Qu’ont en commun la presse people et les chaînes d’information en continu ? Les highlights sportifs et les magazines de faits divers ? Toutes ces productions culturelles sont sensationnelles, elles captent leur audience par le frisson.
Né au XVIIIe siècle, le paradigme sensationnaliste s’est largement diffusé avec l’avènement des médias de masse et de la publicité. Ainsi est-il devenu la cible de critiques, qui identifient ses manifestations à un bavardage trompeur et superflu faisant obstacle à l’émancipation de leur public. Rien n’est plus faux. Consubstantiel à la démocratisation des sociétés, le sensationnalisme accompagne l’extension de la sphère de la délibération et préserve en quelque sorte les citoyens de l’angoisse de la décision permanente. Parce qu’elle fait constamment circuler le plaisir de la simple présence, parce qu’elle intensifie le sentiment d’actualité, mais aussi parce qu’elle fait l’objet d’un dénigrement rituel, cette culture de l’insignifiance et de la superficialité se révèle un puissant vecteur de cohésion sociale. Par là même, elle rend vivable la double injonction, proprement moderne, à l’individualisme et à la grégarité.
Recourant au concept de "sensationnalisme" comme à un outil commode et plastique pour décrire une certaine manière de communiquer et de se divertir, depuis le XVIIIe siècle, Yoan Vérilhac essaie de mêler ici une démarche d'histoire à une perpective plus théorique, et de concevoir un cadre d'analyse adapté aux objets et aux usages qu'il est question de réunir - et discréditer - sous la bannière de sensationnalisme.