Le rire à la torture : malaise dans le Dictionnaire philosophique ?
1Mon propos est finalement très restreint. Il ne s’agit pas d’une exploration du comique dans le Dictionnaire philosophique, de ce qui peut y exciter le rire i. Cette entreprise, trop ambitieuse, souffre en outre d’une difficulté : c’est qu’il n’est pas sûr que l’on y rie des mêmes choses de nos jours qu’au moment de sa création (1764-1769). Christiane Mervaud l’avait relevé dans son article « Rire et érudition chez Voltaire » ii : le harcèlement biblique à haute teneur comique que pratique Voltaire laisse le lecteur contemporain le plus souvent de marbre parce qu’il repose sur une posture libertine et antireligieuse qui n’a de sens que sur un fond culturel et social où la religion et les références bibliques en particulier ont une place à laquelle elles ne peuvent prétendre de nos jours.
2Et puis il faut l’avouer, il y a des choses qui nous font très modérément rire alors que manifestement elles excitaient la veine intarissable de Voltaire : je veux parler en particulier de son comique compulsif contre les Juifs anciens, qui déborde, dans une dynamique que Voltaire laisse s’emballer, sur les Juifs modernes. Du vivant de Voltaire, cette charge à prétention comique n’avait pas dû faire rire non plus Isaac Pinto, qui l’avait déjà repris pour son essai Des Juifs parus dans les Nouveaux Mélanges de 1756 iii. Isaac Pinto a envoyé ses réflexions sur ce texte qu’il considère injuste et mal informé accompagnées d’une lettre à Voltaire le 10 juillet 1762. Il y reconnaît sa dette et une obligation : « je me suis instruit dans vos ouvrages, qui ont de tout temps fait mes délices. Ils m’ont enseigné à vous combattre ; ils ont fait plus. Ils m’ont inspiré le courage de vous en faire l’aveu ». Voltaire répond le 21 juillet en promettant d’insérer des cartons dans la prochaine édition de son texte. Mais il ne cède guère sur le fondement de son opposition au judaïsme. Les juifs restent le peuple qui a légué la superstition au monde occidental, et méritent de ce point de vue la méfiance qu’ils suscitent chez les « philosophes » :
3Je vous dirai avec la même franchise, que bien des gens ne peuvent souffrir ni vos lois, ni vos livres, ni vos superstitions ; ils disent que votre nation s’est fait de tout temps beaucoup de mal à elle-même, et en a fait au genre humain. Si vous êtes philosophe, comme vous paraissez l’être, vous pensez comme ces messieurs, mais vous ne le direz pas. La superstition est le plus abominable fléau de la terre ; c’est elle qui de tous les temps a fait égorger tant de juifs et tant de chrétiens ; c’est elle qui vous envoie encore au bûcher chez des peuples d’ailleurs estimables. Il y a des aspects sous lesquels la nature humaine est la nature infernale. On sècherait d’horreur si on la regardait toujours par ces côtés. Mais les honnêtes gens en passant par la Grève où l’on roue, ordonnent à leur cocher d’aller vite, et vont se distraire à l’opéra du spectacle affreux qu’ils ont vu sur leur chemin. iv
4 On remarquera que la dernière phrase évoque justement un de ces spectacles de torture qui obligent les « honnêtes gens » à se divertir pour oublier une vision d’effroi.
5Pour toutes ces raisons, mon objet sera beaucoup plus réduit : il s’agit essentiellement de caractériser une forme de comique, qui relève traditionnellement de ce qu’on appelle « humour noir », et qui me semble incontestablement une des réussites du Dictionnaire philosophique. Pour restreindre davantage encore le champ d’étude, je prendrai comme révélateur le seul article Torture et tenterai de prélever les éléments d’un dispositif d’écriture qui me semble efficace et opérant hier comme aujourd’hui. Bref, je me contenterai de décrire un effet, le rire, dans le contexte délibérément incongru qui lui donne jour, celui de la torture v : cela invite à définir cette qualité particulière, faite de plaisir et d’embarras, qui me paraît caractériser l’impression que produit ce texte. Réussite d’un dispositif et d’un texte qui ne craignent pas de déstabiliser le lecteur : c’est un de ces moments privilégiés où le Dictionnaire philosophique peut créer le malaise, mais, si je puis dire, au bénéfice de Voltaire.
6L’article Torture conjugue de manière paradoxale et problématique, d’une part, la description et l’histoire d’une pratique dont le registre est traditionnellement pathétique, et d’autre part, une modalité d’exposition qui joue sans cesse de la distanciation ironique. Si bien que la vertu critique est suspendue dans son expression la plus évidente, celle qui fait appel à la compassion du lecteur et entraîne la condamnation des tortionnaires, pour emprunter une voie plus retorse.
7Pour mesurer cet écart, il suffit d’insérer ce texte tardif du Dictionnaire philosophique (puisqu’il n’apparaît que dans la dernière édition de 1769) dans la série qui met en vedette son personnage central, le chevalier de La Barre. Il est inutile de rappeler que c’est lui qui constitue à la fois le prétexte et, littéralement, la cible de cette variation sur la torture. Le texte n’aurait pas la même saveur sans cette proximité d’un corps ayant été véritablement supplicié : proximité géographique et temporelle d’une affaire encore toute récente (le chevalier est exécuté le 1er juillet 1766) à laquelle s’ajoute l’effet de coïncidence vertigineux pour les lecteurs contemporains de ce corps brûlé exemplairement avec l’édition de 1764 du Dictionnaire philosophique que possédait le chevalier. Si le Dictionnaire philosophique s’est retrouvé lié au destin du chevalier, son auteur n’a pu faire moins que d’offrir dans la dernière édition un tombeau au chevalier.
8Ce caractère grave tranche volontairement avec la distance qu’entraînent d’un côté la mise en scène burlesque de l’histoire de la torture du début de l’article (le « voleur de grand chemin » vi, à l’origine de la pratique de la torture devient « conquérants », p. 381 ou « héros », p. 381, puis « rois », p. 382, et comme tels, image de « Divinité », p. 382) et de l’autre côté, les jugements ironiques assassins sur les Juifs, qui rappellent étrangement les formulations de l’article Anthropophages, autre sommet d’humour noir du Dictionnaire philosophique : notre texte rappelle que la torture « fut la seule chose qui manquât aux mœurs du peuple saint » (p. 382), tandis qu’Anthropophages soutient avec une parenté évidente d’expression, que l’anthropophagie, si elle n’avait été pratiquée, « eût été la seule chose qui eût manqué au peuple de Dieu pour être le plus abominable peuple de la terre » (p. 28). Mais le paragraphe consacré au chevalier de La Barre tranche aussi avec la distanciation qu’implique le recours à l’anecdote fictive du conseiller de la Tournelle et de sa femme qui le précède. Bref, ce paragraphe surgit comme un bloc, comme un retour inopiné à la réalité quasi palpable, qui confère à l’article tout à coup une gravité particulière. Or c’est bien cette gravité, mais à une toute autre échelle, que l’on ressent dans les deux œuvres qui encadrent chronologiquement la publication de l’article. Je fais référence évidemment à la Relation de la mort du chevalier de La Barre de 1766 et au Cri du sang innocent de 1775.
9Le phénomène décisif et distinctif de ces deux écrits tient au travail sur ce qu’on pourrait appeler la voix : ils font usage d’une délégation de parole qui, jouant sur la proximité, renforce le pli pathétique du propos. Le premier est censé être écrit par « M. Cassen, avocat au Conseil du roi, à M. Le marquis de Beccaria » et le second constitue un plaidoyer adressé au roi par d’Etallonde lui-même, le compagnon d’infortunes du chevalier, pour demander sa grâce après son exil en Prusse. Elle lui sera d’ailleurs refusée. Dans les deux textes, on a affaire à une orchestration de voix qui sont en prise immédiate avec le scandale de la torture selon deux modalités très différentes : dans le premier cas, nous est donnée la perception d’un magistrat, c’est-à-dire d’un technicien de la justice, qui fait entendre son humanité blessée par une procédure attentatoire à l’équité et à la dignité ; dans le second cas, la voix qui se fait entendre est celle d’un protagoniste de l’affaire qui en est aussi la victime. Deux perspectives complémentaires : celle de la compétence distanciée mais sensible et celle de la participation douloureuse. Le pathétique qui en découle ressortit à deux registres distincts : soit la pose du spectateur outragé, qui donne au texte de la Relation sa qualité de pathétique glacé, soit la voie participative, celle de l’identification totale au point de vue de la victime. Raison et passion, si l’on veut, mais l’essentiel n’est pas là : dans les deux cas, le rire est interdit parce qu’incongru.
10La seule délégation de parole audible dans l’article Torture ne vise à mettre en évidence ni la compétence technique sur un sujet, désamorcée d’emblée par le traitement historique de la torture, ni l’identification à la victime, le chevalier de La Barre. La seule voix qui se fait entendre est celle de la femme du conseiller de la Tournelle qui demande si plaisamment : « Mon petit cœur, n’avez-vous fait donner aujourd’hui la question à personne ? » (p. 383) Et cette voix excite presque automatiquement le rire du lecteur, comme elle semble exciter le plaisir de la femme du conseiller. Cette question badine posée par un personnage fictif crée évidemment un contraste avec le récit des tortures véritables endurées par le chevalier. Mais il y a plus, c’est que le paragraphe consacré au chevalier se clôt lui-même sur une note volontairement superficielle, qui joue d’un effet de boucle du texte : Voltaire évoque ces magistrats qui veulent « savoir précisément combien de chansons il avait chantées, et combien de processions il avait vues passer le chapeau sur la tête » (p. 383). Autre moment de rire irrépressible chez le lecteur.
11Il me semble que c’est là que réside l’enjeu du dispositif du rire dans l’article Torture : à la fois dans cette délégation incongrue à une voix, celle de la femme, où chacun peut se reconnaître, et dans la résistance forcenée du texte à tout pathétique immédiat né du spectacle de la torture. C’est pourtant bien cette pratique qui est le sujet de l’article. Comment est-elle mise en scène ?
12Schématiquement, on peut répartir en quatre étapes la torture telle que Voltaire la développe dans l’article. Tout d’abord, le but de la torture, sa cause finale en quelque sorte, se ramène à extorquer. L’action de soutirer par la violence, historiquement, dans le tableau qu’en dresse Voltaire, suit un processus de dématérialisation de son objet. La « première origine » (p. 381) remonte à un « voleur de grand chemin » (p. 381) à la recherche de biens ou d’argent, ces marques tangibles de la richesse. Mais les successeurs de ce voleur en veulent avant tout aux idées telle la liberté dans le domaine politique, ou l’incrédulité dans le domaine religieux. Les signes abstraits et immatériels (les idées) ont succédé aux signes concrets. La torture est prise dans une spirale folle qui somme l’être humain de manifester son for intérieur, par définition privé et inaccessible. C’est d’ailleurs le scandale principal que soulignait la Relation de la mort du chevalier de La Barre : on a voulu littéralement sonder le cœur et l’esprit d’un jeune homme au mépris de ce qui le constituait parmi les siens, dans son existence sociale, par son comportement et ses expressions en public. Le Dictionnaire philosophique accuse l’absurdité de cette démarche en faisant comme si l’information que les tortionnaires recherchaient relevait du seul domaine intellectuel (des paroles de chansons ou des gestes sacrilèges) tandis que la Relation rappelait plus justement qu’ils espéraient obtenir l’aveu de complicités.
13La pratique de la torture elle-même, ce qu’on pourrait appeler sa cause matérielle, est par excellence le démembrement. « Serrer les pouces » ou « brûler les pieds » (p. 381) sont les images récurrentes de ce paroxysme de la violence. L’horreur provient bien de ce corps démembré qui est la métaphore de l’agression atteignant l’intégrité physique de l’individu. Elle se manifeste encore dans le corps contrefait que produisent les maladies (scorbut, vérole) envoyées par Dieu, qui ressemble parfois lui aussi à un tortionnaire. La Relation était de ce point de vue plus clinique encore que l’article Torture : « les jambes du patient sont serrées entre des ais ; on enfonce des coins de fer ou de bois entre les ais et les genoux, les os en sont brisés ». Inutile de préciser que ce spectacle atroce vaut littérairement comme le degré suprême de l’hypotypose : la simplicité de construction de la phrase met les choses mêmes sous les yeux du lecteur vii.
14On notera cependant un phénomène propre au Dictionnaire philosophique : curieusement, la description insoutenable du sort du chevalier mélange le spectacle de l’exécution et celui de la torture proprement dite. Les éléments du corps (la langue arrachée, la main coupée) relèvent non pas de l’exercice de la « question » mais de celui du supplice final, au moment justement où la recherche d’information n’a plus de sens. Voltaire souligne ainsi l’absurdité de la justification de la torture, mais il en donne aussi par là une nouvelle définition formelle : cette proximité et cette convergence ultime de la torture et de l’exécution font de la torture une espèce de « supplément » à la mort, c’est-à-dire quelque chose qui la complète et en accuse l’effroi. La force fantasmatique de la torture réside dans cette capacité à répliquer indéfiniment ce moment perçu comme douloureux et dramatique qui fait basculer de la vie au trépas. Donnée tout autant anthropologique que littéraire : c’est le spectacle éprouvant de la désorganisation méticuleuse du fonctionnement normal de la machine humaine, dont la douleur physique constitue le signe d’alerte privilégié. Expérience proprement insoutenable car cette représentation cause en tout homme un malaise palpable par l’identification qu’il ne peut s’empêcher de faire avec sa propre désintégration, sauf dans quelques rares cas de dysfonctionnement neuronal de type asymbolie.
15Pour en revenir à des considérations plus littéraires, voire linguistiques, on pourrait dire que la torture en tant que procès est ce moment de crise qui fait passer d’un aspect non-sécant (c’est-à-dire vu de l’extérieur, sous forme de constat : « il est mort ») à un point de vue sécant (point de vue interne à l’action dans lequel le procès est perçu comme toujours en cours). Si l’on poursuit l’analogie avec les aspects verbaux, on pourrait dire également que la torture conduit la pensée d’une conception semelfactive (qui n’a lieu qu’une fois) à une conception itérative : c’est bien cette exaspération de la répétition qui constitue une des marques propres de la cruauté de la torture, non seulement parce que, comme le dit la Relation, on fait « souffrir mille morts », « après quoi », comme le dit de son côté le Dictionnaire philosophique, « on recommence » (p. 382), mais aussi parce que la torture constitue un spectacle fascinant, proprement hypnotique qui appelle la réitération : si bien que la question de la femme du conseiller (« Mon petit cœur…. ») est foncièrement donnée sur le mode itératif, bien que le texte ne fasse que le suggérer.
16Qu’est-ce qui est en jeu dans ce spectacle tour à tour insoutenable et délectable, qu’on ne pourrait supporter plus d’une fois mais qui excite une curiosité insatiable ? Rien moins, me semble-t-il, que la nature humaine. En effet, ce qui permet et favorise la torture, c’est le fait ou non d’« être compté pour des hommes », ou encore d’être regardé « comme un de ses semblables » (p. 382), pour reprendre les termes de l’article. La cause efficiente de la torture est cette insensibilité désastreuse qui se glisse dans les rapports humains sitôt qu’une différence considérée comme essentielle s’insinue dans la hiérarchie des êtres. L’indifférence à la douleur, c’est-à-dire l’identification impossible à la douleur d’autrui, naît des distinctions que nos représentations du monde établissent entre les êtres. C’est ce que fait entendre le choix des exemples utilisés par Voltaire dans l’article : la cruauté est si banale et facile entre le magistrat et son prisonnier, parce que le premier n’a pas l’impression d’appartenir au même monde que le second. C’est le même phénomène qui existe entre l’esclave et le citoyen romain, entre le roi et ses sujets : et cela fait signe décisivement vers la coupure entre Dieu et l’homme, le créateur et sa créature. La torture est permise par cette distance qui éloigne un être d’un autre. C’est au demeurant une des grandes leçons que relève lucidement Hume à la même époque dans sa réflexion morale : je suis toujours davantage affecté par un mal qui, littéralement, me touche, que par un mal lointain, à distance et médiatisé viii. Ce constat lucide n’est sans doute pas sans révéler une part des contradictions de l’anthropologie voltairienne, si ancrée dans les catégories inégalitaires de la société d’Ancien Régime. Mais je laisse ce point, comme je glisse bien vite sur cette misanthropie divine, si fortement installée dans la théologie voltairienne : elle nous fait considérer cette divinité tortionnaire avec des yeux perplexes. J’ai développé ce point ailleurs ix.
17Ce qui me paraît plus pertinent pour mon propos, c’est de considérer le travail qu’exerce cette dynamique de la distance dans notre texte. Cette charmante femme du conseiller n’est manifestement pas Dieu sur terre mais elle partage avec son créateur un privilège qu’elle ne se fait pas faute de faire valoir : c’est de vivre à distance de cette réalité qui, vue de trop près, lui serait insupportable et lui causerait la nausée. Et cette spectatrice des malheurs d’autrui, sous sa forme exacerbée de la torture, jouit de cette émotion « pure et sans mélange d’inquiétude pour nous-mêmes » dont parle Rousseau dans sa Lettre à d’Alembert. Ce « plaisir » qui revient par deux fois dans le texte (« plaisir de l’appliquer à la grande et à la petite torture », p. 382, « plaisir de donner la question », p. 383) relève tout bonnement de cette superbe supériorité que donne la distance. Or la distance n’est pas seulement celle, infinie, qui éloigne le créateur de ses créatures, c’est aussi celle, plus communément éprouvée par les individus, que confère n’importe quelle forme de médiation d’un événement aussi sensible et touchant que celui de la désintégration humaine. Cette médiation, c’est aussi celle de la femme du conseiller quand elle se fait donner simplement le récit d’horreurs auxquelles elle n’assiste même pas. Et pourtant cette appétence pour des horreurs simplement narrées excite le rire du lecteur : il me semble qu’il faut voir là à la fois le constat d’une insensibilité née de la supériorité qu’on se donne sur une réalité dégradante, celle d’un corps promis à la mort, et un mécanisme de défense par lequel on s’empêche de se représenter soi-même dans cette réalité dégradante. Car il est bien évident que l’article Torture, par son dispositif textuel, contrairement aux autres œuvres pathétiques sur le sujet, ne favorise pas l’identification du lecteur à ce corps mort et dégradé du chevalier de La Barre mais à ce personnage ridicule de la femme du conseiller qui succombe au plaisir coupable mais délicieux d’écouter des horreurs. Ce par quoi si nous rions de la perversion barbare de la femme du conseiller, nous rions aussi avec elle et comme elle : d’où ce sentiment désagréable de ne pas rire de ce qu’il faut ni comme il le faut en le lisant. Nous, lecteurs, sommes partie prenante de cette légèreté barbare de la civilisation qui nous rend insensibles aux « usages atroces » (p. 384). Le jeu des voix du texte nous a pris au piège, nous emportant dans le rôle malséant de l’amateur débonnairement sadique. Ce par quoi il me semble que Voltaire a réussi à déplacer l’enjeu par et pour le lecteur : pour parler de la torture dans un dictionnaire qui ne craint pas de faire rire, le rire lui-même doit être à la torture.