éditoriaux

Le penser pensif de la littérature

Le penser pensif de la littérature

Joe Bousquet d'une mort l'autre

Joe Bousquet d'une mort l'autre

"Les Cahiers de la NrF" nous offrent une nouvelle édition des Lettres à Jean Cassou (1930 – 1950) de Joe Bousquet augmentée de 82 lettres inédites. Le volume met en lumière la vie exceptionnelle et dramatique de Joe Bousquet alité, constituant sans relâche une œuvre d’une originalité poétique profonde, lisant et partageant sans cesse ses lectures avec celui qui fut son conseiller aussi bien que son ami. On suit également ses démêlés éditoriaux, avec Fourcade et Denoël, pour lesquels il sollicite l’aide du fidèle Cassou. On retrouve dans ses lettres d’amitié intellectuelle le paysage mental fascinant de Joe Bousquet, à l’œuvre notamment dans son récit-journal Traduit du silence (L’Imaginaire). Fabula vous propose de découvrir un extrait de cette correspondance…

On pourra lire au sommaire d'octobre d'Acta fabula le compte rendu par Adrien Gür de la récente édition de L'Opium des songes (Fata Morgana, 2024) : "Échappées épistolaires : ces mots trop clairs pour être compris".

Saluons aussi la parution aux éditions Claire Paulhan du premier tome de la biographie signée par Paul Giro, Joe Bousquet, d’une mort l’autre, qui tente de faire sortir l'écrivain du purgatoire littéraire où il est confiné, en mettant à mal nombre d'idées reçues.

(Portrait de Joe Bousquet par Jean Camberoque, 1917-2001)

Le petit théâtre de Céline

Le petit théâtre de Céline

En 2023, la fameuse valise de manuscrits retrouvée permettait aux éditions Gallimard de lever le rideau sur le petit théâtre de Louis-Ferdinand Céline, avec le texte de deux pièces La Légende du Roi René et La Volonté du Roi Krogold qui constituent la mythologie gaélique "mi-rime mi-prose" imaginée par l'écrivain. Dans un "Moyen Âge d’opéra", entre la Bretagne et la Scandinavie, on découvrait le récit de la guerre menée par le Roi Krogold contre le prince félon Gwendor, le meurtre du procureur Morvan par le trouvère Thibaut et la passion de Joad pour la belle Wanda. Le volume qui réunit les deux drames est aujourd'hui réédité dans la collection Folio. Fabula vous invite à lire l'Avant-Propos de Véronique Chovin et un extrait du texte…Faut-il mettre Céline entre toutes les mains, à commencer par celles de nos enfants ? C'est en tous cas au début de l'Avent que les mêmes éditions Gallimard mettront en vente Histoire du petit Mouck, l'unique conte pour enfants de Céline écrit pour sa fille Colette en 1923, juste avant le Voyage au bout de la nuit. Inspiré d'un conte de Wilhelm Hauff, il a été publié en 1994 seulement, dans Paris-Match, puis en 1997 aux Éditions du Rocher, et se trouve repris dans une édition en facsimilé, avec les illustrations d'Édith Follet, première épouse de l'écrivain (qui pourrait bien en être partiellement l'autrice…). Les Classiques Garnier nous invitent de leur côté à suivre L.-F. Céline en voyage, sous la conduite de Patrick Mathieu.

Mais il convient sans doute de s'interroger sérieusement, avec Tristan Rouquet sur Les écrivains collaborateurs. Engagement, stigmate et postérité (CNRS éd.) : les catalogues de prestigieuses maisons d’édition s’étoffent régulièrement d’inédits ou de rééditions d’écrivains célèbres mais compromis avec le régime de Vichy ou l’occupant nazi. Publier Céline, Drieu la Rochelle, Maurras ou encore Rebatet provoque des débats autour d’un retour de ces intellectuels maudits. La plupart de ces écrivains collaborateurs n’ont pourtant jamais quitté les étals des libraires. Pour comprendre leur apparente résurrection, Tristan Rouquet s’intéresse aux trajectoires sur le long terme de plus de deux cents d’entre eux. L’enquête de Tristan Rouquet met en avant l’ambivalence du stigmate de la collaboration, qui peut s’avérer être une contrainte (empêchement, rappel à l’ordre) ou une ressource (entre-soi, distinction subversive). Elle souligne des réactualisations qui assurent, matériellement et symboliquement, la sourde présence de ces auteurs. Ainsi, des logiques commerciales, intellectuelles et littéraires viennent concurrencer les seules considérations d’ordre politique. De sorte que, plus encore que le devenir de la collaboration intellectuelle, cet ouvrage éclaire les conditions d’accès à la postérité. Fabula vous invite à lire l'Introduction et parcourir la Table des matières…

Bilan de compétences

Bilan de compétences

Avec quel personnage de roman Mme Bovary pourrait-elle avoir une relation (et plus si affinités) ? Transfictionnelle, la question est aussi un excellent moyen de drague. Charles Coustille en fait le prétexte de Bilan de compétences (Grasset), une fiction qui met en scène un jeune professeur de français, Charles, et une certaine Emma B, enseignante dans un collège de Seine-et-Marne, rencontrée sur Tinder. Très vite liés par par leur passion pour Madame Bovary et l’émission télévisée Mariés au premier regard, ils s'essayent donc à donner à Mme Bovary un amant à la hauteur de ses qualités littéraires : Horace Bianchon, de La Comédie humaine ? Le docteur Pascal, de Zola ? Mais la recherche du personnage fictif prend soudain une dimension réelle : Emma B a une liaison avec un authentique Dr Pascal, médecin de la région… Un premier roman qui s'interroge sur la place de la littérature dans nos vies amoureuses. Fabula vous invite à en lire un extrait…

(Photogramme de La Belle personne, Christophe Honoré, 2008)

Là où les filles prennent le nom de leur mère

Là où les filles prennent le nom de leur mère

Écrire sa confession

Écrire sa confession

Faut-il considérer la confession comme un genre, ou voir en elle une modalité de la parole sur soi, définie par la revendication d’une pleine franchise — comme nous y invitent, entre autres, les travaux de Foucault sur la parrêsia ? L’horizon d’une publication (qu’elle soit large ou restreinte, immédiate ou virtuelle) influe-t-il sur la sincérité avec laquelle le scripteur se confie à la page blanche ? La confession écrite repose sur une alliance paradoxale entre la discrétion de la confidence et le fracas de la révélation et du scandale. Selon les œuvres, les époques et les milieux, l’aveu se fait protestation d’innocence, appel à la clémence, affirmation d’une singularité, ou revendication militante d’une différence collective. Issues d'un colloque tenu en Sorbonne en mars 2023, les études réunies par Agnès Cousson, Christine Noille, Emmanuelle Tabet, Alexandre Tarrête pour les Colloques en ligne de Fabula dessinent une histoire de la confession écrite de la Renaissance à nos jours, au prisme d’un corpus varié : les professions de foi religieuses, la parole dissidente des mystiques ou des possédées, les confidences des mémorialistes, les Confessions de Rousseau et les œuvres qui s’en inspirent, les écrits des diaristes, les confidences partagées sur le Web. De sa généalogie lointaine à ses formes actuelles, cet ensemble fait apparaître les virtualités générique et rhétoriques de la confession, et également sa profonde modernité.

Saluons aussi la récente publication sous le titre Personnalité, individualité et biographie du recueil des essais de Lucien Sève (1926-2020), où le philosophe marxiste s'est efforcé de fonder une science de la biographie pour penser les "formes historiques d'individualité".

Et signalons au sommaire d'octobre d'Acta fabula, le compte rendu donné par Lucie Robert de l'essai de Jean-Louis Jeannelle, Vies mémorables : variations littéraires sur le genre des Mémoires de la Libération à nos jours (Hermann) : "Retrouver les Mémoires : nouveaux regards critiques sur les Vies mémorables au XXe siècle".

Moby Dick plus grand que jamais

Moby Dick plus grand que jamais

Au printemps dernier, Myriam Watthee-Delmotte faisait paraître Indemne. Où va Moby-Dick ? (Actes Sud), une fiction qui a reçu le Prix Malesherbes Le libraire du roi 2025, lequel couronne un livre consacré à un livre. Elle y donnait la parole à Ishmaël, le seul rescapé du naufrage que relate le roman de Melville. Il sait qu’il n’est pas innocent, ni intact, mais indemne : il a échappé à la damnation. Témoin de la cruauté du destin, de la gangrène de la violence, de l’étouffement des consciences par la peur, il entrevoit ce qui permet de les surmonter, et qui l’a sauvé… Aude Bonord en propose une lecture pour Acta fabula au sein de la rubrique "Le Club de lecture" inaugurée pour les 25 ans de la revue.

Saluons la traduction l'an passé des Petits travaux pour un palais du hongrois László Krasznahorkai (Cambourakis), qui met en scène un certain herman melvill, leque n’a rien à voir avec Herman Melville. Bibliothécaire pendant plus de quarante ans à la New York Public Library et souffrant désormais d’un "affaissement de l’arche interne du pied", celui que seul un  "e" semble séparer de l’auteur de Moby-Dick ne partage aucun lien de parenté avec lui. Pourtant sans cesse renvoyé à cette potentielle connexion, il ne peut s’empêcher de développer une fascination pour son illustre homonyme. Tout en s’efforçant de mener secrètement à bien un projet de bibliothèque idéale tout à fait particulier, il met ainsi ses pas dans ceux de Melville, mais également de Malcolm Lowry et de l’architecte Lebbeus Woods, nous conviant à un arpentage méthodique de Manhattan…

Et rappelons la mise en ligne du podcast Moby-Dick ou le Cachalot, déjà salué par Fabula, à l'initiative du Centre de traduction littéraire de l'Université de Lausanne, qui met à l'honneur la retraduction par Philippe Jaworski de l'impérissable roman de Melville pour la collection Quarto (Gallimard). On se reportera à l'un de nos précédents billets pour prendre la mesure de la vague de publications que le célèbre cachalot soulève dans son sillage

Lire les éditos de la rubrique Questions de société…

Voir aussi les éditos de la rubrique Web littéraire…

Ou feuilleter l'album de l'automne…

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