Compte rendu publié dans Acta Fabula (mai 2022, vol. 23, n° 5) : "La hautece et la seignorie de si haute hystoire com est cele del Greal" par Philippe Richard
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Présentation et commentaire du cycle iconographique du manuscrit BnF, fr. 344, qui offre une lecture remarquable du cycle du Graal et offre de nouvelles pistes pour l'exploration de l'iconographie romanesque à la fin du XIIIe siècle.
Le Lancelot-Graal, dont les différentes parties ont été rédigées entre la toute fin du XIIe siècle et la première moitié du XIIIe siècle, constitue l’un des plus grands cycles romanesques en prose du Moyen Âge. Il se compose de cinq branches dont l’ordre diégétique : l’Estoire del Saint Graal, le Merlin et sa Suite, le Lancelot en prose, la Queste del Saint Graal et la Mort Artu, ne suit pas la chronologie de la composition. Le cycle raconte l’histoire du Graal, depuis ses origines et jusqu’à sa conquête par le Bon Chevalier Galaad, et les aventures de Lancelot, héritée du Chevalier de la Charette de Chrétien de Troyes. Il dessine habilement une histoire capable de réunir les temps christiques à ceux du royaume Arthurien et d’embrasser des discours variés issus de la Bible, de la littérature exemplaire, de la pensée théologique et du roman courtois.
Plus de cent quarante manuscrits conservent encore aujourd’hui tout ou partie du Lancelot-Graal, ce qui témoigne d’un succès jamais démenti du XIIIe au XVe siècle et d’un prestige dont de nombreux princes et souverains, d’Henri IV de Luxembourg à Jean de Berry et Jacques d’Armagnac, ont voulu se parer. Pourtant, les manuscrits réunissant toutes les branches du cycle sont relativement peu nombreux. Cette étude iconographique se concentre sur les cinq manuscrits les plus anciens comprenant l’intégralité du Lancelot-Graal, produits entre la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle : Bonn, ULB, S 526 ; Paris, BnF, fr. 110 et fr. 344 ; Londres, BL, Add. 10292-294 et un volume actuellement dispersé entre plusieurs collections (l’ex-Amsterdam, BPH, ms 1, Manchester, Rylands, ms Fr. 1, et Oxford, Bodleian, Douce 215). Le cycle iconographique de BnF, fr. 344, reproduit dans son intégralité, fait l’objet d’un commentaire systématique.
Ce manuscrit d’origine messine ou verdunoise, que l’on peut rapprocher sur le plan stylistique des trésors enluminés de Renaut de Bar, évêque de Metz entre 1302 et 1313, présente plus de trois cents miniatures et initiales historiées. C’est un témoin de l’importance du développement de l’illustration des ouvrages de type profane en langue vernaculaire à partir de la fin du XIIe siècle. Il constitue une lecture attentive et remarquable du cycle du Graal et permet d’explorer sous un angle nouveau la mise en place progressive d’une iconographie proprement romanesque à partir des modèles cléricaux.
Conservateur des collections françaises imprimées à la Bibliothèque Universitaire de Cambridge, Irène Fabry-Tehranchi, qui a fait sa thèse sur le Merlin et sa Suite Vulgate, est spécialiste des relations entre texte et images dans les manuscrits médiévaux et les incunables.
Maître de conférence en langue et littérature du Moyen Âge à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, Catherine Nicolas est spécialiste des XIIe et XIIIe siècles et en particulier des proses du Graal, qui ont fait l’objet de sa thèse de doctorat, et des théories de l’image.
Sommaire
« Une histoire totale du Graal et du monde arthurien »
Le plus grand succès de la littérature française du XIIIe siècle
Segmentation du cycle et sommaire narratif
« Lectures cycliques » et composition romanesque
Cycle et programme iconographique
Le choix du manuscrit Paris, BnF, fr. 344 et sa place dans la tradition manuscrite du Lancelot-Graal
Caractéristiques des images : les artistes, le style
Répartition des miniatures dans les branches du Lancelot-Graal
Comparaison de l’iconographie du manuscrit Paris, BnF, fr. 344 et des autres manuscrits cycliques
Le cycle iconographique
Liste des manuscrits
Bibliographie
Tableau synoptique des manuscrits cycliques du Lacelot-Graal (XIIIe-XIVe s.)
Index général
Planches