La littérature, c'est dire ce qu'il faut
1À moins d’être un kantien intransigeant ou un puritain américain, il est généralement possible de dépasser une première et compréhensible allergie morale au mensonge. Celui-ci peut apparaître comme utile, voire séduisant, en raison même du réalisme qu’il implique. On ment aux hommes parce qu’il est parfois nécessaire de le faire. On se fait machiavélique ou casuiste, on récuse l’idéal kantien d’universalisation des pratiques. On le fait dans son propre intérêt, ou dans le leur ; car c’est un fait avéré qu’une vérité peut être très douloureuse ou très compliquée à (faire) admettre. Par bonté, par altruisme, par paresse, nous évitons souvent d’infliger cette vérité désagréable aux oreilles qui ne peuvent pas l’entendre, parce qu’elle passe leur force d’âme, ou la nôtre, leur intelligence, ou la nôtre. Le menteur a donc quelques raisons de faire valoir qu’il assume le monde tel qu’il est. Il peut entourer son acte, a priori indéfendable, d’un cortège de justifications éthiques qui méritent d’être écoutées et discutées. Ce privilège ou cette marge de manœuvre que le bon sens accorde volontiers au menteur, il semble bien qu’il les refuse à la mauvaise foi. C’est cette inégalité qu’interroge avec pertinence et ténacité Maxime Decout, dans son essai stimulant de réhabilitation de la mauvaise foi. Est-on si sûr, en effet, que tout soit intrinsèquement mauvais dans la mauvaise foi ? Sa mauvaise réputation n’est-elle pas quelque peu injuste ou injustifiée ?, M. Decout pose l’existence d’une « bonne mauvaise foi » (p. 36), et donc d’un bon usage de la mauvaise foi, dont le nom ne serait autre que celui de… la littérature. Ce faisceau de provocations fécondes et habilement maîtrisées rend pleinement hommage au nom de la prestigieuse collection que l’essayiste enrichit d’un nouvel opus : car lui aussi, à sa manière, préfère être un homme à paradoxes qu’à préjugés.
2La disproportion des jugements que suscite mensonge et mauvaise foi s’explique en partie par la définition de la seconde ; c’est ainsi que s’ouvre l’essai de M. Decout. Le mensonge a pour lui de pouvoir s’accompagner d’une forme de franchise décomplexée ; quand je mens, je sais que je mens, et je peux éventuellement rendre compte de mon acte devant un tiers impartial. Tout autre est la mauvaise foi : elle serait une sorte de mensonge qui n’ose pas dire son nom, un mensonge qu’on se fait à soi-même avant de et afin de le faire aux autres1. On peut se reconnaître menteur, et faire preuve ainsi d’une robuste probité ; mais il est évidemment plus rare, plus difficile, et peut-être impossible de dire : « oui, je suis de mauvaise foi ». D’où ce paradoxe, doublant le fameux paradoxe du menteur : avouer qu’on est de mauvaise foi, c’est cesser de l’être ; mais, contrairement au paradoxe du menteur, cet aveu ne se peut faire que sur le mode de la contrition. Prenons les fameuses maximes conversationnelles de Grice ; la maxime dite de qualité interdit formellement le mensonge et l’imprudence : « ne dites pas ce que vous croyez être faux » (mensonge) ; « ne dites pas ce que vous n’avez pas de raisons suffisantes de considérer comme vrai » (imprudence). Le pacte social qui codifie tout échange discursif pourrait ajouter : « ne dites pas ce que vous vous êtes persuadé être vrai quand vous savez au fond de vous-même que c’est faux » (mauvaise foi). Et pourquoi donc, cet interdit ? Parce que si vous vous autorisez (sans vous le dire) à être de mauvaise foi, vous n’autorisez généralement pas les autres à faire de même. Retour à Kant ?
3Non, retour à La Rochefoucauld, qui lui aussi, en avait fait l’expérience : parler, même pour le dénoncer, de l’amour-propre, c’est le voir partout, c’est ré-envisager le monde, les hommes, la culture, bref, le tout du réel, à l’aune de cette notion. Il est bon de se donner, au moins dans un premier temps, cette sorte de vertige heuristique. Maxime Decout nous convainc que la mauvaise foi fait partie de ces notions fascinantes dont on a envie de mesurer l’emprise et qu’on est tenté de décrire comme omniprésentes, même si l’essayiste, homme du xxie siècle, n’est pas (et pas le moins du monde !) effleuré par la tentation moraliste de fustiger ce dont il parle. Il y a pourtant quelque chose de fondamentalement antisocial dans la mauvaise foi ; le paradoxe sartrien dont, évidemment, s’empare M. Decout dès les premières pages, n’en est que plus saisissant. Contrairement au mensonge, qui, à moins d’être pathologique, est occasionnel, circonstancié, la mauvaise foi, elle, serait anhistorique, constitutive de la conscience même. Bigre ! La mauvaise foi serait donc à la fois universelle et universellement décriée ? La première mauvaise foi (d’ordre pratique) se redoublerait d’une seconde mauvaise foi (d’ordre épistémologique), consistant à en nier la dimension ontologique. Admettons-le. D’autres « modèles » peuvent être convoqués pour enrichir l’analyse, comme la psychanalyse et son utile distinction entre le déni (qui porte sur le réel) et la dénégation (qui porte sur le discours) : là où j’emploie une négation, il faut comprendre que, par mécanisme de défense, je dissimule une affirmation gênante. Mauvaise foi, là encore… Clément Rosset apporte lui aussi sa pierre à l’édifice, en soulignant la difficulté que tout un chacun éprouve à accepter le réel, et notre propension à le dédoubler pour le rendre plus habitable, moins tragique (ce que Rosset, mais non M. Decout, dénonce comme une imposture et un échec2). Paul Veyne, quant à lui, situe la mauvaise foi sur le terrain de la croyance (religieuse ou civique) ou de « l’imagination constituante », comme l’indique le sous-titre de son essai malicieusement intitulé : Les Grecs ont-ils cru à leur mythes3 ? Autrement dit : comment peut-on croire à des choses dont quelque chose en nous (la raison ?) sait bien qu’elles sont fausses ? « Comment peut-on croire à moitié ou croire à des choses contradictoires ? » se demande Paul Veyne, dès la première page de son étude. C’est aussi la question qu’élit Raymond Boudon, le sociologue aronien, dans L’Art de se persuader, par exemple, et plus généralement, dans toute son œuvre4. Bref, la mauvaise foi, ce serait l’avenir d’une illusion. Retour à Freud ?
4Non, retour à la littérature, argumente M. Decout. La mauvaise foi suppose en effet l’existence d’une subjectivité à la fois intime, honteuse, divisée et créatrice. Cette subjectivité serait le pain bénit (l’essence et le moteur) du discours littéraire. L’intime, c’est non l’innommable mais l’inavouable. De fait, la mauvaise conscience ne relève pas de l’inconscient, mais de la conscience à éclipse, de l’oubli graduel, du refoulé partiel. Par ailleurs, elle est honteuse, coupable, à l’image de l’homme d’aujourd’hui : honteux et mal à l’aise dans son histoire, dans sa civilisation, sur son territoire ou son écosystème, quand ce n’est pas dans son travail, dans son corps ou dans son couple ! La mauvaise foi est aussi l’un des « sésame ouvre-toi » les plus efficaces de la complexité : je dis ce que je crois mais non ce que je sais ; ou encore : ce que je crois, moi-même je n’y crois pas tout à fait ; ou alors : je sais bien mais quand même. Comme le montrent tous ces énoncés, la mauvaise foi est inventive : on ne saurait être idiot et de mauvaise foi. L’homme de mauvaise foi pense, puisque penser de travers, c’est encore penser : il (se) fabrique des raisons, des arguments, des excuses, des prétextes, des justifications, il s’invente une vie, un roman, des rôles… S’interroger sur la mauvaise foi, c’est donc s’intéresser à la généalogie des idées en nous, au comment nous pensons, au pourquoi nous parlons. Fascinante mauvaise foi : elle unit l’intime et l’extime, l’introspection et le théâtre, le forum intérieur et la place publique ; elle articule la conscience et le langage ; la croyance et le désir ; elle préfère l’utile ou l’agréable au vrai. Bref, elle est humaine, donc sympathique, du moins pour ceux qui comme M. Decout, ne sont pas misanthropes et s’efforcent plutôt d’aimer ou de comprendre leur prochain. Or quel art, plus que la littérature, est humain ? On tient là le syllogisme (ou la thèse) de M. Decout. La mauvaise foi montre comment la conscience désirante (qui veut plaire à autrui) construit un langage et ce faisant aliène son langage au désir d’autrui ; la littérature sera le langage qui à la fois montre et valorise ce processus, cette conscience devenant langage. La littérature sera donc mauvaise foi ou ne sera pas ; car elle sera le reflet de notre universelle mauvaise foi.
5Certains bons esprits, chatouilleux sur l’honneur de la littérature, pourront estimer qu’on insulte ainsi cette respectable institution. Mais c’est qu’ils n’ont pas saisi le paradoxe de la mauvaise foi : car ce qui suscite le soupçon est aussi ce qui autorise l’éloge. Soupçonner quelqu’un, quelque chose, c’est le créditer d’avoir une intelligence et de vouloir s’en servir. L’homme en société ne vit pas que de parrêsia : un sujet qui serait virtuellement incapable de vous tromper en se trompant lui-même est non seulement une chimère, mais aussi une chimère triste : car il rendrait vain ce fameux courage de la vérité dont, depuis Foucault, notre contemporanéité se fait une vertu5. La mauvaise foi est l’un des noms de l’anti-idéalisme. Ce n’est pas un hasard si M. Decout s’autorise de Montaigne, dont je retiens cette citation :
Du masque et de l’apparence, il n’en faut pas faire une essence réelle, ny de l’estranger le propre. Nous ne sçavons pas distinguer la peau de la chemise. C’est assés de s’enfariner le visage sans s’enfariner la poictrine. (p. 37)
6Certains exégètes en tireront l’idée que Montaigne condamne la mauvaise foi qui « enfarine la poitrine ». Plus subtilement, M. Decout estime que Montaigne montre que « la peau » et « la chemise » sont bien difficiles, voire impossibles, à distinguer : la seule bonne foi, c’est de reconnaître le pouvoir et l’étendue de la mauvaise foi en soi. Ainsi l’ennemie éthique devient-elle une alliée, un aiguillon pour la pensée. Épouser les méandres du moi, donc de la mauvaise foi, traquer son travail au lieu de prétendre y échapper, interroger nos impasses de l’intérieur (cf. p. 21), bref, se refuser à la posture de surplomb, c’est selon M. Decout, l’une des leçons de Montaigne, notre maître es réalités. De Montaigne, sans doute, on pourrait faire d’autres lectures, qui relativiseraient peut-être celle-ci ; mais relativiser n’est pas nier.
7Qu’est-ce qui, structurellement, fait du discours littéraire un discours de mauvaise foi ? Trois choses, selon M. Decout : la fiction, la mimesis, et l’éthique ou la construction littéraire d’un ethos. La fiction repose sur la croyance que la vérité passe par le mensonge ; le second est condition de la première. En littérature, la fiction n’est pas seulement un procédé didactique, comme la parabole religieuse ; la fiction est une réalité anthropologique. Nous avons besoin de nous « romancer » nous-mêmes, de nous croire ceci ou cela pour pouvoir le devenir ! De même, le romancier imagine la vérité pour pouvoir la saisir : il fait croire qu’il l’a vue alors qu’il l’a construite. Il y a donc une téléologie morale et épistémologique de la fiction qui serait celle de la mauvaise foi : pour être ou avoir ceci, ce qui manque et qu’on désire, il faut commencer par croire qu’on le possède (Socrate y perdrait son latin !) et par s’en forger l’image ; et nos représentations deviennent des vérités… ou pas. Marcel se croit écrivain (alors qu’il perd son temps) et il devient écrivain. Emma se rêve amoureuse-heureuse ; mais elle échoue à devenir la femme de ses rêves : l’amour sans la joie, c’est le lot que lui réserve le cruel Flaubert. Du côté de la mimesis, les choses sont à peine plus simples. M. Decout livre un joli commentaire (p. 158) de la déformation que Perec fait subir à la métaphore de Stendhal : « Un Roman est un Miroir qui se Promène le Long d’une Route ». Quelle mauvaise foi ! Le roman se dit miroir du chemin alors qu’il est lui-même le chemin ; à la mauvaise foi de Stendhal s’ajoute celle de Perec qui prétend que le miroir se promène de lui-même, en éclipsant l’auteur, l’illusionniste de talent qui fait croire à la fable du miroir. Quant à l’ethos ou l’éthique de l’écrivain, nous savons trop ce qu’il en est : l’écrivain fabrique des mythes subjectifs auxquels il donne son nom. Le contrat qui lie le littérateur à son lecteur est bel et bien un jeu de dupes dont personne n’est dupe ! Chacune des deux parties engagées dans le pacte cherche et élabore ses propres vérités, tout en feignant de croire que ce sont celles du monde (pour l’auteur) ou celles de l’auteur (pour le lecteur, qui se prend tour à tour pour tel ou tel personnage, ou pour tel ou tel écrivain).
8Avouons-le, malgré toute notre admiration pour le travail de M. Decout : il y a quelque chose d’un peu christique, donc d’irréfutable, dans cette défense et illustration de la littérature comme art (humain mais non trop humain) de la mauvaise foi ; car l’auteur, non sans un soupçon de mauvaise foi, nous dit quelque chose comme : que celui qui n’a jamais ressenti le désir et cédé à la tentation de la mauvaise foi me jette la première pierre (p. 16). Soit, jouons le jeu. Je m’abstiendrai donc de lui jeter la pierre, et ferai observer que les très nombreux exemples que présente ce militant de la « bonne mauvaise foi » sont presque toujours convaincants et, quand ils le sont moins, donnent toujours à réfléchir. Prenons le cas de Valmont : sa mauvaise foi l’oblige à ne tomber amoureux que sous couvert de libertinage ; car pour M. Decout, la mauvaise foi est toujours une manière d’ausculter la fragilité de l’humain. Désireux de donner des gages à son surmoi (la marquise, son professeur de maîtrise), le pauvre moi de ce prétendu héros en est réduit à singer l’insensibilité pour s’autoriser à goûter, avec sa Présidente, les délices d’un cœur sensible ! Je pourrai aussi citer Proust ou son narrateur : ils prétendent écrire contre le snobisme et s’acharnent à chercher une (introuvable) distinction entre aristocratie et haute-bourgeoisie pour continuer à alimenter le rêve poétique d’une essence de la francité médiévale ou « louisquatorzienne » perdue mais retrouvable dans les corps élégants des mondains titrés. La mauvaise foi consiste à vouloir détruire le rêve infantile auquel pourtant on tient, on s’accroche mordicus ; mieux vaudrait assumer ses rêves… et ses fantasmes. Mais est-ce possible ? Charlus imagine donner le change en accusant tout le monde d’être homosexuel ; il redouble bien maladroitement le procédé romanesque de l’auteur, pour qui la vérité de l’inversion ne doit se dire qu’à la troisième personne, par l’inversion du je et du il, par la réversion continuelle du je en il. Marguerite Yourcenar se demandait pourquoi Gide, plus courageux et plus militant que Proust, lui était inférieur sur le plan de la représentation artistique de l’homosexualité ; comme M. Decout, elle en concluait que c’était précisément parce que Proust était de mauvaise foi, peignait la mauvaise foi de l’inverti qui se masque, ce qui était en l’occurrence la seule façon d’être juste : montrer la vérité, mais en tant qu’elle est contrainte de se masquer.
9On ne peut terminer sans rendre hommage, avec M. Decout, à cette merveilleuse page de Marivaux, extraite du Paysan parvenu et finement commentée p. 91 :
C’était une dame qui passait sa vie dans toutes les dissipations du grand monde, qui allait aux spectacles, soupait en ville, se couchait à quatre heures du matin, se levait à une heure après midi ; qui avait des amants, qui les recevait à sa toilette, qui y lisait les billets doux qu’on lui envoyait, et puis les laissait traîner partout ; les lisait qui voulait ; mais on n’en était point curieux ; ses femmes ne trouvaient rien d’étrange à tout cela ; le mari ne s’en scandalisait point. On eût dit que c’étaient là, pour une femme, des dépendances naturelles du mariage. Madame, chez elle, ne passait pas pour coquette ; elle ne l’était point non plus ; car elle l’était sans réflexion, sans le savoir ; et une femme ne dit point qu’elle est coquette quand elle ne sait pas qu’elle l’est, et qu’elle vit dans sa coquetterie comme on vivrait dans l’état le plus décent et le plus ordinaire.
Telle était notre maîtresse, qui menait ce train de vie tout aussi franchement qu’on boit et qu’on mange ; c’était, en un mot, un petit libertinage de la meilleure foi du monde.
Je dis petit libertinage, et c’est dire ce qu’il faut ; car, quoiqu’il fût fort franc de sa part et qu’elle n’y réfléchit point, il n’en était pas moins ce que je dis.
10Tout commence par le portrait d’une femme immorale. Vient ensuite le besoin de qualifier sa conduite : coquette ? Non, prétend le narrateur, car cette dame est ouverte, franche, non dissimulée ; mais au nom de quoi l’ignorance (réelle ou feinte) d’une norme invalide-t-elle la norme qui permet de juger (quoi qu’on pense par ailleurs de cette norme) ? Le narrateur est donc obligé de retenir la qualification de petit libertinage, ce qui est l’exact équivalent de la coquetterie. Pour parvenir à la vérité, il a fallu donc traverser l’épaisseur d’une double mauvaise foi : celle de la maîtresse, qui est coquette, mais interdit à elle-même et à sa domesticité (dont Jacob fait partie) de prononcer ce nom injurieux en imposant (avec quelle grâce et quel aplomb !) la charmante fiction d’un naturel innocent ; et celle de Jacob, qui commence par reproduire le discours séduisant et séducteur de sa maîtresse pour finir par qualifier (à la manière d’un juge) les faits tels qu’ils sont : « Je dis petit libertinage, et c’est dire ce qu’il faut ».
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11Marivaux le savait. Enveloppée d’une apparence de franchise, la mauvaise foi est un incomparable vecteur de vérité. C’est toute la thèse de cet essai dont on ne saurait trop recommander la lecture. Maxime Decout montre que l’écrivain ne dénonce pas la mauvaise foi mais la met en scène et laisse le lecteur le soin de démêler le vrai du faux. Ainsi peut-on défendre et illustrer une subtile pédagogie de la mauvaise foi romanesque, du romanesque comme mauvaise foi. Rousseau, pourtant épinglé par M. Decout comme un « sincéromane » (p. 66‑108) c’est-à-dire comme un amoureux pathologiquement épris d’une impossible et mensongère sincérité, pourrait, dans sa quatrième promenade, apporter un peu d’eau au moulin de son censeur6 : ne défend-il pas la mauvaise foi, ce mensonge anodin que l’on dit non pour faire du tort à autrui, mais pour s’éviter un désagrément, une honte, et qui, par un chemin de traverse, rejoint curieusement cet autre mensonge, la fiction littéraire ? Dans la fiction, comme dans la mauvaise foi, on ne cherche pas à tromper autrui, mais à se consoler par un mensonge somme toute désintéressé. Mentir pour mieux vivre : et si la mauvaise foi était une thérapeutique, une ressource, chaque fois que le courage de la vérité, de l’âpre vérité, nous fait défaut ?