Essai
Nouvelle parution
Élisabeth Gaucher-Rémond (dir.), Mémoire de soi, mémoire d’un règne. Anne de Bretagne et Louise de Savoie

Élisabeth Gaucher-Rémond (dir.), Mémoire de soi, mémoire d’un règne. Anne de Bretagne et Louise de Savoie

Publié le par Marc Escola (Source : Classiques Garnier)

Mémoire de soi, mémoire d’un règne. Anne de Bretagne et Louise de Savoie

Sous la direction d'Élisabeth Gaucher-Rémond

Paris, Classiques Garnier, Bibliothèque de la Renaissance, 2024

Anne de Bretagne et Louise de Savoie ont mobilisé des outils de communication visuels et textuels pour légitimer l’exercice d’un pouvoir au féminin. Ces traces mémorielles, conçues au seuil de la Renaissance, construisent l’image de deux « femmes célèbres » dont l’aura s’assombrit au XIXe siècle.

Table des matières…

Élisabeth Gaucher-Rémond, « Introduction »

Épouse ou mère, Anne de Bretagne et Louise de Savoie ont assuré leur visibilité par une communication visant à démultiplier leur image. Duchesse, reine ou régente, elles se sont affirmées dans l’exercice d’un pouvoir spécifiquement féminin. L’intérêt porté à leur survie mémorielle a parfois déjoué leurs prévisions. La nouveauté des études ici regroupées réside dans la comparaison des deux rivales, sous le prisme d’une interdisciplinarité associant savoirs académiques et métiers du patrimoine.

Laure Fagnart et Pierre-Gilles Girault, « Portraits et effigies d’Anne de Bretagne et de Louise de Savoie »

Comme plusieurs de leurs contemporains et contemporaines, Anne de Bretagne et Louise de Savoie consolident leurs intérêts en soutenant les lettres et les arts. Comme d’autres aussi, elles recourent au portrait, qui participe, depuis longtemps, au travail de légitimation du pouvoir princier. Cette contribution présente quelques portraits des princesses et explicite comment ces effigies reflètent les positions d’Anne et de Louise à la Cour et au-delà.

Laure Fagnart, Pierre-Gilles Girault et Caroline Vrand, « Affirmation de soi et de son lignage. Les systèmes emblématiques d’Anne de Bretagne et de Louise de Savoie »

La contribution propose de présenter la panoplie emblématique d’Anne de Bretagne (cordelière, hermine, lettre A, devise « non mudera ») et de Louise de Savoie (cordelière, lettre L, vol, bouquet de fleurs de lys, cygne « navré »). Une attention est accordée à la cordelière, un emblème que Louise pourrait avoir privilégié pour s’inscrire dans le sillage d’Anne, qui avait fait du cordon franciscain sa devise favorite, et à la façon dont les emblèmes participent de l’ostentation du pouvoir.

Louise Millon-Hazo, « Des crocs et des lys, des pies et des hermines. Le symbolisme emblématique d’Anne de Bretagne revu par François Rabelais »

Cet article se concentre sur les emblèmes animaliers d’Anne de Bretagne et de Louise de Savoie, chez les grands rhétoriqueurs et chez Rabelais. Les premiers mettent les codes textuels au service d’un discours encomiastique aisément compréhensible. Le second remet en jeu cette tradition dans le prologue du Quart livre de 1548. Il s’agit de souligner l’efficacité et la rémanence des emblèmes d’Anne et de Louise dans ces textes publiés entre 1514 et 1548.

Aubrée David-Chapy, « De la politique au mythe. Représentations de soi chez Anne de Bretagne et Louise de Savoie »

L’article propose une analyse comparative des modèles et des modes de représentation des deux princesses, afin de percevoir en quoi la littérature, les arts et le protocole servent à exprimer leur pouvoir de reine ou de régente. Il étudie ce que ces pratiques ont en commun, mais aussi en quoi elles diffèrent du fait de leur statut. Enfin, l’étude tente de mettre en lumière les inventions propres à ces modes de représentation, à un moment charnière entre Moyen Âge et Renaissance.

Élisabeth Gaucher-Rémond et Didier Lechat, « Femme célèbre, une figure rayonnante »

Cette étude focalise l’éclairage sur quelques éloges et portraits littéraires élaborés du vivant d’Anne de Bretagne et de Louise de Savoie, afin d’en mesurer les enjeux dans la communication politique. On portera une attention particulière au recours à la mythologie, aux échos entre présent et passé, histoire et fiction, aux modèles qui ont pu influencer les auteurs, notamment Antoine Dufour dans ses Vies des femmes célèbres.

Jeanne Mousnier-Lompré, « De La Vraye disant advocate des dames au Doctrinal des princesses. Défense et éducation des femmes puissantes par le “poëte” d’Anne de Bretagne »

À la fin du Moyen Âge, au moment où se cristallise la Querelle des femmes, écrivains et poètes de cour s’adressent à leurs contemporaines et s’appliquent à défendre le genre féminin tout en l’éduquant : ainsi Christine de Pizan, Olivier de la Marche ou Symphorien Champier. Il s’agit ici d’étudier l’articulation argumentative et didactique de deux poèmes rédigés par Jean 283Marot à l’intention d’Anne de Bretagne, dont il est le protégé, et de Claude de France qui s’apprête à monter sur le trône.

Laure Fagnart et Pierre-Gilles Girault, « L’ordre et forme tenu aux obseques de feue nostre tres chere et tres amée compaigne. Les funérailles des princesses, d’Anne de Bretagne à Louise de Savoie »

Cette contribution propose une analyse comparée des funérailles d’Anne de Bretagne et de Louise de Savoie. Ces obsèques présentent bon nombre de points communs : sur ordre de François Ier, les funérailles de la duchesse d’Angoulême sont calquées sur celles de Claude de France, et par-là, sur celles d’Anne de Bretagne. Toutefois, en raison des différences de statut des deux princesses, des variations sont apportées par les concepteurs de la cérémonie.

Nicolae-Alexandru Virastau, « Erunt signa in sole et luna. La mémoire des prodiges chez Pierre Choque et Jean Thenaud »

Le récit des funérailles d’Anne de Bretagne par Pierre Choque contient l’illustration d’un phénomène céleste censé signifier la mort de la reine (BnF, ms. fr 5094). Ce parhélie, réinterprété dans un traité que l’astrologue de Louise de Savoie, Jean Thenaud, destinait au futur François Ier (BnF, ms. fr 5106), signifie désormais le changement de pouvoir et l’annonce d’une monarchie universelle. Ces deux témoignages se fondent sur des présupposés scientifiques mais aussi dynastiques.

Patricia Eichel-Lojkine, « La légende noire d’une veuve en noir »

Si Anne de Bretagne n’est guère épargnée dans l’Histoire de Michelet (1855), Louise de Savoie y apparaît sous un jour encore plus négatif. La désastreuse défaite de La Bicoque (1522) lui est entièrement imputée, ainsi que sa conséquence indirecte, la condamnation à mort du financier Semblançay. Une confrontation des sources (M. et G. Du Bellay, A. Le Ferron) montre cependant sur quelle origine fragile repose cette présentation à charge largement reprise dans les Histoires populaires ultérieures.