Jules de Gaultier en plein jour & en clair‑obscur
Jules de Gaultier à part entière
1Jules de Gaultier, cet inconnu ? Bien que de nombreuses publications aient été récemment consacrées à l’œuvre de ce penseur, l’attention des critiques a été presque fatalement attirée par la notion capitale qu’il a définie le premier — le bovarysme — et par les racines littéraires de celle‑ci dans le roman de Flaubert. Or, Gaultier n’est pas seulement l’inventeur du bovarysme, de même qu’il n’est pas qu’un critique littéraire : c’est une figure aux multiples facettes, un véritable « philosophe », quoiqu’il n’appartienne pas au canon philosophique de son époque. De ce point de vue, l’étude d’Alice Gonzi a un double et indéniable mérite : Gaultier y est considéré moins comme un critique littéraire que comme un philosophe à part entière1 ; dès lors, la perspective de recherche est beaucoup plus ample que ne le serait celle d’une analyse du bovarysme et des alentours de ce concept. Le livre d’A. Gonzi est pour ainsi dire une enquête « totale », qui porte sur tout le corpus du penseur français ; le sous‑titre de l’ouvrage — la filosofia del bovarismo — aurait pu être, sans que cela cause préjudice à son exactitude, « le philosophe du bovarysme ».
2Par ailleurs, A. Gonzi se pose vis‑à‑vis des différents ouvrages de Gaultier comme en face des parties d’un ensemble qui serait donné une fois pour toutes ; d’après l’auteure, en effet, il n’y aurait pas de véritable évolution de la pensée de Gaultier, plutôt un approfondissement et un élargissement de ses idées :
Gaultier [...] ne semble pas modifier d’une façon substantielle, au fil des années, sa vision philosophique. Celle-ci semblerait déjà entièrement présente dans ses premiers travaux ; de ce point de vue, chaque nouvel ouvrage constitue une reprise, une formulation plus précise, un exposé plus ample et détaillé de thèmes qui étaient précédemment minoritaires2.
3D’où le choix interprétatif d’A. Gonzi, dont l’étude présente un caractère non diachronique, mais synchronique.
Du bovarysme au système bovaryste
4Jules de Gaultier : la filosofia del bovarismo se compose d’une introduction, de six chapitres et d’une conclusion3. Le premier chapitre (« Il nucleo fondamentale : Gustave Flaubert ed Emma Bovary »)4 examine les origines littéraires de la notion de bovarysme. Celle‑ci est solidement ancrée dans une pensée de l’imperfection et de l’inauthenticité, que Gaultier élabore à partir d’un corpus comprenant non seulement l’œuvre de Flaubert, mais également les Goncourt, Ibsen, Tolstoï (le triptyque d’études de La Fiction universelle [1903] porte sur ces auteurs). Ainsi, l’art des Goncourt serait une forme d’indifférence et de fatigue suprême, et leur bovarysme coïnciderait avec le principe stimulateur responsable des productions artistiques aux époques exténuées5 ; Ibsen montrerait la dissociation entre l’activité réelle d’un individu et les objectifs qu’il poursuit ou qu’il croit poursuivre6, tandis que la pensée de Tolstoï tournerait inlassablement autour de la question des limites du génie7.
5Les chapitres II (« La realtà : bovarismo, finzione ed errore »), III (« Emergenza di tre “problemi” : metafisico, morale e filosofico ») et IV (« La filosofia del bovarismo »)8 reconstruisent dans ses articulations fondamentales la pensée de Gaultier. A. Gonzi montre avec efficacité comment le concept de bovarysme s’intègre dans un système philosophique complexe représentant la vie humaine comme une fiction, ou plus exactement comme un mensonge vital, que la connaissance détruit et que l’illusion — toute forme d’illusion, notamment l’illusion bovaryste — est susceptible d’entretenir9. Il existe, en effet, chez Gaultier une opposition primordiale entre principe vital et instinct de connaissance, une « antinomie irréductible entre existence et compréhension10 » : « pendant qu’elle bouge, la vie ment11 ». Telle est la loi dynamique de l’existence humaine : comme l’écrit l’auteure, résumant les thèses du penseur français,
l’homme se conçoit incessamment autre qu’il n’est, il atteint des buts utilitaires autres que ses objectifs conscients, il suit des hypothèses avec la prétention de connaître des vérités ; cependant, telle est sa loi, loi essentielle d’où dépend tout développement moral et intellectuel ; mécanisme ironique mais, pour la vie, irremplaçable, car ce dispositif est responsable d’un mouvement perpétuel12.
6La vie devient en somme une variation incessante de formes, que gouverne une « vérité » conçue comme principe dynamique de changement.
7Cette spectacularisation de l’existence — A. Gonzi parle d’un « idéalisme illusionniste » de Gaultier13 : « L’existence a une seule justification, celle de répondre au désir d’une “contemplation spectaculaire”14 » — comporte deux conséquences décisives. D’abord, la connaissance elle‑même est un acte purement spectaculaire, dans la mesure où « elle fait partie du mécanisme illusionniste15 ». Gaultier affiche, sur le plan gnoséologique, des convictions profondément relativistes, voire sceptiques16 ; dans ses œuvres, il pointe du doigt « les limites infranchissables de la faculté de connaître17 » : la science est pour lui un exercice d’étonnement (« Le savant digne de ce nom fera constamment sienne une profession d’agnosticisme18 »), et la seule attitude intellectuelle correcte est celle qui choisit « l’ignorance en tant que dogme de connaissance19 ». Ensuite, la critique radicale de la connaissance que Gaultier formule implique une déconstruction tout aussi radicale du vocabulaire philosophique traditionnel, ainsi que du répertoire conceptuel de la philosophie « officielle20 ». Pour Gaultier, les termes de « liberté », « nécessité », « contingence » sont autant de fictions qui masquent l’incapacité de l’homme à connaître21 : « aucun nouveau terme adopté par le langage philosophique ne saurait rendre intelligible ce qui, jusqu’à son apparition, ne l’était pas22 ». Par ailleurs, toutes les idées morales — y compris l’idée de justice — sont illusoires ; la morale est l’un des instruments les plus puissants que la vie ait inventés pour sa conservation : le comportement moral et la vérité morale sont « des fictions supplémentaires, que l’instinct vital a érigées pour la protection du mécanisme vital23 ». Le concept de vérité lui‑même n’a de sens que dans une perspective utilitariste : la vérité, c’est « une association d’idées liée à une utilité actuelle24 ». Quant à la métaphysique occidentale, ce panorama extraordinairement fascinant peut être apprécié uniquement sur le plan esthétique : les différentes métaphysiques forment en effet « un système de connaissances non vrai [...] mais plutôt harmonieux25 ».
8Les chapitres V (« Jules de Gaultier : le influenze ed il confronto con i contemporanei ») et VI (« Jules de Gaultier e René Girard »)26 enquêtent respectivement en amont et en aval de Gaultier, sur ses modèles et sur ses descendants. La place toute particulière qu’A. Gonzi réserve à René Girard et à la théorie du roman exposée dans l’ouvrage sans doute le plus célèbre de celui-ci, Mensonge romantique et vérité romanesque27, est liée, entre autres, à la généalogie intellectuelle de sa recherche : comme l’indique l’introduction du volume28, A. Gonzi est partie précisément de Girard, et des retombées de la philosophie de Gaultier sur l’œuvre des penseurs contemporains, pour remonter jusqu’aux sources et éclairer ainsi d’une lumière nouvelle des pans entiers de la réflexion des dernières décennies. Quant au chapitre final (« Conclusioni. Jules de Gaultier : il concetto di politica »)29, A. Gonzi y explique brièvement pourquoi la philosophie de Gaultier se situe au‑delà ou en deçà de la politique :
La philosophie du spectacle engendre chez le savant un état contemplatif totalement opposé à celui des hommes qui vivent comme si ce monde existait vraiment, agissant pour des fins utilitaires (bien-être et bonheur) et accomplissant des actes intéressés. Au contraire, ceux qui ont adopté l’attitude esthétique observent la réalité telle qu’elle est, sans interférer avec son cours30.
Un principe d’explication universelle
9L’une des qualités de l’analyse d’A. Gonzi est de situer la notion de bovarysme au cœur même du système philosophique de Gaultier. Le « pouvoir départi à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est31 », cette faculté qui constitue l’essence du bovarysme, est un Protée qui peut assumer de multiples formes. La doctrine bovaryste peut être déclinée dans un sens à la fois gnoséologique et métaphysique : d’après Gaultier, la seule substance universelle est la pensée, qui « se scinde en un sujet et un objet, prenant ainsi conscience d’elle-même32 » ; or si l’existence est connaissance et que la connaissance est différenciation, il en résulte que le bovarysme — en tant que phénomène par lequel la pensée se différencie d’elle‑même, dans l’opposition d’un sujet connaissant et d’un objet à connaître — est la relation féconde qui façonne toutes les formes du réel. Dès lors, le bovarysme en vient à représenter — remarque A. Gonzi — « une modalité essentielle de l’Être universel33 » :
Dans cette acception métaphysique, le bovarysme fait en sorte que l’Être universel se conçoive nécessairement autre qu’il n’est : le monde et le réel prendraient naissance dans cet acte primordial d’illusion34.
10C’est en ce sens que Gaultier parle de l’« erreur créatrice », de l’erreur bovaryste « comme source du réel35 ».
11Mais Gaultier définit — et A. Gonzi recense — d’autres formes, plus ou moins complexes, de bovarysme, qui se rattachent soit aux sciences naturelles, soit à l’histoire des hommes et des sociétés : le phénomène de l’évolution, par exemple, ne serait rien d’autre qu’un produit du bovarysme36 ; il existerait également un bovarysme de l’histoire et de la civilisation37, et même un « bovarysme du langage38 », dont l’action est décisive dans la formation des mythes. En l’occurrence, celui du Christ est un cas exemplaire : la figure historique aurait subi un « triple processus de déformation » et de « bovarysation39 », qui lui garantirait son pouvoir de fascination ; Gaultier relit d’ailleurs les Saintes Écritures à la lumière du bovarysme, en transformant Jésus en paradigme de l’homo aestheticus40. De cette prolifération du concept relève aussi le classement des formes innombrables du bovarysme que Gaultier avait entrepris de rédiger, et que le livre d’A. Gonzi développe : si le penseur français, avec un souci presque « physiologique » de la taxinomie, avait identifié plusieurs races de bovarystes — tels sont l’homme de génie, le snob, l’homme victime de passion amoureuse, le savant41 — A. Gonzi souligne les prolongements abstraits de la notion de bovarysme. Non seulement les hommes sont tous ou presque des bovarystes, mais les mots et les concepts sont susceptibles d’être ramenés à la même idée fondamentale ; sous la plume de Gaultier, l’univers entier semble se concevoir autre qu’il n’est : le bovarysme est en quelque sorte le mécanisme de la réalité toute entière, il devient — pour utiliser une formule heureuse d’A. Gonzi — « un principe d’explication universelle42 ».
Ancêtres, contemporains et petits-neveux de Jules de Gaultier
12Gaultier a entretenu un dialogue fécond avec de nombreux penseurs de son époque ; à travers ses propres œuvres, il a en outre constamment dialogué avec les philosophes des époques précédentes. L’on sait, par ailleurs, que « la notion de bovarysme a été reprise par différents écrivains, philosophes, psychiatres au cours du xxe siècle43 ». Par définition, toute œuvre se situe au croisement d’influences, d’échanges, d’échos destinés à résonner dans les œuvres à venir ; cependant, en ce qui concerne Gaultier, cette dimension intertextuelle semble être encore plus importante que d’habitude : il est, dès lors, essentiel de situer l’œuvre du penseur français par rapport à son passé, à sa contemporanéité et à son avenir. C’est précisément ce que fait A. Gonzi, avec compétence et méticulosité, citant tour à tour les grands philosophes de la tradition occidentale ; en voici une liste qui ne se veut nullement exhaustive, mais qui donnera une idée de la richesse des références employées par l’auteure : Platon, Plotin, Spinoza, Nietzsche, Bergson, Aristote, Kant, Voltaire, Victor Cousin, Saint Augustin, Émile Boutroux, Berkeley, Locke, Spencer, Stuart Mill, Schopenhauer, Durkheim, Lévy‑Bruhl, Claude Bernard, Rousseau, Pascal, mais aussi René Quinton, Thomas Carlyle, Émile Meyerson, Léon Issaakovitch Chestov, et Remy de Gourmont, que Gaultier nomme souvent.
13Par moments, ce dialogue ininterrompu avec la tradition monopolise l’attention de l’interprète, comme dans le paragraphe qui porte sur « L’idealismo di Berkeley e di Jules de Gaultier44 » : en l’occurrence, c’est Gaultier lui‑même qui critique en détail la pensée de Berkeley, en remplaçant l’« idéalisme subjectif » du philosophe empiriste par son propre « idéalisme absolu45 ». Mais c’est surtout dans le cinquième chapitre qu’A. Gonzi cherche à replacer l’œuvre de Gaultier dans le contexte que représentent ses sources principales. A. Gonzi analyse ici tout particulièrement le rapport de Gaultier avec six penseurs : Spinoza (cf. § V, 1, « L’influenza di Spinoza »), Kant (V, 2, « Kant e Jules de Gaultier »), Hegel (V, 3, « Hegel e Jules de Gaultier »), Schopenhauer (V, 4, « Schopenhauer e le filosofie orientali »), Nietzsche (V, 5, « Un’interpretazione di Nietzsche » ; V, 5, i, « Nietzsche e Jules de Gaultier »), Bergson (V, 6, « Bergson e Jules de Gaultier »)46. Chacune de ces sous‑parties étudie — d’une façon toutefois un peu scolaire — le rapport entre Gaultier et l’œuvre d’un penseur ; on peut bien évidemment ajouter à cette liste le nom de René Girard, sur lequel porte, comme nous l’avons vu, le sixième chapitre. Le lien intertextuel le plus solide serait, d’après A. Gonzi, celui qui s’établit entre Gaultier et Schopenhauer47 ; cependant, à beaucoup d’égards, le système philosophique de Nietzsche semble avoir exercé une influence encore plus décisive (A. Gonzi finit d’ailleurs par lui consacrer deux paragraphes au lieu d’un). Gaultier — qui, paraît‑il, ne connaissait pas l’œuvre de Nietzsche au moment de jeter les fondements de sa propre pensée48 — semble nourrir, vis‑à‑vis du philosophe allemand, une véritable angoisse d’influence, qu’il exorcise en attribuant à une racine schopenhauerienne commune les nombreuses convergences entre le système philosophique nietzschéen et le sien propre49.
14En revanche, à l’exception du premier chapitre, il est peu question dans le livre d’A. Gonzi de littérature et d’écrivains, et assez peu de Flaubert lui‑même, ce qui pourrait sembler paradoxal… Comme nous l’avons dit, toutefois, la perspective de cette étude est moins littéraire que philosophique ; on ne manquera pas non plus de signaler deux pages où A. Gonzi rappelle l’importance de Flaubert dans la genèse de la pensée de Gaultier : Flaubert, c’est la déconstruction du mensonge vital et le remplacement de l’éthique par l’esthétique50.
Jules de Gaultier en clair‑obscur
15Dans les notes qui précèdent, nous n’avons pas épuisé, loin s’en faut, les mérites du volume d’A. Gonzi. Il est à remarquer, par exemple, que cette dernière revient avec finesse sur la question des ambiguïtés de la notion de bovarysme51, soulignant à la fois les aspects négatifs et positifs de cette force multiforme52. Gaultier écrit que le « pouvoir de déformation » qui cause la perte d’Emma Bovary peut devenir, en d’autres circonstances, « un pouvoir créateur53 » ; le spécialiste auquel nous devons l’actuelle édition de référence du Bovarysme, Per Buvik, insiste sur « le caractère paradoxal de la philosophie du bovarysme : d’une part, elle dénonce les illusions, voire les mensonges qui régissent l’existence humaine ; d’autre part, elle montre que les illusions et les mensonges sont propices à l’homme en tant qu’ils incitent à la création et au changement54 ». A. Gonzi remarque, quant à elle, que le bovarysme, principe de mensonge et d’illusion qui fonde la réalité toute entière, la justifie, en même temps, sur le plan de la contemplation esthétique55 ; aux yeux de Gaultier, le bonheur consiste à contempler le réel, en acceptant le « flux phénoménal ininterrompu » de la vie56.
16Après avoir souligné les points forts du volume d’A. Gonzi, par souci d’honnêteté intellectuelle, il conviendra de ne pas passer sous silence ses points faibles. D’abord, le profil philologique du volume n’est pas toujours impeccable ; ce sont surtout les sources d’A. Gonzi qui posent problème. L’auteure cite par exemple les œuvres de René Girard non en français, mais en italien : c’est sans doute faire la part trop belle au traducteur… De même, en ce qui concerne l’ouvrage le plus connu de Jules de Gaultier, A. Gonzi n’utilise pas l’édition de référence57, mais la traduction italienne de l’édition de 190258. Gonzi justifie son choix en rappelant que Jules de Gaultier : la filosofia del bovarismo a été rédigé entre 2000 et 200259 ; cependant, on imagine mal ce qui a pu empêcher l’auteure de consulter l’édition de Per Buvik entre 2006, date de sa publication, et 2008, date de parution de son propre livre…
17Ensuite, l’ouvrage d’A. Gonzi contient malheureusement des coquilles gênantes, notamment en ce qui concerne les titres français, trop souvent cités sous une forme fautive. La langue italienne n’est pas non plus à l’abri des critiques ; quand elle lit Gaultier dans l’original, A. Gonzi ne le traduit pas toujours parfaitement, tombant parfois dans le contresens, par exemple lorsqu’elle rend le mot français intrigue par intrico (qui signifie en italien « enchevêtrement », mais n’a pas le sens spécifique, dans le domaine de la technique narrative, qu’il possède en français60). Une fois de plus, il ne s’agit pas de rédiger un relevé de fautes, opération peu charitable et peu utile, mais de souligner un manque de soin qu’on ne saurait sous-estimer car il affecte parfois, plus généralement, la tenue scientifique de l’ouvrage.
18Ajoutons à cela qu’A. Gonzi manifeste à plusieurs reprises une fâcheuse tendance à paraphraser les écrits de Gaultier. Certes celui‑ci, comme l’écrit Ferdinando Abbri dans la préface du volume, « est l’un de ces auteurs selon lesquels il faudrait ignorer la philosophie académique officielle au nom d’une recherche philosophique conçue comme moment de la vie intellectuelle. [Pour Gaultier,] [l]a philosophie doit donner vie à une réflexion critique sous la forme de l’essai thématique, sans aucune prétention ou aspiration à une systématicité inutile61 ». À partir de là, on pourrait prétendre qu’une démarche asystématique est le moyen le plus efficace de rendre compte d’une pensée — celle de Gaultier — protéiforme, qui se métamorphose sans cesse au gré des différentes réalités sur lesquels elle porte son attention. Ce n’est pas notre avis : nous pensons, au contraire, qu’une démarche intellectuelle trop solidaire avec son objet d’étude présente ici des dangers.
19En l’occurrence, A. Gonzi s’égare de temps à autre dans les innombrables ramifications de la paraphrase et le sens de l’aventure intellectuelle de Gaultier finit alors par nous échapper. L’excès de paraphrase serait-il dû à un souci didactique, au désir de faire connaître au public italien l’œuvre de Gaultier ? Jules de Gaultier : la filosofia del bovarismo est en effet la première monographie en langue italienne sur l’œuvre du penseur français.
20Rappelons, pour conclure, que l’ouvrage d’Alice Gonzi ne comporte pas d’index nominum ; or cet instrument de travail aurait été extrêmement utile, étant donné le nombre très élevé d’auctoritates qu’A. Gonzi met en jeu dans ses analyses. Il nous paraît néanmoins probable que la responsabilité de ce manque revienne à l’éditeur.