Acta fabula
ISSN 2115-8037

Dossier critique
2011
Janvier 2011 (volume 12, numéro 1)
titre article
Jean-François Duclos

Pli sur pli : vers un nouveau roman baroque ?

Johan Faerber, Pour une esthétique baroque du Nouveau Roman, Paris : Honoré Champion, coll. « Littérature de notre siècle », 2010, 548 p., EAN 9782745319173.

1Le rapprochement entre Baroque et Nouveau Roman que, dès le seuil de son étude, Johan Faerber invite le lecteur à effectuer ne peut avoir lieu sans une mise au point préalable. La notion de Baroque manque en effet, et notoirement, de repères fixes. Elle échappe « à la distribution nationale et aux supports artistiques1 » et a fait l’objet d’un si grand nombre de déplacements et de chevauchements que, par un effet d’inflation sémantique, elle pourrait finir par se présenter, selon la mise en garde de Claude Mignot, comme un système stylistique qui change de nature à chaque fois qu’on lui applique un nouveau corpus de références.

2Pour beaucoup aujourd’hui, ce problème est résolu en partie par la lecture de Gilles Deleuze pour qui le Baroque « ne renvoie pas à une essence, mais plutôt à une fonction opératoire, à un trait2 ». Ainsi, l’incertitude historique et notionnelle se trouve-t-elle convertie en un geste absolu transportable et imitable, ce trait qu’il désigne sous le nom de pli. Le pli n’a pas de centre absolu, mais un centre de courbure qui se meut avec l’inflexion et prolifère à l’envi. On en déduit une manière de faire et d’être, et surtout une manière de figurer le geste de la pensée qui, quel que soit le support choisi (la musique, le dessin, l’architecture, la littérature et en particulier le théâtre), se retrouvera dans ce trait identifiable sans avoir à se référer au contexte historique et culturel dans lequel il se place. En invoquant Klee et Michaux, Borges et Boulez, Deleuze veut faire du Baroque moins une façon de circonscrire une esthétique dans une époque postérieure au xviiie siècle qu’une façon de tracer une manière de penser qui s’inscrit dans son incurvation infinie.

3J. Faerber intègre les lectures les plus récentes sur le Baroque, et en particulier celles de Gilles Deleuze, mais il place un curseur historique en amont de la publication du Pli, au moment de la résurgence du Baroque dans le discours esthétique moderne (les études de Jean Rousset et Claude-Gilbert Dubois sont abondamment citées), à savoir l’après-guerre et les deux décennies qui ont suivi. Ce choix est important puisque c’est à la même époque qu’émergent les premiers titres d’auteurs qui, bon gré mal gré, se trouveront rassemblés sous le nom de Nouveau Roman. Bien entendu, J. Faerber voit plus qu’une coïncidence entre ces deux mouvements en train d’émerger au même moment. Les derniers mots de son étude suggèrent même que ce saut dans le milieu du xxe siècle est ce qui rend possible de penser le Baroque aujourd’hui. Il serait alors « la condition sine qua non de l’âge baroque, et non le contraire voire l’inverse », ce qui explique aussi pourquoi chez Rousset les néo-romanciers ont fait l’objet d’une attention si particulière. Dans cette perspective, en tenant le Nouveau Roman pour une réécriture du Baroque et une manière de contribuer à la faire advenir à la pensée moderne, « l’histoire ne connaît pas de bégaiement » (p. 516).

4L’esthétique baroque, telle qu’elle apparaît dans les années cinquante, nous donne donc la chance de rassembler aujourd’hui et pour de bon des auteurs dont on sait la réticence que la plupart d’entre eux a eue à se retrouver ensemble autour d’une même dénomination, celle du Nouveau Roman. Il ne s’agit donc pas d’un enrôlement double, qui aurait fait de tel auteur (prenons Claude Ollier au hasard) un néo-romancier d’une part, et le tenant d’une esthétique baroque d’autre part, mais d’une manière de trouver une « identité textuelle homogène » (4e de couverture).

5La question de l’identité est la première des quatre développées dans cette étude3. J. Faerber part du constat que chez Butor, Pinget, Simon, Robbe-Grillet, Ollier et Sarraute, l’intégrité des sujets est sans cesse mise en péril. Ces derniers se trouvent constamment en butte à un sentiment d’effacement de soi, voire d’éclatement de la personnalité qui les menacent de disparition. Disparition ou multiplication car il se produit bien souvent, dans le même mouvement de perte d’identité des phénomènes de dédoublement (en particulier chez Claude Simon et Alain Robbe-Grillet), par lesquels s’organise un décentrement radical du sujet et de son discours. Les récits du Nouveau Roman s’éloignent d’une conception humaniste « qui voit dans le cercle l’image même de la sécurité identitaires et énonciatives » (p. 114). « Divisé et contredit par l’Autre, [le personnage] est ce hors-sujet où, exclu de tout repère, il glisse hors de lui et digresse4 » (p. 91). Le paradigme du cogito, s’il doit prendre une tournure baroque, doit donc se fonder sur « l’altérité comme condition même de l’identique » (p. 96). Le centre, en se dédoublant, donne aux limites du moi et du monde une forme elliptique qui est la forme d’un vide, l’absence d’un point fixe qui servirait, en dernier recours, à se situer, ne serait-ce que pour se placer en bordure de ce cercle devenu absent. Le danger d’une perte irrémédiable de soi à soi y est présenté comme permanent.

6J. Faerber se penche sur cette grammaire qui doit s’inventer pour formuler l’existence et le devenir d’un être nul et de nulle part. S’agence par exemple une onomastique instable qui sert de point de départ à une interrogation sur son identité sociale. Là, ce sont des jeux de miroirs qui menacent une conscience de coïncider avec une autre, là encore des permutations identitaires qui tirent souvent les personnages du côté de la folie. Sans en faire à tous les coups des entités instables et sans consistance, J. Faerber montre que toute saisie du sujet sur le monde qui l’entoure (que celui-ci soit historiquement catastrophique ou pas, le fait que le Roman soit né après 1940 n’est pas un hasard) ne va pas sans risque de vertige pour la conscience, qui retrace par l’écrit cette fragile instabilité. L’estrangement pressentie par les narrateurs de Butor dans L’Emploi du temps ou Monsieur Songe dans le texte éponyme ; cette impression de ne pas s’appartenir chez Claude Simon ou de faire l’expérience d’une expatriation radicale chez Claude Ollier ; ces manifestations d’une identité réduite à moins que rien renvoient à une manière baroque de traiter la perte de « cohérence unitaire de soi » (p. 62).

7En un sens, le labyrinthe est à l’espace ce que le double est au moi : la manifestation d’une spatialité indécidable dans laquelle les personnages peinent à se retrouver et ne peuvent faire l’économie de nombreux retours en arrière. La seconde partie de l’étude se concentre donc, selon l’heureuse formule qui lui donne son titre, sur des territoires en quête de géographie. J. Faerber constate que tout, dans le Nouveau Roman, contribue à faire de la représentation des lieux une illusion dans laquelle les protagonistes s’égarent. L’espace « va s’éprouver comme irrégulier et impermanent. Il se constitue autour de la notion de perspectivisme. Tout ici paraît incessamment changer de perspective dans les volumes qui s’exposent » (p. 198). Dans ce théâtre du monde où la nature n’a que peu de place, la perspective, si elle n’a pas disparu, tente donc de capturer par les moyens du trompe-l’œil un esprit qui, dès lors, perdu en soi comme en dehors, n’a d’autre possibilité que de se livrer aux mises en scène placées sur son chemin. Ce qui ne signifie pas que l’espace se conçoive comme un simple décor.

8Toute traversée, qu’elle soit en train, en voiture ou à pied, devient « une expérience physique au sens fort du terme » (p. 201). L’œuvre d’Ollier, à laquelle J. Faerber consacre bon nombre de pages, revendique pleinement cette illusion de l’espace qui s’éprouve par l’effort mental et physique. De tous les néo-romanciers (à l’exception notable de Butor), il est celui qui s’est montré la plus avide d’une radicalité géographique fondée sur le voyage hors d’Europe. À chaque nouvel espace — l’Australie, l’Atlas, une planète lointaine — correspond certes une nouvelle culture, et une autre manière d’appréhender l’espace, mais aussi, pour les protagonistes décentrés une nouvelle mise en scène ou un truquage. Claude Simon, quant à lui, revient sur une certaine mobilité du paysage où l’espace se fait ellipse, et au sein duquel l’équilibre ne peut se réaliser qu’en mouvement. Le réel est fragile et pour celui qui l’observe, s’il se révèle stable c’est qu’il est sans doute déjà trop tard. Nulle trace de genèse chez Simon, mais la description sans cesse recommencée d’une fin vers laquelle le monde semble courir, mais qui, dans ce mouvement de fuite, continue de conserver un certain équilibre. Cette « cosmologie du mouvant » renvoie, comme en ce qui concerne le sujet, à des récits dont « l’épine dorsale et narrative est fournie par une compossibilité successive du descriptif » (p. 239). L’univers se déploie selon le mécanisme de rouages qui multiplie les surprises de l’apparition et de la disparition dans un inlassable « trouble référentiel » (p. 255). Dès lors, comment faire en sorte que le monde et la conscience ne s’effondrent pas tout à fait ? Comment faire perdurer une écriture dans les mouvements du retrait et du dédoublement parfois développés concurremment ?

9Ce que l’analyse de J. Faerber révèle à ce stade, c’est que l’espace baroque du Nouveau Roman obéit au principe de la compossibilité, où certes le monde est donné à voir, mais où le fait qu’il soit montré comme le Livre n’est pas la moindre de ses manifestations. Dès lors, la topographie se fait synonyme, comme dans Fuzzy Sets de Claude Ollier, de la typographie, et le texte pour mimer les formes que l’esprit projette sur le monde, du calligramme. Chez Butor, les noms de lieux, et leurs descriptions, auront la forme en mouvement d’un mobile. Il arrive encore, et plus souvent, que ce qu’il faut appeler dès lors des décors prennent la forme et la texture du papier (à écrire, à dessiner ou à calligraphier), comme pour mieux révéler le caractère culturel absolu de notre regard projeté au dehors de nous-mêmes. Bref, le monde se fait livre, et la conscience narrative cherche un moyen de le révéler par le biais d’une cosmologie tantôt théâtrale, tantôt picturale, mais de toutes les façons d’une façon illusoire et qui ne s’en cache pas : une illusion au carré (p. 260).

10Ces deux questions de la fragilité de l’être et de l’espace renvoient à une troisième, celle du langage. Là encore, le contexte historique dans lequel le soupçon pour le logos prend forme est complémentaire du questionnement sur la représentation apparu au début du xviiie siècle. C’est du reste sur ce point précis que la démonstration de J. Faerber semble la plus réussie, et le caractère baroque de l’esthétique du Nouveau Roman le plus patent. En proposant en particulier de s’attarder sur la figure de l’ecphrase pour laquelle l’œil est l’objet d’une sollicitation exclusive, le récit du Nouveau Roman se place sur un plan qui annule tout ambition cartésienne de représentation du monde. L’œil, en effet, sature le langage d’un doute qui élabore ses hypothèses avec un sens du détail hypertrophié. De sorte qu’au lieu de présenter, de toutes les possibilités qui s’offrent au narrateur pour raconter une histoire, celle qui semble la plus probable, le langage nouveau de l’œil et de la pensée qui ne veulent rien perdre se donne les moyens d’envisager l’ensemble des possibilités de réalisation. Travail de détective pour les uns (comme dans Les Gommes), ressassements du prisonnier de guerre revenu de tout sauf des conditions qui ont permis sa défaite (comme dans La Route des Flandres), retours d’un observateur opiniâtre sur des non-dits qui se terrent sous une conversation (comme dans tous les textes de Nathalie Sarraute), monologues de conscience habitée par l’idée fixe annulée et alimentée en permanence par l’impossibilité de se taire (comme dans Quelqu’un) : à coups de « si », de « ou bien », de « peut-être », de « il semble », le langage, au service de l’œil porté sur le monde, se trouve dessaisi de ce que Deleuze appelle « le plan privilégié de projection » (p. 23). Pour autant, il ne se défait pas de ce qui devrait précipiter sa perte. Au contraire, il continue de produire un discours travaillé par le désir totalisateur de dire le monde dans toutes les compossibilités qui s’annoncent à la pensée. Cette manière de ne pouvoir se fixer sur aucun point, ou plutôt aucune ligne droite, soumet le langage à un régime du doute qui lui impose une anti-méthode. La ligne « devient tourbillonnaire, et se fait par retard, par différé, plutôt que par prolongement ou prolifération : la ligne en effet se replie en spirale pour différer l’inflexion dans le mouvement suspendu entre ciel et terre5 ». Les hypothèses convergent parfois, divergent souvent, forment une trame « embrassant toutes les possibilités » (p. 83) mais comme le constate Georges Poulet, elles ne parviennent pas à constituer une trame continue de la durée6. Par contagion, la notion de Vérité est évacuée, en même temps que celle, pourtant essentielle chez les artistes de l’époque baroque, de transcendance. Tâcher de garder prise sur le réel, c’est prendre le risque de s’effondrer sous ses décombres sans aucune planche de salut.

11Or contrairement aux artistes, penseurs et écrivains baroques, l’écrivain du Nouveau Roman, dans sa mise à plat systématique de la Raison, ne peut faire contraster sa condition avec ce que à nouveau Georges Poulet nomme « l’immensité, l’éternité et la vérité de la sphère divine7 ». Cette transcendance absente doit trouver un substitut, qui dans le cas du Nouveau Roman prend la forme autoréférentielle de l’écriture. L’écriture qui doute de tout, y compris de ses propres effets, offre au lecteur une forme qui s’exhibe en se démultipliant. Pliée et repliée, au lieu de se projeter dans le réel sans douter d’une adéquation entre le mots et la chose, elle se projette dans un espace intérieur qui permet de revenir sans cesse à soi et à son mouvement, soit pour se demander si elle correspond à la chose, soit pour se reprendre et poursuivre, par l’hésitation, sur une autre piste. L’écriture élève sa puissance « au carré » — une expression utilisée davantage encore dans cette quatrième partie de l’étude de J. Faerber que dans la troisième — « pour dresser et redresser en elle son désir ontologique » (p. 403). Un tel mouvement entraîne deux phénomènes qui par nature ne peuvent que se multiplier dans un jeu vertigineux. Le premier est la mise en abyme, sorte de mise en scène du livre, qui tantôt révèle une connaissance qui se dépasse (comme dans L’Emploi du Temps de Butor), tantôt désigne un Rien qui est le devenir même de la quête identitaire (comme dans La Modification du même Butor), et qui, dans un cas comme dans l’autre, semble fonctionner comme un espace clos dans lequel tout est possible. Le second phénomène mène l’écriture à se commenter elle-même, sans intermédiaire. C’est l’infinitude du ressassement, particulièrement présent chez Simon, ou l’Encore s’incarne dans le corps même de la parole. La redite est reprise et réécriture. Elle est renouvellement et répétition du même. Sur ce modèle pour le coup particulièrement deleuzien, le Nouveau Roman trouve sa marque et son modèle structurel. Claude Ollier évoque le va-et-vient de la navette sur le métier à tisser. Pinget la passacaille et la fugue. Simon la spirale et Robbe-Grillet le miroir (à vrai dire, les miroirs sont partout dans le Nouveau Roman dès qu’on se met à en chercher). Chacune de ces inflexions, observe J. Faerber, « souligne l’importance de l’organisation formelle de ces récits », et c’est finalement par ce qui, aux yeux de tout un chacun fait la marque de fabrique néo-romancier qu’il termine son étude.

12Pour convaincante que soit la démonstration, on aimerait suggérer cette hypothèse au lecteur : en admettant que les références au Baroque puissent d’un coup s’absenter de ces pages, verrait-on disparaître suffisamment de traces, de relais et de traits de l’esthétique dont il est question dans le titre pour que la démonstration soit condamnée à ne plus rien vouloir dire ? On fait le pari que non. Ce qui appelle immédiatement deux remarques.

13La première est qu’il y a, de toute évidence, du baroque dans le Nouveau Roman, mais que tout comme le lecteur aujourd’hui, ceux qu’ont été et continuent d’être les écrivains du Nouveau Roman ont dû en élaborer leur propre définition ; définition dynamique et instable, qu’il est difficile de rassembler sous forme de système, d’esthétique même, et qu’il est tout aussi difficile, voire contre-productif, de vouloir systématiquement comparer aux œuvres anciennes. Rotrou aide-t-il à lire Pinget ? Jean de Ligende, Sarraute ? Balde, Robbe-Grillet ? Pour reprendre un titre de Claude Simon, c’est plus à une tentative de restitution que nous avons affaire ; à la fois un écho et un dépassement qu’ont su identifier et conceptualiser Jean Rousset. Il n’est donc pas sûr que la littérature baroque, celle qui a été identifiée comme telle, serve de modèle, au même titre que Flaubert, contre les notions périmées qui font l’objet d’une mise en cause si radicale chez les néo-romanciers. Johan Faerber évite ce piège de la simple comparaison mais il s’en approche souvent. Il repère des discours comparables qui, souvent, paraissent moins pertinents que les comparaisons entre néo-romanciers. En formulant l’idée selon laquelle « la possibilité néo-baroque du néo-romanesque en tant qu’esthétique permet de dégager [une] approche d’une simple saisie thématique », il se donne pour ambition d’éviter la simple paraphrase de clichés (p. 24) et la comparaison systématique de ce qui n’est pas compatible. Ce n’est alors pas une surprise de constater que l’auteur classique qui traverse avec le plus de cohérence l’ensemble de la démonstration est Michel de Montaigne. Ce n’est pas le lieu de se demander si, de tous ceux qu’on a placé sous la catégorie baroque, Montaigne serait le moindre d’entre eux. Mais en tout cas, c’est en partie parce que l’auteur des Essais n’est pas, lui-même, et de loin, que baroque mais que J. Faerber a su en capter les moments les plus intéressants.

14Justement : la seconde remarque est qu’il n’y a pas que du baroque dans ce qui resterait l’esthétique du Nouveau Roman. Cette évidence supplémentaire, au lieu de contredire J. Faerber, invite le lecteur à essayer ses propres analyses sur celles qui forment le corps de sa thèse. Ainsi, lorsque la carte géographique et le plan urbain sont présentés comme les moyens par lesquels la relation identitaire entre sujet, espace et livre procurent le moyen de se maintenir contre le risque de perte et de dissolution, ce n’est pas uniquement à l’esthétique baroque du xviie siècle que renvoie l’expérience, mais sans doute, en bonne part, à la Renaissance (voir les études de Tom Conley, notamment The Self-Made Map). Par ailleurs, au même moment que les néo-romanciers, Louis-Ferdinand Céline, qui n’a pas grand-chose avec le baroque et peut-être encore moins avec le Nouveau Roman, retenait pour son compte, dans la trilogie finale par laquelle débute D’un château l’autre, des leçons identiques sur les risques de suivre la carte d’une Allemagne en déroute. De même, en produisant les moyens de l’exploration du réel par ceux de l’hypothèse pour produire tantôt une arborescence de faits possibles mais contradictoires, tantôt un discours qui pousse ses narrateurs vers la folie ou le rêve, le néo-romancier fait peut-être davantage penser à l’esthétique moderne du désir et du rêve qu’au baroque, historique ou pas. Enfin, par la nature même de leurs constructions narratives, pour transformées qu’elles finissent par devenir, une bonne part des textes publiés sous le registre du Nouveau Roman empruntent plus, semble-t-il, à la comptabilité rigoureuse des effets de miroir propre au roman policier qu’à la saturation sans contrôle possible des plis et des replis du réel.

15Il serait alors inutile de chercher une manière exclusive de définir l’esthétique du Nouveau Roman. L’invite à y voir de plus près, presque militante, que manifeste de « pour » du titre de J. Faerber, et qui fait écho au Pour un Nouveau Roman publié par Robbe-Grillet, ne constitue pas un appel à la remise à plat, mais bien un moment de reprise au cours duquel l’ensemble des données peuvent être réorganisées. Pour une esthétique du Nouveau Roman fonctionne donc, à nos yeux, comme une manière raisonnée de servir à l’étude des néo-romanciers et, pourquoi pas, de leurs successeurs.