Europe
89e année / n° 986-987 Juin-Juillet 2011
- ISBN: 9782351500415
- France : 18,50 €
- Autres pays : 20 €
- Lire la préface
ANDRÉ DU BOUCHET
Victor MARTINEZ : « Air ».
Didier CAHEN : Une relation perdue.
Paul AUSTER : La volonté de prendre des risques.
Dominique GRANDMONT : Mise en terre d'A.d.B.
Traduire le monde
Clément LAYET : Demain diamant.
Chantal COLOMB-GUILLAUME : Pour une poétique de la présence et du présent.
Antoine EMAZ : Matière à route puisée dans les Carnets.
André du BOUCHET : Je suis sur les traces d'un autre.
André du BOUCHET : Le voyage.
Le dehors aux lèvres
Stéphane BAQUEY : Le sens du dehors.
Sébastien HOËT : D'un jet de pierre, couper court.
Thomas AUGAIS : Dans l'air insensé.
André du BOUCHET : Gréement de la réalité.
André du BOUCHET : Tal Coat, les coupes d'horizon.
Tumultes de la langue
Victor MARTINEZ : L'événement.
Jean-Patrice COURTOIS : Le poème différé ou l'effet Jivago.
Pierre-Yves SOUCY : Ce qui demeure illisible.
Christian LE GUERROUÉ : Du Bouchet, « l'obscur ».
François RANNOU : Le passé fixé par la lumière n'existe que dans le futur.
Michel COLLOT : Dans l'entre-deux des langues et du monde.
André du BOUCHET : Un poème du comte de Villamediana.
La poignée de main
Bernard BÖSCHENSTEIN : Autour d'une rencontre entre Paul Celan et André du Bouchet.
Jean BOLLACK : Entre Hölderlin et Celan.
Bertrand BADIOU : « …vivant et redevable à la Poésie ».
NIKOLAÏ ZABOLOTSKI
Jean-Baptiste PARA : La probité de l'enchanteur.
Nikolaï ZABOLOTSKI : La fille laide et autres poèmes.
Nikolaï ZABOLOTSKI : Le loup toqué.
Nikolaï ZABOLOTSKI : Histoire de mon incarcération.
CAHIER DE CRÉATION
Olivier BARBARANT : Élégies étranglées.
Esther TELLERMANN : Carnets à bruire.
DIRES & DÉBATS
Yves CLOT : Réflexions sur le travail et sur l'art.
Jean-Loup TRASSARD : Écriture et photographie, l'espace intime.
***
André du Bouchet (1924-2001) compte parmi les poètes les plus marquants de la deuxième
moitié du XXe siècle. Il a vécu son enfance sur « fond de rumeur de langues étrangères ».
Son père, Américain d'origine française, avait passé sa jeunesse en Russie.
Sa mère, française, était la fille d'émigrés juifs russes qui avaient choisi « le pays de la lumière
et de la liberté ». En juin 1940, la guerre et l'exode furent ressentis par André du Bouchet
comme une déchirure, avec le sentiment d'une perte irrémédiable dans l'écroulement
d'un monde qu'il commençait tout juste à découvrir du haut de ses quinze ans.
« J'écris pour retrouver une relation perdue », dira-t-il plus tard. L'écriture sera le seul viatique
pour endosser sa condition précaire : « pour ne pas rester les mains nues, pour que
mon poème serve de route à ce que je ne connais pas ». André du Bouchet produit
son premier livre en 1946. Si son cheminement ne va pas sans rencontres marquantes
avec des poètes de sa génération, des amitiés avec des peintres, il poursuit cependant
sa route singulière. Outre ses poèmes, ses traductions - de Mandelstam et de Celan,
entre autres -, pendant des années du Bouchet consigne sa recherche dans des carnets
qu'il emporte toujours avec lui lorsqu'il marche dans la campagne du Vexin et de la Drôme.
S'il noircit des milliers de pages c'est dans l'espoir de prendre langue avec le monde.
Son expérience devient celle d'un réel qui ne se laisse pas saisir mais sur lequel il est possible
de prendre appui. André du Bouchet débarrasse la langue de ses oripeaux et s'avance
vers la nudité. Il voudrait « peser sur chaque mot jusqu'à ce qu'il livre son ciel ».
Sa poésie agit en aérant la parole : « ce qui aère la parole oblige à en sortir aussi vite
qu'on y sera entré », dit-il. Dans un équilibre toujours instable entre dispersion et cohésion,
son oeuvre accorde une grande place à la force motrice du vide, à l'espacement qui sépare
et relie. Pour André du Bouchet, tout doit rester ouvert : « Je ne voudrais pas que le langage
se referme sur moi. Je ne voudrais pas que le langage se referme sur soi. »