Représenter la Seconde Guerre mondiale : vérité de la fiction ?
Jeudi 26 février de 9h30 à 17h
Journée d’étude en littérature et cinéma organisée par Etienne Boillet, Enrico Bolzoni et Frédérik Detue (FORELL – équipes B1 & B3)
Université de Poitiers
MSHS, SALLE DES CONFÉRENCES
Bât. A5 - 5 rue Théodore Lefebvre – Poitiers
Matinée : Domaine italien
Séance animée par Etienne Boillet et Enrico Bolzoni
9h30 : ouverture de la journée
10h : Vincent d’Orlando (MCF, Université de Caen) : “Le filet troué de la mémoire” : Italo Calvino et le récit de guerre
10h30 : Alessandro Martini (MCF, Université de Lyon 3) : Beppe Fenoglio : un témoignage romanesque ?
11h : discussion suivie d’une pause
11h30 : Laurent Scotto d’Ardino (MCF, Université de Grenoble) : Le style documentaire dans Paisà de Rossellini (l’épisode florentin)
12h : discussion
Après-midi : Comparatisme en littérature et au cinéma
Séance animée par Frédérik Detue et Denis Mellier
14h : Francisco Ferreira (MCF, Université de Poitiers) : Les fictions à l’épreuve de l’image, même rayée(s) à mort
14h30 : Perrine Coudurier (docteure, Université Paris 4) : Les guerres stratifiées de Claude Simon
15h : discussion suivie d’une pause
15h30 : Marie-Jeanne Zenetti (MCF, Université de Lyon 2) : Des fictions à degré variable : écriture de la hantise et hésitations documentaires chez P. Modiano et W. G. Sebald
16h : Ophir Levy (docteur, Université Paris 3) : Images clandestines (lorsque la mémoire des “camps” fait retour)
16h30 : discussion puis clôture de la journée
Argument
On se souvient de la question posée par Adorno en 1949 de la possibilité de l’art et de la littérature après Auschwitz. L’auteur n’entendait pas jeter le bébé (de la culture) avec l’eau du bain ; mais il exprimait l’exigence éthique que l’art et la littérature se gardent de devenir des documents de barbarie, en évitant de « jouer [leur] partie dans la culture qui a accouché du meurtre ». On a retrouvé cette exigence dans des critiques de la fiction, en particulier quand, tels l’écrivain Robert Merle et le cinéaste Gillo Pontecorvo, des auteurs ont prétendu reconstituer un camp de concentration selon les codes du roman réaliste. Jean Cayrol (« Témoignage et littérature », 1953) et Jacques Rivette (« De l’abjection », 1961) qualifiaient ces fictions concentrationnaires de mensongères et leur opposaient la vérité des œuvres documentaires – de L’Espèce humaine de Robert Antelme et de Nuit et Brouillard d’Alain Resnais, exemplairement. Le propos était dialectique : il n’était pas question de décréter en général la péremption de la fiction. Mais il semblait urgent que la fiction se critique elle-même dans son rapport au réel historique, – urgent d’inventer un nouveau réalisme. Et il apparaissait que le nouveau réalisme documentaire indiquait la voie de cette refonte ; c’est encore ce que soutenait Georges Perec en 1963, dans son article-manifeste « Robert Antelme ou la vérité de la littérature ».
C’est cette nouvelle situation critique de la fiction à l’âge des genres documentaires que cette journée d’étude se propose d’examiner. Elle se focalisera sur les œuvres de fiction qui ont entrepris de représenter la Seconde Guerre mondiale ou les camps nazis de façon à questionner leurs partis pris esthétiques, qui engagent la responsabilité des auteurs. Ainsi, le problème qui fédérera les différentes interventions sera celui de la vérité de la fiction. Quelle vérité visent les œuvres fictionnelles, sachant qu’elles ne peuvent prétendre à la fonction d’attestation des œuvres non-fictionnelles ?