
Agrégation de lettres modernes
Composition française :
« Le monde extérieur a beau être là, – cadre, décor, lieux publics, coutumes, langage, conversations – les êtres sont vides de substance ; ces ombres interchangeables (jusqu’à Alidor), ces noms précieux sont à la poursuite de leur incarnation, cent personnages en quête de pesanteur. C’est que ces égoïstes sont, essentiellement, des solitaires. »
Serge Doubrovsky, Corneille et la dialectique du héros, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1963.
Dans quelle mesure ces propos éclairent-ils votre lecture des œuvres de Corneille au programme ?
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Littérature comparée :
Dans un article paru dans la section « Les constructions conflictuelles » de l’ouvrage collectif numérique Les Polyphonies poétiques (Presses Universitaires de Rennes, 2016) Ricardo Saez écrit :
« Acte de résistance par excellence, tiré des sources mêmes du langage, le poème se doit de retisser le sens des mots déchiquetés et assassinés par l’Histoire car c’est en définitive la passion de la poésie : origine et destin, sonorité et lieu de combat, émergence de la lucidité du monde qui va lier le poète à la terreur tragique des sociétés humaines et aux mécanismes destructeurs que celles-ci ont engendrés. »
Dans quelle mesure ces propos éclairent-ils votre lecture des œuvres du programme « Poésies américaines : peuples, langues et mémoires » ?
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Étude grammaticale d’un texte de langue française postérieur à 1500
Encourager les hommes de lettres, c’est les placer au-dessus du pouvoir quelconque qui les récompense ; c’est considérer le génie littéraire à part du monde social et des intérêts politiques ; c’est le traiter comme le talent de la musique et de la peinture, d’un art enfin qui ne serait pas la pensée même, c’est-à-dire, le tout de
5 l’homme.
L’encouragement de la haute littérature, et c’est d’elle uniquement dont je parle
dans ce chapitre, son encouragement, c’est la gloire, la gloire de Cicéron, de César même et de Brutus. L’un sauva sa patrie par son éloquence oratoire et ses talents consulaires ; l’autre, dans ses commentaires, écrivit ce qu’il avait fait ; l’autre enfin, par le charme de
10 son style, l’élévation philosophique dont ses lettres portent le caractère, se fit aimer comme un homme rempli de l’humanité la plus douce, malgré l’énergique horreur de l’assassinat qu’il commit.
Ce n’est que dans les états libres qu’on peut réunir le génie de l’action à celui de la pensée. Dans l’ancien régime, on voulait que les talents littéraires supposassent 15 presque toujours l’absence des talents politiques. L’esprit d’affaires ne peut se faire connaître par des signes certains, avant qu’on ait occupé de grandes places ; les hommes médiocres sont intéressés à persuader qu’ils possèdent seuls ce genre d’esprit ; et pour se l’attribuer, ils se fondent uniquement sur les qualités qui leur manquent : la chaleur qu’ils n’ont pas, les idées qu’ils ne comprennent pas, les succès qu’ils dédaignent, voilà
20 les garants de leur capacité politique.
Madame de Staël, De la littérature (1800), éd. Gérard Gengembre, Jean Goldzink, Paris, Flammarion,
QUESTIONS
1. Lexicologie (4 points)
Étudiez les mots « encouragement » (l. 6) et « génie » (l. 13).
Grammaire (8 points)
a) Vous étudierez le pronom de « L’encouragement », l. 6, jusqu’à « qu’il commit », l. 12 (6 points).
b) Faites toutes les remarques utiles et nécessaires sur le passage suivant : « Dans l’ancien régime, on voulait que les talents littéraires supposassent presque toujours l’absence des talents politiques » l. 14-15 (2 points).
Stylistique (8 points)
Vous proposerez un commentaire stylistique de ce texte.
Étude grammaticale d’un texte de langue française antérieur à 1500
Aussi con del cisne, car il est un païs la ou li chisne cantent si bien et si volentiers que quant on harpe devant aus, il s’acordent a le harpe aussi con li tabours au flagol, et nommeement en l’an qu’il doit morir, si c’on dist, quant on
5 en i voit .j. bien cantant : « Chis cisnes morra auwen. » Tout aussi con d’un enfant quant on le treuve de bon engien, si dist on qu’il ne vivera ja longement. Pour che di jou que pour le paour que je oi de le mort au cisne quant je cantai plus joliement, et de le mort au crisnon quant je cantai le
10 plus volentiers, pour che laissai je le chanter a cest arriereban faire, et le vous envoiai en maniere de contreescrit ; car tres dont deusse je bien avoir le vois perdue que li leus me vit premerains, c’est a dire que je reconuit que je vous amoie, devant la que je seusse a quel
15 chief jou en porroie venir. Elas, si m’en sui je tante fois repentis de che que je vous avoie proie pour vo douche compaignie perdre ! Car se je peusse faire aussi con li chiens, qui est de tel nature que quant il a vomi, qu’il repaire a son vomissement et le remenguë, jou en eusse mout
20 volentiers ma proiere rengloutie .c. fois puis qu’ele me fu volee des dens.
Richard de Fournival, Le Bestiaire d’Amour et la Response du Bestiaire, éd. et trad. G. Bianciotto, Paris, Honoré Champion, 2009, Le Bestiaire d’Amour, p. 164-166, [5], l. 8-28.
QUESTIONS
Chaque question est notée sur quatre points.
1. Traduire le texte de « Pour che di jou » (ligne 7) à la fin du passage « des dens » (ligne 21). 2. Phonétique et graphie
a) Retracer l’évolution, du latin au français moderne, de INGENIUM > engien (l. 6).
b) Étudier du point de vue phonétique et graphique l’origine et l’évolution jusqu’au français moderne de u dans les mots français :
un (l. 6) ˂ UNUM
paour (l. 8) ˂ PAVOREM perdue (l. 13) ˂ *PERDUTA mout (l. 19) ˂ MULTUM
3. Morphologie
a) Étudier les formes verbales de la première personne du singulier dans l’ensemble du passage.
b) Expliquer la formation depuis le latin et l’évolution jusqu’au français moderne du paradigme auquel appartient la
forme amoie (l. 14). 4. Syntaxe
Étudier les propositions subordonnées de « car tres dont deusse je bien avoir » (l. 12) à « des dens » (l. 21).
5. Vocabulaire
Étudier compaignie (l. 17) et repaire (l. 18).
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Agrégation de lettres classiques
Composition française :
« La beauté d’un roman est d’autant plus grande qu’il sort plus d’ordre enfin d’une plus grande confusion apparente. Et ce serait même une faute dans la composition, si le lecteur en pouvait deviner trop tôt l’issue. »
(G. W. LEIBNIZ, « Méditation sur la notion commune de justice », 1702, cité par Christine de Buzon in « L’allure romanesque des Angoysses douloureuses d’Hélisenne de Crenne », in Le Roman français au XVIe siècle ou le renouveau d’un genre européen, dir. Michèle Clément et Pascale Mounier, Presses Universitaires de Strasbourg, 2005, p. 216.)
En quoi ce propos éclaire-t-il votre lecture du roman d’Hélisenne de Crenne Les Angoysses douloureuses qui procèdent d’amour ?