Essai
Nouvelle parution
Isabelle Jouteur, L’Histoire du rémora. À quoi voulez-vous croire ?

Isabelle Jouteur, L’Histoire du rémora. À quoi voulez-vous croire ?

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Classiques Garnier)

Isabelle Jouteur,

L’Histoire du rémora À quoi voulez-vous croire ? 

Avec la collaboration de Johan Fourdrinoy et Germain Rousseaux

Paris, Classiques Garnier, Études et essais sur la Renaissance, 2023

Un poisson minuscule capable d’immobiliser les navires en mer, en vertu d’un pouvoir magique. Et une bataille célèbre où il fit rage : Actium. Telle fut la légende qui circula sur le rémora avant que le mystère ne soit résolu par une équipe de chercheurs. Ce livre en raconte l’histoire.

Table des matières…

Extrait de l'introduction 

"Rédigé quelques années après la bataille d'Actium, le texte de Pline insiste sur l'immobilisation étrange de la flotte d’Antoine lors de l’événement, le 2 septembre 31 avant J.-C., et en attribue la cause à l’action puissante du poisson, auquel il donne d’abord le nom de mora, ce substantif qui par ailleurs signifie en latin « le délai, le retard ». Mais deux faits sont frappants : d’une part, parmi les historiens de l’Antiquité qui firent le récit circonstancié de la bataille d’Actium, aucun ne mentionne explicitement ce poisson, y compris Plutarque [...] ; d’autre part, on observe une concentration des témoignages sur le rémora à partir du Iᵉʳ siècle après J.-C., pour les textes les plus fournis. [...]

Le livre revient donc sur le contexte d’élaboration de cette légende par l’examen rigoureux des sources anciennes et modernes, de manière à comprendre au plus juste l’articulation entre les croyances et le savoir, les faits et les discours qu’ils ont suscités, l'état des connaissances et leur exploitation par l'élite pensante ou gouvernante, les mécanismes d’adhésion à une croyance et de frein à son éviction ou à son renoncement. Ce parcours dessine l’histoire de l’abandon progressif d’une vision magique, théologique ou philologique du monde jusqu'à l'émergence d’une vision scientifique, où la physique et la biologie imposent un nouveau cadre de pensée. Les discours sur la résistance du bateau à l’avancement se trouvent ainsi refléter en corollaire la très longue résistance des mentalités à l’acceptation de la réalité, dans sa dimension phénoménologique, celle qui veut qu’un poisson ne puisse « raisonnablement » pas être à l’origine de l’immobilisation d’un bateau en pleine mer."