Enfances francophones
1Pour mieux souligner la diversité du champ étudié, ce numéro de la revue Ponti/Ponts, dirigée par Liana Nissim, est consacré aux Enfances au pluriel. Ce thème a été souvent indiqué comme caractérisant la plupart des autofictions francophones, mais il est sans doute propre à la littérature universelle. Ce n’est pas par hasard, d’ailleurs, si dans la toute première contribution, Giuliva Milò s’est occupée de La disparition de la langue française, le roman d’Assia Djebar qui tranche justement avec l’autofiction. L’analyse proposée par Milò ne s’articule pas autour du thème choisi, mais elle offre au contraire une lecture équilibrée de l’œuvre en question, dans laquelle l’enfance constitue quand-même un fil rouge ainsi qu’une possibilité d’interprétation.
2Par le biais d’une approche plus ouvertement comparatiste, Madeleine Borgomano propose des réflexions sur les filles dans quelques romans et récits africains contemporains. Depuis L’enfant noir de Camara Laye (1953) jusqu’à aujourd’hui, les narrations examinées ont souvent souligné le double désavantage qui afflige les personnages de filles : ce sont des enfants et elles appartiennent au sexe féminin. Et pourtant, ces filles sont toujours des personnages exceptionnels dans les œuvres étudiées et, au fil des pages et des œuvres, elle semblent suggérer « discrètement […] une vraie révolution » (p.53.)
3Malgré les différences évidentes, l’association enfance-révolution fonctionne aussi pour l’article de Monique Boucher « Enfance et identité dans le roman québécois de la révolution tranquille ». Le thème de l’enfance est ici abordé essentiellement sur le plan symbolique, ce qui comporte une ouverture des interprétations possibles qui est augmentée par la confrontation entre des romans publiés à des époques différentes. Par rapport au contexte de la révolution tranquille, cette polysémie « favorise une réflexion sur l’émergence d’une culture originale qui, éloignée des velléités d’un nationalisme triomphant, cherche à apprivoiser le “mystère de la parole” ».
4Si, par l’article de Sonia Musella, on revient à l’analyse d’un seul roman –La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy –la possibilité d’établir des correspondances entre les réflexions de Musella et celles des autres contributeurs demeure intacte et constitue sans aucun doute l’atout d’une publication comme Ponti/Ponts. Parmi les nombreuses correspondances possibles, on citera par exemple la « quintessence locutoire » que Musella attribue à la protagoniste du roman de Soucy, une quintessence qu’on pourrait rapprocher de la « maîtrise de la parole » que Madeleine Borgomano attribuait plus haut à la jeune Fanta, un personnage de Quand on refuse on dit non d’Ahmadou Kourouma.
5Ces études littéraires sont suivies par une étude linguistique concernant l’apprentissage de la langue française au Madagascar entre 1928 et 1930. Claude Bisquerra y expose d’abord la situation socio-historique de l’époque, pour passer ensuite aux détails des méthodes didactiques utilisées dans les écoles malgaches. Malgré la complétude de la documentation (Bisquerra a étudié les cahiers des élèves pour vérifier l’efficacité de l’enseignement), et la présence d’illustrations, les conclusions concernant « l’aptitude particulière des Malgaches à s’adapter aux règles dictées par le colonisateur et à les appliquer méthodiquement » laissent le lecteur perplexe.
6Les inédits présentés dans ce numéro sont à l’enseigne de la variété d’interprétations et d’orientations des auteurs. Ainsi, Parfait Jans, Tierno Monénembo et Herménégilde Chiasson nous racontent, chacun à sa manière, des enfances qui se déroulent à des latitudes différentes.
7Le numéro se ferme comme d’habitude par des notes de lecture organisées par aires géographiques, avec l’ajout d’une section consacrée aux études linguistiques et d’une autre qui recense les « œuvres générales et autres francophonies ».