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La culture visuelle du XIXe siècle

La culture visuelle du XIXe siècle

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Aude Jeannerod)

L'Atelier du XIXe siècle (Séminaire de la SERD) :

La culture visuelle du XIXe siècle

Samedi 20 avril 2013, 10h-13h

 

  • Bernard Vouilloux (Université Sorbonne Paris 4) : « La culture visuelle du XIXe siècle : high and low »

En même temps qu’il invente de nouveaux moyens de reproduction des images qui vont assurer à celles-ci une diffusion à grande échelle (lithographie, photographie, photogravure…), le XIXe siècle se trouve confronté à un problème d’une ampleur inédite, celui de la hiérarchisation culturelle des artefacts visuels. Il y aurait, d’un côté, la peinture, celle qui est conservée dans les musées (de création récente) comme celle qui s’expose régulièrement au Salon, et, de l’autre, les images : gravures à deux sous, lithographies pour albums de keepsake, caricatures de presse (comme on les comprend au XIXe siècle), illustrations de romans, magazines illustrés, affiches de réclame, etc. Ce n’est pas aussi simple, car certains peintres (souvent représentés dans la littérature de fiction) recherchent eux aussi les suffrages d’un vaste public : scènes domestiques à la Biard, participant de la peinture « juste milieu » (L. Rosenthal), élaboration de formules picturales anticipant la reproduction par la photographie (Gérôme diffusé par Goupil)… Ce sont les principales implications esthétiques, sociologiques, épistémologiques, de cette mutation qu’il convient d’examiner. Se pose alors une question de méthode : quels instruments mobiliser ?

  • Nicolas Wanlin (Université d’Artois) : « Quelle place pour des études sur la culture visuelle en France ? »

Dans le monde anglophone, les « visual culture studies » forment un pan important du champ de recherche et d’enseignement des « cultural studies ». Elles reposent sur une épistémologie et une pédagogie particulières, fort émancipées des méthodes traditionnelles en histoire de l’art comme en études littéraires. Importer la notion de culture visuelle ou du moins l’adapter au champ universitaire scientifique français suppose donc de prendre conscience des difficultés que cela pose, des défis que l’on peut vouloir relever et des écueils que l’on doit éviter. De fait, des chercheurs et des centres de recherche ont introduit depuis quelques années la « culture visuelle » dans le paysage académique français et on peut d’ores et déjà faire le point sur l’apport qui en résulte pour nos disciplines.

Parler de « culture visuelle » plutôt que d’art revient à ouvrir sans limite la série des documents étudiés de même que, du côté littéraire, une conception élargie de l’intertextualité peut encourager à mettre en série  les œuvres littéraires avec toutes sortes d’autres productions textuelles. Un principe au fondement de ces deux méthodes est l’abandon ou la minoration de la valeur comme critère discriminant : le chef d’œuvre et le graffiti, high and low, entrent dans un même corpus.  On tâchera de formuler les questions que pose cette manière de constituer de nouveaux objets d’étude (numérisation et utilisation des banques de données, questions d’exhaustivité et de représentativité, place académique des recherches et des enseignements, passage du paradigme de l’art à celui de la culture, etc.).

  • Sara Vitacca (Université Panthéon-Sorbonne Paris 1) : « La métamorphose de la Bacchante dans l’art de la seconde moitié du XIXe siècle: du mythe antique à la “ménade parisienne” »

La figure de la Bacchante, dont la fortune croissante dans les arts visuels de la seconde moitié du XIXe siècle s’inscrit dans un phénomène plus général de revival et d’engouement pour les sujets bachiques, subit au fil du temps de multiples métamorphoses. Le XIXe siècle s’empare de la figure de la ménade mythique transmise par l’antiquité, mais il la réinterprète jusqu’à en faire une “muse” moderne et sensuelle. Transformée en symbole d’une société animée par une fièvre de jouissance bachique, elle connaît alors un succès formidable dans tous les domaines et les registres artistiques.

Certains artistes manifestent encore le désir de se confronter à la tradition noble et glorieuse de la bacchanale provenant de l’antiquité et de la Renaissance pour en réactualiser les significations spirituelles ou mystiques. Cependant, les très nombreuses apparitions de la Bacchante dans les beaux-arts et au Salon deviennent plus souvent un prétexte pour la représentation d’une nudité à la sensualité scandaleuse, active et défiante, qui répond aux goûts et à la demande d’une clientèle en quête de sujets licencieux. Mais les danses des bacchantes et les bacchanales sont aussi un motif recourant dans les arts décoratifs, les arts lyriques ou la littérature de l’époque, où la trajectoire du personnage mythique se confond désormais à celle d’autres figures émergentes de la modernité telles que la danseuse ou la courtisane.

Ainsi, la transposition du mythe de la bacchante dans la culture visuelle du XIXe siècle se fait surtout à travers un dialogue dynamique de hauts et de bas, de l’affrontement d’un héritage érudit provenant de l’antiquité et de sa vulgarisation moderne. Nous allons donc retracer l’itinéraire de la bacchante dans les arts de l’époque en suivant la métamorphose de la prêtresse sacrée de Bacchus en “ménade parisienne” qui conduit la ronde du can-can.