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Épistémologie du processus créateur : pour des outils théoriques en recherche-création théâtrale et littéraire (Séminaire doctoral, Toulouse)

Épistémologie du processus créateur : pour des outils théoriques en recherche-création théâtrale et littéraire (Séminaire doctoral, Toulouse)

Publié le par Marc Escola (Source : Lydie Parisse)

       Séminaire doctoral transartistique et transdisciplinaire de l'Ecole Doctorale ALLPH@

Université de Toulouse 2 Jean Jaurès (UT2J) 2024-2025

"Epistémologie du processus créateur : pour des outils théoriques en recherche-création théâtrale et littéraire"

Responsables scientifiques : Lydie Parisse, MCF HDR en Littérature française et arts du spectacle à Université de Toulouse 2 (UT2J), et Tomasz Swoboda, PR de littérature à l’Université de Gdansk.

Intervenantes UT2J: Flore Garcin-Marrou (LLA CREATIS), Aline Wiame (ERRAPHIS), Samuel Lhuillery (CAS) et Lydie Parisse (PLH).

 Séminaire ouvert aux doctorant.e.s, aux mastérant.e.s, aux chercheurs, aux artistes.

Accès possible en distanciel en vous inscrivant via ce mail : ibtissemgr47@gmail.com

Ce séminaire en recherche-création, qui poursuit le séminaire des deux années passées (2022-2024) portant sur l’importance de la voie négative dans l’approche du processus créateur, vise à proposer sur deux ans (2024-2026) des outils de réflexion pour comprendre à quel point créer n’est pas seulement un art de faire, mais un art de défaire – et de se défaire. Si ces « méthodes » et manières de procéder ont été décrites par certains créateurs eux-mêmes, elles ont aussi alimenté des discours critiques qui, à partir de notions philosophiques telles que la voie négative, nous permettent de comprendre a postériori des courants esthétiques, tout en usant d’outils transdisciplinaires, pour resituer l’acte de créer dans une perspective anthropologique : que veut dire créer ? Créer, n’est-ce pas aussi se créer ? En quoi l’expérience de création est-elle une manière de produire du savoir, mais aussi de questionner les savoirs ? 

 Ce séminaire placera la question de l’écriture au centre de son propos, en tant qu’elle est un outil concret de transformation de soi et de transformation du regard sur le réel. Au croisement entre la littérature et les arts du spectacle, nous aimerions nous interroger sur la pratique du théâtre, sur la manière dont elle est interrogée par les praticiens eux-mêmes, du point de vue du plateau, du jeu de l’acteur, mais aussi du point de vue de l’écriture dramatique – prolongeant ainsi les échanges du séminaire précédent, qui par ailleurs a fait une part belle aux arts plastiques, à la performance, à la poésie et aux hypothèses de relecture de l’histoire des arts et de l’histoire littéraire, nous invitant à dépasser nos outils disciplinaires pour s’attacher à l’étude anthropologique du processus de gestation des œuvres. Cette année, l’écriture dramatique sera abordée, ainsi que l’écriture cinématographique et l’écriture philosophique.

 L’objectif de ce séminaire est d’ouvrir des perspectives pour les doctorats en recherche-création littéraire, en alliant outils théoriques et pratiques, de manière à tisser un pont entre philosophie et création, et permettre d’articuler les trois parties de ce nouveau doctorat (dimension créative, dimension autoréflexive, dimension théorique) en ouvrant un champ d’approche transversal qui relève de l’épistémologie du processus créateur. L’écriture comme processus est déjà étudiée dans le champ des études de génétique textuelle, qui évaluent la production de brouillons d’écrivains dans une durée, et dans le cadre de la pratique des ateliers d’écriture créative. Il s’agit ici d’étudier le processus créateur, non d’un point de vue rhétorique, mais d’un point de vue anthropologique et philosophique, en montrant comment il délimite à la fois un champ d’expérience et un outil de connaissance propre à réorganiser les savoirs, dans le champ de la littérature, des arts visuels, des arts du spectacle.

 L’idée de ce séminaire est de croiser des praticien.ne.s d’horizons différents, de manière à initier une dynamique entre des chercheuses et chercheurs confirmé-e-s, des doctorant-e-s et post-doctorant-e-s, des mastérant.e.s, des artistes. 

 Cette dynamique, qui s’inscrit dans des projets en cours et des réalisations récentes, permet de prolonger la réflexion initiée par deux collections en recherche-création récemment fondées par Lydie Parisse : Prémices (prix d’écriture dramatique étudiant, éditions Domens) : fondée en 2021, 4 volumes parus ; Processus créateurs (éditions Classiques Garnier) : fondée en 2023, 1 volume paru.

Voir le détail du programme…

 Le séminaire 2025 fait suite à 8 parutions d’ouvrages, dont 7 collectifs (2019-2025) :

 Lydie Parisse, Les Voies négatives de l’écriture dans le théâtre moderne et contemporain(Classiques Garnier, 2019)

 L. Parisse et Tomasz Swoboda (dir) : Voie négative, Cahiers Erta, n°33, Gdansk, 2023.

 L. Parisse et T. Swoboda (dir) : Processus créateur et voies négatives, Revue des Lettres modernes, Série Processus créateurs, N°1, Lettres Modernes Minard/Classiques Garnier, 2024. 

 L. Parisse (dir.), Prémices 1. Prix d’écriture théâtre/poésie orale (Domens 2022)

 L. Parisse (dir.), Prémices 2. Prix d’écriture théâtre/poésie orale (Domens 2022)

 L. Parisse (dir.), Prémices 3. Prix d’écriture théâtre/poésie orale (Domens 2024)

 L. Parisse (dir.), Prémices 4. Prix d’écriture théâtre/poésie orale (Domens 2025)

 L. Parisse (dir.), Ecrire pour le théâtre aujourd’hui (Domens 2025)

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Déroulement des séances 

du 6 au 20 mars 2025.

3 jeudis de 14h à 18h. Salle 060 (rez-de-chaussée du bâtiment Erasme, au fond du CRL- Centre de Ressources en langues).

Séances en présentiel et en Hybride. Salle 060, au CRL (Centre de Ressources en langues), rez-de chaussée du Bâtiment Erasme. Université de Toulouse 2 Jean Jaurès.

Séance 1. Jeudi 6 mars 2025.

14-14h30.

Lydie Parisse (PLH, UT2J) et Tomasz Swoboda (Université de Gdansk). Introduction au séminaire et retour sur les récentes publications collectives en lien avec le séminaire.

14h30-15h30.

Tomasz Swoboda (Université de Gdansk). « Masque et transgression dans la revue Documents 1929-1930. Approche anthropologique. »

15h30-16h30.

Lou-Andrea Depaule (Docteure, PLH, UT2J). "Processus de création et voie négative au cinéma : entre transgression et incarnation, l'expérience spirituelle chez Pasolini, Dumont, Tarkovski".

16h30-17h.

Lydie Parisse. « Ce que Bruno Dumont doit aux mystiques ». 

17h-18h.

Discussion.

Séance 2. Jeudi 13 mars 2025.

14h-14h30.

Lydie Parisse (PLH, UT2J) et Tomasz Swoboda (Université de Gdansk). Introduction à la séance. Retour sur le prix Prémices, prix d’écriture dramatique destiné aux étudiant.e.s.

14h30-15h30.

Samuel Lhuillery (Post-Doc, CAS, UT2J) : « Du corps au chant : suivre la via negativa dans la pratique théâtrale de Grotowski ».

15h30-16h.

Lydie Parisse (PLH, UT2J) : « Mener un atelier d’écriture dramatique à l’université en lien avec la via negativa ».

16h-17h.

Entretien entre Lydie Parisse et Jérémie Fabre, auteurs dramatiques. « Ecrire pour le théâtre aujourd’hui.  

17h-18h.

Discussions. 

Séance 3. Jeudi 20 mars 2025. 

 14h-14h15.

Lydie Parisse (PLH, UT2J) et Tomasz Swoboda (Université de Gdansk). Introduction à la séance.

 14h15-15h30.

Aline Wiame : « William James et la transformation de soi par l’écriture de la crise et de la mystique ».

 15h30-16h.

Lydie Parisse : « Quelques mots sur l’apport de Michel de Certeau ».

 16h-17h15. 

Flore Garcin-Marrou : « Le théâtre d’ombres : voie négative du théâtre d’acteurs ? »

17h15-18h.

Discussions et conclusion du séminaire.

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Programme détaillé

 Séance 1. Jeudi 6 mars 2025.

Centre de Ressources en langues (CRL). Rez-de-chaussée du Bâtiment Erasme. Séance hybride.

Lydie Parisse (PLH, UT2J) et Tomasz Swoboda (Université de Gdansk). Introduction au séminaire et retour sur les récentes publications collectives en lien avec le séminaire.

 Il sera question ici de situer brièvement cet objet de recherche transversal -l’épistémologie du processus créateur- tout en présentant les collaborations qu’il génère au sein de chercheur.e.s de diverses universités et de diverses disciplines, et les projets en cours qui se profilent et des récentes publications auxquels il a donné lieu. L’idée est de continuer à explorer la notion de voie négative étudiée lors du séminaire précédent en croisant approche artistique (et littéraire) et approche philosophique. De manière à ouvrir des hypothèses et champs qui nous invitent à une relecture des œuvres que nous connaissons, à des recoupements, à des mises en évidence de filiations, mais aussi qui nous invitent à creuser telle ou telle notion relevant de l’approche de la voie négative, avec des liens vers la mystique, ou plus largement, le spirituel. Et en s’interrogeant sur les débouchés en recherche création, tant dans la pédagogie théâtrale par exemple, que dans la pratique de l’écriture.

Lydie Parisse est Maîtresse de conférences habilitée à diriger les recherches en Littérature française et en Arts du spectacle à l’Université de Toulouse 2 Jean Jaurès, et également écrivaine et metteuse en scène, co-directrice de la compagnie Via negativa. Sa pratique artistique et sa recherche sont étroitement liées. Membre du réseau international de chercheurs Theorias, elle a publié aux Classiques Garnier six ouvrages critiques (dont 3 collectifs) sur les liens entre littérature et discours mystique, et sur le théâtre de Novarina, de Beckett, ainsi qu’une monographie sur Lagarce. Son dernier ouvrage, Les Voies négatives de l’écriture dans le théâtre moderne et contemporain, paru en 2019, a été suivi de deux co-directions d’ouvrages collectifs avec Tomasz Swoboda : Voie négative (Cahiers ERTA, 2023), et Processus créateurs et voie négatives (Classiques Garnier, 2024) suite au colloque international qui s’est tenu à Toulouse en 2022. Elle a récemment fondé le prix littéraire Prémices : un prix d’écriture dramatique destiné aux étudiants, dont 4 volumes sont parus ainsi que Ecrire pour le théâtre aujourd’hui (Domens 2025).

 Tomasz Swoboda est essayiste, traducteur, et Professeur à l’Université de Gdansk. Ses travaux portent sur l’art et la littérature (Histoires de l’œil, 2013). Il a traduit en polonais, les œuvres de Baudelaire, Nerval, Proust, Barthes, Bataille, Caillois, Leiris, Ricœur, Didi-Huberman, Mouawad, Le Corbusier ainsi que la série BD Ariol. 

 

Tomasz Swoboda (Université de Gdansk).

Masque et transgression dans la revue Documents 1929-1930. Approche anthropologique.

 Cette communication fera référence à l’anthropologie et à l’ethnologie, à la pratique éditoriale, à l’esthétique, et traitera de l’épistémologie du processus créateur en interrogeant l’usage du masque dans les sociétés non occidentales. La figure humaine pensée dans le cadre occidental se trouve remise en cause et le masque peut être considéré comme l’incarnation du concept de disparité qui régit la visée transgressive de la revue Documents. Nous ne sommes pas là dans le contexte de la voie négative. Néanmoins, la question du masque renvoie peut-être à la problématique de la défiguration.

Lou-Andrea Depaule.

"Processus de création et voie négative au cinéma : entre transgression et incarnation, l'expérience spirituelle chez Pasolini, Dumont, Tarkovski"

 Cette communication se propose d’étudier les processus de création et leur traitement formel chez Pasolini dans son film "Théorème", chez Bruno Dumont dans son film "Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc" et chez Tarkovski dans son film "Nostalghia" afin d’éclairer le lien entre transgression et incarnation. Nous tenterons de montrer que la voie négative, au service de cette tension, chez ces trois cinéastes, se manifeste à travers plusieurs motifs : celui du détour, celui de la répétition, celui de la traversée. Les références spirituelles et mystiques (de l’Exode à la Passion) conduisent les choix de mise en scène. Pasolini s’appuie sur « l’Exode » : « Dieu fit alors faire un détour au peuple par le chemin du désert ». Bruno Dumont transpose le souffle péguyste du « Mystère de la charité de Jeanne d’Arc ». Tarkovski fait traverser un bassin vide (bain thermal de Bagno Vignoni dédié à sainte Catherine de Sienne), au personnage de Gortchakov comme dernier rite salvateur. Nous mettrons en évidence que chaque mise en scène dans ces processus de création est au service d’une expérience spirituelle singulière.

Lou-Andrea Depaule est Docteure en Littérature et cinéma à l’université de Toulouse 2 (Laboratoire PLH) où elle a soutenu en 2023 une thèse intitulée « Grâce et matière : la figuration du rapport au divin dans la littérature et le cinéma : Simone Weil/ Roberto Rosellini, Georges Bernanos/ Robert Bresson-Maurice Pialat, Julien Green/Léonard Keigel, Léon Tolstoï/ Andrei Tarkovski, Charles Péguy/ Bruno Dumont, Peter Handke/Wim Wenders. 

Lydie Parisse.

« Ce que Bruno Dumont doit aux mystiques ».

Les textes des mystiques, Bruno Dumont, formé à la philosophie, les lit, s’y alimente, et ne cesse de le dire. Influencé par le Bergson des Deux sources de la morale et de la religion et par le Saint‑Paul du "per speculum in aenigmate", mais aussi par Péguy, Bernanos, Claudel, par Dreyer, Méliès, Pasolini, Bresson, Rossellini et bien sûr Tarkovski, Dumont demande au cinéma de convoquer sur l’image, la plus naturaliste soit‑elle, dans la lignée des peintures de Giotto, de Le Sueur, de Rembrandt, le mystère de l’invisible tapi dans le visible. « Le réel ne m’intéresse pas, ce n’est pas lui qui doit être représenté, ce qu’il faut représenter c’est nous, c’est ce qu’on ressent du réel », expliquait Bruno Dumont sur France Culture dans une interview avec Marie Richeux. Le regard porté sur le réel renvoie, au cinéma comme au théâtre, à la question concrète de la mise en scène. Mais aussi à des manières d’appréhender le réel de façon non conventionnelle, inédite, et c’est cela que les mystiques, que lit Dumont, lui apportent : ils sont toujours là où on ne les attend pas. Ils sont le lieu d’un déconditionnement du regard, et en cela, ils ont quelque chose à apporter à l’artiste, ils ont à voir avec l’élan, le processus créateur, le mystère

https://www.fabula.org/acta/document16363.php

 

Séance 2. Jeudi 13 mars 2025. 

Centre de Ressources en langues (CRL). Rez-de-chaussée du Bâtiment Erasme. Séance hybride.

 

Lydie Parisse (PLH, UT2J) et Tomasz Swoboda (Université de Gdansk). Introduction à la séance.

 

Samuel Lhuillery (CAS, UT2J) : « Du corps au chant : suivre la via negativa dans la pratique théâtrale de Grotowski ».

En reprenant le chemin parcouru par Grotowski dans son travail sur la via negativa avec les acteurs du Théâtre Laboratoire, puis à travers les différentes étapes de sa recherche, jusqu’à l’« Art comme Véhicule », cette intervention se concentrera sur l’émergence progressive du chant comme l’élément central de ce travail sur l’organicité et la présence. Dans la lignée grotowskienne du jeu de l’acteur, qui repose sur une voie négative dans l’entraînement, l’acte de chanter constitue un engagement de l’être tout entier, convoquant toutes les forces biologiques et psychiques : le chant serait ainsi comme un « véhicule » ou une échelle, permettant à celui qui chante de se transformer intérieurement et d’atteindre une forme de « verticalité », tout en le reliant à une forme d’ancestralité. L’intervention cherchera à mettre en évidence les procédés négatifs par lesquels un tel processus peut opérer concrètement sur le corps et la pensée.

Samuel Lhuillery est docteur en études théâtrales à l’Université Paris 3 – Sorbonne nouvelle. Sa thèse, sous la direction de Marco Consolini, s’intitule Grotowski et la « Tribu » du théâtre rituel : liminalité, performance, interculturalité et interconnexions dans la pratique et la pensée théâtrales de Jerzy Grotowski, Eugenio Barba, Richard Schechner et Victor Turner. » Il est depuis 2024 post-doctorant à l’UT2J, au sein du projet American Theatre in France, dirigé par Emeline Jouve. 

 

Lydie Parisse. « Mener un atelier d’écriture dramatique à l’université en lien avec la via negativa ».

 

Entretien entre Lydie Parisse et Jérémie Fabre, auteurs dramatiques sur le thème « Ecrire pour le théâtre aujourd’hui ».

 Jérémie Fabre est écrivain dramatique et metteur en scène. Il publie des farces métaphysiques et politiques dans la collection Tangentes des  éditions Domens : Enterrer les chiens. Prophéties pour temps obscurs (2021), Chroniques du Mur de Barrez(2023), Les Royaumes (2025).

Lydie Parisse est écrivaine dramatique et metteuse en scène, co-directrice artistique de la compagnie Via negativa. Elle a publié aux éditions de l’Entretemps et aux éditions Domens deux romans et des pièces toutes créées à la scène : L’Encercleur (2009), La Matrice 1. Le temps des musons (2010), Manuel de l’amour moderne (2012), L’Opposante (2015), Les Devenants (2015), La Passion de l’obéissance (2022), avec une dernière pièce en cours : SX Ultima 22.

 

Séance 3. Jeudi 20 mars 2025. 

Centre de Ressources en langues (CRL). Rez-de-chaussée du Bâtiment Erasme. Séance hybride.

 

Lydie Parisse (PLH, UT2J) et Tomasz Swoboda (Université de Gdansk). Introduction à la séance.

 

Aline Wiame (Erraphis, UT2J) : « William James et la transformation de soi par l’écriture de la crise et de la mystique ».

Les Variétés de l’expérience religieuse. Essai de psychologie descriptive, ouvrage publié par le psychologue et philosophe américain William James en 1902, est un OVNI à plus d’un titre. Tout d’abord, il est d’une certaine manière inaccessible en français, tant sa traduction (que Bergson refusa de préfacer malgré son admiration du texte original) a vidé le texte jamesien de toutes les propositions vitales et « ésotériques » qui l’animaient. Ensuite, il se propose d’examiner l’expérience religieuse, pour la première fois, depuis un point de vue pragmatique et non théologique : il ne s’agit pas de déterminer l’existence ou la non-existence d’un dieu, mais de plonger dans diverses expériences personnelles pour examiner ce que la croyance (ou son absence) fait faire et créer. Enfin, le texte est composé presque comme un collage – il est constitué pour plus d’un tiers des témoignages littéraires, psychiatriques et intimes sans lesquels le livre ne tiendrait pas en tant qu’œuvre autonome. Dans cette communication, nous nous pencherons particulièrement sur les chapitres du livre consacrés à la crise existentielle et à la mystique, en tant qu’expériences-limites qui nécessitent la création pour élargir le champ des expériences possibles. Nous ferons également l’hypothèse que traiter de telles expériences-limites appelle nécessairement un travail réflexif sur l’écriture (comme celle du « collage ») comme vecteur singulier à même de transformer des études de cas en sites d’expérimentation et de transformation de soi. De la sorte, l’étrange composition des Variétés de l’expérience religieuse peut être considérée comme une boîte à outils pour interroger la manière dont la philosophie peut se faire recherche et création en vue d’une redéfinition des savoirs et de leur circulation – redéfinition qui se veut à la fois, indéfectiblement, épistémologique et existentialiste.  

Aline Wiame est Maîtresse de conférences en arts et philosophie à l’université de Toulouse 2 Jean Jaurès, et membre de l’Institut universitaire de France. Spécialiste de l’œuvre de Deleuze et de la philosophie du théâtre, sur lesquels elle a soutenu une thèse à l’Université Libre de Bruxelles en 2012, elle travaille sur les arts de la scène, sur les humanités écologiques et sur la recherche-création artistique envisagée comme un mode de la recherche universitaire. Elle a publié deux monographies : Scènes de la défiguration : Quatre propositions entre théâtre et philosophie (Paris, Les Presses du Réel, 2016) et Revenir d’entre les morts : Deleuze et la croyance en ce monde au cinéma et dans les séries (Les Presses du réel, 2024). Elle a également co-dirigé six ouvrages collectifs portant sur Deleuze, Etienne Souriau, et les relations entre l’art et la philosophie, et mène actuellement un travail de recherche visant à élaborer une esthétique de résistance à la sidération face aux catastrophes écologiques en cours et à venir.

 

Lydie Parisse : « Quelques mots sur l’apport de Michel de Certeau ».

Les études de référence, pour creuser la notion de voir négative en recherche-création, restent les travaux de Michel de Certeau (1925-1986), spécialiste de l’Âge classique, dont surtout les deux volumes de La Fable mystique. Il examine les textes des écrivain.e.s mystiques comme des productions d’écrivain.e. s qui, outre leur parcours spirituel, vivent une expérience de l’écriture et de la poésie et une aventure dans la langue. Les écrivain.e.s mystiques donnent naissance à un nouveau langage, qui est selon lui un langage moderne. Cette langue expérimentale s’élabore dans un espace de résistance aux dogmatismes, et met en place une pragmatique de la parole et de la voix, et la fabrique d’une écriture consacrée au négatif.

Flore Garcin-Marrou (LLA Creatis, UT2J) : « Le théâtre d’ombres : voie négative du théâtre d’acteurs ? »

 Qu'elles soient traditionnelles (chinoises, javanaises, balinaises, thaïlandaises, syriennes, turques ou françaises) ou contemporaines (Jean-Pierre Lescot, Fabrizio Montecchi...), les ombres au théâtre convoquent avant tout sur scène les puissances de l'invisible, les morts revenant parmi les vivants, les doubles. Mais le théâtre d'ombres relève aussi d'une écologie de la perception négative qui, dans un monde saturé d'images, invite à voir le monde par le biais de la silhouette, plus expressive par ses creux que par ses pleins. Comme le sculpteur qui retranche de la matière pour donner la forme, l'artiste du théâtre d'ombres produit une dramaturgie qui peut venir contrebalancer le théâtre d'acteurs qu'on pourrait appeler un théâtre-plein feu. On s'intéressera notamment au recours du théâtre d'ombres chez Claudel en abordant la scène de l'ombre double dans Le Soulier de Satin, écho du couple Ysé/Mesa de Partage de Midi. On travaillera également sur les Trois petits drames pour marionnettes de Maeterlinck (1894).

Flore Garcin-Marrou est Maître de conférences en Arts de la scène à l’Université Toulouse Jean Jaurès. Elle est l’auteure d’une thèse intitulée « Gilles Deleuze, Félix Guattari : entre théâtre et philosophie. Pour un théâtre de l’à venir » sous la direction de Denis Guénoun (Université Paris-Sorbonne, 2011). La relation entre le théâtre et les sciences humaines est le centre de gravité de ses recherches. Son intérêt pour les mystiques date de 2002, lorsqu’elle rédige un mémoire de maîtrise en Philosophie de la religion sur la « mise en scène de l’état de grâce » sous la direction de Françoise Bonardel à l’Université Paris 1. Elle a publié : En 2012, « Le théâtre, creuset de l’image spirituelle, de Maeterlinck à Beckett », dans Le Discours mystique dans la littérature et les arts de la fin du XIXe s. à nos jours, Lydie Parisse dir., Paris, Classiques Garnier, coll. « Rencontres », série Études dix-neuvièmistes, n° 31, p. 141-154. En 2014, « La mise en scène de l’état de grâce dans le théâtre de Valère Novarina » dans la Revue Littératures sur Valère Novarina : une poétique théologique ?, Olivier Dubouclez dir., n° 176, p. 67-76.

Discussions et conclusion du séminaire.