Entre Histoire et fiction : le roman historique hispanique
Séminaire doctoral organisé par
Caroline LYVET, Patricia ROCHWERT-ZUILI et Sarah VOINIER,
Textes & Cultures (EA 4028) Équipe interne Translittéraires.
vendredi 12 mai 2017, Université d'Artois, Arras. Maison de la Recherche, Salle R3
À la suite du colloque international « Entre histoire et littérature : mémoires du passé dans l’Espagne médiévale et classique », organisé à l’Université d’Artois en novembre 2014, et au cours duquel il s’agissait d’étudier les rapports complexes entre deux modalités d’écriture aux frontières poreuses, nous nous proposons, dans le cadre de ce séminaire, de revenir sur cette perméabilité, sur les emprunts et les échanges entre Histoire et fiction, en amorçant une réflexion sur un sous-genre particulier, le roman historique hispanique, fondé en particulier sur une matière médiévale ou auriséculaire.
Il s’agit là d’une question qui n’est certes pas nouvelle[i] mais qui, au regard du succès grandissant de ce type de littérature et de l’éclairage qu’elle apporte sur les époques anciennes, mérite que l’on s’y intéresse, notamment pour voir dans quelle mesure elle peut permettre d’appréhender l’histoire d’une manière différente, susciter l’intérêt d’un large public, mais aussi renouveler les recherches dans le domaine des études médiévales et modernes.
Au-delà d’une entreprise de pure définition générique, dont on imagine d’avance qu’elle risque de s’avérer peu féconde, tant elle pose une question qui n’est plus vraiment d’actualité, il s’agira d’examiner précisément les caractéristiques et les enjeux de textes qui, bien que fictionnels, empruntent à l’Histoire son matériau et font d’un événement historique ou d’une époque le sujet même de leur récit.
Comment l’Histoire s’insère-t-elle dans l’histoire ? Grâce à quels outils ? Quels procédés ? Comment les contraintes du genre romanesque obligent-elles à composer avec l’Histoire ? Et inversement, comment les événements du passé impriment-ils leur marque dans les choix d’écriture romanesque et dans les procédés esthétiques ?
On se demandera aussi dans quelle mesure la matière historique peut se trouver éclaircie par l’usage du fictionnel et du romanesque en particulier. Le roman permettrait-il de dire ou de mieux dire ce que la modalité historienne de restitution des faits peut parfois avoir du mal à dire ou à transmettre ? N’informerait-il pas aussi et surtout sur l’époque de son écriture : le temps de l’écriture serait tout aussi important que le temps de la diegèse, car sinon, pourquoi, de la part des auteurs, ce choix d’une modalité discursive et d’une forme littéraire sans nul doute la plus associée au mensonge et à la fiction ?
Y aurait-il une aptitude du roman à dire l’Histoire ou est-elle au contraire voilée par le passage au romanesque ? Une interrogation s’impose en effet sur ce que la fiction apporte à l’appréhension, à la compréhension du passé et du présent des récepteurs de tels ouvrages. Le romanesque semblerait être aujourd’hui l’un des discours les plus aptes à dire l’altérité du Moyen Âge, à rendre perceptible ou intelligible cette époque où les frontières entre réel et fictif semblent mouvantes, où le système de causalité est si différent de celui du lecteur contemporain. Le lointain serait ainsi rendu proche par le roman dans une sorte d’abolition des frontières temporelles par le romanesque.
Revenant notamment sur les pratiques éditoriales actuelles, tendant à brouiller les classifications génériques au moment de présenter ces romans, avec parfois la complicité des auteurs, il conviendra sans doute de se demander s’il n’y a pas un risque de faire prendre pour fictifs des éléments bien réels lorsqu’ils sont présentés dans des ouvrages qui assument leur dimension romanesque ou mensongère. Et au contraire, on pourra revenir sur la tentation de lire comme vrais des faits non avérés et nés de l’imaginaire romanesque d’un auteur. De la même façon, un questionnement sur l’image du Moyen Âge et du Siècle d’Or transmise par le texte romanesque devra nous accompagner : les romans ne diffusent- ils pas l’image d’un Moyen Âge de convention qui nourrit notre imaginaire au risque de falsifier la vérité ? Le succès éditorial de nombreux romans historiques ne mène-t-il pas à une vulgarisation de la connaissance et, dans une certaine mesure, à son dévoiement ? À l’inverse, par l’accès qu’ils donnent à la connaissance du passé, certains romans historiques ne sont-ils pas susceptibles de contribuer au renouvellement des études sur le Moyen Âge et le Siècle d’Or ? Il conviendra donc d’examiner les différents types de romans historiques et de s’interroger sur les choix opérés par leurs auteurs, sur le traitement qu’ils impriment à leurs sources, mais aussi de mener une enquête sur les auteurs eux- mêmes.
[i] Voir notamment Aude DERUELLE, La Question du roman historique, Paris, l’Harmattan, 2007.
PROGRAMME
9h45 : Accueil des participants
10h00 : Patricia ROCHWERT-ZUILI (U. Artois)
« La représentation du héros médiéval dans le roman historique espagnol contemporain : le cas du Cid de José Luis Corral (El Cid, 2000) »
10h45 : Carlos CONDE ROMERO (U. Lille 3)
« Hazaña de Mío Cid Campeador de Vicente Huidobro: una reformulación vanguardista del mito cidiano »
14h00 : Jean-Pierre JARDIN (U. Sorbonne Nouvelle-Paris 3)
« La Castille du XVe siècle et la venue de l’Antéchrist : histoire et fiction dans Signum de José Guadalajara (Madrid, La factoria de ideas, 2004) »
14h45 : Caroline LYVET (U. Artois)
« Rencontre entre Histoire, fiction et création littéraire autour du Quichotte apocryphe de 1614 : le roman Ladrones de Tinta (2004) d’Alfonso Mateo- Sagasta »
15h30 : Discussion
16h00 : Clôture