Séminaire 2024-2025. La Reconstruction
IA, société et sciences de la culture
Le mardi 4 février 2025, 18h-19h30
Salons de l'Inalco, 2 rue de Lille, 75007 Paris
En présence dans la limite des places disponibles ou en ligne, accessible à tous :
https://cnrs.zoom.us/j/97247560516?pwd=LeKmn1p1GbBzPIjWZlCXHvIqnD6ESG.1
ID: 972 4756 0516
MdP : rmqqu0
—
Alors que le « Sommet pour l’action sur l’Intelligence Artificielle » réunissant une centaine de chefs d’État se tient à Paris les 10 et 11 février 2025, il n’est pas discourtois, le temps d’une table-ronde, de ménager un moment de réflexion, sans rien d’officiel ni d’officieux.
Parmi les thèmes abordés :
1. Les documents générés par l’IA dépendent étroitement des jeux de données d’apprentissage, de leur authenticité et de leur fiabilité — sans même évoquer leur statut juridique et leur rapport à la réalité objective.
2. Comment caractériser les productions de l’IA grand public, par contraste avec les créations de textes, d’images et de musique ?
3. L’enthousiasme officiel n’induit-il pas des biais de jugement ? Il s’appuie sur le prestige des trusts de la tech qui participent activement à la promotion de l’IA, encore peu rémunératrice malgré des investissements sans précédent. L’adhésion aux promesses de l’IA ne s’apparente-t-elle pas à un « dumping intellectuel » visant à rendre captifs les utilisateurs ?
4. Le prestige d’une force « intellectuelle » surhumaine ne conduit-il pas à une perte d’autonomie qui peut aller jusqu’à une forme de servitude volontaire ?
5. Enfin les nouvelles formes de gouvernementalité appuyées sur l’IA et symbolisées par la mission confiée à Elon Musk pour réduire l’État fédéral aux USA, comme par l’application du programme chinois de contrôle social intégral, sont-elles compatibles avec la démocratie et l’État de droit ?
—
Soutenue par l’Équipe de Recherche Texte Informatique Multinguisme (ERTIM) de l'Inalco et le collectif La Reconstruction, cette table ronde-réunira Valérie Beaudouin, directrice d’études à l’EHESS ; Jean Lassègue, directeur de recherche en philosophie au CNRS ; Giuseppe Longo, Directeur de recherche émérite au CNRS, ENS Ulm ; François Rastier, linguiste, directeur de recherche honoraire au CNRS ; Mathieu Valette, professeur à l’INaLCO.
Les participants
Valérie Beaudouin est directrice d’études à l’École des Hautes Études en Sciences sociales (EHESS). Ses travaux portent sur la conception et les usages d’internet et de l’intelligence artificielle, avec une attention particulière aux genres d’écriture dans l’espace numérique. Elle a co-dirigé avec Julia Velkovska le numéro de la revue Réseaux sur l’éthique de l’intelligence artificielle.
Jean Lassègue est philosophe, directeur de recherche au CNRS, membre du Centre Georg Simmel (EHESS). Articulant épistémologie, anthropologie et histoire, ses recherches portent sur les médiations symboliques, en particulier les systèmes d'écriture des langues et des nombres, allant des sciences exactes aux sciences juridiques.
Giuseppe Longo est mathématicien de la logique et de la calculabilité et épistémologue (DRE-CNRS, Ecole Normale Sup, Paris). Depuis une vingtaine d'années, son activité porte sur les relations entre mathématiques et sciences de la nature, en particulier la biologie évolutive et des organismes. Son projet actuel développe une épistémologie des nouvelles interfaces explorant les corrélations historiques et des alternatives à la nouvelle alliance entre formalismes computationnels et gouvernance de l’homme et de la nature par les algorithmes et par des “méthodes d’optimalité” prétendument objectives. Page web : http://www.di.ens.fr/users/longo/
François Rastier, Directeur de recherche honoraire au Centre national de la recherche scientifique, est un linguiste spécialisé en sémantique des textes. Il a travaillé pendant une décennie dans un laboratoire d’Intelligence artificielle. Parmi ses ouvrages La mesure et le grain. Sémantique de corpus, Paris, Champion, 2013.
Mathieu Valette est professeur de sciences du langage à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (Inalco, Paris). Ses travaux, à l’interface de la linguistique des textes et du traitement automatique des langues, s’inscrivent dans le champ des sciences de la culture. Ils portent sur l’analyse sémantique et se nourrissent d’une réflexion générale sur la mécanisation des langues et des cultures. Publications récentes : Valette, M. 2024a. « Guerre cognitive, culture et récit national », Ingénierie cognitique, ISTE OpenScience, Londres, 6-12. / Valette, M. 2024b. "What Does Perspectivism Mean? An Ethical and Methodological Countercriticism”, NLPerspectives 2024@LREC-COLING 2024, 111-115.
Sans exclusive, deux livres seront notamment en débat :
Jean Lassègue et Giuseppe Longo, L’empire du numérique. De l’alphabet à l’IA, Paris, Puf, parution mars 2025.
Le “numérique” est devenu un mot passe-partout dont il est difficile de préciser la signification tant sont nombreux les effets d’annonce, que ce soit pour célébrer les avancées surhumaines qu’il rend ou rendrait possible que pour se prémunir contre ses dangers. Pour éviter d’en rester à cette ambivalence qui varie au gré des investissements financiers et empêche de penser, il faut commencer par revenir aux fondements épistémologiques du numérique car c’est ce qui permet de comprendre ses conséquences, qu’elles soient théoriques ou sociales. C’est pourquoi ce livre se propose de clarifier la notion de numérique à partir de trois concepts qui en constituent le cœur : ceux d’écriture, de calcul et de machine. C’est par eux que le numérique révolutionne nos capacités d’expression, d’exploration et d’action, en rendant possible de déléguer celles-ci à des machines au moyen du calcul. Cette révolution de l’écriture numérique provoque un sentiment d’intense dépossession nourrissant toutes sortes de fantasmes, plus souvent alimentées par des intérêts financiers que par le bien commun. Il est temps de rouvrir le dossier épistémologique du numérique pour contribuer à en faire un outil d’émancipation et non d’assujettissement.
François Rastier, L’IA m’a tué. Comprendre un monde post-humain, Paris, Intervalles, janvier 2025.
Le lancement à l’automne 2022 des premiers générateurs de textes et d’images a suscité un engouement inouï et toujours croissant. L’intelligence artificielle a envahi le discours public où s’opposent technophobes et technophiles. Sans entrer dans ce débat biaisé qui reporte sur la technique la responsabilité de ses usages, cette étude souligne la rupture anthropologique qu’introduit la génération automatique de textes et d’images. Elle touche tant les sciences que les arts, et affecte l’ensemble de la vie sociale. Mais elle peut aussi affecter la vie personnelle, et l’auteur se permet de démentir avec le sourire les annonces de sa mort que multiplie le plus populaire des systèmes d’IA.
Éditions Intervalles, Paris : https://www.editionsintervalles.com/catalog/li-a-ma-tue/
***
Pour recevoir les informations sur les séances du séminaire La Reconstruction :
https://groupes.renater.fr/sympa/subscribe/lareconstruction?previous_action=info
Pour visionner les séances précédentes et accéder aux documents de support :
https://www.youtube.com/@lareconstruction/videos ou https://lareconstruction.fr
Pour s’abonner à la page Linkedin de LaReconstruction :
https://www.linkedin.com/company/100096546/admin/feed/posts/