Être de son siècle (Moyen-Âge‑xviiiᵉ siècle) : Introduction
1Cette publication collective, dont les articles remaniés proviennent d’un colloque organisé les 2 et 3 décembre 2021 à l’Université Paris Nanterre, trouve ses racines dans les recherches menées par l’équipe de recherche « Lire, Commenter, Réécrire » du CSLF1. Ce groupe travaille sur le rapport à l’actualité dans l’écriture sur un temps long, allant de la fin du Moyen Âge au xviiie siècle, et se confronte à la question de l’inscription du fait littéraire dans le temps.
2Les réflexions menées, d’abord autour des pratiques du commentaire et actuellement autour de la question de l’urgence dans les textes de la première modernité2, nous ont conduites à pratiquer une double focalisation : l’une resserrée, au plus près de l’actualité et des contextes de production des textes étudiés ; l’autre plus étendue, prenant en compte l’ensemble de la période considérée et la réception de ces écrits jusqu’à notre époque, ainsi que leur inscription dans l’histoire littéraire. Les écarts ou les décalages fréquemment constatés entre les textes analysés et la place que leur attribuait l’histoire littéraire nous engageaient à réfléchir aux assignations des auteurs et des œuvres à des périodes souvent envisagées comme « siècles » et vues à travers le prisme de mouvements ou de catégories littéraires.
3Bien qu’elles soient en partie anachroniques par rapport aux périodes considérées, les notions d’« actualité » ou de « contemporanéité » s’avèrent efficaces pour tenter de se défaire d’un découpage séculaire fréquemment utilisé par les institutions (qu’elles soient scolaires, éditoriales, académiques), ou du moins pour le questionner. Il s’agit en effet d’étudier à la fois les processus de catégorisation que l’histoire littéraire produit a posteriori et les manières dont les auteurs ou acteurs de ces époques passées s’inscrivent dans leur temps et conçoivent la place qu’ils y occupent. Ce double point d’observation permet d’aller au‑delà des seules études de réception, qui essaient d’élucider les rapports entre logique des œuvres et logique des lectures – rapports dont Isabelle Kalinowski (1997 et 2015) a montré la complexité –, en les articulant aux logiques propres aux institutions qui encadrent le fait littéraire3. Un propos de Giorgio Agamben traduit la nécessité et la difficulté qu’il y a à cerner ce qui fait la contemporanéité d’un sujet ou d’une œuvre :
La contemporanéité est donc une singulière relation avec son propre temps, auquel on adhère tout en prenant ses distances ; elle est très précisément la relation au temps qui adhère à lui par le déphasage et l’anachronisme. Ceux qui coïncident trop pleinement avec l’époque, qui conviennent parfaitement avec elle sur tous les points, ne sont pas des contemporains parce que, pour ces raisons mêmes, ils n’arrivent pas à la voir. Ils ne peuvent pas fixer le regard qu’ils portent sur elle. (Agamben [2007], 2008, p. 11.)
4Articulant « adhésion » et « distance » ou « déphasage », cette citation invite à prêter attention conjointement à la réflexivité des hommes de lettres sur leur appartenance ou non à leur époque, et à ce que ces auteurs sont devenus rétrospectivement, au gré des manipulations dont ils ont pu faire l’objet au fil du temps par des discours institutionnels.
5Pour permettre cette confrontation des temporalités, l’empan chronologique large de ce que l’on nomme parfois la première modernité, entre le xive siècle et le xviiie siècle, se révèle pertinent dans la mesure où il est, pour ainsi dire, déjà « ancien » et qu’il a fait l’objet de nombreuses strates de discours émanant de différents acteurs ou commentateurs d’écrits. Cette superposition rend parfois visibles des effets d’appropriation ou de rejet d’un écrivain et de son œuvre, par des critiques ou des instances qui les exploitent ou instrumentalisent selon les intérêts de leur propre temps. Le discours sur le contemporain est bien sûr multiple, parfois disséminé ou insaisissable dans ces productions passées, mais il est fréquemment accompagné de l’expression du sentiment d’un temps qui s’accélère, avec le renouvellement de formes ou de pratiques littéraires, avec de nouveaux rapports à l’espace, qu’ils soient liés aux modes de circulation des hommes et des idées ou à l’extension du monde connu. Cette diffusion est d’autant plus rapide et amplifiée qu’elle s’appuie sur des progrès techniques qui transforment la production du livre et créent un marché de l’imprimé, toujours doublé d’habitudes d’écriture manuscrite (Chartier (dir.), 1987 et Chartier, 1996). Ces mutations dans l’activité littéraire mettent au défi quiconque tente de classer ou de périodiser de façon univoque des auteurs et des œuvres.
6Les enjeux liés à la périodisation se trouvent au cœur des réflexions de nombreux collectifs de recherche, selon des perspectives variées, tant ils sont constitutifs de l’histoire littéraire4. Les différents acteurs et cadres institutionnels, au premier rang desquels se situent ceux de l’enseignement de la littérature en France, jouent un rôle prépondérant dans l’importance accordée aux cadrages chronologiques établis. Les pratiques pédagogiques françaises se voient notamment déterminées par la constitution annuelle des programmes d’agrégation de lettres modernes, toujours opérée par siècles : pour la littérature française, à chaque siècle correspond un auteur et une œuvre, à l’exception d’un « avant » plus ample que constituerait le Moyen Âge et d’une ouverture vers d’autres aires géographiques à travers deux problématiques de littérature comparée qui font office d’échantillons. Cette distinction séculaire des œuvres et des auteurs se retrouve dans la répartition des champs de recherche universitaires et occasionne du même fait des lignes de partage dans le recrutement des maîtres de conférences et des professeurs d’université. Dans l’enseignement secondaire, c’est également une habitude forte, concurrencée par les notions de mouvements esthétiques et de genres (discours ou formes), ces différentes catégories se voyant pérennisées par l’édition de manuels destinés à épauler l’apprentissage des élèves.
7Les manuels « Lagarde et Michard », nommés d’après deux inspecteurs de l’Instruction publique, un agrégé et un normalien, sont longtemps restés des exemples en la matière et constituent un cas emblématique des gestes de patrimonialisation impliqués par un tel format éditorial. L’édition de 1970 parue chez Bordas répartit ainsi par siècle ses différents tomes d’autant plus volumineux que l’on avance vers le contemporain5 (Lagarde et Michard, [1948‑1962], 1970). Cette série, qui était principalement destinée à accompagner l’enseignement des lettres au lycée, insistait dans l’avant‑propos du volume consacré au xviie siècle sur le souci de « contribuer à la préparation du Baccalauréat par une étude assez poussée des plus grands auteurs ». Le découpage par siècle y fonctionne en binôme avec une canonisation des auteurs censés incarner les différentes périodes durant lesquelles ils ont vécu. Dans le même volume, une table des matières révèle une lecture de l’histoire littéraire par catégories et annonce une répartition, plutôt générique ou thématique (« Précieux et burlesques », « Le courant libertin », « Lettres et mémoires »), qui a longtemps conditionné le mode de transmission des textes auprès des jeunes lecteurs. Ce modèle chronologique et générique du recueil scolaire, Barthes en rendait compte par des formules lapidaires, en écrivant : « le xvie siècle, c’est la vie débordante ; le xviie siècle, c’est l’unité ; le xviiie siècle, c’est le mouvement, et le xixe siècle, c’est la complexité » (Barthes [1971], 2002, p. 946).
8Même si les manuels et la documentation scolaires ont évolué depuis lors, la persistance du découpage séculaire invite à s’interroger sur les raisons et les conséquences pédagogiques, esthétiques et politiques de ce modèle. Peut‑on se passer d’un tel découpage6 ? Qu’est‑il susceptible d’apporter ou de retrancher à notre compréhension des auteurs, des œuvres littéraires et des dynamiques qui les relient ? Comment décaler notre regard par rapport à ce modèle, notamment de manière horizontale, en observant hors des frontières nationales, géographiques, linguistiques, mais aussi disciplinaires ?
9En proposant de partir de la notion de « siècle » (voir Niderst, 1971 ; Mortgat‑Longuet, 2006b), il ne s’agit pas de penser la transhistoricité de la littérature ou de croire en la permanence de ses effets. Il s’agit plutôt d’analyser ses différentes strates de réception et de s’interroger sur les conséquences d’une telle superposition en partant de l’époque où les œuvres ont été écrites. Dans l’expression « être de son siècle » choisie pour intituler ce collectif, le mot « siècle » n’est pas envisagé dans un sens restrictif, mais peut être compris comme une durée longue, comme une notion permettant de désigner une période historique de manière souple et circonscrite, souvent après coup, par un discours d’autorité. Ce terme peut se décliner depuis la sphère des affaires profanes jusqu’aux représentations mythologiques d’un « siècle d’or » retrouvé. L’objectif est également de questionner à nouveaux frais un découpage en périodes de cent ans qui persiste dans l’histoire littéraire alors qu’il n’a d’autre fondement, semble‑t‑il, que notre propension à effectuer des bilans, des classements, qui conduisent à reléguer certains auteurs et certaines autrices dans une époque qui ne leur correspond pas au mieux ou à en extraire d’autres, en les singularisant comme novateurs et novatrices. Cet enjeu terminologique démontre d’ailleurs l’importance des choix langagiers qui caractérisent l’écriture de l’histoire littéraire (Zékian, 2021).
10Les trois premières sections de l’ouvrage rassemblent les contributions dans lesquelles s’élabore une réflexion sur la construction même de la notion de « siècle » au sein de l’histoire littéraire. Nous sommes conditionnés à lire les œuvres à travers des catégories esthétiques qui font écran, comme le maniérisme, étudié par Jean‑Claude Laborie avec l’exemple du Portugal, ou le baroque, sur lequel se penche Maxime Cartron. Jean‑Claude Laborie s’intéresse à la figure du poète Luis Vaz de Camões dont le rattachement au maniérisme – mouvement qui trouve son origine dans l’histoire de l’art en Italie et en Espagne – est en partie opportuniste, dans la mesure où il contribue à masquer la décadence politique que le Portugal connaissait alors. De sa poésie tourmentée, on a fait un emblème a posteriori marqué par un ton particulier, la saudade. Maxime Cartron met en avant la « théorie universaliste du baroque » défendue par d’Ors plutôt que sa vision historique, ce qui conduit à réfléchir à la constitution de la catégorie historiographique en la dissociant de son rapport à un siècle. Le baroque apparaît comme une catégorie esthétique qui, libérée par certains théoriciens de ses carcans historiques, permet d’établir une culture transnationale et européenne. Marine Roussillon étudie quant à elle la façon dont un « siècle » peut se définir à l’aune d’un discours politique et artistique en prenant pour objet les fêtes de cour au xviie siècle. La construction du siècle de Louis XIV comme période spécifique et comme temps glorieux s’élabore à partir de la distinction d’une valeur littéraire capable de s’y épanouir. En analysant successivement des récits liés à des festivités de l’époque et deux moments de cristallisation historiographique (le discours de Voltaire dans le Siècle de Louis XIV et le moment de l’instauration du « baroque » comme catégorie littéraire), Marine Roussillon analyse le sens du discours pédagogique et critique qui cherche à définir la littérature par son caractère transhistorique.
11Dans cette rigidification des frontières du siècle, les institutions jouent un rôle fondamental, que ce soit celles d’une période de stabilisation de la langue et de création d’académies comme le xviie siècle, ou celles d’aujourd’hui, avec l’Éducation nationale au premier chef. À partir des cas de Malherbe considéré par Godeau, de Marot par Colletet, de Molière par Donneau de Visé et de Corneille par Fontenelle, Emmanuelle Mortgat‑Longuet explore les processus par lesquels le siècle et l’auteur se définissent mutuellement l’un par l’autre. Au xviie siècle s’opère la classicisation de certains écrivains et la constitution, par les contemporains, de leur époque comme ère de la modernité. La notion de « siècle » revêt alors des significations nouvelles, comme le cadre d’expansion de valeurs régénérées. Laure Depretto se saisit des figures de Bussy‑Rabutin et de Mme de Sévigné pour tenter de comprendre, à travers leurs fortunes éditoriales si divergentes, comment un auteur peut survivre à son siècle et le rôle joué par le monde de l’édition dans ces jeux de décalage temporel. Le siècle effectif de l’auteur est alors remplacé, dans les assignations qui le touchent, par son siècle de publication et Laure Depretto examine les implications de ce classement des auteurs par date de « consommation ». Alain Brunn, enfin, offre son point de vue d’Inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche pour analyser la question du siècle des auteurs à travers la pensée de l’histoire littéraire telle qu’elle se dessine dans les programmes du baccalauréat général et technologique en 2021‑2022 : une approche « diffractée » qui fait des œuvres à la fois celles de leurs siècles (passés) et celles du nôtre, entre résistance au présentisme et appropriation littéraire.
12Le « siècle » littéraire est également affaire de langue et de langage au sens large. Il s’est agi, pour Agnès Guiderdoni et pour Élise Pavy‑Guibert de penser la construction littéraire du siècle à travers ce prisme discursif et linguistique, à la fois contemporain des auteurs et perceptible rétrospectivement grâce à la distance historique. La première réfléchit à la manière dont des pratiques d’un temps révolu (la scolastique médiévale) se transposent au xviie siècle, dans un autre environnement sociologique. Le modèle poétique et rhétorique sur lequel s’appuie cette philosophie peut‑il se fondre et se refonder dans le modèle discursif dominant de la mondanité ? Les tentatives pour transposer l’héritage du passé sont pourtant particulièrement actuelles au moment de la Querelle des Anciens et des Modernes et les promoteurs de la scolastique doivent penser la langue dans laquelle ils la transmettent et le public auquel ils s’adressent. C’est ainsi qu’ils créent une scolastique du siècle, qui se constitue en « expérience dialectique avec le passé ». Élise Pavy‑Guibert, quant à elle, évoque le tournant des Lumières dans son article « La Langue du siècle ? Mercier : style mâle et langue républicaine ». Étudiant l’imaginaire de la langue française à cette période, elle s’appuie sur les écrits de Louis‑Sébastien Mercier pour montrer comment s’y illustre une réflexion sur la langue du siècle, ou de l’entre‑deux siècles, qui, loin des valorisations classiques et intemporelles du génie ou de la clarté de la langue, insiste sur l’énergie nouvelle et le poids politique d’une langue devenue celle du modèle républicain.
13Les deux dernières sections de cette publication collective sont centrées sur la façon dont les auteurs eux‑mêmes appréhendent leur appartenance à leur siècle, perception mise en perspective avec la manière dont, à titre individuel, ils ont pu être catégorisés dans l’histoire littéraire. Certains se sentent exilés en leur propre contemporanéité. C’est le cas d’Alain Chartier, dont Laëtitia Tabard étudie le caractère « dessaisonné ». S’il est reconnu comme fondateur, père de l’éloquence en son siècle, cette assignation ne permet qu’imparfaitement de comprendre son œuvre, lui‑même se disant « hors de saison », et comme rattaché au passé. Laurence Giavarini et Lucie Rousseaux travaillent sur Marie de Gournay, autrice qui a été reléguée dans un siècle qui n’était pas le sien au gré de discours historiographiques modelés par la « fonction‑groupe » (Bridet et Giavarini, 2021). Écrivant au xviie siècle, elle est assignée au xvie siècle par la controverse linguistique qui en fait, de son vivant, une écrivaine à la langue archaïque, proche de Montaigne qui plus est. Le xxe siècle a entretenu et ravivé cette vision de Marie de Gournay qui tient à la stratégie clivante qu’elle-même a adoptée dans les années 1620 pour exister, en façonnant un rapport singulier au passé.
14Les auteurs peuvent cependant aussi s’accommoder d’une double appartenance, comme il en va de ces « auteurs Janus » dont on ne sait plus très bien s’il faut les rattacher à leur temps ou à une autre époque. Ainsi Jean de Meun, figure paradigmatique du xiiie siècle, parfois qualifié d’Homère de son siècle, et dont l’indice de contemporanéité varie en réception, est rattaché tantôt à l’ancien, et tantôt au moderne. Il devient un mouvant « personnage de fiction », sans cesse ressuscité ou remis au tombeau, comme le démontre Sébastien Douchet, qui perçoit à travers cet exemple l’histoire littéraire dans sa dimension de grand récit collectif des « mondes possibles ». Zoé Schweitzer insiste, elle aussi, sur les transformations des rôles accordés aux auteurs dans les constructions historiographiques, qui s’appuient sur des manipulations parfois polémiques des œuvres. Il en va ainsi des pratiques éditoriales ou des choix de traduction : l’exemple de l’auteur antique Horace, dont l’Épître aux Pisons est sans cesse commentée, citée et retraduite au xviie siècle, est tout à fait éloquent, puisque sa pratique de poète augustéen est presque oubliée, en faveur d’un rôle de poéticien dans les débats français, à qui on attribue des prises de position anachroniques, comme l’indiquen la comparaison des traductions et citations. L’assignation à un siècle peut aussi avoir pour corollaire l’assignation à un espace, qu’une perspective plus décentrée permet de relativiser. Un auteur comme Descartes, souvent érigé en modèle de la pensée française de la première modernité, gagnerait à être considéré selon une approche « spatialiste » aux yeux de Stéphane Van Damme. Une telle approche, au gré des pérégrinations du philosophe, des aléas éditoriaux de son œuvre et des évolutions de sa réception, révèle l’ouverture à l’autre qui caractérise ses œuvres. Cette circulation remet en cause les représentations d’un auteur solipsiste, d’une pensée isolationniste, en lien avec l’idée du doute intérieur qui a souvent monopolisé l’attention de la critique, imposant une certaine idée du cartésianisme, en accord avec l’idéal de la clarté propre à l’esprit français du xviie siècle. C’est enfin à la figure de Saint‑Simon que Juliette Nollez s’est attachée, cet auteur dont l’assignation séculaire a fait l’objet de nombreux revirements. Elle propose d’étudier comment Saint‑Simon représente conjointement dans ses Mémoires le temps des événements qu’il rapporte, celui de la rédaction de l’œuvre et celui de sa publication, pour montrer comment cet auteur se montre réticent à toute inscription dans les pratiques de son époque. Cette attitude de l’auteur est contrecarrée par la diffusion ultérieure de son œuvre, par extraits ou de manière intégrale, qui l’assigne a posteriori, et par plusieurs biais interprétatifs, à des catégories historiographiques dont on peut interroger la pertinence.
15Les actes de ce colloque se closent sur la présentation, sous forme d’entretiens, de la table ronde qui a réuni les directeurs de plusieurs revues scientifiques attachées à la littérature de ces siècles qui ont fait l’objet de nos réflexions : Trung Tran et Nora Viet pour Réforme, Humanisme, Renaissance, Claire Badiou pour xviie siècle, Sophie Audidière et Jean‑Christophe Abramovici pour Dix‑huitième siècle. Cette table ronde fut l’occasion de réfléchir aux pratiques des revues liées à une période de l’histoire littéraire en diachronie et en synchronie. Quel est leur degré d’ouverture ? Offrent-elles une perspective plus thématique que chronologique ? Comment comprennent‑elles le mot de « siècle », lorsque celui‑ci fait partie intégrante de leur titre ? Quand tel n’est pas le cas, ont‑elles tendance à assimiler une période construite par l’histoire littéraire à un siècle (le siècle de la Réforme, de l’humanisme et de la Renaissance) ? Comment font-elles la part des particularités nationales ? Ces entretiens, auxquels ont accepté de se livrer les directeurs et directrices de revues centrées respectivement sur les xvie, xviie et xviiie siècles, offrent une perspective dynamique et contemporaine sur les manières dont le champ éditorial peut aujourd’hui composer avec la notion de « siècle », et nous incitent à réfléchir à nos propres pratiques de lecture.
16Au terme de ce parcours parmi les siècles qu’ont imaginés les auteurs, qu’ont façonnés les discours institutionnels, les dispositifs éditoriaux et les modélisations historiographiques, nous espérons avoir contribué à montrer l’étendue, parfois déconcertante, des manières « d’être de son siècle », dans les représentations toujours complexes et mouvantes de cette première modernité. La succession des siècles n’a cessé et ne cessera, au demeurant, de déstabiliser les contours mêmes de cette modernité et, partant, le jeu des assignations liant les auteurs à une époque.