Croisant réflexion spéculative et enquêtes sur le bas, le milieu et le haut de la société, Nicolas Duvoux montre comment le sentiment de l’avenir constitue un indicateur précieux, et irremplaçable, de la position sociale. La capacité subjective à se projeter positivement dans l’avenir constitue une clé de lecture de la société au double sens où elle permet de décrire la hiérarchie sociale mais aussi de rendre compte des relations inégalitaires qui s’y nouent et de leur reproduction. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne face à la crise de l’avenir. Les plus dotés sont aussi les mieux à même de maîtriser l’avenir, individuel et collectif, ce qui entraîne anxiété et peur du déclassement au sein des classes moyennes, dépossession et insécurité radicale en bas de l’échelle sociale.
Sans renier la recherche d’objectivité scientifique mais au contraire en en raffinant les instruments, Nicolas Duvoux démontre comment la subjectivité peut servir de révélateur aux inégalités, notamment de classe sociale. Il fait ressortir l’importance du patrimoine économique à partir de la sécurité que sa possession procure – et de l’insécurité sociale endémique dans laquelle son absence plonge.
Prenant appui sur des travaux en philosophie, en psychologie ou en épidémiologie, il déploie une manière d’appréhender le monde social qui articule, sans les opposer, le présent, le passé mais aussi l’avenir tel que l’on se le projette, l’objectif et le subjectif, l’individuel et le collectif. Ce livre porte ainsi un regard sociologique sur le monde qui restitue l’épaisseur vécue de l’existence pour mieux penser les asymétries et formes de domination sociale, et il vise par là à réintégrer la sociologie dans un projet scientifique plus global.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Retrouver le sens des inégalités", par Alexis Spire…
Dans un contexte où les données économiques saturent le débat public sur les inégalités, l’ouvrage de Nicolas Duvoux offre une perspective originale et salutaire : il vient utilement rappeler que les différences sociales ne sauraient se réduire à des écarts de rémunération ou de patrimoine mais qu’elles engagent plus fondamentalement diverses capacités de se projeter dans le temps et de s’approprier l’avenir.
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Sommaire
Introduction
Chapitre I : Une science de la subjectivité
Retour aux fondements du projet scientifique moderne jusqu’aux développements contemporains de la mesure de la subjectivité : météorologie, épidémiologie, sociologie.
Chapitre II : Bourdieu avant Bourdieu
Comment Bourdieu a produit des analyses qui sont particulièrement utiles pour penser le lien entre ressources économiques, rapport subjectif à l’avenir et position de classe. Ce premier Bourdieu, effacé par celui de la maturité, est d’une brûlante actualité.
Chapitre III : L’insécurité existentielle des classes populaires
Les méthodes subjectives sont les seules à mêmes de donner la pleine mesure du coût social et humain du capitalisme mondialisé. Celui-ci confisque l’avenir des classes populaires, tout en les tournant les unes contre les autres.
Chapitre IV : Les classes sociales à l’ère du retour du patrimoine
L’approche développée dans les chapitres précédents permet d’analyser l’ensemble de la structure sociale et d’intégrer les apports décisifs de Piketty à la sociologie, à partir des classes sociales.
Chapitre V : Des philanthropes en quête de pérennité
En s’appuyant sur une enquête inédite auprès de philanthropes, ce chapitre montre comment on ne peut comprendre leur pouvoir social sans analyser comment le don leur apporte jouissance et, à travers leur capacité à se projeter dans l’avenir, une maîtrise de l’avenir collectif.
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Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’Université Paris 8 (Cresppa-LabTop). Il a coordonné avec Cédric Lomba Où va la France populaire ?(Puf, « La vie des idées.fr », 2019). Il est également l’auteur des Inégalités sociales, (« Que sais-je ? », 2e éd. 2021).