula.org (Webmestre Fabula) acta Lire la peinture https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18757 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18757/Queneau.jpg" width="100px" />Au chapitre XVII des Fleurs bleues de Raymond Queneau, le duc d’Auge crie à Cidrolin la célèbre phrase du Corrège s’exclamant devant une toile de Raphaël : « Et moi aussi, je suis peintre1 ». Les deux héros queniens n’ont pourtant rien à voir avec les deux grands maîtres de la Renaissance italienne : Auge barbouille des « dessins d’enfants2 » sur les parois des grottes préhistoriques tandis que Cidrolin souille sa barrière de graffitis injurieux et la repeint continuellement. Par l’entremise de ces deux peintres du dimanche, Queneau semble revenir avec un sourire amusé et ironique sur les velléités artistiques qui l’ont, un temps, animé et lui ont laissé penser qu’il pourrait suivre une autre voie que l’écriture. Le « jardin secret3 » qu’a constitué la peinture pour Queneau s’éclaire un peu plus avec la parution de ses Écrits sur la peinture. Cette édition établie par Stéphane Massonet reprend l’ensemble des articles et poèmes que Queneau a consacrés à la peinture et, plus généralement, à l’art. Ces textes, publiés le plus souvent dans des catalogues d’expositions, étaient dispersés et restaient à ce jour confidentiels — à l’exception notoire de « Joan Miró ou le poète préhistorique » (1949, p. 65 sq.) qui avait été repris dans le recueil Bâtons, chiffres et lettres (1965). À la lecture d’Allez-y voir, on est frappé par la diversité des peintres et sculpteurs défendus par Queneau, non seulement en termes de notoriété mais aussi en termes de styles. Pour cette édition, Stéphane Massonet fait le choix de présenter ces écrits dans un ordre strictement chronologique, qui s’étend des débuts surréalistes de l’auteur (un premier texte polémique en 1928 sur Chirico) jusqu’en 1975, un an avant sa mort. L’approche chronologique permet, comme l’explique Stéphane Massonet, de « mettre en évidence la durée et l’intensité avec lesquelles [Queneau] écrit sur les artistes » (p. 19). L’exemple le plus parlant de ce point de vue est celui de Miró auquel Queneau consacre dix textes. La fidélité de Queneau est également manifeste avec des artistes tels que Jean Hélion, Élie Lascaux, Mario Prassinos, Jean Dubuffet ou encore Enrico Baj. Cette écriture suivie dans le temps — véritable work in progress — est l’un des intérêts du recueil : on voit ainsi comment, pour ses artistes de prédilection, Queneau reprend ses écrits antérieurs, les remodèle, les complète4. L’ouvrage comprend également un avant-propos éclairant de Stéphane Massonet qui s’attache à décrire les enjeux de la Mon, 18 Nov 2024 20:30:43 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18757 acta Stylistique de l’intime https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18796 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18796/Capture d’écran 2024-11-19 à 15.31.38.png" width="100px" />Dès la couverture, À proportion. Eugène Delacroix et la mesure de l’homme s’affiche autrement que comme une étude critique : la juxtaposition des noms de l’artiste — Delacroix — et du critique — Zanetta — fait plutôt du livre un terrain de jeu, voire un terrain de duel et de confrontation. Delacroix versus Zanetta ? L’intérêt de la question réside dans la logique de l’étude : déployer le réseau du sens qui se dégage d’une page choisie du Journal de Delacroix, et cela à travers la patience de l’analyse stylistique. Nous ne sommes pas loin d’un commentaire de texte. Mais quel commentaire ! Et surtout, quel texte ! Le texte et le commentaire, finalement. Delacroix et Zanetta : le microcosme de la page, matière résistante, est rendu progressivement intelligible par l’observation et l’interprétation. Ainsi le texte est-il aussi bien le prétexte et l’annexe du commentaire, son origine et sa justification. Cent pages — à peine — où Julien Zanetta revendique sa posture de lecteur, dit « je » (« si je n’avais lu le Journal », p. 85), afin de tirer de sa réception singulière du texte une beauté critique plus ample. Avant de débuter son analyse, l’auteur présente les enjeux d’un dispositif littéraire à maints égards assez étrange : le journal intime — est-ce de la littérature ? — d’un peintre — est-ce un auteur ? Julien Zanetta met en avant le système esthétique qui légitime ses choix : « l’écriture de Delacroix possède un style propre, un rythme sien, parfois brusque et heurté, parfois lyrique, sardonique, sinon désabusé » (p. 11). Cela annonce le parti pris de l’étude, son « ambition » : « lire Delacroix comme un peintre-écrivain à proprement parler » (p. 12), en raison d’un souci formel sous-jacent et, notamment, de la présence d’une méditation permanente sur l’art qui, bien qu’elle se présente sous une forme oscillante et décousue, permet de faire de la parole écrite le viatique de la mise en œuvre picturale future. Puis, comme toute explication littéraire l’impose, Zanetta « expose » l’extrait — simple et nu — pour que le lecteur l’ait sous les yeux, pour qu’il puisse revenir à la lettre et la fréquenter. En effet, le commentaire qui se déploie à partir de la page de Delacroix demande une attention précise à la structure du texte. Pourtant, l’intérêt de la présence du texte dépourvu du commentaire ne peut pas se réduire à une raison fonctionnelle : la lecture naïve, simplement accompagnée par les pages de l’avant-propos, permet au lecteur de s’approprier un text Mon, 18 Nov 2024 22:23:18 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18796 acta Sur la peinture de Deleuze : une nouvelle lecture du « diagramme » https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18786 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18786/Capture d’écran 2024-11-19 à 15.20.58.png" width="100px" />Publié à l’automne 2023, Sur la peinture retranscrit les huit séances du cours que Deleuze a dispensées en 1981 à l’université expérimentale de Vincennes. L’université de Vincennes avait été transférée à Saint-Denis en 1980, mais les cours qui y étaient donnés conservaient leur aspect « pragmatique » et « expérimental » (p. 9). Dans ces cours, comme l’expliquait Deleuze, un professeur s’adressait à un public hétérogène, pas nécessairement spécialiste de la discipline. Cette interdisciplinarité était ce qui intéressait particulièrement Deleuze : la philosophie pouvait se confronter et dialoguer avec divers domaines et savoirs, au contact d’étudiants venant d’horizons variés (mathématiques, arts, psychologie, histoire, architecture). La transcription et l’appareil critique de l’édition de David Lapoujade apportent de nombreuses précisions sur la manière dont la réflexion deleuzienne sur la peinture se lie parfois à des thèmes développés à d’autres moments de sa pensée. La transcription du cours en un ouvrage organisé permet également au lecteur de mieux saisir la pensée en acte de Deleuze, en s’attardant sur les références mobilisées, qui couvrent un vaste champ allant de l’histoire de l’art à l’anthropologie américaine, en passant par la critique d’art, les sciences dures et la logique. Le lecteur voit plus clairement les torsions apportées par Deleuze à ces matériaux, la façon dont elles nourrissent ses concepts et catégories picturales. Ces aspects formels et méthodologiques étaient moins visibles dans le format audio et les transcriptions libres du cours, accessibles avant la parution de l’ouvrage. Il n’est pas nouveau que Deleuze envisage la philosophie comme le lieu des concepts et le philosophe comme celui qui pense et invente des concepts1. L’originalité du cours de 1981 réside surtout dans la méthode employée : partir de la réflexion sur la peinture pour élaborer un concept philosophique. Dès le début du cours, Deleuze s’interroge sur ce que la peinture pourrait apporter à la philosophie, et cette contribution serait, peut-être, sous forme de concepts. Au fil des différentes analyses, Deleuze met en lumière des notions fécondes qu’il s’efforce de définir de manière très personnelle, telles que la couleur, la catastrophe-germe, le chaos-germe, le diagramme, l’espace-signal. Il agit comme un orpailleur, puisant des matériaux dans les œuvres d’art et les écrits d’artistes, qu’il associe à des éléments issus de la critique et de l’histoire de l’art, de Mon, 18 Nov 2024 22:13:01 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18786 acta Voir, dire, écrire et peindre https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18781 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18781/Stael_Voyage_Maroc.jpg" width="100px" /> * Rassemblant l’essai rédigé par Nicolas de Staël « Les Gueux de l’Atlas », publié en partie dans la revue Bloc en 19371, ainsi que quinze lettres adressées par de Staël à ses parents adoptifs et un journal qu’il a rédigé dans un cahier d’écolier à la couverture verte et intitulé depuis « Cahier du Maroc », Le Voyage au Maroc fournit un document des plus intéressants pour évoquer l’importance du voyage effectué entre juin 1936 et octobre 1937 par le peintre Nicolas de Staël au Maroc — alors placé sous protectorat français depuis 1912 — dans sa formation de peintre et celle de son regard. Ce voyage de Rabat à Marrakech, en passant par le Moyen- et le Haut-Atlas, succède à deux précédents voyages, l’un dans le Sud de la France (1934) et l’autre en Espagne (1935) ; il est financé par le baron Jean de Brouwer, un collectionneur bruxellois, qui attend en retour de ce périple une production picturale qui pourra faire l’objet d’une vente. Dans un tel contexte, les trois ensembles de textes réunis dans le volume disent aussi les rebondissements, les interrogations et les affres d’une recherche artistique naissante qui ne cessera d’animer l’artiste pendant sa carrière artistique de quinze ans, qui s’est étendue de 1940 à 1950. Un roman de l’artiste-peintre L’introduction accompagnant l’ouvrage et signée Marie du Bouchet, petite-fille du peintre, est à très juste titre intitulée « Un voyage initiatique ». Les trois ensembles de textes, « Les Gueux de l’Atlas », les lettres envoyées pendant le voyage à sa famille, et en particulier à ses parents adoptifs, Monsieur et Madame Fricero, et le « Cahier du Maroc », font du voyage une expérience à la fois existentielle et esthétique, et surtout nécessaire à la naissance et au développement de sa vocation de peintre, faisant de l’ouvrage Le Voyage au Maroc, une variation du roman de l’artiste. On y retrouve en effet deux variantes des topoï centraux du Künstlerroman : le voyage et la rencontre avec une figure de mentor. Dans les deux traditions qui justifient la naissance de ce roman de l’artiste, celle qui voit l’acte de naissance du genre en 1787 dans l’Ardinghello und die glückseligen Inseln de Wilhelm Heinse et celle dans la réponse formulée par le jeune Novalis dans Heinrich von Ofterdingen au modèle de formation goethéen de l’artiste, Wilhelm Meister, le voyage permet à l’aspirant-artiste de voir naître sa vocation artistique, depuis longtemps à la source d’une sensibilité particulière qui le pousse depuis son enfance Mon, 18 Nov 2024 21:01:06 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18781 acta Destructions créatrices. Écrire ce qui ne peut être vu https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18768 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18768/Kremer_Tableaux fantômes.jpg" width="100px" />Dans Tableaux fantômes. Quand la fiction montre les œuvres disparues, Nathalie Kremer prolonge une réflexion engagée dès 2014 dans un article intitulé « Diderot, Balzac, Michon : la création par la destruction1 » et accueilli dans « La Bibliothèque des textes fantômes » de Fabula-LhT. Élargissant le propos et le corpus à d’autres auteurs et d’autres œuvres, elle propose un panorama d’ensemble d’un phénomène récurrent dans la littérature : tous ces moments, plus nombreux qu’on ne croit, où « la fiction narrative fait œuvre de la disparition des œuvres d’art » (p. 16). Nathalie Kremer souligne la singularité du rapport entre le texte et l’image dans le cas de la littérature iconoclaste — des récits de tableaux fantômes : les mots se substituent à l’image qui brille par son absence, ou plutôt par sa disparition. Le texte prend peu à peu la place de l’image, la recouvre et la fait disparaître. Quand la littérature se saisit de l’œuvre d’art Les exemples de descriptions de tableaux réels ou fictifs ne manquent pas dans la littérature — que l’on songe par exemple au fameux tableau qui représente Dorian Gray dans le récit d’Oscar Wilde. Dans Le Portrait de Dorian Gray, l’auteur irlandais accorde en effet une place centrale à l’objet d’art qu’est le tableau peint par l’ami du personnage, et qui devient le ressort à la fois du suspense et du fantastique au fur et à mesure que les excès de débauche de Dorian Gray laissent des traces indélébiles sur son portrait, alter ego devenant l’image de son âme : Il l’avait nettoyé́ bien des fois, jusqu’à ce qu’il ne fût plus taché. Il brillait... Comme il avait tué le peintre, il tuerait l’œuvre du peintre, et tout ce qu’elle signifiait... Il tuerait le passé, et quand ce passé serait mort, il serait libre !... Il tuerait le monstrueux portrait de son âme, et privé de ses hideux avertissements, il recouvrerait la paix. Il saisit le couteau, et en frappa le tableau !... Il y eut un grand cri, et une chute2… Quelques lignes plus loin, après une ellipse qui dissimule au lectorat les conséquences directes de l’accès de violence de Dorian Gray, le portrait réapparaît aux yeux du lecteurs, vu par le regard des domestiques : Quand ils entrèrent, ils trouvèrent, pendu au mur, un splendide portrait de leur maître tel qu’ils l’avaient toujours connu, dans toute la splendeur de son exquise jeunesse et de sa beauté́3. Dans le cas du roman de Wilde, l’œuvre d’art disparaît lentement, ensevelie progressivement par les stigmates des e Mon, 18 Nov 2024 20:35:21 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18768 acta Écrire Cézanne. Entretien avec Marie-Hélène Lafon https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18749 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/Array" width="100px" />À l’occasion de la parution de son Cézanne. Des toits rouges sur la mer bleue [Flammarion, 2023], nous sommes allées rencontrer Marie-Hélène Lafon1. Récipiendaire du prix Renaudot pour Histoire du fils en 2020, auteure d’une vingtaine de romans et de recueils de nouvelles, la professeure de lettres classiques nous a reçues chez elle, à Paris — un lieu chaleureux, baigné de lumière jaune, un lieu saturé de peintures et d’images. Craignant de n’être « ni spécialiste ni conceptuelle », c’est en écrivaine qu’elle aborde Cézanne, en arpenteuse de territoires, en géographe des humanités, en conteuse des histoires intérieures. C’est par l’un de ses tableaux, les Sous-bois, conservé au musée du Louvre, et à travers le flux de conscience de cinq personnages qui ont gravité autour du peintre — le docteur Gachet ; son père ; sa mère ; Hortense, sa femme ; le jardinier Vallier — que Marie-Hélène Lafon va à Cézanne, au plus près de son paysage et de sa solitude. Lucie Garrigues et Zoé Monti — Quel est votre rapport premier, de cœur, avec la peinture ? Marie-Hélène Lafon — Je vis dans la peinture. Les murs de cette pièce en sont saturés : peintures, photographies, reproductions. Mais mon histoire avec la peinture a commencé tardivement. Dans mon enfance et dans mon adolescence, on avait très peu accès aux reproductions et à la peinture. Ça n’avait pas de rapport avec ma seule famille, c’était lié au milieu dans lequel je vivais, dans les années 1970. On voyait des reproductions sur les couvercles des boîtes de chocolats, sur les canevas aux murs : l’Angélus de Millet — donc le registre agricole et paysan —, des jeunes filles au piano — Renoir —, quelques impressionnistes. La première fois où j’ai vu un tableau en vrai, où j’ai éprouvé la matérialité d’un tableau, j’avais dix-huit ans ; je venais d’arriver à Paris pour mes études et j’ai eu l’occasion d’aller à l’exposition Brueghel, qui se tenait à côté de Bruxelles. Imaginez ! Voir les grands Brueghel en vrai… Ce n’est pas rien, c’est totalement vertigineux, c’est une aventure émotionnelle autant qu’esthétique ! En tout cas, c’est aussi la première fois que j’ai eu accès à ce que j’identifierai plus tard comme « un cérémonial », c’est-à-dire, à l’exposition. J’irai pour la première fois dans un musée plus tard encore. Et en réalité, je ne commencerai vraiment à visiter des expositions qu’entre vingt-cinq et trente ans. Depuis, ça ne m’a jamais lâchée. Je vis à Paris, je suis professeure en région parisienne donc évidem Mon, 18 Nov 2024 20:23:18 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18749 acta La Comédie de Miquel Barceló : voyage dans l’imagination https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18805 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18805/Barcello Dante.jpg" width="100px" />« Impossible de lire les chants de Dante sans les tourner vers le temps présent. Ils furent créés pour ça. Ils sont des appareils à saisir l’avenir. Ils exigent un commentaire au futurum1. » Entre 2000 et 2002, l’artiste espagnol Miquel Barceló réalise plus de trois cents aquarelles illustrant la Divine Comédie de Dante, sur commande de la maison d’édition Circulo de Lectores. Ces aquarelles sont ensuite exposées au Louvre — du vivant de l’artiste, fait suffisam-ment rare pour être relevé. Elles sont déjà publiées en 2003 chez l’éditeur France Loisirs, accompagnées de la traduction de Jacqueline Risset. Cette première édition s’accompagne de la parution d’un livret d’exposition dirigé par Marie-Laure Bernadac et Françoise Viatte, dans lequel ces dernières présentent l’univers du peintre espagnol et proposent des clefs pour pouvoir interpréter les illustrations souvent mystérieuses et se dérobant à la compréhension immédiate2. Ce livret donne aussi à lire la retranscription d’un entretien entre Marie-Laure Bernadac et l’artiste. Une nouvelle édition réinvestit ces illustrations pour accompagner la traduction récente de Danièle Robert publiée par la même maison : Actes Sud publie toute la Comédie de 2021 à 2023, en trois tomes séparés3. Cette édition permet à Actes Sud de mettre de nouveau en valeur les qualités de cette traduction. Chacun des ouvrages est accompagné d’une préface de Danièle Robert proposant une réflexion sur la langue du poète italien, et le Paradis est également pourvu d’une postface d’Alberto Manguel rendant hommage à la fois au poème de Dante et au travail du peintre espagnol. Le choix d’ajouter une postface au Paradis, dernier des trois tomes publiés, n’est pas anodin. Alberto Manguel s’attache à mettre en lumière les difficultés que peut poser le fait d’illustrer l’irreprésentable. En effet, il met en exergue l’impossibilité de représenter ce qui est déjà perçu comme de l’ordre de l’indicible dans le texte poétique dantesque. Le paradis étant un concept, et non un objet, sa représentation est impossible littéralement et doit nécessairement emprunter des détours, notamment le recours à des images symboliques déjà bien établies dans la tradition chrétienne, ou à des expressions consacrées — bibliques ou liturgiques. Miquel Barceló, comme ses prédécesseurs, parmi lesquels on peut nommer Sandro Botticelli (env. 1480-1495), William Blake (1824-1827), Gustave Doré (1861 pour l’Enfer et 1868 pour le Purgatoire et le Paradis) ou encore Salvado Wed, 20 Nov 2024 22:55:30 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18805 acta Baudelaire critique d’art : les mots des Salons https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18762 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18762/Zanetta_Baudelaire.jpg" width="100px" />L’inscription des Salons de Baudelaire au programme des agrégations de Lettres en 2023 témoigne de l’intérêt accordé depuis de nombreuses années déjà non plus au seul Baudelaire poète, mais à celui qui le précéda, de critique d’art, témoin et commentateur des productions artistiques de son temps. L’ouvrage de Julien Zanetta, qui regroupe plusieurs articles déjà parus par ailleurs et remaniés pour la présente édition, s’inscrit dans une bibliographie déjà foisonnante dont il comble cependant une lacune majeure. Comme l’annonce en effet son introduction, c’est la question spécifique du lexique qui est ici abordée : dans sa recherche d’une critique nouvelle, soucieuse d’épouser les mouvements d’un objet qui échappe à la réduction et par là même rétive à toute forme de système, il s’agit pour Baudelaire d’ajuster, de redéfinir et de modifier sans cesse le lexique de son discours, dans un effort permanent dont les mots « deviennent alors le meilleur des baromètres » (p. 12). Or si l’« on ne peut penser la bonne peinture qu’au miroir de la mauvaise », conviction sur laquelle se fonde toute la réflexion de Julien Zanetta, si « le Beau s’élève, se manifeste ou s’affirme, en fonction des époques, à partir de ce qu’il n’est pas » (p. 12), c’est tout le lexique appliqué aux œuvres reléguées dans « l’hôpital de la peinture », pour reprendre l’expression de Baudelaire lui-même, qu’il s’agit d’envisager pour en souligner l’origine et la remotivation par le critique. Remarquablement illustré, l’ouvrage se présente ainsi comme un parcours de mots, afin « de déterminer en quoi le "culte des images" si cher à Baudelaire est un art transitif qui accorde » au lexique « le premier rôle », partant du principe que l’on « comprend mieux […] ce que l’on a vu en mesurant la réussite ou l’échec d’une œuvre d’art à l’aune du langage qui a pris soin de la restituer » (p. 20). Par-delà « les mots de la tribu » : à la recherche d’un registre adéquat Le repérage des « mots de la tribu », selon l’expression de Julien Zanetta, celle des salonniers, offre la matière du premier chapitre de l’ouvrage. Baudelaire se réattribue ces mots en les redéfinissant, dans le sillage de Diderot ou de Stendhal, deux de ses maitres revendiqués, mais aussi de contemporains tels que Théophile Gautier ou Champfleury, ou d’auteurs moins connus tels que Philippe-Auguste Jeanron ou Philippe de Chennevières, qui « offrent une voie d’accès nouvelle dans l’atelier lexical de Baudelaire critique d’art » (p. 25). Jea Mon, 18 Nov 2024 20:33:06 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18762 acta L’œil et la peinture. Ravissement dans un tableau du Caravage https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18815 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18815/Reid_Caravage.jpg" width="100px" />1. Le livre Ravissement. Sur un tableau du Caravage de Martine Reid est subtil, dans tous les sens du terme. Il peut être lu avec la même voracité qu’un roman passionnant, mais il est aussi pointu qu’un essai de théorie ou de critique de l’art. L’auteure, à travers des passages curvilignes et sinueux entre autobiographie, histoire de l’art et biographie (du Caravage), nous entraîne dans un voyage à Rome, une sorte de grand-tour contemporain. Un grand-tour qui a un but particulier, un seul but, spécifique et précis : conduire l’écrivaine (qui est d’abord une observatrice) au palais Doria Pamphilj, plus précisément devant le tableau du Caravage Le Repos pendant la fuite en Égypte — qui est son tableau préféré (p. 71). Pour le regarder, l’observer, le pénétrer dans son mystère et dans sa beauté. Autrement dit, l’écrivaine nous guide dans son voyage à Rome. Plusieurs couches se superposent et s’entremêlent dans le texte : le voyage de l’auteure, les vicissitudes du Caravage, celle des Doria et des Pamphilj, et celles des personnages des tableaux. Écrit à la deuxième personne du pluriel (« vous », c’est la première parole du texte, p. 11), le livre commence par une arrivée après un vol en avion : les distances ne se mesurent pas dans l’espace parcouru mais dans le temps écoulé (plus précisément, deux heures). Le nord, Paris, et le sud, Rome, sont des espaces qui se distinguent par les couleurs, par la façon dont la lumière touche les choses, leur surface. Mais ce qui les sépare aujourd’hui, ce n’est pas l’espace, c’est le temps, un temps, marqué par les voies aériennes. La distance entre le nord et le sud, pour Martine Reid, est également la distance entre la connaissance, la compréhension et les sensations, les émotions. C’est ainsi que la protagoniste de cette aventure — qui, malgré la rapidité du vol en avion, reste en quelque sorte suspendue dans le temps — arrive dans la ville éternelle. Une Rome perçue à travers les yeux de la visitatrice : elle s’émeut à la vue du linge étendu à l’extérieur des maisons, sur les balcons, dans les rues, dans les places — des trajectoires aériennes marquant un temps plus lent. Une Rome vécue avec un sentiment nostalgique de non-appartenance — les sensations, celles de la vie quotidienne, accompagnent le récit depuis le début. Le livre contient, à plusieurs reprises, des passages synesthésiques : pour l’instant, nous imaginons la lumière dorée de Rome et les odeurs de lessive, dans un éternel présent, celui des sens. 2. On a Wed, 20 Nov 2024 23:02:48 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18815 acta L’utopie de la peinture https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18774 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18774/Thélot_peinture.jpg" width="100px" />C’est au miroir de deux phrases de Rimbaud et Mallarmé, placées au seuil de son ouvrage, que Jérôme Thélot aménage, avec L’Époque de la peinture. Prolégomènes à une utopie, un circuit promettant la plus belle des utopies : « Et à l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes », dit l’« Adieu » d’Une saison en enfer ; « […] car c’eût été la Vérité », répond Mallarmé, en écrivant à Odilon Redon. Ces « prolégomènes » ouvrent sur un monde « qui probablement n’aura jamais lieu », un « monde qui eût été, ou qui serait, configuré par la peinture » (« Présentation », p. 11). Dégageant le sens des œuvres artistiques, les vertus de la « vérité », de la « bonté » et de la « justice » sont revendiquées par Jérôme Thélot pour informer son entreprise. Il s’agit donc, tout au long de ces 158 pages finement illustrées, de préférer au monde tel que la technique le structure aujourd’hui, une époque alternative et possible, quoiqu’improbable, régie par le mythe de la peinture. L’auteur nous invite à laisser réverbérer son utopie afin qu’elle s’immisce dans le réel, pour espérer un avenir soustrait aux catastrophes annoncées. Sa démarche intègre une perspective qui se veut « archi-politique », reposant sur le refus du présent et sur une tentative de faire différemment époque : elle entend « composer les déterminations structurelles de l’histoire, conditionner de fond en comble et originairement les phénomènes historiques, fonder le monde sous l’horizon duquel se produisent les situations sociales effectives » (p. 11). Si l’hypothèse de Jérôme Thélot postule un recommencement par la voie originaire de l’art, en relançant l’événement néolithique de la peinture, sept moments, qui cadencent l’époque, organisent son livre en autant de chapitres : du premier moment, celui inaugural de la genèse de l’image, jusqu’au dernier, gorgé de promesses, d’un « messianisme de la lumière » (« Il y aura une fois », p. 136). On lui saura gré de nous émanciper, de cette façon, de l’historiographie artistique et de nous permettre d’embrasser une « herméneutique phénoménologique » (p. 13) particulièrement féconde, car sensible au caractère historial de la peinture. Le récit commence en fixant sa propre situation : c’est dans la dialectique du silence et du cri, instaurée dès le xviie siècle, que surgit la volonté de montrer comment est instituée « l’humanité comme telle, socialité dotée d’images » (p. 17, « Du silence au cri, genèse de l’image »). L’effroi de Pascal d Mon, 18 Nov 2024 20:37:27 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18774 acta Peinture, cinéma et métaphysique : l’étonnante portée des analyses de la psychologie chez le jeune Merleau-Ponty https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18801 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18801/Merleau-Ponty_Cezanne.jpg" width="100px" />Paru chez Folio Sagesses en 2023, le recueil de textes sur lequel nous nous penchons est composé de deux articles publiés par le philosophe Maurice Merleau-Ponty dans l’immédiate après-guerre : « Le doute de Cézanne », qu’il écrit durant les années 1940 sous l’Occupation et qui paraît seulement en 1945 dans la revue Fontaine, et « Le métaphysique dans l’homme », paru dans la Revue de Métaphysique et de Morale en 1947. On y trouve également « Le cinéma et la nouvelle psychologie », qui correspond à la transcription d’une conférence donnée en mars 1945, devant les étudiants et enseignants de l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) fondé deux années plus tôt, présidé alors par Marcel L’Herbier et dirigé par Pierre Gérin. Ces trois textes ont déjà fait l’objet d’un recueil plus fourni d’écrits de jeunesse chez Nagel en 1948, Sens et non-sens, supervisé par le philosophe lui-même. Ainsi, dans l’esprit de Merleau-Ponty, ces textes réédités prennent d’abord place dans un ensemble plus large et cohérent d’articles originellement publiés entre 1945 et 1947 et qu’il classe en trois catégories : « Ouvrages », « Idées » et « Politiques ». En ce sens, les deux textes sur la peinture de Cézanne et le cinéma figurent dans la première catégorie, tandis que celui sur le métaphysique est placé dans la deuxième. D’emblée, nous nous interrogeons sur le choix d’isoler dans une nouvelle réédition trois de ces articles. Pourquoi un tel parti pris éditorial ? Ces textes sélectionnés forment-ils de manière manifeste une sorte de sous-triptyque philosophique qui aurait sa propre logique ? À première vue, ce n’est pas le cas : tandis que « Le doute de Cézanne » et « Le cinéma et la nouvelle psychologie » témoignent tous les deux de la même volonté merleau-pontienne de montrer que l’étude de l’art moderne peut instruire une nouvelle manière de penser notre rapport au monde, « Le métaphysique en l’homme » est un travail d’emblée plus abstrait, qui s’adresse à un public spécialisé et que le philosophe pense comme une « contribution à la sociologie des idées » (p. 81). Il vise à résumer, largement et brièvement, le nouveau sens que prend pour lui le terme de « métaphysique » à l’horizon des sciences humaines que sont la psychologie, la linguistique, la sociologie et l’histoire. L’art moderne n’y est jamais mentionné. Ainsi, si l’on envisage immédiatement les liens qui unissent les deux textes sur la peinture cézannienne et sur le cinéma, nous sommes plus embarrassés lors Wed, 20 Nov 2024 21:34:14 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18801 acta Dans le flamboiement de l’Opéra : enquête érudite pour Fantôme amoureux https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18737 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18737/Couv_Kahane_opéra.jpg" width="100px" />« Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux » (Roger Bontemps, cité p. 19). Sa vie avec le fantôme1 L’auteure, Martine Kahane, est une sommité en matière d’opéras, de costumes et de ballets : elle leur a consacré au moins une trentaine d’œuvres documentaires dont, déjà en 2002, un certain Un Fantôme à l’Opéra, le présent ouvrage en formant une sorte d’expolition gigantesque. Créatrice du service culturel de l’Opéra national de Paris, elle ne cache pas avoir consacré presque toute sa vie au « ténébreux vaisseau » de l’Opéra Garnier, et affirme d’entrée de jeu : « J’ai vécu plus de trente ans de ma vie professionnelle dans le décor du Fantôme de l’Opéra, et parcouru des milliers de fois le Palais Garnier, des caves aux toits » (p. 12). Cette expertise et cette familiarité une fois posées, reste bien sûr à confronter ces réalités factuelles et le travail de mimésis littéraire, autrement dit de recréation pure et simple, qui fut celui de Gaston Leroux en 1909, lorsqu’il écrivit son célébrissime Fantôme de l’Opéra. D’une érudition historique et génétique remarquable (et le mot est faible), cet ouvrage ne se veut pas, en effet, une analyse littéraire, mais plutôt – sans jeux de mots – littérale, et aussi (surtout ?) un hommage enthousiaste et vibrant aux corps de métier de l’Opéra de Paris : « Le Fantôme de l’opéra est une histoire d’enfermement, un huis clos dans le Palais Garnier considéré comme un monde en soi, parcouru des caves au toit. Dans sa presque totalité le roman se déroule dans l’Opéra, espace public, espace scénique, espace de travail sont les décors de moments du récit insérés dans la vie du théâtre. » (p. 181). Pour suivre les méandres et les entrelacs de l’enquête, un rappel de structure est nécessaire. Six grands chapitres fortement subdivisés, permettent de dégager trois axes recteurs : la biographie fouillée de Gaston Leroux, le suivi génétique de l’élaboration du roman, et enfin, en quatre chapitres, l’étude thématique des lieux et des personnages, la conclusion se réservant l’évocation de la postérité du Fantôme, autrement dit la destinée du roman après Leroux… Toutes richesses et/ou complexités que nous nous sommes efforcés de rappeler en trois items, mettent successivement en lumière l’érudition époustouflante, mais aussi le léger déficit herméneutique, et l’ambiguïté de la finalité ultime. Une scrupuleuse érudition Chaque allusion, même la plus infime est accompagnée de plusieurs pages de glose, voire de plusieurs dizaines de Wed, 13 Nov 2024 01:26:01 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18737 acta Prendre la mesure du geste polémique en littérature https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18727 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18727/Couv_Barral_polémiste.jpg" width="100px" /> Le point de départ de l’ouvrage de Céline Barral1, issu de sa thèse réalisée sous la direction de Catherine Coquio, est l’hypothèse — qui se trouve vérifiée tout au long de l’analyse — selon laquelle la polémique chez Karl Kraus, Charles Péguy et Lu Xun est « une forme indépassable » (p. 508), c’est-à-dire une manière d’écrire et de vivre tout en même temps, qui ne se réduit pas à des brouillons, à des esquisses préparatoires marginales pour d’autres formes littéraires soi-disant supérieures. En somme, prendre au sérieux littérairement la polémique, voilà l’originalité du pari de l’autrice. Quelle méthode pour saisir le tact de l’écriture polémique ? Céline Barral reconnaît dès l’avant-propos combien cette démarche représente une gageure : les polémistes ne sont-ils pas précisément ceux qui manquent de tact ? Le polémiste, tout particulièrement dans sa figure contemporaine, apparaît assurément comme le spécialiste du coup d’éclat, du moment médiatique, de la saillie scandaleuse relayée sur les plateaux d’émissions télévisuelles ou bien sur les réseaux sociaux. Or, ce polémiste n’est que très rarement un écrivain, et c’est justement pourquoi Céline Barral se propose de voir chez ces trois écrivains une écriture polémique à valeur littéraire. Comment distinguer alors le polémiste médiatique de l’écrivain polémiste ? Quels critères, quelle méthode pourrait nous guider ? C’est alors que la notion de « tact » entre en jeu. En effet, afin de saisir ce que pourrait être un « tact » propre aux écrivains polémistes que n’auraient pas les polémistes médiatiques, Céline Barral invite au débat théorique en se référant à la fois à la plurivocité du tact en français, en allemand, et à sa conceptualisation par Walter Benjamin comme « caractère destructeur » (p. 11). Cette perspective est déployée de manière remarquable tout au long de l’ouvrage : la diversité sémantique du tact est mobilisée au service d’une analyse originale de ce qu’est un écrivain polémiste dans la modernité mondialisée de la fin de la Belle Époque, puis des Années folles. En effet, le concept fécond de « tact » est pensé sous toutes ses coutures, dans ses plis, de l’Auftakt [le coup d’envoi] musical, chorégraphique, du tact comme rapport au monde, à ses normes, à ses mesures, jusqu’au tact comme sensibilité physiologique, goût, évaluation, au toucher engageant un corps-à-corps entre l’écrivain et la cible de la polémique. Les notions de métrique et de périodicité — au double sens musical et éditori Mon, 11 Nov 2024 12:35:51 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18727 acta « Quel drôle de temps que le nôtre » : les lettres de Mérimée à Mme de La Rochejaquelein https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18706 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18706/Couv_Mérimée.jpg" width="100px" />« Puisque vous permettez à vos adversaires de se défendre »Lettre XXXIV, 20 octobre 1857 Une rencontre épistolaire Qui n’a jamais lu La Vénus d’Ille (1837), ce roman fantastique dans lequel une statue s’éveille à la vie après que l’un des personnages a glissé à son annulaire une bague de mariage destinée à une autre femme ? Prosper Mérimée est cet écrivain reconnu et pourtant mal connu. Thierry Ozwald, grand exégète de l’écrivain, regrette, à l’ouverture de ce recueil des Lettres à Mme de La Rochejaquelein (alias Félicie de Duras, comtesse Auguste de La Rochejaquelein [1798-1883]1) publié aux éditions Eurédit (2024), que « la lecture de la correspondance soit [si] mal étudiée, car, argumente-t-il, elle est littéraire » (p. 7). La particularité de cette correspondance (1854-1863) est de présenter aux lecteurs un écrivain vieillissant, un honnête homme comme on le disait dans les temps passés, plus proche de 1870 que de 1803. Un témoin lucide de son époque, désabusé mais authentique, parfois mordant, souvent plein d’humour et d’autodérision (« Un des malheurs de ma vie, c’est qu’on me croit moqueur », p. 119 ; « Il me semble que je m’abêtis tous les jours », p. 137), qui relate avec acuité les progrès accomplis dans des domaines aussi divers que les arts, la littérature et la psychologie de l’âme humaine. Critique de la société et exploration spirituelle Intime de la famille impériale pendant le Second Empire, il s’est livré dans ses nombreuses œuvres, de Colomba à La Double Méprise, à des analyses parfois pleines d’ironie sur la frénésie de la « couleur locale », sur les mœurs légères et l’immoralisme de bon aloi, sur l’institution bourgeoise du mariage, forme de conformisme idéologique et sur cette « tyrannie naissante des conventions sociales » (p. 9) : « Aujourd’hui il n’y a que des gens prudents qui savent le code et le craignent »(p. 190)2. Il attaque aussi le positivisme d’un Taine ou d’un Renan (« les fossoyeurs de la littérature ») et surtout le naturalisme zolien – « sa bête noire » (p. 10). Mérimée reste attaché à cette littérature garante d’un certain art de vivre, chargée de valeurs fondatrices et en particulier porteuse d’une « ancienne sagesse » qu’il regrette tant (ibid.) tout en rejetant les fades plumitifs et autres cacographes contemporains en tous genres, à l’instar de Balzac ou de Dumas « qui, selon [Mérimée], versent dans la facilité, se conforment au goût du jour et cultivent une sorte d’esthétique de/du mauvais goût » (p. 44). Il n’o Wed, 06 Nov 2024 07:55:08 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18706 acta Fanny de Beauharnais : idéaux et stratégies d’une « Marmotte philosophe » https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18711 <img src="https://www.fabula.org/lodel/acta/docannexe/image/18711/couv. Beauharnais.jpg" width="100px" />Au cours de ces dernières années, les publications visant à mettre en valeur la participation des femmes à la vie culturelle de leur époque et permettant de redécouvrir leurs ouvrages, presque tous tombés dans l’oubli, se sont multipliées. Parmi les études qui ont pour but de dissiper l’ombre dans laquelle ces femmes ont été plus ou moins consciemment reléguées, l’une des plus emblématiques est sans doute Femmes et littérature. Une histoire culturelle1. Il s’agit de deux volumes parus sous la direction de Martine Reid, qui offrent une vue d’ensemble sur le sujet, en abordant à la fois les productions et le contexte de l’écriture féminine. Cette contribution à l’histoire littéraire des femmes a été ici l’objet d’une réflexion de la part de Marie Baudry2. L’anthologie Autrices. Ces grandes effacées qui ont fait la littérature3 est également méritoire en ce qu’elle permet de connaître un certain nombre de ces femmes, par le biais de quelques pages de présentation et, notamment, de quelques extraits significatifs de leurs œuvres. Édité par Daphné Ticrizenis, cet ouvrage compte trois volumes, dont jusqu’ici ont paru les deux premiers, consacrés, respectivement, à la période du Moyen Âge au xviie siècle et aux xviiie et xixe siècles. À côté de ces tentatives de restituer aux femmes la place qu’elles méritent dans l’histoire littéraire, d’autres s’attachent à leur place dans l’histoire de la philosophie et dans celle des sciences, dont les canons sont encore plus résolument masculins, par exemple Corpo Mente. Il dualismo e le filosofe di età moderna4 ou Femmes de science. Quatre siècles de conquêtes, entre langue et littérature5. En ce qui concerne les œuvres collectives consacrées au xviiie siècle, signalons l’incontournable Dictionnaire des femmes des Lumières dirigé par Huguette Krief et Valérie André6 : les deux volumes qui le constituent mettent efficacement en évidence la contribution remarquable des femmes à l’élaboration et à la diffusion des Lumières, trop souvent négligée à l’avantage exclusif du sexe masculin. Parmi les autrices qui ont récemment attiré l’attention des chercheurs il y a sans doute Marie-Anne-Françoise de Chaban (1737-1813), plus connue sous le nom de Fanny de Beauharnais : l’édition critique d’une bonne partie de son œuvre réalisée par Magali Fourgnaud et la traduction italienne d’une sélection de ces écrits7 en témoignent. Fanny, devenue comtesse de Beauharnais suite à son mariage avec Claude de Beauharnais en 1753, était célèbre en s Wed, 06 Nov 2024 08:21:35 +0100 https://www.fabula.org:443/lodel/acta/index.php?id=18711