Essai
Nouvelle parution
S. Smadja, Le Langage intérieur. Se parler à soi-même, se (re)construire et être

S. Smadja, Le Langage intérieur. Se parler à soi-même, se (re)construire et être

Publié le par Université de Lausanne (Source : Stéphanie Smadja)

Stéphanie Smadja,

Le Langage intérieur. Se parler à soi-même, se (re)construire et être,

Hermann, collection "Monologuer", 2021.

EAN13 : 9791037006691.

 

De la parole intérieure concentrationnaire au discours intérieur amoureux, en passant par les thérapies endophasiques en parcours de soin hospitaliers, le lecteur est invité à une exploration de l’invisible de la parole. Chaque jour, les mots que l’on se dit occupent entre 10 et 90% de nos pensées conscientes et une part inconnue de nos rêves et de notre subconscient. Le langage intérieur sous-tend nos échanges avec autrui, nos représentations du monde, notre rapport à nous-mêmes comme aux autres. Il joue un rôle fondamental, souvent ignoré, dans de nombreux aspects de notre vie quotidienne (perceptions, émotions, prise de décision, mémoire). Bien plus, ce langage à soi ouvre en réalité à un au-delà de soi. Entre fonctions positives et fonctions négatives, formes courtes ou longues, le langage intérieur varie d’un individu à l’autre et révèle notre être même. Comprendre nos schémas intérieurs nous permet de mieux nous comprendre mais aussi d’améliorer notre façon de communiquer avec autrui, nos choix de vie. En période ordinaire, il est fondamental de savoir prendre le temps de s’écouter. En période de crise, l’enjeu est crucial. Se parler pour apprendre à se dire, à se construire et se reconstruire. Au cœur de nos essentiels, se parler pour être et vivre les yeux ouverts.

Cet ouvrage est un essai destiné à un public large. Il résume mes quatre autres essais parus ou à paraître et comporte des chapitres inédits.

Sommaire

Préambule
Introduction
Chapitre un Des voix et des signes
Chapitre deux Fonctions positives du langage intérieur
Chapitre trois Des mots et des phrases
Chapitre quatre Mes rythmes intérieurs
Chapitre cinq Se parler en temps de crise
Chapitre six Être plutôt que faire ?
Chapitre sept Une passerelle vers des mondes invisibles
Conclusion
Perspectives : la linguistique clinique

*

Extrait du Préambule :

Cet essai est ancré dans les travaux du programme Monologuer, que j’ai créé en 2010. Nous travaillons sur le langage intérieur, en comparant des restitutions de vie réelle et des représentations artistiques. L’objectif est de mieux comprendre cette parole invisible, secrète, à soi et pour soi, qui échappe partiellement à la saisie. Notre discipline socle est la linguistique, notamment dans sa dimension clinique. Le langage intérieur est en effet, avant tout, un fait de discours (à ce sujet, voir La Parole intérieure. Qu’est-ce se parler veut dire ?). Le programme Monologuer est interdisciplinaire et international, il comporte à ce jour une soixantaine de chercheurs, en France et à l’étranger, d’artistes et d’acteurs de la société civile comme des bénévoles de Médecins du Monde. L’originalité de Monologuer est multiple. D’une part, il ne s’agit pas uniquement d’un programme de recherche fondamentale. Nous œuvrons en direction de la recherche-action, par exemple pour la question de la migration (voir Paroles intérieures de migrantes, co-écrit avec Catherine Paulin), ou de la recherche-création (théâtre, danse, écriture, musique). D’autre part, j’ai créé depuis 2014 des protocoles de vie réelle qui permettent d’obtenir des restitutions de langage intérieur ordinaire, les plus proches possibles du phénomène lui-même, afin de les analyser d’un point de vue linguistique. Au-delà de la dimension d’exploration, nos protocoles sont conçus comme des thérapies endophasiques. Notre pari est d’intégrer la linguistique clinique, une discipline encore à créer en France, à des parcours de soin hospitaliers (voir les « Perspectives », à la fin de cet essai). De ce point de vue, je remercie profondément les docteurs Célia Crétolle (Centre MAREP, Hôpital Necker) et Marc Espié (Sénopôle, Hôpital Saint-Louis), ainsi que Giulia Disnan, psychologue clinicienne à l’hôpital Necker, d’avoir accepté de relever ce défi de taille. Je remercie également les bénévoles de Médecins du Monde et l’équipe du Pôle Santé du Centre humanitaire d’Ivry (Samu social), en particulier Geneviève Barthélémy. Notre objectif commun est le même dans tous les cadres où les protocoles Monologuer sont mis en place et expérimentés : soigner, entendre, comprendre. Le mot-clé est l’humain, la voix humaine, le langage, qui fait de nous les êtres que nous sommes.

Extraits de l'introduction

À quoi bon se parler ? S’agit-il de bruits intérieurs, d’une voix parasite, qu’il faut faire taire pour trouver une forme de sérénité ? Nous pourrions croire que nous parler ne sert à rien, que nous savons du reste d’avance ce que nous allons nous dire. En réalité, la parole intérieure revêt de multiples fonctions : nous nous parlons pour résoudre des problèmes, pour prendre des décisions, pour planifier, pour exprimer et probablement vivre nos émotions. Pourtant, le phénomène reste assez peu connu au quotidien. Il n’est pas non plus toujours pris en compte par exemple pour traiter les troubles du langage, ou tout un ensemble de maux qui impliquent nos mots intérieurs. Qu’est-ce que cette parole silencieuse, secrète, de soi à soi ? Nous isole-t-elle du monde ? Peut-elle nous permettre de mieux nous connaître, de mieux nous comprendre ? Est-elle au contraire opaque, y compris pour nous-mêmes ? […]

Cet essai est issu d’une vingtaine d’années de recherches sur les représentations littéraires du langage intérieur et, depuis 2010, sur ses restitutions dans la vie quotidienne. Les quatre premiers chapitres résument partiellement mes quatre autres essais. Je cite cependant des participants que je n’ai pas évoqués par ailleurs. Mes exemples littéraires sont pour la plupart nouveaux. Les trois derniers chapitres reflètent les réflexions qui m’ont amenée à concevoir le programme Monologuer, le premier protocole, le concept du carnet endophasique et la phase 2, thérapeutique. Dans nos sociétés occidentales, nous vivons parfois à côté de nous-mêmes et de nos essentiels. Nous nous laissons emporter par les injonctions du faire, au lieu de commencer par l’être. Du temps pour soi, un retour à soi, une exploration des profondeurs de l’être : Monologuer interroge nos temporalités quotidiennes et notre rapport à tout ce qui nous entoure comme à nous-mêmes.