Francis Ponge et Philippe Sollers, Correspondance. 1957-1982 (éd. Didier Alexandre et Pauline Flepp)
Il a suffi qu’un jour de mars 1957 Philippe Joyaux aille écouter Francis Ponge enseigner la langue et la littérature françaises à des étudiants étrangers pour que débute une longue amitié faite d’admiration, d’affection et de complicité critique. Près de quinze années durant, le poète apportera son plus fidèle soutien à Philippe Sollers, révélation littéraire de la fin des années 1950, ainsi qu’à sa revue Tel Quel, créée en 1960. L’auteur du Parc servira son aîné avec le sentiment que l’œuvre de ce dernier incarnait l’esprit de la littérature telle qu’il la concevait — émancipée d’un certain idéalisme poétique, attachée au travail jouissif sur la matérialité de la langue et conçue comme une expérience proprement essentielle. L’un et l’autre étaient pareillement convaincus qu’il leur fallait à la fois former leur œuvre et le public qui la lirait — en somme, « créer leur école » contre une adversité entretenue et vécue avec la même intensité. Aussi cette correspondance dessine-t-elle toute une cartographie du monde revuiste et éditorial des années 1957 à 1974. Des divergences politiques — sans que ce soit là le seul sujet de discorde — ont peu à peu éloigné les deux hommes à partir des événements de 1968. Mais leur grande proximité aura fait date, dans une autre histoire.