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Événements & colloques
La sensation au cinéma / Sensations in Film (Paris)

La sensation au cinéma / Sensations in Film (Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Sarah Leperchey)

(English Version Below)

La sensation au cinéma

Peut-on, par quelque procédé, imprimer sur le support d’un enregistrement audiovisuel les impressions reçues par les organes des sens et les états psychologiques qui s’ensuivent ? Cette question appelle tous les points de vue qui considèrent la sensation en son siège, le corps humain ; elle peut être examinée dans une perspective philosophique, psychologique, psychanalytique, sémiotique, cognitiviste, mais aussi d’analyse « textuelle », en vue non seulement d’évaluer la capacité du film à capter et/ou diffuser la sensation, mais aussi de rendre compte du défi que représente pour les auteur(e)s de film le projet capter d’une façon ou d’autre la sensation.

Il est pertinent de chercher les attestations ou les traces de l’implication des sensations dans les œuvres visuelles et audiovisuelles elles-mêmes, qu’elles soient de fiction ou documentaires. Les documents audiovisuels qui reproduisent des performances, revendiquant plus ou moins le statut d’œuvre, activant plus ou moins l’interaction créatrice entre la performance et son filmage, constituent aussi des objets notables à l’égard de cette problématique. Il s’agit de réunir les perspectives poïétique et esthésique, du faire actif et de la sensibilité (selon l’irremplaçable distinguo de Paul Valéry) en se demandant de quelle façon la poïétique des productions audiovisuelles capte et/ou modifie la sensation. 

C’est donc aussi une question de savoir dans quelle mesure, pour le spectateur, un film diffuse ou évoque des sensations. Une question esthésique qui se prolonge dans ce qu’Edmond Couchot appela la technesthésique : les techniques de reproduction et les nouvelles technologies influent sur la sensibilité en transformant les sensations captées selon des conditions spécifiques qui les (re)définissent. Étant bien entendu que l’acte de filmer concerne aussi bien la photographie que le cinéma, la vidéo que les autres nouvelles technologies, à commencer par l’Internet. 

Puisqu’on peut aussi entendre dans « sensation » le sensationnel, quelque chose qui attire l’attention, qui stimule l’admiration ou la stupeur, par son caractère exceptionnel, quelque chose qui fait sensation, les intervenants de cette journée joueront dans l’entre-deux qui relie ou sépare les petites affections des sens et les événements remarquables.

Programme 

9h00, grand salon de l’appartement décanal : 

Accueil des participants

9h30, salle 6 :

(en français)

Dominique Chateau, Sarah Leperchey et José Moure

Introduction

9h45, salle 6 : 

Modération : Dominique Chateau

(en anglais)

Frank Kessler (Universiteit Utrecht)

Le cinéma muet : une machine à traduire des sensations

D’un point de vue technique, le cinéma n’est capable de capter et de reproduire que deux registres de sensations : le visuel et l’acoustique (en laissant de côté les tentatives – intéressantes de ce point de vue – de ce qu’on appelle aujourd’hui le cinéma 4-D, ou telles autres, historiques, de l’odorama ou du sensurround). Par contre, le cinéma a développé très tôt des stratégies visant à traduire visuellement les sensations des personnages fictionnels, ainsi qu’à induire des sensations chez les spectateurs. Cette communication discutera quelques exemples de ces stratégies.

10h45, grand salon de l’appartement décanal : 

Pause-café

11h-13h, salle 6 : 

Modération : Dominique Chateau

(en français)

Barbara Fougère (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Touch the Sound de Thomas Riedelsheimer (Allemagne, 2004)

« Toucher-voir » la musique

Dans Touch the Sound, une journaliste pose la question suivante à la percussionniste sourde Evelyn Glennie : « Comment une personne sourde peut-elle être musicienne ? » Le réalisateur ne nous laisse pas entendre la réponse de l’intéressée, mais préfère illustrer celle-ci par la démonstration. C’est donc au fil de ses images que Thomas Riedelsheimer montre de quelle manière Evelyn Glennie perçoit le monde sonore et conçoit un univers musical singulier. Si plusieurs films associent musique et surdité, c’est en général pour montrer la difficulté voire même l’impossibilité d’une véritable rencontre entre ces deux réalités (La Famille Bélier, Au-delà du silence, Professeur Holland, Frankie Wilde, Sound of Metal...). Riedelsheimer choisit une autre voie et tente de nous immerger dans l’univers d’une femme qui compose ses œuvres non pas malgré, mais avec sa surdité.

Dans sa Phénoménologie de la perception, Maurice Merleau-Ponty écrit : « Le corps [...] est la texture commune de tous les objets [...] l’instrument général de ma compréhension. ». Cette idée est centrale dans Touch the Sound, où l’absence d’ouïe d’Evelyn Glennie conditionne la manière dont elle perçoit le monde et compose sa musique, rendant indissociables sa perception corporelle et l’intelligibilité du monde environnant. Plutôt que de représenter la surdité de la musicienne comme une absence, un manque ou une limitation, Riedelsheimer dépeint une surdité qui déploie de nouvelles formes de compréhension sonore, rendant visible un imaginaire tactile.

Au fil du montage, les corps deviennent des interfaces poreuses, et les objets, des surfaces vibrantes. En fusionnant écoute, vision et sensation, le film devient un espace où la surdité permet une expérience synesthésique, dans lequel le toucher et la vue définissent un pouvoir de connaissance et décrivent le monde tel qu’il est vécu par la musicienne. Notre communication s’attachera ainsi à explorer comment, dans le documentaire Touch the Sound, Thomas Riedelsheimer interroge la capacité du cinéma à matérialiser les sensations, à rendre visible et tangible l’expérience sensorielle de « toucher-voir » la musique. Nous verrons également comment l’image et le montage sont envisagés par le réalisateur comme une composition musicale qui pousse le spectateur à se transformer en un explorateur sensoriel.

(en anglais)

Annie Van den Oever (Rijksuniversiteit Groningen)

La sensation, les sens, le potentiel sensoriel des (nouvelles) technologies et la genèse de la poétique des avant-gardes

Pour traiter la question de la façon dont les (nouvelles) technologies affectent les sens et provoquent des sensations, je souhaite revenir sur un exemple historique : le commentaire détaillé rédigé par Maxime Gorki pour rendre compte de ses réactions face à une présentation du cinématographe des frères Lumière à Novgorod, en Russie, en 1896. En second lieu, j’examinerai les croisements mis en œuvre dans les performances spectaculaires créées par les avant-gardes russes en 1913 : il me semble qu’elles sont véritablement « sensationnelles », au sens où, en tant que performances, elles stimulent des réactions fortes, intenses, directes, qui attirent précisément notre attention sur leur caractère exceptionnel et « stupéfiant ». En troisième lieu, je soutiendrai que « L’art comme procédé » de Victor Chlovski offre un cadre qui nous permet de comprendre le mécanisme-clé qui intervient à la fois dans la projection des films des premiers temps, et dans les performances d’avant-garde réalisées par les amis de l’écrivain. Sa théorie de l’ostrannenie offre, à cet égard, un complément pertinent de la théorie esthétique forgée par Edmond Couchot, la technesthésique. Pour finir, je plaiderai en faveur d’une « re-sensibilisation » des chercheurs, en montrant que l’on peut redécouvrir le potentiel sensationnel des nouvelles technologies à l’aide de la méthode de la reconstitution, telle qu’on la pratique dans le champ de l’archéologie expérimentale des médias.

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14h-16h, salle 6 : 

Modération : José Moure

(en français)

Federico Pierotti (Université de Lausanne)

L’esthétique des fausses couleurs

Sensibilité technique et expérience sensible au-delà du visible

Les images obtenues par la capture et l’enregistrement de rayonnements au-delà du spectre visible nous offrent un point de vue privilégié pour réfléchir à la relation entre la sensibilité technique et la sensibilité humaine. D’un point de vue technique, l’image cinématographique peut être considérée comme un système énergétique complexe basé sur l’interaction entre la lumière et une surface sensible (qu’elle soit argentique ou numérique). Ce microsystème s’inscrit dans une spatialité propre, dont les unités de longueur sont de l’ordre du nanomètre, et une temporalité propre, de l’ordre du centième et du millième de seconde. D’un point de vue perceptif, c’est au spectateur de jouer le rôle de sujet sensible à une série d’images faites de lumière, destinées à engager ses affects, ses émotions et son corps. Or, notre appareil visuel est normalement capable de capter une gamme de radiations allant de 400 à 800 nanomètres, ce que nous appelons habituellement le spectre des couleurs, qui s’étend du violet au rouge.

Si, historiquement, les technologies photo-cinématographiques se sont adaptées à notre sensibilité humaine, elles ont néanmoins été capables, depuis les origines de l’image analogique, de produire des images à partir de rayonnements situés au-delà des deux extrêmes du spectre : l’ultraviolet, dont la longueur d’onde est plus courte, et l’infrarouge, dont la longueur d’onde est plus grande. Dans la lignée de la proposition de Thomas Elsaesser de repenser l’histoire du cinéma sous l’angle de l’énergie, mon intervention explorera une série d’exemples qui nous permettront de réfléchir à la manière dont l’invisible peut être rendu visible à l’écran afin d’intensifier l’expérience sensorielle du spectateur. Cette approche esthétique peut prendre deux formes : l’appropriation directe, par certains cinéastes, de techniques d’enregis-trement d’images infrarouges ou ultraviolettes conçues à des fins scientifiques, militaires ou médicales ; l’appropriation indirecte d’un imaginaire de l’invisible par des techniques de manipulation qui donnent lieu à ce que l’on peut appeler une esthétique des fausses couleurs. 

(en français)

Martine Beugnet (Université Paris Cité)

Back to Blur (Retour au Flou)

In Water (2023), le dernier film de Hong Sang-Soo, est presque entièrement flou.

À l’heure où les technologies numériques tendent à privilégier la haute définition, In Water nous rappelle que ce n’est pas l’image nette et définie, mais bien plutôt la vision floue et imprécise, la silhouette aux contours doux, le paysage brumeux, qui évoquent les émotions complexes et feutrées que l’on associe à la mélancolie. Propice à l’« absorption » visuelle et expérientielle » (Michael Fried), le flou nous éloigne du lisible au profit des dimensions sensorielles et matérielles des images, créant ainsi des conditions de sensibilité accrue. Cependant, comme le montre In Water, l’immersion dans l’image (du personnage, de la figure, du spectateur) ne se produit pas seulement comme une « expérience de non-savoir » (Didi-Huberman), mais aussi dans la conscience troublante de l’attraction de l’informe.

16h, grand salon de l’appartement décanal :

Pause-café

16h15-18h15, salle 6 :

Modération : Sarah Leperchey

(en français)

Marion Schmid (University of Edimburgh)

L’Image sensible : Guy Gilles

Comment le cinéma peut-il porter des émotions ? Comment ses images nous touchent, non dans le sens d’un toucher physique, mais dans notre for intérieur ? Autrement dit, comment est-ce que les images, sons, gestes du médium filmique, médium incarné/désincarné par excellence, portent une sensibilité et un sentir ? Cette communication soulèvera la question du sensible et des sens dans le cinéma à travers le cinéaste Guy Gilles (1938-1996), ‘enfant perdu de la Nouvelle Vague’, qui est actuellement en voie de redécouverte. Elle abordera le sensible dans le cinéma comme une forme de passage, rendu possible, entre autres, par le recours à d’autres formes esthétiques. Car le passage du sensible, il s’agira de l’éclairer, est aussi une forme de transport entre texte et image, image picturale et image cinématographique, voix et son.

(en anglais)

Ágnes Pethő (Sapientia University, Cluj-Napoca)

Cinématicité troublante, sensations d’intermédialité

Les films expérimentaux d’Abbas Kiarostami

La cinématicité telle que la définissent Jeffrey Geiger et Karin Littau dans Cinematicity in Media History, c’est-à-dire le sentiment que nous donne ce qui relève du filmique, l’impression sensuelle/les caractéristiques qui évoquent ou nous rappellent le cinéma/les images en mouvement, ne peut qu’« être comprise de manière intermédiale » – comme une sensation que nous reconnaissons lorsque nous sommes en contact avec quelque chose qui précisément n’est pas le cinéma. La cinématicité peut précéder et préfigurer l’invention du cinéma, elle peut être perçue dans des images techniques (anciennes ou nouvelles), dans la littérature, la photographie, la peinture, ainsi que dans des phénomènes quotidiens, et toutes ces instances peuvent être abordées de manière autoréflexive dans les films. Nous devons donc considérer la cinématicité comme un domaine très stimulant pour une approche sensuelle des études cinématographiques en général, et une approche sensuelle de l’intermédialité cinématographique en particulier. 

Dans les dernières années de sa vie, Abbas Kiarostami a conçu des œuvres expérimentales qui nous invitent à appréhender la « sensation du cinéma » comme un phénomène intermédial. Au cours de cette présentation, je souhaite analyser la façon dont le cinéaste ré-envisage la cinématicité, en la faisant surgir de façon troublante au sein d’une intermédialité qui joue du croisement entre les arts mais aussi du croisement entre des phénomènes artistiques/artificiels et des phénomènes naturels. 24 Frames (2017) reconfigure la relation entre stase et mouvement, photographie et cinéma, avec un dernier segment qui joue du contraste entre des impressions pré-cinématographiques (liées à des procédés d’animation) et notre expérience de la prolifération, de la dissémination et de la relocalisation qui marquent le post-cinéma. Un autre court-métrage, Rainy Day, d’abord présenté comme une installation en 2007, créé au cours d’une correspondance entretenue avec l’auteur espagnol Victor Erice, présente une cinématicité photo-filmique un peu différente, caractérisée par une inflexion picturale, née d’un entre-deux entre l’analogique et le numérique, entre le cadre pictural et l’ouverture du réel. Les deux films (de même que Five: Dedicated to Ozu, 2003) incluent la relation complexe qui s’établit entre l’humain et le non-humain. À cet égard, je tenterai de nuancer les interprétations données par Nico Baumbach and Justin Remes, qui insistent sur l’absence d’anthropocentrisme chez Kiarostami : je soulignerai que les stratégies esthétiques du cinéaste amènent à une rencontre affective avec le monde et, en ce sens, participent de ce que Lúcia Nagib appelle une « politique de l’impureté ».

Sensations in film

Is it possible, in any way, to print on the medium of an audiovisual recording the impressions received by the sensory organs and the psychological states that follow? This question calls for all the points of view that consider sensation at its seat, the human body; it can be examined from a philosophical, psychological, psychoanalytical, semiotic or cognitivist perspective, as well as from that of “textual” analysis, in order not only to assess the capacity of the film to capture and/or disseminate sensation, but also to accounting for the challenge that the project of capturing sensation in one way or another represents for the filmmaker.

It is relevant to look for evidence or traces of the involvement of sensation in visual and audiovisual works themselves, whether fictional or documentary. Audiovisual documents that reproduce performances, claiming to a greater or lesser extent the status of a work of art, and activating to a greater or lesser extent the creative interaction between the performance and its filming, are also noteworthy objects with regard to this problem. The aim is to bring together the poïetic and aesthesic perspectives, of active doing and sensibility (according to Paul Valéry’s irreplaceable distinction), by asking how the poïetics of audiovisual productions capture and/or modify sensation.

It is therefore also a question of knowing the extent to which a film conveys or evokes sensations for the viewer. This question has to do with what Edmond Couchot has called “technesthesique”: reproduction techniques and new technologies influence sensibility by transforming the sensations recorded in accordance with specific conditions that (re)define them. It goes without saying that the act of filming concerns photography, cinema, video and other new technologies, starting with the Internet.

Since “sensation” can also be understood as sensational, as something that attracts attention, stimulates admiration or amazement, by its exceptional character, something that causes an intense feeling, the speakers will play in the in-between that connects or separates small familiar affections of the senses and reactions to remarkable or uncanny events.

9h00, grand salon de l’appartement décanal: 

Reception of the participants 

9h30, room 6:

(in French)

Dominique Chateau, Sarah Leperchey et José Moure

Introduction

9h45-10h45, room 6: 

Moderation: Dominique Chateau

(in English)

Frank Kessler (Universiteit Utrecht)

Silent cinema: a machine for the translation of sensations

From a technical point of view, cinema is only capable of capturing and reproducing two registers of sensations, i.e. the visual and the acoustic (leaving aside, although interesting in this context, experiments such as the recent 4D Cinema, or similar historical ones such as Odorama or Sensurround). On the other hand, almost from its very beginning cinema has developed strategies for visually translating the sensations of fictional characters, but also for inducing sensations in the spectator. This paper will discuss some examples of these strategies.

10h45, grand salon de l’appartement décanal: 

Coffee break 

11h-13h, room 6: 

Moderation: Dominique Chateau

(in French)

Barbara Fougère (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Touch the Sound by Thomas Riedelsheimer (Germany, 2004)

“Touching/Seeing” Music

In Touch the Sound, a journalist asks deaf percussionist Evelyn Glennie: “How can a deaf person be a musician?” The director doesn’t let us hear her answer, preferring to illustrate it with a demonstration. Through his images, Thomas Riedelsheimer shows how Evelyn Glennie perceives the world of sound and creates a unique musical universe. While many films associate music and deafness, it is usually to show the difficulty, or even the impossibility, of a real encounter between these two realities (La Famille Bélier, Au-delà du silence, Professeur Holland, Frankie Wilde, Sound of Metal...). Riedelsheimer chooses a different path and tries to immerse us in the world of a woman who composes not despite her deafness, but with it.

In his Phenomenology of Perception, Maurice Merleau-Ponty wrote: “The body [...] is the common texture of all objects [...] the general instrument of my understanding”. This idea is central to Touch the Sound: Evelyn Glennie’s lack of hearing determines the way she perceives the world and composes her music, making her physical perception and the intelligibility of the surrounding world inseparable. Rather than presenting the musician’s deafness as an absence, a lack or a limitation, Riedelsheimer shows a deafness that opens up new forms of understanding sound and makes visible a tactile imagination.

Throughout the montage, bodies become porous interfaces and objects become vibrating surfaces. By fusing hearing, seeing and feeling, the film becomes a space in which deafness enables a synaesthetic experience, in which touch and sight define a power of knowledge and describe the world as experienced by the musician. Our paper will explore how Thomas Riedelsheimer, in the documentary Touch the Sound, questions cinema’s ability to materialise sensations, to make visible and tangible the sensory experience of “touch-seeing” music. We will also see how the director conceives of the image and editing as a musical composition that encourages the viewer to become a sensory explorer.

(in English)

Annie Van den Oever (Rijksuniversiteit Groningen)

Sensations, the senses, the sensorial potential of (new) technologies and the genesis of the avant-garde poetics

To address the question how (new) technologies affect the senses and trigger sensations, I will return to the historical examples of Maxim Gorky’s detailed discussion of his response to a demonstration of the cinématographe by the Lumière Brothers in Novgorod, Russia, in 1896. In addition, I will discuss the cross-overs into the remarkable 1913 performances by the Russian avant-gardes as truly « sensational », that is, as performances that stimulated strong, intense, and direct responses which indeed attracted attention by their exceptional, « stunning » character. Thirdly, I will argue that Viktor Shklovsky’s « Art as Technique » offers a framework to understand the key mechanism at play in both the early film shows and the avant-garde performances by his friends. As such, his theory of ostrannenie offers a relevant addition to the aesthetic theory proposed by Edmond Couchot, technesthésique. Lastly, I will plead for a re-sensitization of researchers to the sensational potential of the once new technologies with help of the method of re-enactment as proposed in experimental media archaeology. 

14h-16h, room 6: 

Moderation: José Moure

(in French)

Federico Pierotti (Université de Lausanne)

The aesthetics of false colours

Technical sensitivity and sensory experience beyond the visible

Images obtained by capturing and recording radiation beyond the visible spectrum offer us a privileged point of view from which to reflect on the relationship between technical sensitivity and human sensitivity. From a technical point of view, the cinematographic image can be seen as a complex energy system based on the interaction between light and a sensitive surface (whether silver or digital). This microsystem has its own spatiality, with units of length in the nanometre range, and its own temporality, in the order of hundredths and thousandths of a second. From a perceptual point of view, it is up to the spectator to play the role of a subject sensitive to a series of images made of light, designed to engage his or her affects, emotions and body. Our visual apparatus is normally capable of capturing a range of radiation from 400 to 800 nanometres, what we usually call the colour spectrum, which extends from violet to red.

Although, historically, photo-cinematographic technologies have adapted to our human sensitivity, they have nevertheless been able to produce images from radiation beyond the two extremes of the spectrum: ultraviolet, which has a shorter wavelength, and infrared, which has a longer wavelength. In line with Thomas Elsaesser’s proposal to rethink the history of cinema from the point of view of energy, my talk will explore a series of examples that allow us to think about how the invisible can be made visible on the screen in order to intensify the viewer’s sensory experience. This aesthetic approach can take two forms: the direct appropriation by certain filmmakers of techniques for recording infrared or ultraviolet images developed for scientific, military or medical purposes; the indirect appropriation of an imaginary of the invisible through manipulation techniques that give rise to what can be called an aesthetic of false colours.

(in French)

Martine Beugnet (Université Paris Cité)

Back to blur

Hong Sang-Soo’s latest film In Water (2023), is an experiment in blurred filmmaking.

At a time when digital technologies tend to overemphasize high-definition, In Water reminds us that more than the sharper, well-defined image, it is the out-of-focus, blurred, imperfect vision, the soft contoured figure, the hazy landscape, that evoke those complex, subdued emotions we associate with melancholy. Conducive to visual and experiential “absorption” (Michael Fried), blur also draws the image away from the legible towards the sensorial and material dimensions of images, thus creating the condition for a heightened state of sensation. As In Water demonstrates however, immersion in the image (of the character or figure as well as the spectator), takes place not only as an “experience of non-knowing” (Didi-Huberman), but also in the troubling awareness of the pull of the formless.

16h, grand salon de l’appartement décanal:

Coffee break

16h15-18h15, room 6:

Moderation: Sarah Leperchey

(in French)

Marion Schmid (University of Edimburgh)

The Sensitive Image: Guy Gilles

How can cinema convey emotions? How do its images touch us, not in the sense of a physical touch, but in our innermost being? In other words, how do the images, sounds and gestures of the filmic medium – an embodied/disembodied medium par excellence – carry sensitivity and feeling? This paper will interrogate the question of cinema and sensation through the work of filmmaker Guy Gilles (1938-1996), the ‘lost child of the French New Wave’, who is currently being rediscovered. It will look at the senses in cinema as a form of passage, rendered possible, among other things, by recourse to other aesthetic forms. For the passage of the sensitive, as we will seek to elucidate, is also a form of transport between text and image, pictorial and cinematographic images, voice and sound.

(in English)

Ágnes Pethő (Sapientia University, Cluj-Napoca)

Uncanny Cinematicity and Sensations of Intermediality in Abbas Kiarostami’s Experimental Films

Cinematicity (i.e. a sense of being cinematic, a sensual impression/a characteristic resembling or reminding us of cinema/moving images) – Jeffrey Geiger and Karin Littau specify in their book on Cinematicity in Media History (2013) – can only “be understood intermedially:” as a sensation that we recognize in something other than cinema itself. It may precede and prefigure the invention of cinema, it may be perceived in old and new technical images, literature, photography, painting, as well as in everyday phenomena, and all of these instances can be self-reflexively addressed in films. We need to consider therefore cinematicity as a highly challenging area of a sensuous approach to film studies in general, and of cinematic intermediality, in particular. In the last years of his life, Abbas Kiarostami experimented with works that invite us to contemplate the “sensation of cinema” as an essentially intermedial occurrence. In this presentation, I propose to examine the way in which he reframes cinematicity to unfold an uncanny intermediality revealing intersections not only between the arts, but also between artistic/artificial and natural phenomena. 24 Frames (2017) reconfigures the relationship between stasis and motion, photography and film, and its last segment highlights the juxtaposition of pre-cinematic impressions of animation along with the post-cinematic proliferation and relocation of cinematic experiences. Another short film (Rainy Day, exhibited as an installation in 2007) created in correspondence with the Spanish author, Victor Erice, offers a different, painterly inflection of photofilmic cinematicity captured in-between the analogue and the digital, pictorial frame and unframed reality. Both films (similarly to Five: Dedicated to Ozu, 2003) embrace the complex bond between the human and the non-human. In this respect, ultimately, I will try to nuance Nico Baumbach’s (2016) and Justin Remes’s (2016) interpretations of Kiarostami’s “non-anthropocentrism,” by pointing out how these aesthetic strategies convey an affective encounter with the world and a particular “politics of impurity” (Lúcia Nagib, 2014).