Université Hassan II de Casablanca
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Ben M'sik
Laboratoire Langues, Littératures et Communication
Groupe de Recherche en Linguistique, Communication et Médias
10e Colloque international
La voix du silence et Le silence de la voix
17-18 avril 2025
Appel à communications
La voix est un moyen de communication essentiel, véhicule de l'expression personnelle, des émotions et des idées. Elle peut être entendue littéralement, à travers le langage parlé, mais aussi métaphoriquement, en tant que représentation de l'autorité, du pouvoir ou de l'identité individuelle et collective. Dans ce sens, Barthes (1962) explique que la voix est une matière sonore qui porte des significations profondes et corporelles, une abolition des limites, des classes (Barthes, 1966). Donc, outre le fait qu’elle est un moyen de communication, la voix est considérée comme le symbole de la libération des idées et des individus. Elle leur procure une force et un pouvoir. Mais, cette voix ou cette « parole autoritaire » (M. Bakhtine 1973) peut être investie par certains pour assujettir les voix « faibles ». Dans ce cas, nous désignons les aspects qui caractérisent la voix et font qu’elle soit différente d’une personne à une autre et d’un contexte à un autre. Il s’agit de la vocalité, de cet aspect qui, au delà du son et de la formulation verbale d’un message, permet au récepteur de se représenter un certain nombre d’idées sur la nature, le genre, le caractère, le statut, etc… du locuteur.
Le silence, souvent perçu comme une absence de son, est en réalité une forme de communication tout aussi puissante que la voix. Il peut signifier l'accord, la réflexion, le respect, ou encore la résistance et la marginalisation. Le silence peut être imposé ou choisi et son interprétation varie selon plusieurs facteurs, entre autres, le contexte culturel et social.
Dans Andromaque, Pyrrhus s’adresse à Hermione pour lui expliquer qu’il renonce à leurs noces et qu’il prendra sa captive Andromaque pour épouse. Toutefois, le personnage sait que cette annonce ne sera pas sans conséquences, c’est pour cela qu’il lui dit « Donnez-moi tous les noms destinés aux parjures : Je crains votre silence, et non pas vos injures » (acte IV, scène 5). Cette réplique montre à quel point le silence peut être troublant, agaçant et effrayant. Il peut cacher des émotions fortes que la parole n’arrive pas à représenter.
Dans cette perspective, M. Picard (1948) confirme que le silence n'est pas une absence de communication, mais une forme d'expression à part entière. Il souligne que le silence peut parler aussi fort que les mots, en disant ce qui ne peut être exprimé autrement. On constate à ce niveau, que le silence n’est pas synonyme de négativité, de vide ou de néant, c’est plutôt un procédé chargé de sens et de signification.
A priori, la voix et le silence jouent des rôles complémentaires dans la communication. Tandis que la voix transmet des messages explicites, le silence peut véhiculer des significations implicites, servant de pause pour réfléchir, de signe de contemplation ou de moyen de communication non verbale dans les interactions humaines.
Dans la littérature écrite, la voix se manifeste à travers la narration, les dialogues et le style d'écriture. Elle transmet le point de vue de l’auteur, ou celui des personnages, son orientation idéologique et ses convictions. Elle lui permet de critiquer, de dénoncer ou tout simplement de décrire un fait. Le silence, quant à lui, peut être utilisé pour créer du suspense, souligner des non-dits ou exprimer des émotions profondes.
Dans la littérature orale, la voix est également investie comme outil principal de la transmission des récits, des mythes et des traditions, tandis que le silence peut marquer des transitions, accentuer des moments importants ou permettre à l'auditoire de méditer sur les paroles entendues.
Le recours à la voix et au silence est également indispensable dans l’animation des spectacles vivants. Dans ces performances, ces deux éléments sont perçus comme des outils expressifs puissants. La voix peut raconter une histoire ou un fait, tandis que le silence peut intensifier une émotion ou créer un espace de réflexion pour le spectateur.
A partir de la deuxième moitié du XXème siècle, des études anthropologiques se sont intéressées de manière plus systématique à l’étude de la voix et du silence. Ray Birdwhistell (1968), le pionnier de la Kinésique, explore comment les mouvements du corps s’articulent en harmonie avec la voix et le silence. Cette théorie a été largement exploitée pour comprendre le comportement humain, les croyances et les convictions qui règnent dans une société donnée. Quelques années plus tard, Dell Hymes (1972) développe l'ethnographie de la communication, qui est une théorie de l’interaction du langage et des pratiques sociales. Cette approche met en lumière l'importance des pratiques verbales et non verbales, y compris le silence, dans la communication et dans les pratiques des sociétés humaines.
En effet, dans ces études, le silence n’est pas perçu comme inexpressif ou insignifiant, mais il est plutôt défini comme un phénomène linguistique (R. L. Birdwhistell 1968), chargé de sens et qui révèle un certain nombre d’informations permettant de comprendre la structure et les codes d’une communauté donnée.
Les études postcoloniales et féministes mettent davantage l'accent sur les voix silencieuses ou réduites au silence par les structures de pouvoir. Des chercheurs comme Veena Das (2021) examinent comment les voix des victimes de violences et de marginalisation sont souvent réduites au silence dans les récits dominants. Des témoignages de viol et d’asservissement lui ont été livrés par des femmes qui ont montré leur capacité « de trouver une voix et de la dissimuler dans le but de la protéger ».
Ce colloque international « La Voix du Silence et le Silence de la Voix » propose d'explorer la dualité et l'interconnexion entre la voix et le silence. Ces notions, bien que souvent perçues comme opposées, sont profondément imbriquées et sont fortement représentées dans divers domaines, tels que la communication verbale et non verbale, la littérature, les arts vivants, l’anthropologie, la sociolinguistique et bien d’autres. Le colloque invite les chercheurs de toutes disciplines à se pencher sur les dimensions multiples et interconnectées de la voix et du silence. En explorant ces concepts sous divers angles, nous pourrons mieux comprendre leur rôle crucial dans la communication humaine et dans les structures sociales.
Nous proposons, à titre indicatif, quelques axes de réflexions tout en laissant une marge de liberté aux chercheurs de proposer d’autres réflexions et approches :
- Étude du rôle du silence dans la création du suspense et de l'émotion en littérature.
- Analyse des thèmes de l'exclusion et du silence forcé dans les œuvres littéraires de minorités.
- Exploration de la transmission des traditions orales à travers la voix et le silence dans diverses cultures.
- Les rapports du silence à la parole et au langage.
- Analyse des fonctions du silence dans les interactions interpersonnelles.
- Usage dramatique du silence dans les spectacles vivants.
- Des artistes et des spectacles censurés pour leurs messages contestataires.
- Comment les cultures dominantes imposent leurs récits et marginalisent d'autres voix.
- la voix en tant qu'outil de résistance et d'affirmation identitaire dans les communautés marginalisées.
- Étude de l'importance de la voix et du silence dans la communication interculturelle.
- Les symboles de la voix et du silence dans la littérature.
- Les substituts de la voix.
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Modalités de participation :
Les propositions de communication sont à envoyer avant le 30 décembre 2024 sous forme de résumé de 300 mots à l’adresse : colloquevoixsilence@gmail.com. Le résumé devra contenir le titre de la communication, le nom, le prénom et le statut du chercheur, l’organisme de rattachement et les mots-clés.
Les frais de participation s’élèvent à 1000 DH (100€) couvrant la documentation et la logistique, les déjeuners et les pauses café, les déplacements sur place et la publication des actes prévue pour 2026.
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Calendrier
30 décembre 2024 : Date limite d’envoi des propositions de communication.
15 janvier 2025 : Notification des chercheurs.
31 mars 2025 : Envoi du texte de la communication pour la publication.
17-18 avril 2025 : Tenue du colloque à Casablanca.
Langue du colloque : le français.
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Comité scientifique :
BORNAND Sandra, (Cspc, Inalco Cnrs Umr 8135 Llacan, France), BELGAID Ibtissam (FLSH Oujda), CHRAIBI Houda (FLSH Ben M’sik Casablanca), BHIH Nabila (FSJS Ain Sebaa), BENNANI Fatiha (FLSH Ben M’sik Casablanca), BERRADA Bouchra (FS Fès Dhar El Mehraz), BARBARA Rahma (FLSH Fès Dhar El Mehraz), ABDELALI Farah (FLSH Ben M’sik Casablanca), DERRAZI Anissa (FLSH Ben M’sik Casablanca), EL BALAOUI Omar (FLSH Ben M’sik Casablanca), DOUIDER Samira, (FLSH Ben M’sik Casablanca), ZELLOU Ilias (FLSH Mohammedia), EL HARFI Brahim (FLSH Ben M’sik Casablanca), HACHIMI Meryem (FLSH Ben M’sik Casablanca), IDRISSI Latifa (FLSH Ben M’sik Casablanca), IDRISSI AYDI Ouafae (FS Fès Dhar El Mehraz), ILYAS Amal (FS Ain Chock Casablanca), IMOUZAZ Said (FLSH Ben M’sik Casablanca), KADIRI Fouzia ( FLSH Ben M’sik Casablanca), LEGUY Cécile (Université Sorbonne nouvelle, Paris 3, CNRS), MOUZON Khadija (FLSH Ben M’sik Casablanca), TSOULI Safia (FLSH Ben M’sik Casablanca), OUACHENE Nadia (FLSH Ben M’sik Casablanca), OUACHENE Naima (FST Settat), AMRAOUI Saliha (FSJES Mohammedia), OUASMI Lahcen (FLSH Ben M’sik Casablanca).
Comité d’organisation :
ABDELALI Farah (FLSH Ben M’sik Casablanca), EL BALAOUI Omar (FLSH Ben M’sik Casablanca), EL HARFI Brahim (FLSH Ben M’sik Casablanca), HACHIMI Meryem (FLSH Ben M’sik Casablanca), IDRISSI Latifa (FLSH Ben M’sik Casablanca), OUACHENE Nadia (FLSH Ben M’sik Casablanca), OUASMI Lahcen (FLSH Ben M’sik Casablanca), OUCHARI Said (FLSH Ben M’sik Casablanca), TSOULI Safia (FLSH Ben M’sik Casablanca), Doctorants du LALICO (FLSH Ben M’sik).
Coordonnatrices du colloque :
Farah ABDELALI et Nadia OUACHENE.