Acta fabula
ISSN 2115-8037

2023
Novembre 2023 (volume 24, numéro 10)
titre article
Judith Sarfati Lanter

Penser le désastre qui vient. Littérature et sciences sociales à l’heure du chaos climatique

Reflecting on the coming disaster: literature and social sciences in a time of climate chaos
Sylvie Brodziak, Hélène Manuelian, Damien Masson (dir.), Crise climatique et sciences humaines, Arcidosso, Effigi, coll. « La recherche en actes », 2023, 176 p., EAN 9788855245715.

1La production éditoriale portant sur la crise écologique est en pleine expansion, à l’image des effets du réchauffement climatique désormais sensibles sur tous les points du globe. Tous les domaines de la création et du savoir sont concernés, que ce soit pour documenter la catastrophe, en comprendre les ressorts et les implications multiples, mais aussi mettre à distance, spéculer et fabuler des avenirs possibles. C’est dans une perspective résolument interdisciplinaire que des chercheurs·ses de l’université de Cergy-Pontoise ont initié des travaux sur la question à partir de 2019. Le croisement des disciplines y était défendu comme une manière d’allier la description à la théorisation, comme une voie privilégiée aussi pour développer notre écosensibilité, dont l’érosion serait aussi l’une des sources de la réification des formes de vie non humaines et du saccage des écosystèmes1. L’ouvrage Crise climatique et sciences humaines, dirigé par Sylvie Brodziak, Hélène Manuelian et Damien Masson, s’inscrit dans la suite de ces travaux qui avaient mis à contribution des géographes, des linguistes, des historiens et des littéraires ; mais l’approche choisie ici met l’accent sur l’écopoétique, dans une perspective littéraire. Tout en prenant acte du nécessaire dialogue entre littérature et sciences sociales concernant les questions qui touchent à l’écologie, les auteur·rices privilégient ainsi des contributions qui s’attachent à la dimension poétique et imaginaire des œuvres analysées. L’enjeu affiché est d’explorer « l’impact épistémologique de la crise climatique en littérature et en histoire ». L’ouvrage ne renonce pas pour autant à une perspective diachronique, car c’est aussi la permanence du motif du dérèglement climatique qui est en jeu, comme le montre la première partie de l’ouvrage consacrée à l’analyse de récits antérieurs à la prise de conscience de l’Anthropocène. La seconde partie, qui se veut plus théorique, porte sur les nouvelles orientations de la recherche induites par la crise climatique, que ce soit en critique littéraire, à partir d’une reprise de l’essai influent d’Amitav Ghosh Le Grand Dérangement2, ou dans les sciences humaines, à partir de l’étude des ruines perçues loin de tout substrat romantique comme patrimoine de l’anthropocène. La troisième et dernière partie du recueil s’attache ensuite aux nouveaux récits de la crise climatique, romans de science-fiction, poèmes écoféministes et livres de jeunesse. Prises en charge par des chercheuses en création littéraire, ces dernières contributions expérimentent une recherche-création inspirée par les questions écologiques, en insérant des poèmes ou en adoptant un mode d’écriture échappant aux conventions académiques – autres manières d’illustrer les bifurcations auxquelles nous invite la crise climatique.

La dérèglement climatique : motif littéraire et réalité historique

2Cette structuration d’ensemble, pour être cohérente, n’en couvre pas moins de réelles disparités, tant dans les objets étudiés que dans la qualité des contributions. Le problème est sensible dans la première partie, qui réunit trois articles. Dans le premier, Laure Lévêque, dans un style dense, propose une analyse de l’œuvre de Jean-Baptiste Cousin de Grainville, Le Dernier homme, texte qui passa inaperçu au moment de sa parution à titre posthume en 1805, mais qui devait susciter le plus vif intérêt quelques décennies plus tard, chez Byron, Mary Shelley (elle-même autrice d’un récit intitulé The Last Man en 1826), ou encore Michelet, qui rendit hommage à Cousin de Grainville dans son Histoire du xixe siècle. Redécouvert par la critique contemporaine consacrée aux figurations de la fin du monde3, Le Dernier homme fait ici l’objet d’une lecture précise qui met en valeur les différents régimes herméneutiques et temporels appelés par le texte, entre post-apocalyptisme et horizon eschatologique. La contribution est riche aussi des autres œuvres qu’elle convoque, ainsi d’Un Chalet dans les airs (1925) d’Albert Robida imaginant une planète devenue inhabitable. En contrepoint de ce pessimisme historique, Laure Lévêque évoque la figuration prométhéenne de l’humanité célébrée par Jules Michelet dans La Bible de l’humanité (1864) et Nos Fils (1869) – sélection qui donne hélas une image univoque de l’historien, alors que, dans ses essais naturalistes publiés entre 1856 et 1868 (La Mer, la Montagne, L’oiseau, L’Insecte), il avait aussi dressé un tableau sombre des dégâts produits par l’homme sur le monde sauvage4.

3L’article de Bocar Aly Pam propose quant à lui une analyse écopoétique du roman Petroleum (2004), de l’écrivaine et anthropologue Bessora. De la crise climatique comme fable spéculative chez Cousin de Grainville, on passe à un récit référentiellement très ancré, où le thème de la profanation de la nature est exploré dans une double perspective géocritique et postcoloniale. Le récit de Bessora se déroule en effet au Gabon, dont les forêts et les richesses souterraines sont exploitées par des entreprises étrangères, sur fond de pollution, de racisme institutionnel et de néocolonialisme. Bocar Aly Pam souligne la force d’un texte qui mêle le point de vue magique de l’initié et celui, matérialiste et soi-disant rationnel, des tenants de l’extractivisme. L’engagement de Bessora, la force illocutoire et poétique de son récit, sont rendus avec justesse. Seul bémol : on se demande ce que vient faire dans la bibliographie placée en fin d’article l’ouvrage affligeant et fort peu scientifique de Pascal Bruckner (Fanatisme de l’Apocalypse : sauver la Terre, punir l’homme, 2011), pourfendeur comme on sait de l’écologie et de toute forme de critique postcoloniale.

4Cette première partie, consacrée à la permanence de la crise climatique en tant que motif littéraire, s’intéresse aussi au terrible hiver qui sévit à l’Est de l’Europe en 1940‑1942, et devait contribuer à l’échec de l’opération Barbarossa. C’est donc une incursion du côté de l’Histoire qui est cette fois donnée à lire, avec l’article de Krisztián Bene consacré aux témoignages des soldats français et hongrois engagés au sein de la Wehrmacht mais aussi de la Waffen-SS. L’article prend soin de rappeler d’abord le contexte historique de la formation de ces troupes de soldats étrangers, notamment la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF) créée officiellement en juillet 1941 – rappel fort utile, mais dont certains points restent obscurs : on se demande ainsi pourquoi l’auteur présente comme « paradoxal » (p. 39) le fait que l’idée de l’établissement d’une unité militaire française luttant au sein de l’armée allemande contre l’Union soviétique vienne des partis collaborationnistes français installés à Paris ; et pourquoi les pertes importantes subies par les Français de la LVF lors du siège de Moscou seraient-elles dues non seulement au froid mais aussi à « l’inexpérience des troupes sibériennes récemment arrivées au front sous les ordres du général Joukov » (p. 39) ? À la suite de ces rappels historiques, Krisztián Bene évoque l’expérience des soldats hongrois et français engagés dans l’opération, qui eurent à souffrir d’un froid hivernal absolument exceptionnel – une expérience donc de dérèglement climatique, dont le cadre et les causes diffèrent évidemment du réchauffement climatique qui s’est accéléré depuis une vingtaine d’années. Des témoignages de soldats français et hongrois sont longuement cités dans l’article, et permettent de mettre en lumière l’âpreté des conditions climatiques auxquelles nombre de ces hommes ne survécurent pas. Les sources de ces témoignages interpellent néanmoins : si elles sont bien référencées en notes de bas de page, elles ne sont pas expliquées. On apprend par exemple que certaines citations sont tirées d’un ouvrage d’Éric Labat, Les Places sont chères, publié aux éditions du Lore en 2006, sans que soit mentionnée la date de la première édition (en fait, en 1951), ni commentée la nature de cette maison d’édition, pourtant sulfureuse. Sur le site des éditions du Lore, on découvre en effet que la maison s’est donnée pour tâche de publier des témoignages d’anciens combattants, mais aussi des ouvrages de « littérature identitaire et nationaliste », et que son catalogue comporte des ouvrages négationnistes, comme celui qui vise à réhabiliter l’action de la Milice5. Autre élément de surprise : l’intention incontestablement hagiographique des ouvrages cités n’est jamais mentionnée ni mise à distance. L’article cite ainsi Les Partisans de Saint-Loup, sans que soient éclairés la nature du texte ni l’histoire de son auteur : « Saint-Loup » est pourtant le pseudonyme de Marc Augier (1908‑1990), partisan de la Collaboration et ancien de la Waffen-SS, exilé en Argentine après la guerre et condamné à mort en 1948 par contumace, avant de bénéficier de la loi d’amnistie. Le problème est donc à la fois méthodologique et déontologique. C’est alors avec la plus grande circonspection qu’on lit, en conclusion de l’article, l’appel à faire mieux connaître le sort de ces soldats hongrois et français « trop souvent oubliés dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale », et dont la « mémoire demeure ignorée » (p. 44) : un appel à la mémoire qui résonne de manière bien étrange, tant il semble faire passer au second plan les choix idéologiques de ces engagés volontaires.

Changement climatique et nouvelles réflexions épistémologiques

5L’essai publié par Amitav Ghosh en 2016 et traduit chez Wildproject en 2020, Le Grand dérangement : d’autres récits à l’ère de la crise climatique, est au centre de l’article de Sylvie Brodziak, qui discute de manière utile et nuancée la thèse de Ghosh. Ce dernier interrogeait la capacité du roman, tel qu’il s’est développé depuis le xviiie siècle en Occident, à rendre compte du réchauffement climatique, phénomène systémique et planétaire, qui affecte l’ensemble des formes de vie sur une échelle de temps qui outrepasse largement la durée d’une vie humaine. A contrario, le roman reposerait selon Ghosh sur des récits anthropocentrés faisant peu de cas des vies non-humaines, et fondés sur un déroulement probabiliste des événements, alors que le chaos climatique suscite des catastrophes inédites et met en jeu des agentivités non humaines. Les représentations du réchauffement climatique seraient reléguées au genre de la « cli-fi » (pour climate fiction), tenu par Amitav Ghosh comme mineur et contribuant, par son peu de réalisme, au déni climatique. Alors même qu’on pourrait souligner l’intérêt heuristique de ce sous-genre, complètement ignoré par Ghosh, Sylvie Brodziak ne remet pas en cause ce constat. Mais elle choisit de mettre en avant des contre-exemples qui remplissent en partie le cahier des charges de l’écrivain indien. Elle souligne ainsi la façon dont la crise climatique peut aussi induire l’invention de récits hybrides, personnifiant des formes de vie non-humaines sans toutefois renoncer au réalisme : il en est ainsi avec l’ouvrage du dendrologue Laurent Tillon, Être un chêne6, qui déroule la vie (chevauchant les siècles) de « Quercus le chêne » dans un discours scientifiquement étayé qui investit l’art du récit pour aiguiser notre sensibilité au monde non-humain. Une même conjugaison entre science et littérature se retrouve dans le récit – très différent par ailleurs puisqu’il relève du récit d’anticipation et ne revendique plus d’ancrage référentiel –, de Vinciane Despret, Autobiographie d’un poulpe7. Comme le souligne Sylvie Brodziak, la philosophe y modifie les normes et la pratique du récit pour inventer des figurations nouvelles du désastre climatique, et constitue par là une forme de réponse à l’appel d’Amitav Ghosh. L’article qui suit interroge les nouvelles réflexions épistémologiques, mais cette fois du côté des sciences humaines : Nathanaël Wadbled montre comment la prise de conscience de l’anthropocène nous invite à donner une signification écologique aux ruines, à partir d’une typologie des différents imaginaires associés aux ruines et à la nature qui semble y reprendre ses droits. L’image des ruines romantiques vont ainsi de pair avec celle d’une nature mythique et sauvage, non encore domestiquée ; les ruines post-apocalyptiques montrent en revanche une nature en opposition, une nature qui est cette fois non pas originelle, mais férale, une nature qui aurait repris ses droits après la destruction totale du monde moderne ; enfin, une troisième voie se dessine dans la conception des ruines comme « hybrides », au sens que Bruno Latour a pu donner au terme, c’est-à-dire comme mélange de nature-culture. Les ruines, issues de constructions humaines, sont en effet aussi le résultat d’agents non-humains (climat, végétaux, animaux…). Nathanaël Wadbled expose aussi un projet original de comparaison entre les sciences sociales et les humanités environnementales dans leur conception des ruines. Du côté de la géographie, il identifie ainsi une approche muséologique et patrimoniale des ruines d’une part, et les pratiques de « l’urbex » (exploration urbaine) d’autre part, ces dernières s’intéressant aux espaces marginaux réinvestis comme espaces de transgression (dont les friches de Berlin transformées en lieux alternatifs et festifs seraient la quintessence). Mais aucune de ces deux approches ne prend en compte la représentation écologique des ruines que permettent les humanités environnementales. Une même ruine peut ainsi être perçue de trois manières différentes selon le champ disciplinaire dans lequel on s’inscrit : mais seules les humanités environnementales feraient des ruines « le patrimoine de l’Anthropocène ». La contribution s’achève sur le rapide exposé de ce qui serait un véritable programme de recherche, appelant à mener des « entretiens sur les non-expériences », pour comprendre l’absence de porosité, chez les acteurs concernés, entre ces différentes perceptions des ruines.

Les nouveaux récits de la crise climatique 

6La troisième et dernière partie du recueil porte sur certains récits de la crise climatique à partir d’une approche générique, en s’attachant à la poésie, à la littérature jeunesse, mais aussi à la science-fiction – genre qui a toujours eu les faveurs des imaginaires dystopiques mettant en scène des périls planétaires. Cécile Lafon analyse le genre à partir du paradigme de la claustration et du confinement, paradigme auquel on associe rarement la SF quand elle évoque la conquête spatiale et autres explorations intergalactiques pour échapper à la Terre devenue inhabitable. Pour autant, ces récits relèvent largement d’une « esthétique du confinement », comme le montre Cécile Lafon de manière très convaincante en analysant en particulier La Trilogie de Mars de Kim Stanley Robinson, qui met en scène des personnages qui abandonnent sans regret l’écosystème Terre pour vivre dans des mondes clos. Dès lors, si l’image de ces pionniers de l’espace fait lointainement écho à la tradition du Nature Writing, c’est peut-être moins à cause de l’appel des grands espaces et du mythe de la wilderness, que des « récit de cabane » qui ont fondé le genre, comme le Walden de Thoreau.

7La contribution d’Héloïse Brézillon porte elle aussi sur la science-fiction, en essayant de cerner comment ce genre peut contribuer à une décolonisation de nos imaginaires, parasités par les récits de l’industrie culturelle capitaliste. Ce très long article (près de trente pages), adopte un ton résolument engagé et offensif, s’inscrivant dans le sillage d’un Damasio qui assume de vouloir mener une « guerre des imaginaires ». Il s’agit d’identifier différentes voies pour y parvenir. En l’occurrence, il y en aurait trois : inventer des représentations alternatives pour nourrir de nouveaux imaginaires ; jouer de l’empathie envers les personnages ou faire porter à l’œuvre un contenu théorique et argumentatif (nous ne sommes alors plus très loin du « plaire et persuader ») ; opérer enfin une révolution du langage, par les voies de la recherche création et la pratique des lectures/performances et de tout procédé qui implique directement le ou la lecteur·rice ou auditeur·rice. Héloïse Brézillon ne se prive pas d’évaluer ces différentes « méthodes », et de formuler sa préférence pour la troisième, qu’elle rattache directement au situationnisme (en citant Guy Debord). On aimerait pouvoir adhérer à cette foi dans le renouvellement des formes esthétiques et dans la dimension participative comme leviers de l’action, à l’heure où, face à l’urgence climatique, les penseurs du vivant appellent plus souvent à changer de regard qu’à changer le monde. On se permettra cependant de rester circonspect, se rappelant ici les réserves d’Olivier Neveux qui pointait le risque incantatoire du théâtre politique8, avec des arguments que l’on pourrait appliquer à d’autres formes d’expression artistique. L’article d’Héloïse Brézillon, s’il ne convainc pas complètement, est néanmoins admirable de cohérence, puisqu’il se veut lui-même une démonstration de la « recherche-création » qu’il appelle de ses vœux. De courtes descriptions sont ainsi insérées au sein de la contribution, qui font voir des scènes de nos vies réelles mais évoquées de telle sorte qu’elles créent une impression d’étrangeté et de malaise et, partant, de distance critique.

8Marie Semin signe le troisième article de cette partie, ainsi qu’un poème (« Mon bel érable ») placé en clausule de l’ouvrage. Elle s’intéresse dans sa belle contribution à trois autrices québécoises contemporaines, à la fois poètes et performeuses, Joséphine Bacon, Natasha Kanapé Fontaine et Vanessa Bell, qui ont en commun leur engagement écoféministe, leur attachement au territoire, et, pour Joséphine Bacon et Natasha K. Fontaine, leur lutte pour la défense des droits des peuples autochtones. Marie Semin analyse plus précisément leur rapport essentiel à la langue, au bilinguisme, et à la traduction, ainsi que l’importance, dans leur travail, de la performance et de la référence à la marche – celle des protestations, mais aussi des migrations innues, comme un « hommage aux luttes passées et présentes ». Enfin, la dernière contribution, signée Anne-Marie Petitjean, propose une lecture écopoétique de la littérature de jeunesse. Sont d’abord rappelées les singularités de cette littérature, quand elle porte sur des questions écologiques : sommée d’avertir les enfants mais sans les désespérer, elle doit aussi leur montrer l’impéritie des adultes qui ont saccagé la planète, tout en laissant ouvert l’avenir. Bien que parfois didactique, elle ne renoue pas pour autant avec la littérature moralisatrice, puisque c’est l’enfant qui se voit désormais chargé de transmettre ce qu’il sait, du monde et de son devenir, aux aîné.es qui ont échoué à éviter la catastrophe. Cette inversion de l’ordre paternel et familial est illustrée à partir des albums de Claude Ponti : leur évolution souligne la place centrale dévolue à l’enfant, dont l’ingéniosité, l’imagination et le goût du bricolage se trouvent reconnus comme des compétences propres à créer des mondes alternatifs à notre planète abîmée. La littérature jeunesse peut apparaître ainsi comme une première étape de la littérature dite d’intervention.

*

9En dépit des réserves suscitées par certains articles, l’ouvrage présente donc des pistes de réflexion stimulantes, et montre à quel point la crise climatique, premier défi véritablement planétaire de l’humanité, n’est pas un thème parmi d’autres : elle induit, dans nos modes de figuration et de questionnement, un véritable tournant épistémologique. Les contributions réunies dans le recueil soulignent l’effet de déflagration, dans tous les champs du savoir et de la création, produit par la prise de conscience de l’Anthropocène et du dérèglement climatique. Plus qu’un ouvrage supplémentaire de ce que Sylvie Brodziak, Hélène Manuelian et Damien Masson nomme une « bibliothèque de la catastrophe », on doit y voir une incitation à accroître le dialogue entre la littérature et les sciences sociales, pour penser, à défaut peut-être de juguler, le désastre qui vient.