Compte rendu publié dans Acta fabula (juin 2019, vol.20, n°6) : Transmission non‑dite rend filiation impossible par Rebecca Raitses.
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Simona Jișa, Pascale Roze, Le chasseur Zéro. Filiations impossibles
Éditions Casa Cărţii de Ştiinţă, Cluj-Napoca (Roumanie), 2018,
coll. « Romanul francez actual », 95 p., ISBN 978-606-17-1387-5
Présentation de l'éditeur :
En 1996, Pascale Roze reçoit le prix Goncourt pour le roman Le chasseur Zéro. Il s’agit d’un récit de filiation, qui se définirait comme un texte en prose, marqué, dans le traitement thématique, par la prédominance du rapport paradigmatique vectoriel enfants → parents.
Homodiégétique, le roman nous propose un réseau familial intéressant : l’histoire est racontée par la protagoniste, Laura Carlson, que le lecteur accompagne pendant plusieurs années de sa vie, allant de son enfance jusqu’à sa maturité. Sa mère a connu son père aux États-Unis, mais le jeune officier est tué à Okinawa sur le cuirassier Maryland par un kamikaze. La fille se retrouve orpheline à l’âge de treize mois, donc elle n’a aucun souvenir de son père. La mère, très affligée, revient en France dans sa famille et subit une terrible dépression qui fait que les grands-parents prennent en charge l’éducation de la petite. Élevée dans une atmosphère triste et pauvre, Laura commence à se poser des questions sur son père. Elle est obsédée par le bruit de l’avion de chasse du kamikaze que ni médecins, ni amour, ni profession n’arrivent à faire se taire.
Cette étude se focalise sur les aléas de la vie de Laura, en suivant les aspects complexes de la filiation, en tenant donc compte du rapport que la protagoniste entretient avec les membres de sa famille et ses amis proches. On part des figures de la filiation directe (maternelle et paternelle), vers la filiation de proximité de second degré, représentée par ses grands-parents pour s’arrêter sur la filiation symbolique où les relations interpersonnelles qui se tissent agissent en profondeur. Du possible à l’impossible, le rapport à la génération antérieure a été toujours complexe et conflictuel. Mais les relations intrafamiliales ne peuvent pas s’absenter de la définition de l’identité de chaque personne. Modèles ou contre-modèles, les parents et les grands-parents laissent des traces ineffaçables dans la vie de l’enfant.
La recherche identitaire des personnages chez Pascale Roze est circonscrite par le thème de la mort qui ouvre, soutient et referme le texte. L’absence des membres dans la famille (à cause de la mort, du silence, de la maladie, du départ, de la séparation, etc.) complique ou rend même impossible le processus de filiation – de transmission d’un héritage familial d’une génération à l’autre. Les tentatives de restitution de ce passé familial sont vouées à l’échec sinon impossibles, remettant en question la possibilité de continuer à vivre dans ce contexte.