Se connaître ou être connu ? Pour une « élucidation des lieux communs de l’imaginaire » du soi
Les Entretiens de la Garenne Lemot : redécouvrir l’Antiquité au tournant des xviiie et xixe siècles
1Le domaine de la Garenne Lemot est une vaste propriété située près de Nantes, en Loire-Atlantique. Ancienne demeure du sculpteur François-Frédéric Lemot (1771-1827), ce domaine a été conçu par l’artiste lui-même dans le style néoclassique à la mode à la fin du xviiie siècle. Par son architecture inspirée d’une Italie fantasmée telle qu’on peut la retrouver dans les récits de Stendhal, le domaine de la Garenne Lemot s’inscrit dans le mouvement de redécouverte de l’Antiquité qui allait inaugurer le xixe siècle. Près de deux cents ans plus tard, c’est avec pour projet d’étudier ce mouvement que furent fondés, en ce lieu, les Entretiens de la Garenne Lemot, cycle de rencontres pluridisciplinaires placées sous la direction de Jackie Pigeaud. Dès leur origine, en 1994, ces entretiens avaient, en effet, pour ambition de mieux saisir la période charnière entre la fin du xviiie siècle et le début du xixe siècle où l’Antiquité est revisitée, ce que les titres des deux premières éditions mettent bien en lumière :Winckelmann et le retour de l’Antique (1994) et La redécouverte de la Grèce et de l’Égypte au xviiie siècle et au début du xixe siècle (1995). Si elles placent toujours la focale sur l’Antiquité, les éditions plus récentes de ces rencontres se sont néanmoins écartées du néoclassicisme pour envisager « la renaissance de l’antique et de l’héritage gréco-romain à travers l’étude de leurs pressions et de leurs promesses » (p. 11). C’est avec ces mots de Baldine Saint-Girons que s’ouvre La Connaissance de soi, volume qui publie les conférences tenues du 18 au 20 novembre 2015, lors des xxiies Entretiens de la Garenne Lemot, les derniers à se dérouler du vivant de Jackie Pigeaud, décédé en novembre 2016.
2En guise d’hommage, deux textes de Jackie Pigeaud sont placés à l’orée de l’ouvrage. Le premier est un extrait de Poésie du corps (1999), livre qui s’attache à étudier dans une perspective historique les représentations du corps dans la littérature antique. Le second est un extrait retravaillé d’« Euripide et la connaissance de soi », un article dédié à la tragédie Hyppolite que Jackie Pigeaud avait publié dans Les Études classiques en 1976. Tout en donnant un aperçu de la carrière d’un universitaire travaillant dans les domaines de la critique et de la traduction (il a, par exemple, traduit le Pseudo Longin et Sappho), ces deux extraits constituent également le terrain théorique sur lequel se greffent les communications reprises dans La Connaissance de soi. En effet, le sujet de ces Entretiens s’enracine dans les recherches de Jackie Pigeaud dont l’objectif était d’orchestrer une « élucidation des lieux communs de l’imaginaire » (p. 23), en l’occurrence ceux de la connaissance que nous nous faisons de nous-même.
Narcisse & la connaissance mortifère de soi ?
3Dans Poésie du corps, J. Pigeaud s’intéresse précisément au mythe qui raconte les conséquences mortifères auxquelles peut mener la connaissance de soi : celui de Narcisse. L’auteur débute sa réflexion avec un commentaire du livre III des Métamorphoses où Ovide inscrit que le devin Tirésias avait prédit que Narcisse « atteindra la vieillesse “s’il ne se connaît pas” » (p. 23). Ce retour aux sources antiques va à l’encontre des interprétations modernes du mythe , selon lesquelles Narcisse serait l’incarnation même d’un rapport idolâtre à soi menant à la destruction : ne pouvant se détourner de son image, Narcisse mourrait justement parce qu’il serait figé dans son désir de lui-même, laissant à la place de son corps la fleur que l’on connaît aujourd’hui sous ce nom. En rappelant que le personnage a fait l’objet d’un oracle, J. Pigeaud invite à s’écarter de cette lecture conventionnelle et propose une interprétation à la fois plus nuancée et plus complexe du mythe, élaborée à partir d’une grande attention portée à la langue. S’appuyant sur une analyse lexicale, J. Pigeaud est en mesure d’affirmer que « Narcisse n’est pas amoureux de lui-même » (p. 24), mais aime son image comme si elle était, non le reflet de soi, mais le corps d’un autre. Traduction et commentaire sont ici intrinsèquement mêlés puisque cette thèse d’un Narcisse amoureux de « soi-même comme un autre », pour reprendre la formule de Ricoeur1, s’élabore à partir d’un souci étymologique permettant d’utiliser la polysémie des mots comme moyen d’accès à une pensée riche et plurielle.
4Ainsi en est-il du terme latin forma qui ne désigne pas seulement la « forme » au sens de l’« ensemble des traits extérieurs qui caractérisent un objet », mais aussi la « beauté »2. Cette ambivalence sémantique située au cœur du mot latin forma permet de mettre l’accent sur deux éléments. D’abord, sur l’équivalence qu’il existe, en latin, entre la beauté et la forme. Pour les Anciens, la beauté est effectivement une affaire de « formes », d’harmonie, de stabilité extérieure. Sur cette base, parler de beauté pour désigner le sentiment esthétique ressenti devant un objet dynamique et fugitif, le « beau » dont parle, par exemple, Baudelaire, serait en fait un abus de langage. Il serait plus judicieux, dans ce cas, de parler de sublime, notion qui est, certes, mise à l’avant plan par les Modernes, mais qui remonte à l’Antiquité, en l’occurrence au Traité du Pseudo-Longin que la tradition retient comme l’écrit fondateur d’une esthétique du sublime3. Ensuite, concevoir la beauté à l’aune de la forme induit une focalisation sur le dehors, sur l’apparence extérieure des choses. Tel est le levier sur lequel s’appuie la lecture de J. Pigeaud d’après qui Narcisse est un « être absolument extra-viscéral » qui « n’a pas d’en lui » (p. 25) : il s’éprend de son reflet, car « la forme qu’il voit est belle. Il est amoureux de la forme. Forme et beauté : un seul mot latin : forma. En fait, il est amoureux de lui-même comme d’un autre » (p. 24). Narcisse croirait donc aimer un autre quand il s’aime lui-même. En un sens, Narcisse tel que lu par J. Pigeaud ne souffre pas exactement de la pathologie narcissique mise au jour par les psychanalyste car là où le narcissique ramène tout à soi, utilise autrui pour satisfaire son égo ; Narcisse souhaite faire de lui-même un autre ou plutôt « voudrait faire de l’être avec du reflet : avec du non-être il voudrait faire de l’être » (p. 25). Narcisse est un personnage tragique car il a commis un acte d’hybris : il a brouillé la séparation entre l’être et l’apparence, entre le dedans et le dehors, il a remis en cause les limites des choses. L’amour de Narcisse pour la beauté, pour les belles formes, « le conduit à tout brouiller, donc à se détruire » (ibid.).
5À la suite de cet extrait de Poésie du corps, la première partie de La Connaissance de soi, intitulée « Leçons du mythe et de la poésie antique : l’image de soi entre illusion, artifice et révélation », fait la part belle au mythe de Narcisse. Françoise Graziani encadre le personnage de Narcisse dans l’architecture des Métamorphoses d’Ovide, c’est-à-dire dans « une série très complexe de métamorphoses végétales, animales et minérales, dont la cohérence est donnée au début du poème par le premier des “changements de forme”, celui qui est à l’origine de la création du monde » (p. 29). L’objectif est de soustraire le mythe à la « lecture exclusivement psychologique » à laquelle il est souvent réduit par les exégètes modernes (ibid.). Clélia Nau, quant à elle, s’intéresse aux représentations picturales de Narcisse, à commencer par la fameuse peinture du Caravage reprise en couverture de l’ouvrage : l’eau dans laquelle Narcisse se mire est un « miroir d’inconnaissance », selon une logique bien identifiée sous le pinceau du Caravage où Narcisse est reconduit dans son ignorance que le reflet n’est pas un autre que lui-même (p. 78).
Connaissance de soi ou mise en scène de soi ?
6Le second texte placée à l’orée de ce livre est un commentaire d’un vers de l’Hippolyte d’Euripide : « quant aux mauvais, il les révèle, à son heure, tendant un miroir comme à une jeune fille, le temps ; parmi eux que jamais je ne sois vue » (p. 26). J. Pigeaud s’interroge sur le statut du « miroir » évoqué par le dramaturge : s’agit-il ici « d’un miroir où l’on se voit, qui révèle l’individu à lui-même, ou d’un miroir où l’on est vu qui révèle à autrui comme les rétroviseurs ?» (ibid.). Se connaître : est-ce voir ou être vu ? Autrement dit, se connaît-on en se regardant dans un miroir ou se connaît-on à travers le reflet de nous-même que les autres nous renvoient ? Partant d’une définition du miroir comme ce qui « permet de concevoir l’intérieur sur le modèle de l’extérieur » (ibid.), la suite du texte interroge le discours de plusieurs auteurs antiques (Diogène Laërce, Socrate) au sujet de l’analogie entre le corps et l’âme. Sur ce point précis, on connaît la position d’Alcibiade qui montre, au moyen de son silène, que l’enveloppe extérieure des choses est opaque et cache une intériorité tout autre4. À la lecture de l’Hyppolyte, on en arrive à une conclusion différente dès lors que le corps est, chez lui, un moyen d’accès à l’âme : « Euripide », note J. Pigeaud, « signifie ici dans ce jeu de la vision, que se voir et être vu, il s’agit du même acte ». Ainsi connaîtrait-on soi-même grâce aux autres : « se voyant laide dans le miroir, elle saura immédiatement qu’elle est vue ainsi par les autres. C’est cela la connaissance de soi ; c’est aussi cela que nous pourrions appeler la syneidéis, la con-scientia » (p. 28).
7La « con-scientia » dont parle J. Pigeaud peut être définie comme une connaissance avec les autres (« con », dérivé du latin « cum ») : on se connaît soi en même temps que l’on connaît les autres, que les autres nous connaissent. L’étude de sa propre subjectivité passerait ainsi par l’observation de son déploiement dans l’œil de l’autre et le retour sur soi serait donc un acte social. Tel est l’angle sous lequel les conférences reprises dans la section « Mises en son et mises en scène : méconnaissance, reconnaissance et expérimentation » ont approché le soi et la connaissance que nous nous en faisons. Brenno Boccadoro souhaite concevoir « le théâtre lyrique et sa théorie à la fin du xvie siècle » comme un lieu où s’ébauche l’idée d’une « connaissance de soi » à travers une « théorie et une pratique musicale » humaniste (p. 153). Dans ce cadre, il s’agit d’interroger la réactualisation du « mythe du pouvoir psychique de la musique antique » par les auteurs des xvie siècle et xviie siècles qui utilisent la médecine d’Hippocrate et de Galien pour doter la musique d’une visée thérapeutique. « Depuis Ficin », explique Brenno Boccadoro, « la Renaissance n’avait eu de cesse de relier le caractère catatonique de la basse à la mélancolie, froide et sèche, et celui du soprano à la chaleur de la bile jaune » (p. 164). C’est dans cette perspective que plusieurs humanistes ont proposé une théorie de l’équilibre des humeurs au moyen de la musique, faisant se rejoindre art et médecine.
8L’historien de l’art Arnaud Maillet propose un traitement original de la palette, qu’il assimile à un outil utilisé par les peintres pour se connaître eux-mêmes. Dans un premier temps, il interroge les stéréotypes fréquemment utilisés, au xixe siècle, pour parler de la palette. Il s’agit de métaphores guerrières qui, en cultivant une analogie entre la palette et le bouclier, participent à « l’héroïsation de la figure de l’artiste » (p. 195), mais aussi de métaphores religieuses qui identifient les « palettes » d’artistes défunts à de « véritables et saintes reliques » (p. 196). On rejoint, sur ce point, le cadre axiologique identifié par Nathalie Heinich dans l’idée de montrer que les représentations de l’artiste, au milieu du xixe siècle, sont issues d’un « mixte de transcendance mystique et de marginalité laïque5 ». A. Maillet étudie ensuite le cas d’Eugène Delacroix dont il rappelle que la mort, en 1863, est contemporaine d’un intérêt porté aux palettes de peintre, voire d’un « collectionnisme » à ce sujet (p. 202). De cette thèse émerge une série de procédés qui permettent, dessinant un parallélisme entre la palette du peintre et ses toiles, de réaliser une étude génétique des œuvres. Comme l’écrit A. Maillet, « les couleurs se brouillent sur la palette à mesure que l’artiste les mélange. Et par un processus inverse, l’image apparaît alors que le chaos s’installe sur la palette » (p. 199). Il faut entendre par là qu’une analogie renversée entre la palette et la toile est avancée par les critiques du temps, laquelle permet d’étudier les mouvements qui constituent la genèse d’un tableau. Observer la palette d’un peintre revient donc à entrer dans son « intimité », à accéder au « moi profond de l’artiste » (p. 202). La palette, au même titre que le journal, s’assimile ainsi à un autoportrait symbolique permettant à l’artiste de se connaître soi-même en se donnant à voir aux autres.
9Dans une perspective similaire, le texte de Chakè Matossian rappelle l’importance d’opérer une distinction entre le moi, entité sociale, image que les autres nous renvoient et le soi, réalité subjective, qu’il est difficile de représenter. Afin de préciser ce qu’est le soi, Ch. Matossian étudie la réaction de philosophes et de peintres faces à leurs images. L’un des exemples évoqués est celui de Diderot qui observe une différence fondamentale entre l’idée qu’il se fait de lui-même et son portrait peint par Michel Van Loo en 1767. Jugeant que ce tableau est contraire à la vérité, il rédige un texte dont la visée est de « défaire par l’écriture ce que la peinture à mis en place pour la postérité » (p. 181). Plus loin dans l’article, Ch. Matossian s’appuie sur Fichte et Nietzsche pour montrer que la connaissance du soi, à l’inverse de celle du moi social, « n’est autre que la connaissance tout court en ce qu’il s’agit de l’instant foudroyant d’une vision où le moi a disparu, fondu dans le flux vital » (p. 191) On pourrait sans doute aller plus loin et assimiler le soi à un indicible, à un objet que l’on peut connaître, mais qui n’est pas verbalisable, perdant son contenu sémantique dès lors qu’il est inscrit dans le langage. À l’inverse, le moi, réalité sociale, serait verbalisable en tant que tel puisque déjà inscrit dans les signifiants. C’est en ce sens d’un soi qui se dérobe à une connaissance pleine et entière que Jacques Athanase Gilbert essaie de lire la reprise de la pensée grecque par saint Augustin. Pour cela, il utilise la philosophie de Martin Heidegger, notamment ses développements sur l’« alètheia », type de vérité qui ne tend pas à l’exhaustivité, mais qui concerne le « mouvement de révélation des “choses mêmes” » (p. 133).
De l’invention du moi, de sa connaissance, de sa critique
10Comme le note B. Saint-Girons dans son introduction, le soi est un objet complexe, pluriel, qu’il est possible d’approcher par le biais de différents clivages que ces Entretiens examinent sans toutefois prétendre à l’objectivité (p. 12). Dans cette logique, un clivage saute d’emblée au yeux : celui qui distingue la raison et les affects, le moi et le soi. C’est cette alternative que B. Saint-Girons déplie en montrant que l’histoire de la philosophie, de Descartes à Rousseau, est marquée par un glissement d’une connaissance de soi centrée sur la raison à une connaissance de soi qui se focalise sur les affects. À travers cet état des lieux historique, elle porte un éclairage original sur le mouvement au cours duquel une philosophie rationaliste est fondée au xviie siècle avant d’être confrontée à sa critique à partir de la fin du xviiie siècle. Pour ce faire, B. Saint-Girons identifie quelques balises importantes quant à l’invention du moi, sur le plan philosophique, comme sur le plan linguistique. D’abord, elle rappelle, en citant Vincent Carraud, que « le moi “ne pouvait pas être écrit en français, comme sans doute dans toute autre langue, avant Descartes”» (p. 116). En ce sens, elle montre comment la deuxième méditation métaphysique de Descartes peut être assimilée à une mise en récit de l’invention du moi, comme objet de connaissance, c’est-à-dire comme le moment précis où Descartes « passe de la certitude que je suis […] à la découverte de qui je suis » (p. 117). Ensuite, B. Saint-Girons explique que la première occurrence du substantif « moi » est due à Pascal qui, certes, contribue à fonder l’idée d’un « moi objectivé ou réifié », support de bien des développements philosophiques, mais le conçoit également comme foncièrement « haïssable » (p. 118). La philosophe passe ensuite en revue plusieurs approches modernes du moi (l’empirisme de John Locke et de Pierre Coste, le rationalisme de Malebranche, etc.) avant d’en arriver à Rousseau, fondateur des « sciences de l’homme » en raison d’une « critique de la psychologie rationnelle » et d’un « existentialisme avant la lettre » (p. 125).
11À la lecture de l’ouvrage, on se rend compte qu’approcher la connaissance de soi revient à occuper une position oscillante entre un soi conçu comme objet de connaissance rationnel et comme réalité sensorielle, à ce titre, inapprochable par la raison seule. Cette alternative, si elle n’est formulée que tardivement dans l’histoire de la philosophie, est déjà présente dans certains textes littéraires de l’Antiquité et du Moyen Âge. Sur ce point précis, la communication de Giovanni Lombardo montre que la Divine comédie de Dante est sous-tendue par une approche de la connaissance de soi à l’intersection de la philosophie et de la mystique, de la raison et des sens. Il s’agit alors, pour le critique, d’identifier les clivages qui structurent le poème entre une quête philosophique de sagesse et une recherche de transcendance et de salut. À ce sujet, G. Lombardo écrit que Dante est « un homme suspendu entre raison et foi, immanence et transcendance », état qui légitime la présence de « deux figures de maîtres : celle de Virgile, le maître ancien, c’est-à-dire le maître de sagesse, le philosophe, dont la fonction est de conduire le disciple sur le chemin de la connaissance rationnelle » et « celle de Béatrice, symbole de maître chrétien, c’est-à-dire de guide spirituel » (p. 95).
12On le voit, dès lors qu’elle amène le sujet à s’extérioriser dans la sagesse ou dans la vie spirituelle, l’expérience que nous propose Dante met bien en lumière le fait que se connaître soi, c’est aussi connaître le monde. En posant l’hypothèse que la littérature et les arts font se rejoindre le singulier et l’universel, on serait tenté d’affirmer, avec B. Saint-Girons, qu’on peut retrouver dans les œuvres « des universaux d’imagination et des idéal-types concernant le “soi” et la connaissance de soi » (p. 19). Les présentations des préhistoriens Romain Pigeaud et Jean-Loïc Le Quellec vont d’ailleurs en ce sens. Le premier questionne l’ouvrage de Bataille sur les peintures de Lascaux en regard de la recherche récente au sujet de l’art préhistorique. Le second esquisse une méthodologie pour raccrocher, dans un souci de nuance et de rigueur, les peintures rupestres à des traces mythiques qui remonteraient à la Préhistoire. Pour ce faire, Jean-Loïc le Quellec essaie de trouver un mythe qui s’appuie sur une association de « grottes » et de « grands mammifères » dont on trouverait assez d’occurrences à différents endroits du monde pour supposer qu’il soit connu dès la Préhistoire (p. 393). Dans les deux cas, ces communications nous montrent que la connaissance de soi implique celle de l’origine, de la sienne, mais aussi de l’humain et du monde. En définitive, se connaître est un acte qui implique deux logiques distinctes : l’approche de ce qui, en nous, peut faire l’objet d’un discours rationnel et la prise de conscience de ce qui lui échappe. S’il s’agit bien, dans ce second cas, d’une limite pour la connaissance, elle concerne uniquement le concept puisque ce qui ne peut pas être intégré dans un logos peut, en revanche, être traité par l’imagination et donner lieu à une représentation, à un mythe, à de l’art.