
« Souvent je me demande, moi, pour voir, qui je suis – et qui je suis au moment où, surpris nu, en silence, par le regard d’un animal, par exemple les yeux d’un chat, j’ai du mal, oui, du mal à surmonter une gêne. Pourquoi ce mal ? »
Tel est le point de départ de la réflexion de Derrida : une expérience pourtant quotidienne, celle de la honte qu’il peut éprouver quand, dans sa salle de bains, le regard de son chat le surprend dans son plus simple appareil. Occasion de poser à nouveaux frais la question : quel est le propre de l’homme ?
Si, chez les Grecs, l’homme était au moins un animal raisonnable, Descartes creuse le gouffre : contrairement à l’homme, doté d’une conscience, l’animal s’apparenterait à la machine. Ses réactions aux stimuli du monde seraient des automatismes, produits des lois de l’instinct.
Or, tenter de se voir à travers les yeux d’un chat devient un moyen de retracer les frontières entre Homo sapiens et le règne animal, frontières plus poreuses qu’on ne le croit…