La médiation autour du livre de jeunesse en Europe au XXIe siècle
Troisième Biennale de la littérature de jeunesse
master de littérature de jeunesse de l’ESPE de Versailles - laboratoire EMA / BnF / CNLJ
Mercredi 3 Juin 2020 (Bibliothèque nationale de France)
Jeudi 4 Juin 2020 (Université de Cergy Pontoise/Espé de Versailles (site de Gennevilliers)
PRÉSENTATION
Dès 2014, les deux premières Biennales de la littérature de jeunesse[1], organisées par l’équipe du Master Littérature de jeunesse (UCP/Espé de Versailles) affirmaient une dimension interprofessionnelle et orientaient fortement les questionnements concernant le livre pour la jeunesse dans une perspective comparatiste et internationale. Elles choisissaient aussi de focaliser les réflexions sur l’époque contemporaine, en permettant aux différents acteurs professionnels intervenant dans le champ du livre de jeunesse d’échanger leurs analyses sur les productions culturelles destinées aux jeunes lecteurs d’aujourd’hui. Œuvres de création pure, traductions ou adaptations, les objets eux-mêmes étaient au cœur de ces rencontres.
Ces questionnements rejoignent ceux que le Centre National de la Littérature pour la Jeunesse (BnF) conduit depuis de longues années, convergence que le partenariat progressivement construit entre la formation universitaire et le CNLJ[2] a mis en évidence. Ces préoccupations communes permettent aujourd’hui de construire conjointement un projet de troisième Biennale en déplaçant cette fois le regard des objets eux-mêmes – les livres, leurs auteurs, leurs formes éditoriales – vers les pratiques de médiation qui permettent de les rendre accessibles aux jeunes lecteurs, sous toutes leurs formes – format papier ou numérique – et dans les différents pays européens.
Dans une période où les valeurs européennes sont précisément mises en question de multiples manières, cette crise ne manque pas d’être corrélée, plus ou moins légitimement, avec des phénomènes de « dé-culturation », sensibles chez les jeunes publics. Parmi les causes invoquées figurerait ainsi leur rencontre de plus en plus problématique, ou du moins aléatoire, avec les livres et la lecture. Si ce postulat mérite d’être discuté, favoriser l’entrée en lecture, faciliter le rapport à la fiction comme au documentaire, reste un enjeu crucial pour les adultes en charge de l’éducation et de la formation des jeunes lecteurs. Quelles ressources les médiateurs d’aujourd’hui peuvent-ils mobiliser, à quelles fins et avec quel profit ?
En 2019, chercheurs et acteurs professionnels ont une nouvelle fois tout intérêt à articuler leur réflexion, et le débat ne peut que gagner à être ouvert en se décentrant de la seule référence nationale française. Tel sera l’objet de cette troisième Biennale qui aura lieu au printemps 2020 et qui traitera des « médiations autour du livre pour la jeunesse en Europe au xxie siècle ».
Les contributions aux réflexions de ces deux journées pourront être développées selon les axes suivants :
– Axe 1. Définir la médiation pour le livre de jeunesse
Il est assez difficile de définir précisément le terme de médiation car c’est une notion floue et polysémique. Jean Caune, théoricien de la médiation culturelle, en regrette ainsi « l’usage indifférencié[3] ». Étymologiquement, le terme renvoie à « milieu, intermédiaire, moyen ». Le suffixe « tion » ajoute une dimension dynamique, d’où la définition très large de la médiation comme « ce qui relie ». Mathilde Thiriet, dans La formalisation de l’action culturelle, constate ainsi que la médiation peut être vue, d’une part, comme une manière particulière pour les personnels des institutions culturelles de penser la relation aux usagers et, d’autre part, comme un dispositif expérimental[4]. Dans son acception la plus générique, elle est cette position de « passeur » entre les œuvres et les publics. Jean Marie-Privat, pour sa part, en conclusion du colloque du CRILJ « Élargir le cercle des lecteurs : la médiation en littérature pour la jeunesse » de février 2017, identifie trois modèles dominants pour définir le terme de médiation : transmissif (information / communication), incitatif (animation / socialisation) et appropriatif (coopération / acculturation). Ces modèles reprennent la terminologie des recherches sur la médiation culturelle, qui a été pensée, à l’origine, en référence au théâtre puis aux arts plastiques et aux dispositifs muséaux[5]. Qu’en est-il de la médiation du livre en direction des jeunes publics ? Quels points communs et quelles spécificités est-il possible de dégager ? La traduction peut-elle notamment être envisagée comme un champ de la médiation pour le livre en direction des jeunes lecteurs ? En quoi la bibliothèque ou la médiathèque peuvent-elles être pensées comme lieux de médiation spécifiques, au regard du théâtre ou du musée ?
– Axe 2. La question des publics
La médiation culturelle est née d’une conviction philosophique et politique, dans un contexte général de démocratisation : la rencontre avec l’œuvre ne pourrait pas (toujours) être immédiate. La recherche sur la médiation culturelle a donc été solidaire d’une réflexion sur le « lien social[6] ». Il semble ainsi nécessaire de prendre en compte les publics visés : quelles représentations les professionnels se font-ils du public dans les différents pays d’Europe ? Qu’en est-il des publics dits « défavorisés », « empêchés » ou « exclus », que cette exclusion soit culturelle (publics allophones), économique et sociale, ou physique (subie ou contrainte) ?
S’agissant du livre « pour la jeunesse », une autre catégorie sociologique doit être étudiée : les frontières de ce que l’on nomme la jeunesse peuvent varier selon les contextes politiques, juridiques ou socio-culturels. Comme le constate Isabelle Nières Chevrel, la frontière des âges et des seuils d’intelligibilité qui caractérise la littérature de jeunesse est rendue « d’autant plus problématique que le répertoire des livres proposés s’est fortement élargi en aval et en amont (d’un côté vers la petite enfance, de l’autre vers l’adolescence)[7] ». Comment les médiateurs segmentent-ils les publics dits « jeunes » en direction desquels ils interviennent ? Ces catégorisations évoluent-elles et, si oui, en fonction de quels facteurs ? Ces différentes catégorisations des publics et les médiations associées sont-elles identiques dans les différents pays européens ?
– Axe 3. État des lieux des pratiques de médiations en Europe autour du livre jeunesse au XXIe siècle
Si les définitions de la notion même de médiation semblent diverses, les pratiques le sont tout autant. Aussi aimerions-nous questionner sous un angle comparatif les différents dispositifs en vigueur aujourd’hui. Des actions variées de médiation menées autour de la littérature de jeunesse par différents acteurs ont en effet connu un développement très actif depuis les années 1980. On pourra s’interroger sur les supports et les catégories de dispositifs mis en place en Europe (lectures, rencontres, événements, ateliers). Existe-t-il des dispositifs privilégiés pour certaines tranches d’âge ou selon certaines représentations socio-culturelles des publics visés ? On réfléchira également au traitement réservé à la littérature de jeunesse étrangère, qu’elle soit abordée en langue originale ou en traduction. Enfin, on pourra poser la question de l’émergence de nouvelles pratiques. Les médiations se font elles in situ ou à distance ? Le numérique a-t-il modifié les pratiques ? Offre-t-il de nouvelles perspectives de médiation ?
– Axe 4. Les acteurs divers de la médiation autour du livre jeunesse au xxie siècle : hétérogénéité, complémentarité ou concurrence ?
La médiation autour du livre jeunesse en France s’est développée sous l'impulsion complémentaire de différentes catégorises d’acteurs, certains professionnels (bibliothécaires, didacticiens, libraires spécialisés en jeunesse notamment) d’autres bénévoles mais tendant à se professionnaliser (associations intervenant autour du livre, de la lecture, des publics empêchés, etc.). Actuellement, l’Ecole au premier plan, mais aussi les éditeurs semblent jouer un rôle crucial. La diversité de ces acteurs, l’histoire de leur arrivée dans le champ de la médiation autour du livre jeunesse sont-elles identiques ? Comment les activités de ces différentes catégories de médiateurs s’articulent-elles, débouchant sur d’éventuels partenariats et sous quelles formes ceux-ci se construisent-ils ? La question sera également posée de manière comparée pour la France et les autres pays européens.
– Axe 5. Evaluer les médiations, former les médiateurs
Enfin, la diversité de l’offre contemporaine implique une réflexion sur ce qui fonde en légitimité les médiations en littérature de jeunesse.
Comment les dispositifs offerts sont-ils construits ? Leurs concepteurs s’appuient-ils sur l’expérience, et l’évaluation d’actions déjà conduites ? Quels outils utilisent-ils pour en évaluer les effets et comment intègrent-ils les apports de différents champs scientifiques (psychologie de l’enfant, sociologie de la culture, recherches en littérature de jeunesse, etc..) ?
La mobilisation de ces savoirs au service de dispositifs adaptés, affinés selon les publics, suppose un travail d’appropriation par les médiateurs du livre en direction des jeunes publics. Quels espaces de formation existe-t-il dans les différents pays ? Avec quels dispositifs, quels contenus et quels objectifs de formation ? Une formation spécifique est-elle proposée aux médiateurs pour appréhender les spécificités du texte traduit et les médiations possibles autour du livre en langue originale ?
Comité d’organisation :
Marion Caliyannis (CNLJ)
Virginie Meyer (CNLJ)
Lydie Laroque (ESPE de Versailles/UCP)
Virginie Tellier (ESPE de versailles/ UCP)
Christine Plu (ESPE de Versailles/UCP)
Francine Voltz (ESPE de versailles/UCP)
Véronique Bourhis (ESPE de versailles/UCP)
François Ropert (ESPE de Versailles/UCP)
Comité scientifique
Mathilde Lévêque (Afreloce, Université Paris 13)
Laurent Bazin (Afreloce, Université Paris-Saclay)
Virginie Tellier (Université de Cergy-Pontoise, laboratoire EMA)
Christine Mongenot (Université de Cergy-Pontoise, laboratoire AGORA)
Lydie Laroque (Université de Cergy-Pontoise, laboratoire EMA)
Sonia De Leusse (Lecture jeunesse)
Christine Boutevin (Faculté d’éducation de l’Université de Montpellier, LIRDEF)
Stéphane Bonnéry (Université Paris 8)
Viviane Ezratty (médiathèque Françoise-Sagan, Paris) (sous réserve)
Violaine Kanmacher (bibliothèque municipale de Lyon)
Jacques Vidal-Naquet (BnF/CNLJ)
Marine Planche (BnF/CNLJ)
Virginie Meyer (BnF/CNLJ)
Sonya Florey (HEP Vaud)
Modalités
Le colloque se déroulera :
Mercredi 3 Juin 2020 - Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand
Jeudi 4 Juin 2020 - Université de Cergy Pontoise/Espé de Versailles, site de Gennevilliers
La durée de chaque communication est limitée à 25 minutes.
Langues : français, anglais
Les communications seront enregistrées afin d’être éventuellement mises en ligne sur un site de la BnF et sur le site Eurolije des universités de Cergy-Pontoise, Lyon 1 et Montpellier. Une publication est prévue.
Date limite de soumission des propositions :
Les propositions de communication (titre et résumé de 2000 signes maximum), ainsi qu’une brève notice bio-bibliographique devront parvenir avant le 29 novembre 2019 selon les modalités suivantes :
en ligne sur un site dédié (dont l’adresse sera communiquée ultérieurement)
et par courriel : Marion Caliyannis (marion.caliyannis@bnf.fr) et Lydie Laroque (lydie.laroque@u-cergy.fr)
Retour aux auteurs : fin janvier 2020
Les frais de déplacement et d’hébergement sont à la charge des intervenants.
[1] Les actes de la première Biennale ont été publiés dans un ouvrage intitulé (D)écrire, prescrire, interdire : les professionnels face à la littérature de jeunesse aujourd’hui, paru en 2016. La deuxième Biennale (2017), intitulée Frontières et circulations : une littérature de jeunesse européenne au XXIe siècle ? donnera lieu, en 2019, à un numéro de la revue Les Cahiers Robinson (Université d’Artois, Arras).
[2] Des membres du CNLJ interviennent dans la formation dispensée dans le master tandis que, depuis deux ans, les étudiants participent au cycle des Visiteurs du soir à la BNF, dont ils animent une séance.
[3] Jean CauneUNE (2006). La démocratisation culturelle : une médiation à bout de souffle, Presses universitaires de Grenoble, p. 132.
[4] Mathilde Thieret, La formalisation de l’action culturelle, ENSSIB, 2004, p. 13.
[5] L’ouvrage de synthèse de Serge Chaumier et François Mairesse, La Médiation culturelle (Armand Colin, 2013, 2017) évoque aussi le domaine du livre et l’espace spécifique qu’est la médiathèque, mais on voit bien que la réflexion se construit d’abord en référence au musée, et se pense ensuite par analogie à partir de ce modèle premier.
[6] Voir Jean Caune, « La médiation culturelle : une construction du lien social », 2000, http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux/2000/Caune/index.php
[7] Isabelle Nières Chevrel, Littérature de jeunesse, incertaines frontières, Gallimard jeunesse, 2004, p. 13