Acta fabula
ISSN 2115-8037

2011
Septembre 2011 (volume 12, numéro 7)
Marta Teixeira Anacleto

Éthique & distance : les enjeux du « pastorat »

Laurence Giavarini, La Distance pastorale, Paris : Vrin/EHESS, 2010, 365 p., EAN 9782711623006.

L’invention d’un lointain

La distance pastorale est l’invention d’un lointain. En rapportant à leurs usages politiques les contenus éthiques de la littérature pastorale, ce livre décrit la bergerie comme un des lieux majeurs de l’expérience de l’histoire propre aux hommes de l’Ancien Régime.

1Cet énoncé, figurant sur la quatrième de couverture de La Distance Pastorale de Laurence Giavarini, annonce une stratégie de lecture de la pastorale qui nous force, d’emblée, à voir dans cet ouvrage un évènement de publication décisif dans le cadre de la critique de la « bergerie ». En fait, ce que l’auteur nous propose, dès le moment introductoire, correspond à un parcours singulier qui croise le littéraire, le philosophique, le social/historique, dans un travail de recherche portant sur la politique de la représentation pastorale, des guerres de Religion à la mort du duc de Montmorency, en 1632. La notion d’éthique est, de ce fait, analysée dans une perspective politique (éthique des auteurs/politique du texte et des auteurs) et c’est de cette politique qu’émane la « distance » : l’argument à développer procède du mode éthique selon lequel les bergers de représentation parlent des mœurs et de la politique pour se centrer dans les usages politiques que l’on fait de ces textes (ou «paroles de bergers») à l’époque. C’est pourquoi l’auteur ouvre La Distance pastorale en affirmant que « ce livre fait le pari de lire en un sens politique les textes de la littérature pastorale d’Ancien Régime » (p. 7).

2À cet objectif s’ajoute une vision idiosyncratique de la littérature pastorale que les travaux de L. Giavarini ne cessent de mettre en relief, depuis sa thèse sur « L’expérience du berger et les signes1 » jusqu’aux articles ultérieurs portant sur les usages politiques de la littérature chez Honoré d’Urfé, Giambattista Guarini ou la politique de la représentation pastorale des guerres de Religion à la mort du duc de Montmorency2. Construit sur l’hypothèse que l’histoire et son écriture se reproduisent au cœur de la représentation des bergers, l’ouvrage se propose « de prendre en charge le statut de la pastorale comme représentation » (p. 13) sans escamoter un ensemble de lectures qui, au cours du xxe siècle et, déjà, au xxie siècle, ont constitué un important canon critique de ce mode du discours : de M. Magendie à P. Koch, M. Fumaroli, E. Henein, F. Lavocat, D. Denis3, entre autres.

3L’invention du lointain passe, donc, dans le premier moment introductoire (« Tradition et politique »), par l’énonciation de la tradition pastorale à partir d’un corpus assez vaste (pastorales dramatiques et romans pastoraux français ; traductions d’ouvrages italiens et anglais), voire, par une enquête sur la tradition pastorale s’appuyant sur des notions-clés qui deviennent des outils épistémologiques fondamentaux : la « distance » et la « représentation » (voire l’éthique de la distance et de la représentation). Leurs enjeux se définissent au cœur même du mode pastoral et d’un éclatement du sens — « le lointain » — qui lui est propre : la distance énonciative est, d’une part, ce qui permet aux « bergeries » de devenir politiques, même si les textes semblent, dans leur essence, contredire le politique par un souci permanent de création d’une société plus morale, de forger de continuelles discussions néoplatoniciennes ou d’aspirer tacitement à l’utopie ; le genre transhistorique de la pastorale participe et se projette, d’autre part, de/dans la construction des mœurs et de la langue du siècle classique. Ainsi, le dialogue installé entre tradition et politique permet à l’auteur de développer un postulat innovateur associé au statut de la pastorale comme « mode de représentation d’une action » (Rapin) : le sens de la « parole de berger », les nuances épistémologiques de sa relation particulière au discours de l’histoire et les évènements de publication que ces moments d’écriture constituent, se fabriquent sur l’idée de « distance », plus proche, dans le livre, du point de vue critique de Norbert Elias4 (forme d’écart de l’homme par rapport au processus historique qu’il vécut) que de celui de Thomas Pavel5 (éloignement entre l’écrit et le monde).

4La structure chronologique de l’ouvrage — deux parties situées dans un devenir temporel conséquent, encadrées par un lieu de passage dédié à « L’évènement Astrée » — est une démonstration réussie de cette pensée sur la « distance » et sur sa représentation éthique.

Éthique du « pastorat »

5Le « Prélude » qui ouvre la première partie — « De la politique considérée comme une affaire de la Bergerie. Du Moyen Âge aux troubles de Religion » —, où le vertige du modèle s’impose en tant que poétique/mode de l’écriture, évalue les modulations heuristiques de la notion de « distance » à partir de l’optique de Michel Foucault. Selon cet auteur, le modèle pastoral n’interroge pas directement le politique ; il le fait par le biais de la parole poétique du roi-pasteur décrite par le concept du « pastorat », voire de la « politique considérée comme affaire de bergerie6 ». Ce concept devient une clé de lecture fondamentale pour comprendre l’évolution des mouvements argumentatifs du livre de L. Giavarini, d’autant plus qu’il se centralise sur les contextes historiques/politiques où la métaphore pastorale surgit en France et les modalités de son énonciation (le rapport entre le berger et l’art de gouverner).

6La période des guerres de Religion domine, sous le regard de Foucault, ce premier moment du livre, quoique le Chapitre Premier (« L’expérience du berger et les signes (xivexviie siècles) ») illustre le parcours suivi par les images politiques de la pastorale pendant deux siècles et leur portée historique, mythique et allégorique. Le Bon Berger de Jean de Brie (1379c), le Temple d’honneur et de vertus de Jean Lemaire de Belges (1503), la fable de La Fontaine « Le berger et le roi » (1678), entre autres, se font écho différemment, dans la temporalité des signes pastoraux, des figurations politiques et religieuses du berger, la valeur de sa parole politique ayant déjà été objet d’analyse dans les arts poétiques de la Renaissance.

7Ceci dit, dans cette logique de la « distance », une réflexion sur le lieu pastoral et l’utopie pendant les guerres de Religion s’impose : les formes poétiques de la « bergerie » se déploient dans les diverses modalités des discours amoureux des personnages. Le deuxième chapitre du livre (« La bergerie comme texte. Lieu pastoral et distance utopique au début des guerres de Religion ») met justement l’accent sur le lieu (d’)où ils s’énoncent et sur le rapport critique et spatial établi entre ce lieu de l’écriture et le lieu social de la cour, en mesurant la signification politique des textes. À ce sujet, un premier cadre descriptif des réalisations françaises du lieu pastoral est dessiné à partir de La Bergerie de Ronsard (1565), de Les Théâtres de Gaillon de Nicolas Filleul (1566), de la Première Journée de La Bergerie de Rémi Belleau (1565) : au‑delà d’une approche plus générique de ces textes, menée par Nathalie Dauvois, citée à plusieurs reprises7, L. Giavarini conduit la réflexion vers le plan du texte culturel, vers le lien singulier que Ronsard, Filleul et Rémi Belleau établissent entre l’espace d’énonciation des discours des bergers — parfois passage allégorique et artistique à l’espace de la cour — et le cadre historique précis où leur mode de lecture éthique/esthétique se concrétise.

8Les différents degrés de ce double questionnement (lieu d’énonciation des discours amoureux des bergers et lieu politique de son déploiement) se trouvent illustrés par l’intromission des signes du «trouble» politique dans la poétique de représentation de la «bergerie», notamment par les croisements idéologiques qui découlent de la filiation ligueuse de certains écrivains. L’expérience de la mélancolie (Chapitre III) devient, alors, un élément singulier au cœur de la distinction entre propos éthique et usage politique de la pastorale, étant donné que l’idée du corps, associée aux conflits religieux de la seconde moitié du xvie siècle, s’étale dans la violence corporelle qui envahit le cadre bucolique. Encore une fois, La Distance pastorale s’ancre dans une intéressante postulation épistémologique, se situant au-delà des différentes études consacrées, jusqu’à présent, à la mélancolie et nostalgie pastorales depuis Sannazar, sans pour autant ignorer leurs enjeux8. Ainsi, pour montrer comment la pensée du corps participe de la réflexion sur  les troubles menée à bien par des ligueurs et politiques, l’auteur évoque deux textes de Belleforest, La Pastorale amoureuse (1569) et La Pyrénée (1571), « lieux affectés » où l’allusion historique (à la maison de Guise) côtoie la casuistique néoplatonicienne qui marque les discours des bergers.

9De même, l’évocation des Bergeries de Juliette de Nicolas de Montreux (1585‑1598) montre comment l’éthique du texte pastoral est accentuée par son ouverture épistémique à l’histoire. Les trois dédicaces dont les destinataires ont des positions politiques diverses par rapport aux guerres de Religion nous situent, dans le vestibule du texte, dans un espace ambigu, d’autant plus que le roman de Montreux n’est pas directement identifiable à une position politique donnée. Sa publication accompagne néanmoins la période d’existence de la Ligue et le texte développe, en conformité ontologique avec l’histoire, une imagination mélancolique qui repose sur les effets néfastes de la passion (« autopsie de la mort d’amour » ; le pathos corporel) et l’exaltation de la chasteté. On y perçoit une sorte de déploiement des affects des bergers émergeant de la casuistique amoureuse néoplatonicienne propre à leurs discours, qui se légitime dès le paratexte: dans l’épître au duc de Mercœur, l’éthique du destinataire se joint à l’ethos que l’auteur se fait de lui-même.

10La « Clausule » de cette première partie du livre élabore une très utile synthèse des différentes modulations des contenus catholiques sous‑jacents au corpus élu, c’est‑à‑dire des usages que la « bergerie » présente de la politique (et de la politique ligueuse), en s’appuyant sur un travail de la « distance », intrinsèque à la poétique des textes, exposé dans les enjeux rhétoriques des paratextes.

Dispositio et « affaire(s) de bergerie »

11La deuxième partie du livre — « Le moment libertin (c. 1607‑1634). Pastorale et politique des auteurs » — séparée la première partie par un « lieu de passage » dédié à L’Astrée, accorde une place originale à différents écrits pastoraux (pastorales dramatiques, romans français, italiens, anglais) « dans un contexte où les actions d’écriture des auteurs sont saisis par des jugements concernant la nouveauté, le rapport à l’autorité, les enjeux de la poétique » (p. 199), c’est‑à‑dire dans le « moment libertin » (ou le « moment dévot », après l’assassinat d’Henri IV). L’intérêt de ce second grand mouvement de La Distance pastorale est évident si l’on tient compte du regard moderne à travers lequel est analysée « la pastorale d’auteurs qui ne sont pas identifiables comme poètes ». Cette approche éthique et politique que L. Giavarini nous présente de la pastorale, ayant trait au premier tiers du xviie siècle où s’intensifie la publication de « bergeries », reste liée aux marques particulières de la dispositio et au sens particulier des discours sur la nature et l’histoire qui s’en dégagent. On revient, du coup, à la question complexe de l’éthique du texte pastoral, étant donné que l’on se situe du côté des usages libertins de la pastorale et de l’écriture poétique dans une époque (ou un moment) visiblement aporétique.

12La théâtralité devient, alors, un important enjeu de la dispositio des textes — on revient au « berger de représentation » et à la question de la représentation — permettant d’évaluer différemment les pastorales dramatiques dont il sera question dans le chapitre VI (« La nature en procès. Enjeu politique de l’amour et sens de l’expérience (1607‑1625) »). Elles sont lues, de ce fait, comme des textes d’opinion développés autour de la question politique de l’amour (l’amour des particuliers, l’amour pour le prince, l’amour du prince pour ses sujets). L’auteur arrive ainsi à la question de la « dispositio tragique » autour de laquelle se construit une constellation textuelle où la nature dans l’histoire et dans la production de conduites éthiques est pensée : La Bergerie de Montchrestien ; Alphé de Hardy ; Les Amours tragiques de Pyrame et de Thisbé de Théophile de Viau ; Les Bergeries de Racan ; les traductions du Pastor Fido de Guarini et de l’Aminta du Tasse. Ces textes (qui sont aussi prétextes pour une extension éthique de l’analyse), traduisent une mise-en-scène énonciative tragique de l’historicité des (nobles) bergers dont les discours sont traversés par les questions de la Contre‑Réforme.  

13Encore une fois, la politique devient « affaire de bergerie », et l’intention auctoriale de faire lire les textes en tant qu’exemples de cette mise en représentation de l’histoire dans l’écriture pastorale, justifie la restriction du corpus à un seul auteur — Jean Mairet — et à ses tragicomédies pastorales (1626‑1631) pour discuter, dans le chapitre suivant, « l’autorité en procès ». En fait, ce dont il est question dans la dramaturgie de Mairet, est, de prime abord, l’autorité monarchique, d’autant plus que la disposition formelle des pièces est soumise, comme le démontre brillamment l’auteur dans le chapitre VII, au protectorat du duc de Montmorency et à l’aurade la cour de son château de Chantilly. La crise mélancolique qui parsème La Sylvie ou La Silvanire (la mort ou la fausse mort des bergers) devient la scène par excellence de l’espace politique, du trouble et de la montée de l’absolutisme, esquissée depuis les épîtres dédiés à ce noble enraciné dans l’histoire. Il s’agit, donc, pour L. Giavarini, d’exposer au lecteur, à travers Mairet/Montmorency, l’exemple par excellence d’un dispositif de publication éthique — un « évènement d’énonciation » — où la « distance » se devine dans le croisement de l’espace de l’écrivain avec l’espace historique, à travers la complexité du paratexte.

14L’écriture pastorale devient, en ce sens, codifiée, discours à clés foncièrement associé au social9, ce qui semble assez clair lorsque le livre crée un ultime moment de réflexion centré autour des enjeux auctoriaux du « tombeau » (« Tombeaux et jugements critiques (1627‑1634) »). Lieu « symptomatique du texte pastoral » (p. 16), le tombeau nous permet de récupérer la relation essentielle entre l’écriture, la mort et l’autorité, en partant des traductions de l’Aminta du Tasse, de la Filli di Sciro de G. Bonarelli et de l’Arcady de Sidney. Le lieu occupé par le corps dans l’énoncé pastoral — le corps mort et/ou vivant — devient le centre d’une « distance » à partir de laquelle les actions politiques sont jugées en termes de passions et d’humeur. La représentation tragique organise les affects du point de vue de l’usage social de l’écriture, conduisant la lecture vers des parallélismes assez intéressants (le personnage du « malcontent » sert, par exemple, à désigner le noble révolté contre le roi pendant les troubles de la fin du xvie siècle et du début du xviie siècle). De ce fait, L. Giavarini démontre que le travail de la « distance », érigé entre la fiction et l’histoire, devient un travail de représentation (tragique) et, en même temps, un travail de codification d’une écriture centrée sur les jugements critiques que les auteurs construisent à partir des modèles «anciens» de la pastorale. On boucle le cercle en revenant au «moment libertin» et à la nature de la relation qui se dessine entre écriture présente et modèles canoniques. Que cette approche se fasse sous une formulation libertine (« L’Avant-Propos » champêtre du traité politique de Guez de Balzac, Le Prince), sous une réécriture satirique (le tombeau des romans mis en scène dans Le Berger extravagant de Charles Sorel), sous une filiation révérencielle (la fiction des «illustres bergers», libertins des années 1626, décrite dans un prosimètre de Nicolas Frenicle), la pastorale est toujours considérée comme un monument où se définit l’autorité poétique des auteurs et où se dévoile la disposition de leurs affects.

Le secret d’un évènement de publication

15Entre la première partie et la deuxième partie de La Distance pastorale, L. Giavarini crée un « lieu de passage » qui est plus qu’une parenthèse : les deux chapitres consacrés à « L’évènement Astrée » anticipent, en quelque sorte, le moment de clôture du livre et intensifient l’ouverture du littéraire au politique, voire le sens du « pastorat ». Considéré, depuis le « Préambule », comme un « monument », un « évènement de publication », qui sert à ériger la tradition poétique, L’Astrée ne fait pas l’objet d’une analyse romanesque ou pastorale. L’intérêt de ce « lieu de passage » va plutôt du côté de l’interrogation du geste de publication d’un roman sans dédicataire déclaré, dont la première épître s’adresse à Astrée, personnage de fiction transporté vers un espace péritextuel normalement encadré dans l’histoire. La façon dont Urfé construit sa position auctoriale passe, ainsi, par l’institution d’un secret : « le roman d’un noble au Parnasse » est présenté/dédié, dans les trois premières parties, à des entités fictives (Astrée, Céladon et à la rivière du Lignon) qui installent une double « distance » par rapport à la réalité : les trois épîtres constituent des espaces d’expansion lyrique (intime) tout en instaurant une distance éthique de l’auteur par rapport à son texte. Il ne désigne explicitement sa position dans le discours politique que lorsqu’il fait publier une autre épître, dans la version de 1610 de la deuxième partie, dont le destinataire est Henri IV, un roi de paix. En saisissant le processus de (dé)construction du secret d’un évènement de publication, L. Giavarini  montre que l’écriture est, pour Honoré d’Urfé, ancien ligueur, une pratique sociale, ce qui détermine la liaison de son référent au modèle théâtral et à une double représentation : la représentation de l’amour des bergers dans le décor de la vie de cour (l’ethos de l’amour a un sens politique); la représentation de son lignage, de son patrimoine, de l’ancien guerrier, à travers l’action politique imposée subtilement par une rhétorique des clés (Euric, personnage-clé d’Henri IV, dans la IIIe Partie). La «distance pastorale» qui accompagne la publication différée des diverses parties de L’Astrée devient action historique, formule éthique de l’écriture, démonstration de la dimension politique de l’autorité par l’effet de la réception du social. L. Giavarini rejoint ici F. Lavocat qui, dans ces Arcadies Malheureuses, fréquemment citées dans le texte, met en lumière la transformation du roman pastoral associée à la disparition des bergers‑poètes au profit des princes et des personnages de fiction. Ainsi, l’« évènement Astrée » (un lieu fondamental au regard de l’argument de la « distance ») relève et révèle, en même temps, l’usage politique du « pastorat ».

16C’est pourquoi il me semble possible, sinon obligatoire, d’associer ce moment de « Passage » au moment de clôture où le livre évalue, à nouveau, « le lieu pastoral et l’expérience de l’Histoire ». L’« évènement Astrée » reste un « moment décisif dans le changement de sens de la distance pastorale au tournant du siècle » (p. 316). De même, l’évolution subie au long de l’ouvrage par le concept de « distance » correspond, comme l’affirme L. Giavarini dans la « Conclusion », à la distance de l’éthique et à son caractère foncièrement politique. Ceci dit, le texte pastoral est éthique en deux sens : il décrit les mœurs (de l’écrivain, de ses dédicataires) ; il présente des exemples de conduite. En outre, les différents usages de la « distance » ont aussi rendu plus claire une définition de l’écrit pastoral comme « un mode d’action dans le monde plutôt que comme un fragment d’une histoire des représentations » (p. 322). Le secret de la publication des écrits pastoraux se dévoile peu à peu, par et dans la distance, même lorsque l’on atteint le moment de leur caducité ou disparition de la scène française. Un autre secret sur l’essence de la pastorale et son rapport à l’histoire se découvre au fur et à mesure que les mouvements d’analyse de La Distance pastorale s’enchaînent les uns dans les autres, dessinant u10ne pensée critique qui sera désormais fondamentale dans le cadre des études sur « La pastorale, les bergers, le pastorat », cités dans la bibliographie exhaustive présentée à la fin du livre. C’est, en effet, dans ce lieu singulier de « l’expérience de l’histoire propre aux hommes de l’Ancien Régime » créé par Laurence Giavarini pour la littérature pastorale que l’on trouve l’originalité solide et la modernité (voire la distance épistémologique) de cet ouvrage.