On connaît la présence de nombreuses fumeries d’opium entre 1890 et 1916 – année de l’interdiction de cette drogue – dans les grands ports français, comme Toulon ou Brest. Les trois cents que l’on pouvait trouver à Paris restent bien plus mystérieuses. Situés dans les beaux quartiers, autour de la place de l’Étoile notamment, mais aussi dans des bouges comme ceux de la place Maubert, ces lieux d’extase et de perdition étaient fréquentés par une faune avide d’évasion : de l’élite artistique, littéraire ou mondaine jusqu’aux bas-fonds de la capitale. En 1907, l’écrivain et journaliste Fabrice Delphi réussit à se faire introduire dans la plupart des fumeries parisiennes. Son récit de ce milieu jusqu’alors tenu secret est au cœur du recueil publié sous le titre Paris Opium aux éditions de L'échappée, à l'iniatiative d'Éric Walbecq. Il est précédé d’une introduction d’une rare érudition sur une époque où l’exotisme nourrissait nombre de fantasmes. Il est complété par des enquêtes parues dans la presse qui dépeignent les mœurs et les atmosphères envoûtantes de ces lieux et qui brossent des portraits stupéfiants de fumeurs et de tenanciers. Ces textes, d’une belle qualité littéraire et documentaire, illustrés par une riche iconographie, font revivre un monde disparu, où les paradis artificiels se confondaient avec un enfer réel.
(Illustr. : Le Petit Journal, supplément du dimanche ; 5 juillet 1903 - Source RetroNews BnF)