Langues choisies, langues sauvées: poétiques de la résistance
Colloque international et transdisciplinaire
Ce colloque a pour objet de questionner les multiples enjeux (éthiques, politiques, artistiques et existentiels) que revêt le choix d’une langue d’écriture pour un écrivain plurilingue travaillant dans un contexte d’oppression ou de violence, ou encore dans une « zone de contact » entre différentes langues/cultures. Il s’agira donc d’envisager l’adoption d’une langue d’écriture comme une décision prise en toute conscience de la précarité du lien identité/langue/nation et du rapport de force qui existe entre différentes langues dans un espace-temps donné. « Sauver sa langue », de ce point de vue, c’est réchapper par l’écriture d’une violence qui menace l’intégrité de la personne.
Le plurilinguisme littéraire et l’adoption d’une langue d’écriture autre constituent un champ de recherche déjà bien balisé à l’intérieur des différentes aires linguistiques (francophonie, littératures postcoloniales anglophones, littératures luso-hispanophones, littératures germanophones) ainsi que par rapport à des contextes historiques précis (exil, diaspora, immigration, colonialisme et post-colonialisme, minorités ethniques). En revanche, la question du choix linguistique n’a que rarement été abordée jusqu’ici sous un angle transdisciplinaire, transnational et transhistorique.
L’autre originalité de la démarche adoptée ici est de ne pas réduire la question du choix au seul fait d’écrire en langue étrangère (exophonie) : choisir une langue, ce n’est pas forcément opter pour « la langue de l’autre », ce peut être aussi bien reconquérir, réhabiliter ou se réapproprier une langue qui vous est propre et qui, pour une raison ou une autre, vous a été aliénée. Cette réappropriation peut s’opérer dans le respect scrupuleux de l’intégrité de la langue à « sauver » (cf. Isaac B. Singer bâtissant son œuvre aux États-Unis dans la « langue des fantômes », le yiddish des juifs polonais exterminés), comme elle peut également déboucher sur une refonte linguistique radicale, si la langue en question est incorporée à une autre, plus répandue ou plus prestigieuse, de sorte à atteindre une forme d’universalité (comme c’est le cas par exemple pour le créole des Caraïbes dans l’œuvre anglophone de D. Walcott ou encore dans les œuvres francophones d’E. Glissant et de P. Chamoiseau).
En plaçant la focale sur l’articulation du choix linguistique à l’engagement, nous espérons, entre autres, parvenir à dépasser les polarisations réductrices auxquelles conduit parfois une recherche axée sur les enjeux identitaires et politiques (oppositions dominant/dominé, centre/périphérie, authenticité/hybridité...). L’objectif du colloque est bien de rapporter les enjeux idéologiques, existentiels et identitaires à des enjeux esthétiques, de façon à éclairer d’un jour nouveau les œuvres.
Comité scientifique : Camille Guyon-Lecoq, MCF en littérature française, Université de Picardie, CERCLL ; Ernesto Mächler-Tobar, MCF en littérature hispanique, Université de Picardie, CERCLL ; Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, PR en littérature française, Université de Picardie, CERCLL ; Christine Meyer, MCF en études germaniques, Université de Picardie, CERCLL ; Paula Prescod, MCF en linguistique et didactique des langues, Université de Picardie, CERCLL ; Isabelle Constant, MCF en littérature française, africaine et antillaise, Université des West Indies Cave Hill, La Barbade ; Murat Demirkan, PR en littérature française, Université de Marmara, Turquie ; Elena Galtsova, PR en littérature et théâtre des avant-gardes, RGGU, Moscou, Russie ; Manfred Schmeling, PR en littérature générale et comparée, Université de la Sarre, Allemagne.
Organisation et contact (CERCLL) :
Christine Meyer : meyer.chris@free.fr
Paula Prescod : paula@vincysurf.com
Camille Guyon-Lecoq : camille.guyon-lecoq@u-picardie.fr
Marie-Françoise Melmoux-Montaubin : marie-francoise.montaubin@u-picardie.fr
Ernesto Mächler-Tobar : emachler@yahoo.com
PROGRAMME
Jeudi 19 mai 2016, Logis du Roy
9h30 : Accueil des participants et ouverture du colloque
Conférences inaugurales
10h : Lise Gauvin (Montréal) : Penser/parler la langue ou des mille manières de décrire/d’écrire le réel
10h30 : Charles Forsdick (Liverpool) : La littérature comme zone de traduction : repenser le texte interlingue
11h – 11h15 : Discussion
S’approprier la langue de l’autre ou réadopter une langue aliénée : l’écriture en contrebande (1)
11h15 : Eva Voldřichová Beránková (Prague) : Écrire contre l’oubli : les spécificités de la littérature yiddish de Montréal
11h40 : Katja Schubert (Paris) : « Another sound » : la fin de la littérature juive-allemande and the Russian-Jewish voices in German literature
12h05 : Karin E. Yeşilada (Paderborn) : Remembering the Armenian-Turkish Past : Literary strategies in novels by Zafer Şenocak, Karin Kaçi and Elif Şafak
12h30 – 12h45 : Discussion
Pause déjeuner
S’approprier la langue de l’autre ou réadopter une langue aliénée : l’écriture en contrebande (2)
14h30 : Herta Luise Ott (Amiens) : La place du slovène dans l’œuvre de Peter Handke
14h55 : Bernard Banoun (Paris) : L’allemand, langue seconde ou première dans l’œuvre poétique, essayistique et romanesque de Maja Haderlap
15h20 : Linda Koiran (Paris) : Retracer dans une autre langue : la beauté et la mort dans Anatomie d’une nuit d’Anna Kim
14h45 – 16h : Discussion
Pause café
L’étranger de l’intérieur, ou la place des langues minorées dans la nation et à ses marges
16h15 : Mathilde Sempé (Paris) : La place de la langue bretonne dans l’ordre des légitimités culturelles : édition et institutionnalisation d’une langue régionale
16h40 : Cristina Ungureanu (Pitești) : Le roumain : langue choisie pour un dictionnaire de terminologies
7h05 – 17h20 : Discussion
17h20 : Julie Auger (Bloomington, Indiana) : Revitalisation, variation régionale et purisme dans le développement d’un standard littéraire : le cas du picard
17h45 : Alain Dawson (Lille) : L’invention du picard : la recherche de la langue authentique comme logothesis
18h10 – 18h25 : Discussion
Exposition-lecture : « Labyrinthes » d’Ibticem Mostfa Louis-Thérèse : variations sur des œuvres peintes en deux langues
À partir de 17h30 : Ouverture de l’exposition au public
18h30 : Lecture des « labyrinthes » : d’une langue à l’autre
Vendredi 20 mai, Logis du Roy
8h45 : Accueil des participants
Trouver sa voix en situation liminale : entre le national et le continental
9h : David Simo (Yaoundé) : Positions contraires dans le débat sur choix de la langue d’écriture en Afrique : Ngugi Wa Thiongo et Chinua Achebe
9h25 : Romuald Fonkoua (Paris) : Langue honnie, langue bénie en francophonie ou... des chevaux sur la langue
9h50 : Paula Prescod (Amiens) : Le niveau de l’engagement de l’auteur antillais dans la construction du personnage créolophone
10h15 – 10h30 : Discussion
Pause café
10h45 : Cécile Girardin (Paris) : Prisonnier de l’anglais et pensionnaire de l’Angleterre : l’habitat linguistique et sensoriel de V.S. Naipaul
11h10 : Adam Stephenson (Amiens) : Langue, style et voix dans Kanthapura de Raja Rao
11h35 : Ernesto Mächler-Tobar (Amiens) : Quelle langue parle l’Indien? Langues imposées, langues revendiquées dans le théâtre colombien
12h – 12h15 : Discussion
Pause déjeuner
Fabrique et légitimité de la langue, place de l’oralité
14h15 : Markéta Riebová (Olomouc) : « What if yo were you & tú fueras I, Mister? » : Languages, Voices and Silence in the Literary Borderlands of Helena María Viramontes
14h40 : Kevin Perromat (Amiens) : Luis Humberto Crosthwaite : les soucis d’une langue impropre et puro border
15h05 : Marcos Eymar (Orléans) : (Dé-)figurer la langue : Xul Solar, César Moro et la quête de la langue latino-américaine perdue
15h30 – 15h45 : Discussion
Pause café
16h15 : Katrien Lievois (Anvers) : Surconscience linguistique et ironie : Kourouma, Sony Labou Tansi et Mabanckou
16h40 : Marilyne Brun (Nancy) : Oralité et résistance dans la littérature aborigène d’Australie
17h05 : Sarah Gröning (Düsseldorf) : Développement d’une « mémoire poétique » comme expression de résistance culturelle chez Édouard Glissant
17h30 – 17h45 : Discussion
18h : Concert (chœur de chambre et piano) : « Quand la musique sauve les langues »
Samedi 21 mai, Pôle Cathédrale, salle 313
9h15 : Accueil des participants
Le choix linguistique au croisement des genres et des types de textes
9h30 : Sándor Kálai (Debrecen) : Langue et écriture dans la Trilogie d’Agota Kristof
9h55 : Milagros Palma (Amiens) : L’introduction de modes de discours inédits dans un genre classique de la littérature guatémaltèque contemporaine : l’œuvre poétique d’Ana Maria Rodas
10h20 – 10h35 : Discussion
Pause café
11h : Fanny Martin (Amiens), Audrey Faulot (Paris) : Langue répudiée, langue assumée : la mise en scène des choix linguistiques par le locuteur-narrateur dans le récit de vie
11h25 : Georges Bê Duc (Amiens) : Zhou Zuoren et la langue de l’essai
11h50 : Camille Guyon-Lecoq (Amiens) : Inventer une langue pour en sauver une autre : le Télémaque de Fénelon
12h15 – 12h30 : Discussion
12h30 : Clôture du colloque
Programme établi sous réserve de modifications