Compte rendu publié dans Acta fabula : "Qualités & limites de la critique pragmatiste" par Gian Paolo Giudicetti.
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Richard Shusterman, L'Objet de la critique littéraire
traduction Nicolas Vieillescazes
Paris : Questions théoriques, coll. "Saggio Casino", 2009.
EAN 13 : 9782917131015
Prix : 20 €
Présentation de l'éditeur :
Premier livre de Richard Shusterman, L'Objet de la critique littéraire (1984) constitue d'abord une indispensable introduction à l'approche analytique de la littérature. L'auteur y fait le point sur les principales orientations de la philosophie de la littérature dans le monde anglophone, en repartant d'un certain nombre de problèmes fondamentaux : de quoi le philosophe s'occupe-t-il quand il tente de faire la théorie de la littérature ? Quelles sont ses prérogatives, donc aussi les limites de son activité ? Et en quoi peut-il être utile à la critique littéraire ?
L'un des principaux intérêts de l'ouvrage réside dans une tentative d'agencer deux types de discours, la philosophie et la critique littéraire, tout en préservant leurs limites respectives. La philosophie s'en trouve même malmenée, qui se voit refuser le rôle de législateur de la critique. Dans le sillage de la philosophie du langage ordinaire, L'Objet de la critique littéraire affirme plutôt que l'esthétique doit être subordonnée à la critique, et formaliser ses usages, ses problématiques et son fonctionnement.
Ainsi l'auteur se penche-t-il sur les questions que se posent les critiques, sur celle de l'ontologie et de l'identité de l'oeuvre littéraire, bien sûr (qu'est-ce qui fait l'unité de l'oeuvre à travers ses innombrables manifestations ? Comment décider de l'authenticité d'une manifestation ?), mais aussi sur les différents types d'énoncés (descriptions, interprétations, évaluations) constamment utilisés dans le discours critique (comment les distinguer ? Décrire une oeuvre d'art, n'est-ce pas déjà l'interpréter ?).
En vertu de cette orientation générale, Shusterman démontre les limites des définitions de l'oeuvre littéraire en termes de conditions nécessaires et suffisantes. Selon lui, la philosophie se montre souvent trop rigide parce que, désireuse de proposer des théories commodes, elle ne retient qu'un aspect particulier des oeuvres (par exemple, l'oralité, la syntaxe, l'expression), au détriment de leur multiplicité ontologique comme de la pluralité des aspects invoqués par les critiques.
Shusterman rejette les approches essentialistes et “théoricistes”, pour défendre un pluralisme inclusif (mais non vide), capable d'accorder une place à toutes les dimensions de l'oeuvre littéraire. Dès son premier livre, il dresse donc un panorama exhaustif du spectre des options offertes par l'approche analytique de l'art, tout en esquissant la virtualité de son dépassement dans une position pluraliste et tolérante qui deviendra l'élément central de son oeuvre ultérieure.
L'auteur :
Richard Shusterman enseigne actuellement la philosophie à Florida Atlantic University. Parmi ses publications, ont été traduites en français : L'Art à l'état vif. La pensée pragmatiste et l'esthétique populaire (Minuit, collection de Pierre Bourdieu, 1991). Sous l'interprétation (L'Éclat, 1994). La Fin de l'expérience esthétique (Publications de l'université de Pau, 1999). Vivre la philosophie. Pragmatisme et art de vivre (Klincksieck, 2001). Conscience du corps. Pour une soma-esthétique (L'Éclat, 2007).
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A propos de ce livre, on peut lire l'article "Lard de la critique" sur le site liberation.fr