
Du Grand Inquisiteur à Big Brother : le pouvoir dans la littérature et les arts de la fin du XIXe siècle à nos jours
Colloque international organisé par Traverses 19-21 (E.CRI.RE)
Responsables : Lise Dumasy, Agathe Salha et Anna Saignes
2 - 4 juin 2010, à la MSH-Alpes et à la MLC (campus universitaire de Grenoble)
Voir le Programme et l'affiche
Ce colloque propose une réflexion sur les représentations du pouvoir dans la littérature et les arts depuis l'essor de la pensée scientiste à la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours.
En 1880, Dostoïevski fait dire au Grand Inquisiteur qu'il n'existe que trois forces capables d'imposer un gouvernement aux hommes : « le miracle, le mystère et l'autorité » (Les frères Karamazov). Un quart de siècle plus tard, Max Weber affirme la supériorité de l'organisation bureaucratique, « le moyen le plus rationnel que l'on connaisse pour exercer un contrôle impératif sur des êtres humains » (Économie et société), et fait du pouvoir une pure technique. Cette antinomie offre une perspective essentielle sur la pensée du politique dans le contexte de l'essor des sciences et des technologies. Il s'agira d'évaluer comment elle a pu être représentée, confortée, ou déconstruite, dans la littérature et dans les arts. Peut-on dire que l'art et la littérature constituent le lieu privilégié où s'effectue une mise à l'épreuve, une critique, de la mobilisation de la science au service du politique ? Seraient-ils le lieu où la science est renvoyée à ses limites ? Ont-ils conduit à dépasser l'opposition entre science et miracle ? Par exemple, avec l'idée que la science et la religion auraient pour horizon commun une promesse eschatologique ? Ou encore en explorant le phénomène d'irrationalisation du rationnel, propre à l'organisation bureaucratique ? Ou, enfin, en inventant d'autres modèles d'autorité ?
Si ces problématiques apparaissent centrales dans les pays qui ont fait l'expérience du totalitarisme, il a paru fructueux de les confronter également aux sociétés capitalistes et démocratiques, ainsi qu'à des formes non étatiques de pouvoir, comme le management. Ce colloque s'inscrit clairement dans l'un des axes transversaux développés actuellement à la fois par l'équipe de recherche Traverses 19-21 et sa composante E.CRI.RE, sur littérature et sciences. Plus spécifiquement, il répond à l'un des enjeux de l'équipe E.CRI.RE qui est d'élargir sa réflexion aux autres littératures européennes et notamment aux littératures slaves. En montrant comment la littérature et les arts ont permis de penser l'articulation complexe, potentiellement dévastatrice, entre science et pouvoir dans les sociétés modernes, totalitaires et post-totalitaires, ce colloque international contribuera enfin à la réflexion engagée par l'université Stendhal autour d'« un nouvel humanisme ».
Programme :
Mercredi 2 juin, Maison des Sciences de l'Homme-Alpes
(Campus, Saint Martin d'Hères)
14h
Accueil et ouverture : Isabelle PAILLIART, vice-présidente recherche
Chantal MASSOL, directrice Traverses 19-21
Introduction : Lise DUMASY, Anna SAIGNES, Agathe SALHA
15h-18h
Raison, science et technologie, nouveaux horizons du pouvoir moderne ?
MODERATEUR : Maria DELAPERRIERE
Caroline JULLIOT (université Paris 4), « "Savoir, c'est pouvoir", Le Grand Inquisiteur, figure du
rationalisme "effectif".»
Jean-Philippe JACCARD (université de Genève), « Le Bienfaiteur et la limitation de l'infini (sur Nous
autres de Zamiatine). »
Marie-Odile THIROUIN (université Lyon 2), « "Staline a téléphoné" : manifestations téléphoniques du
pouvoir dans Le Premier Cercle d'A. Soljenitsyne et Vie et Destin de V. Grossman. »
MODERATEUR : Laurent BARIDON
Michel VIEGNES (université de Fribourg), « Totalitarisme et intelligence artificielle : quelques scenarii
contre-utopiques (Alphaville de J.-L. Godard et Un Bonheur insoutenable d'I. Levin). »
Isabelle DESPRES (université Grenoble 3), « Loup-garou, minotaure et vampires : quelques
représentations du pouvoir dans la prose de Viktor Pélévine. »
Jeudi 3 juin, Maison des Langues et des Cultures
(Campus, Saint Martin d'Hères)
9h-12h30
Figures du pouvoir : entre science et sacré, incarnation et désincarnation
MODERATEUR : Michel VIEGNES
Maria DELAPERRIERE (INALCO, Paris), « Paraboles pharaoniques du pouvoir. »
Aleksander FIUT (université Jagellon, Cracovie), « Les visages de la tyrannie. Autour du triptyque de
J. Bocheński : Le divin Jules, Nason le poète, César Tibère. »
András KANYADI (INALCO, Paris), « Néron dans la littérature hongroise au XXe siècle ».
MODERATEUR : Isabelle DESPRES
Sylvie SERVOISE (université du Maine), « Christa Wolf ou le dilemme de Cassandre. »
Crystel PINÇONNAT (université Paris 7), « The ultimate carte blanche : de quelques visions du pouvoir
dans la fiction afro-américaine. »
Corinne GRENOUILLET (université de Strasbourg), « Figures et discours du pouvoir dans l'entreprise
moderne (Eric Reinhardt, Lydie Salvayre, etc.). »
14h30-18h
Modèles de domination : des utopies architecturales aux techniques de surveillance
contemporaines
MODERATEUR : Marie-Odile ThIROUIN
Eléonore REVERZY (université de Strasbourg), « Le roman panoptique : fictions du politique dans Les
Rougon-Macquart de Zola (Au Bonheur des dames, Le Ventre de Paris). »
Laurent BARIDON (université Grenoble 2), « Construire l'Homme : architecture et eugénisme dans les
années 1930. »
Anne LARUE (université Paris 13), « Petits mondes sans issue : le fantasme carcéral de l'architecture
dystopique. »
MODERATEUR : Jean-Philippe JACCARD
Leonid HELLER (université de Lausanne), « La pensée, objet de lecture, objet de soumission. »
Sándor KALAI (université de Debrecen), « Crime et surveillance dans les premiers romans de Thierry
Jonquet. »
Didier COUREAU (université Grenoble 3), « Caméra du pouvoir, pouvoir de la caméra (Dziga Vertov,
Jean-Luc Godard, Chris Marker...). »
Vendredi 4 juin, matinée, Maison des Langues et des Cultures
Campus, Saint Martin d'Hères
9h-12h30
Le pouvoir à l'épreuve de la littérature
MODERATEUR : Anne LARUE
Denis SAINT-AMAND (université de Liège), « Contre-lexiques du pouvoir ou l'opposition en
dictionnaires. »
Sylvie JEANNERET (université de Fribourg), « Les incarnations du pouvoir dans les romans hugoliens, des
Misérables à Quatrevingt-treize. »
Julie WOLKENSTEIN (université de Caen), « Visibles et secrets : les pouvoirs du texte dans Le Motif dans
le tapis de Henri James. »
MODERATEUR : Leonid HELLER
Delphine AEBI (université Grenoble 3), « Les rapports de pouvoir entre le dramaturge et son public dans le
théâtre français des années 40 aux années 60. »
Héloïse SIMON (université Grenoble 3), « Folie et totalitarisme en terre ubuesque, en Zembla et en
Caronie. »
Gayaneh ARMAGANIAN (ENS-LSH, Lyon), « Réfraction de « La Légende du Grand Inquisiteur » chez les
écrivains de l'émigration (Gajto Gazdanov, Le retour de Bouddha, Vladimir Nabokov, Brisure à
Sénestre, Mikhaïl Chichkine, Le Cheveu de Vénus). »
Renseignements auprès de Geneviève Chignard : traverses@u-grenoble3.fr