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Nouvelle parution
S. Dreyer, D. Vaugeois (dir.), La Critique à l’écran (t. 2) : Filmer la littérature

S. Dreyer, D. Vaugeois (dir.), La Critique à l’écran (t. 2) : Filmer la littérature

Publié le par Marc Escola

Compte rendu publié dans Acta Fabula (octobre 2021, vol. 22, n° 8) : Manon Houtard, Les écrivains & leurs œuvres au prisme de la caméra : quels gestes critiques ?

La Critique à l’écran (t.2) : filmer la littérature

Sylvain Dreyer et Dominique Vaugeois (dir.)

 

 

Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 2021

EAN: 9782757432433 — 240 p.


Filmer l’écrivain, est-ce filmer une vie, un statut institutionnel, une parole ? L’émission littéraire ou la critique filmée sur internet ont-elles pour but de rapprocher le public de littérature ? La dimension patrimoniale et didactique du film sur la littérature, la starisation liée à l’incarnation des auteurs semblent dominer les discours cinématographiques et télévisuels. Peut-on alors parler de critique ? Ou avons-nous affaire à la constitution d’un pur objet de culture ?

Les études ici rassemblées témoignent qu’un discours critique est en jeu dès lors que le cinéma ou la télévision engagent un geste de mythification ou de démystification. L’ouvrage met également en avant les ressources propres dont le film dispose pour explorer ce qui apparaît comme au cœur de l’expérience littéraire : la production d’effets qui dépassent le fonctionnement linguistique et relèvent de la matérialité de l’écrit, du corps, de la naissance des images, des rythmes et des sons et par-dessus tout sans doute, comme le cinéma, d’une méditation sur le temps et la mémoire.

Avec des contributions de Lambert Barthélémy, Marion Brun, Henri Detchessahar, Philippe De Vita, Sylvain Dreyer, Philippe Ducas, Pierre Eugène, Selina Follonier, Fabien Gris, Vincent Jacques, Alice Letoulat, Vanessa Loubet-Poëtte, Alban Pichon, Régis Salado, Dominique Vaugeois.

 

Table des matières

Sylvain Dreyer et Dominique Vaugeois, Introduction

I. Filmer l’écrivain

1. Fabien Gris (Sorbonne Université)

L’écrivain à la campagne. Filmer la littérature in situ

2. Marion Brun (Université Polytechnique des Hauts-de France)

La visite des grands écrivains par Yannick Bellon et Roger Leenhardt. Entre biographie, entretien et anthologie

3. Selina Follonier (Université de Lausanne, Suisse)

L’espace critique du film : rhétorique audiovisuelle dans les portraits d’auteurs de Marcel Schüpbach

II. Filmer la poésie

4. Vincent Jacques (ENSA Versailles)

Projection Hölderlin : la tétralogie d’Harald Bergmann

5. Régis Salado (Université Paris-Diderot)

Sophia de Mello Breyner Andresen (1969) de João César Monteiro : « La poésie ne peut pas être filmée »

6. Lambert Barthélémy (Université de Poitiers)

Le cube Paterson, ou le business poétique d’un conducteur de bus

7. Alice Letoulat (Université de Poitiers)

Sayat Nova (1969) de Sergueï Paradjanov, un film-portrait poétique

III. Filmer l’essai

8. Sylvain Dreyer (UPPA) et Dominique Vaugeois (Université Rennes 2)

Richard Dindo, texte et temps

9. Henri Detchessahar (Lycée C. Jullian, Bordeaux)

Les espaces d’éloquence : Barthes, Derrida, Lacoue-Labarthe

10. Philippe Ducat (UPPA)

Nietzsche à l’écran, ou les vertus critiques du cinéma de fiction

IV. Filmer l’écrivain à la télévision et sur internet

11. Alban Pichon (Université Bordeaux-Montaigne)

Les films pédagogiques de Rohmer. De la critique littéraire à la critique iconographique

12. Philippe De Vita (Université d’Orléans)

Jarry par Averty, la jouissance du décervelage

13. Pierre Eugène (Université Paris Nanterre)

La critique comme défiguration : Toute marche mystérieuse vers un destin (le cas Lovecraft) (1999) de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic

14. Vanessa Loubet-Poëtte (UPPA)

Le phénomène Booktube. Enjeux et fonctions des chroniques littéraires en vidéo sur Internet

Sylvain Dreyer et Dominique Vaugeois, Conclusion

Auteurs

*

Extrait de l'introduction :

"[…] Le film sur la littérature peut-il faire œuvre de critique ? Autrement dit, engage-t-il de véritables modalités de pensée sur la littérature ? Cette dimension métatextuelle[1], qui est le propre de la relation critique, ferait de ce type de film l’équivalent de n’importe quel discours second au sujet de l’œuvre première. Suivant cette hypothèse, il faudrait alors mesurer les ressemblances et les différences avec celles du commentaire écrit. Le film sur la littérature, à la différence de films portant sur d’autres moyens d’expression artistiques, pose en effet immédiatement la question de sa légitimité : si la critique filmique se limite à un discours mis en images à propos de tel texte ou de tel auteur, quel intérêt peut-il y avoir à mobiliser le dispositif audiovisuel ? Le film sur la littérature peut alors être suspecté de tendre à une vulgarisation excessive ou de contribuer au culte de quelques auteurs starifiés. Cependant, cette inquiétude touche aussi à une des spécificités de la critique filmée au regard de la critique textuelle : la capacité de certains films ou émissions à partir du texte pour donner à entendre et surtout à voir l’auteur, dans le cas de l’interview par exemple. S’il entretient un rapport métatexuel avec les textes, le film sur la littérature peut aussi comporter des éléments de paratexte, et plus précisément d’épitexte, selon l’expression de Gérard Genette désignant « tous les messages [auctoriaux] qui se situent, au moins à l’origine, à l’extérieur du livre[2] ». C’est pourquoi la question de la voix de l’auteur, enregistrée au cours d’interviews, revient de façon récurrente dans les études ici rassemblées. Pour poursuivre l’analyse genettienne, il apparaît que dans certains cas particuliers, le film sur la littérature peut être considéré comme une « transposition » de l’« hypotexte[3] », le film s’essayant à donner une interprétation du texte-source Il serait alors possible de distinguer les films qui se mettent au service de l’auteur et ceux qui essaient plutôt de faire résonner les textes. Dans un cas comme dans l’autre, sur le plan des pratiques, la question de la citation permet de réfléchir au passage épineux du littéraire au filmique, le film étant condamné à donner à voir ou à entendre la matière scripturale : lecture en voix off ou lecture incarnée (par l’auteur, un comédien ou autres), apparition du texte à l’écran (manuscrit, tapuscrit, livre édité, incrustation vidéo, etc.).

 

[1] Selon la définition des divers types de transtextualité qui ouvre Palimpseste de Gérard Genette (Seuil, 1982).

[2] Gérard Genette, Seuils, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1987, p. 10-11.

[3] Idem, chapitres XL et suivants.