Colloques en ligne

Dominique Viart

Littérature – Sciences sociales : nouveaux échanges

Literature - Social sciences : new exchanges

1 Traiter des nouveaux échanges entre littérature et sciences sociales depuis le début de notre siècle suppose de mesurer les intérêts croisés, les usages que la littérature peut faire des SHS et réciproquement ; d’envisager, d’autre part, les livres publiés aux confins de ces disciplines mais susceptibles de prendre place dans l’espace de la littérature, qu’ils soient l’œuvre d’écrivains ou de scientifiques. Il convient aussi d’inscrire ces possibles renouvellements dans l’histoire récente des relations entre la littérature et les sciences sociales, car une évolution certaine s’observe depuis le début du xxième siècle, à la faveur d’une meilleure prise en compte de la littérature récente par les sciences sociales d’une part, de l’émergence de plus en plus marquée des non-fictions narratives d’autre part, lesquelles proposent un traitement du réel social ou historique émancipé du roman.

Années 1970-2000 : les rapprochements des SHS et de la littérature

2 Les prises de position scientifiques en faveur du rapprochement des sciences sociales et de la littérature se sont multipliées au tournant des années 1970-1980, au moment où la littérature elle-même se libère des dogmes formalistes. Ce double mouvement simultané, en rupture avec l’isolationnisme réciproque de ces disciplines, au nom de la scientificité d’une part, de l’intransitivité littéraire d’autre part, est bien connu. On ne compte plus, depuis ces années, de ce côté-ci de l’Atlantique comme de l’autre, les ouvrages dont le titre ambitionne de réunir littérature et anthropologie1, littérature et histoire ou littérature et sociologie2, arguant soit d’une communauté d’objets – l’homme, la société, le « réel », l’événement historique – soit de la qualité des descriptions littéraires et de leur intérêt comme source pour les SHS.

3 Ces recours qui ne sont d’ailleurs pas sans ambiguïtés : s’agit-il de recevoir la littérature comme un « document » (Germinal informe sur le travail dans la mine tel qu’on se le représente à l’époque de Zola) ou comme mode de connaissance (Balzac, Proust analysent avec justesse le monde social de leur époque) ? « Source » ou « mode de connaissance » demeurent de surcroît relativisés en fonction de l’intention esthétique des écrivains, laquelle recouvre – ou recouvrerait – et déformerait leur représentation du monde social, à l’inverse des études scientifiques indemnes, elles, des effets déformants des élégances et dramatisations fictionnelles.

4 Cette série d’interrogations sur un possible rapprochement documentaire se complique d’un autre questionnement, de nature épistémologique, engagé au cours des années 1970 par Hayden White (White 1973), développé par Paul Ricoeur et Michel de Certeau, poursuivi ensuite par nombre d’intervenants qui s’inquiètent de la pratique narrative nécessaire à leurs disciplines pour l’exposé du résultat des recherches. Cette pratique narrative soulignée par Lawrence Stone3, et dont le discours scientifique ne peut faire l’économie, livrerait leurs récits à des « mises en intrigue » (Ricoeur), les approchant dangereusement de la production littéraire et jetant la suspicion sur leur scientificité. Lancé par les historiens, repris par des philosophes, ce questionnement s’élargit aux autres disciplines. En 1983, James Clifford présente « le récit anthropologique comme [un] texte littéraire4 », deux ans plus tard Marcus et Fisher s’interrogent sur le statut fictionnel du discours anthropologique5. Clifford Geertz en vient à considérer l'anthropologue comme un « auteur » (Geertz 1996) et dirige avec George Marcus un ouvrage décisif, Writing Cultures, dont le sous-titre : « Poetics and Politics of Ethnography » fait de la « poétique » une des données méthodologiques de sa discipline6.

5 Ces controverses, auxquelles les écrivains n’ont pas pris part, se sont soldées après maintes polémiques, non par le constat accablé d’un déficit de validité des textes scientifiques mais, à l’inverse, par la démonstration du pouvoir heuristique et cognitif du récit, ce qui conduit corrélativement à relégitimer la littérature dans son dire spécifique de l’homme et du monde. Demeure néanmoins une forme de flottement sinon d’inquiétude quant au statut de la parole scientifique, simultanément bousculée par les travaux déconstructionnistes de Derrida, les interrogations adressées aux formes du savoir par Michel Foucault ou par Gilles Deleuze.

6 De leur côté, en se saisissant à nouveau des questions historiques ou sociales, les écrivains ont bien conscience, depuis ces mêmes années 1980, de s’aventurer sur le terrain des SHS, le plus souvent avec une connaissance certaine des apports de ces disciplines comme en témoignent Pierre Bergounioux, qui leste ses textes de multiples références aux anthropologues, historiens et penseurs du social, Annie Ernaux qui revendique une lucidité sociologique acquise à la lecture de Bourdieu, Gérard Macé qui, dans Le Goût de l’homme, écrit sur Dumézil, Clastres et Griaule, Pascal Quignard qui consacre son article, « l’étreinte fabuleuse » à Claude Lévi-Strauss7, François Bon qui bataille contre la notion de « non-lieux » définie par Marc Augé ou encore Pierre Michon qui dit avoir conçu Vies minuscules en écho au texte de Foucault sur les Vies des hommes infâmes.

Un rapprochement imparfait

7 Or, pour puissants et pluriels qu’ils soient, une certaine distorsion apparaît dans ces rapprochements : si, dès les années 1980, les écrivains se nourrissent des recherches les plus récentes menées en sciences sociales, les scientifiques en revanche méconnaissent la littérature qui leur est contemporaine. Tous les ouvrages de sciences sociales favorables à une meilleure prise en considération des apports littéraires parus au cours des deux dernières décennies du xxe siècle font référence à une littérature bien plus ancienne. James Clifford rend hommage à l’anthropologie surréaliste. Les sociologues insistent sur la pertinence des écrits de Balzac, de Zola et des divers réalismes. Dans Questions de sociologie, Pierre Bourdieu sollicite L’Éducation sentimentale8 ; et c’est à Balzac et Stendhal qu’Edgar Morin en appelle pour compenser le « sens perceptif atrophié » des sociologues9.

8 C’est aussi dans la production littéraire du xixe siècle que les disciplines naissantes de la sociocritique (Duchet, Angenot, Popovic) puis de l’ethnocritique (Jean-Marie Privat, Marie Scarpa) cherchent leurs principaux objets d’étude. Cette méconnaissance se prolonge au-delà de la césure séculaire : Jacques Bouveresse soutient, en 2008, qu’il existe une « connaissance » propre à l’écrivain, mais sollicite pour sa démonstration un corpus qui s’arrête à Musil, Proust et Orwell10. En 2012 encore, lorsqu’ils réunissent des contributions sur les « terrains d’écrivains » afin d’envisager les relations fécondes de la littérature et de l’ethnographie, Alban Bensa et François Pouillon ne retiennent pas le moindre exemple au-delà d’Albert Camus11. Aucun de ces regards scientifiques portés vers la littérature ne s’ouvre véritablement à une prise en considération de la littérature immédiatement contemporaine12.

SHS et littérature contemporaine au xxième siècle : Histoire

9 Une véritable convergence réciproque ne se met en place qu’au xxie siècle. Des dialogues entre la littérature et les autres disciplines de l’esprit prennent alors un tour nouveau où la littérature n’est plus seulement source, ressource ni rivale des SHS. On en repère aisément les signes et manifestations, d’autant que certaines ont fait événement.

10 Alors que, dans le champ historique, l’apparition, au début des années 80, du roman archéologique porté par Didier Daeninckx et Alain Nadaud, prenait à rebours le roman historique et revisitait en amont l’Histoire passée depuis le présent (voir Meurtres pour mémoire et L’Archéologie du zéro), il fallut attendre la toute fin des années 90 pour que le massacre des manifestants algériens en octobre 1961, décrit en 1984 par Didier Daeninckx, devienne véritablement objet de travaux historiques. En revanche les premiers travaux d’historiens sur le traumatisme des appelés d’Algérie, signés de Benjamin Stora, Claire Mauss-Copeaux, Florence Dosse ou Raphaëlle Branche13 sont contemporains des romans d’Arno Bertina (Le Dehors ou la migration des truites, 2001), de Bertrand Leclair (Une guerre sans fin, 2008), de Laurent Mauvignier (Des Hommes, 2009) ou d’Alexis Jenni (L’Art français de la guerre, 2011).

11 La question de l’intérêt des œuvres littéraires contemporaines pour les historiens ne s’ouvre en fait véritablement qu’à la parution, en août 2006, des Bienveillantes de Jonathan Littell puis de Jan Karski de Yannick Haenel en 2009. Les interventions se multiplient alors dans les revues : Les Annales, Le Débat, Critique et, pour les littéraires, dans Écritures contemporaines, Acta fabula ou Littérature14. Des Bienveillantes, Pierre Nora souligne « le télescopage, ou plutôt la fusion, entre l’explosion incontrôlée d’un imaginaire fantasmatique et d’une érudition historique […] d’une ampleur et d’une précision déconcertantes, presque maniaques15 ». Littell esthétise certes la barbarie, mythifie le mal historique par sa réécriture de l’Orestie et campe par ses exagérations un personnage invraisemblable, mais sa documentation est inattaquable. En revanche, la séparation pourtant clairement marquée par Haenel entre deux parties non fictionnelles et une troisième, réinterprétation fictive des pensées de Karski, n’a pas suffi à préserver son entreprise de la vindicte des historiens. Je ne reviens pas sur ces diverses controverses, désormais bien connues16, sinon pour souligner l’émergence d’une littérature puissamment documentée, qui partage avec les SHS son « goût des archives », selon l’expression d’Arlette Farge, et suscite désormais l’intérêt des historiens.

12 On observe concurremment en littérature une inflexion majeure, dans laquelle le travail de l’archive finit par dissoudre le besoin de fiction. Ainsi d’Éric Vuillard, qui à partir de La Bataille d’Occident (2012), s’appuie comme Littell sur une documentation substantielle mais n’introduit pas de personnages fictifs dans ses récits. Il conçoit alors des « romans historiens », par opposition au roman historique lesté d’un romanesque dont nombre d’écrivains contemporains s’affranchissent. C’est ce qui valut à L’Ordre du jour17 de Vuillard une attaque sévère de l’historien Robert O. Paxton dans la New York Revue of Books. Sur quoi repose cette véhémente critique ? Non pas sur la justesse de la documentation de Vuillard, qui n’est pas contestée, mais sur deux autres points : la subjectivité du point de vue, qui orienterait trop « à gauche » la lecture des événements, et le fait que le livre soit donné comme un « récit », non comme un roman, et relève ipso facto de la non-fiction (It « comes closer to nonfiction »18). Ce que Paxton eût supporté d’un roman, comme en témoigne la réponse qu’il fit à la réaction de Vuillard dans la même revue, il ne le supporte pas dès lors que le livre est dépourvu de fiction19.

SHS et littérature contemporaine au xxie siècle : Sociologie

13 Dans le champ sociologique, l’ouverture aux œuvres contemporaines est plus relative. En 2006, l’impressionnante enquête de Bernard Lahire sur La Condition littéraire, si elle s’intéresse bien à de nombreux contemporains, ne porte que sur leur situation socio-économique, leurs autres activités et moyens de subsistance. Elle ne lit pas leurs œuvres, sauf si ces questions mêmes y sont abordées. C’est encore la perspective de Nathalie Heinich lorsqu’elle s’intéresse aux effets produits par les prix littéraires sur leurs récipiendaires20 ou envisage plus largement le statut d’écrivain21, ou des travaux de Gisèle Sapiro, dans la lignée du champ littéraire construit par Pierre Bourdieu22.

14 Le Roman comme laboratoire, d’Anne Barrère et Danilo Martuccelli (2009)23, change la donne et s’intéresse aux œuvres littéraires contemporaines elles-mêmes. Cet ouvrage, qui porte en sous-titre « de la connaissance littéraire à l’imagination sociologique », soutient que l’on peut « penser avec et grâce au roman24 ». Fondé sur l’analyse de 200 romans signés de 20 écrivains contemporains, il entreprend d’édifier une « herméneutique de l’invention » (passim) qui n’aborde plus la littérature dans le cadre du « champ littéraire », ni de manière inféodée à la théorie marxiste du « reflet25 » et récuse également l’idée selon laquelle « il existerait dans [les] romans des concepts ou des notions sociologiques pré-articulées qu’il suffirait […] d’exhumer de la glaise narrative26 ». Si les auteurs, convaincus toutefois que « la connaissance sociologique est infiniment plus ferme, plus juste, plus vraie que le savoir romanesque27 » maintiennent une altérité entre sociologie et littérature, ils postulent que les romans offrent des perspectives inédites, propres à stimuler la pensée sociologique, en faisant l’économie des romans les plus inféodés à l’esthétique « réaliste », qu’une lecture sociologique ne ferait que dupliquer. Une exception notable pour Annie Ernaux, laquelle n’est cependant pas convoquée pour la place que son œuvre fait à la sociologie, mais pour ce qu’elle occulte au contraire : soit une autre dimension de la famille et de l’intime, irréductible aux cadres d’explications sociaux.

15 Le même ouvrage invite la sociologie à puiser dans la littérature des objets d’étude neufs, plus impalpables, mais dont la littérature rend si bien compte : étude des « régimes d’énergie », invitation à une nouvelle théorie des relations, à une métrique des distances sociales, familiales et même intimes, à une théorie des ambiances… Dans le même ordre d’idées, mais dans le champ historique, on remarque que la notion d’infraordinaire et la proposition d’une anthropologie « endotique » (opposée à l’exotisme de l’ethnologie historique) promues par Georges Perec, fournissent un modèle explicite aux travaux de Philippe Artières, lequel se propose d’ « écrire une histoire de l’infraordinaire » : « s’impose à moi, la nécessité de lire ensemble ces objets sous le terme d’infraordinaire, cher à Perec. Il faut sans doute y voir la volonté inavouée de s’approcher sur le plan historique […] de ce que la littérature a depuis trente ans parfaitement réalisé », écrit-il28. Que l’historien puise justement ce désir chez Perec et non chez les sociologues, nombreux depuis Henri Lefebvre et Michel de Certeau à étudier le quotidien29, dit exemplairement combien l’influence de la littérature supplante même parfois celle des autres sciences sociales.

SHS et non-fictions 

16 L’ouvrage de Barrère et Martuccelli ne fait toutefois pas la part aux non-fictions et considère, sous le même intitulé de « romans », Dora Bruder de Modiano, les œuvres d’Annie Ernaux publiées à partir de La Place ou L’Adversaire de Carrère. Or c’est dans cet espace générique particulier des non-fictions que s’inventent les échanges les plus féconds entre littérature et SHS, contribuant à la publication d’œuvres qui relèvent à la fois des deux domaines.

17 On touche là un point crucial des échanges entre littérature et SHS. Et c’est une seconde réserve à formuler quant à la « convergence » littérature/SHS à la fin du xxe siècle : la plupart des contributions scientifiques qui s’intéressent alors à la lucidité littéraire – ou critiquent à l’inverse la déformation esthétique que la littérature opère –, ne prennent pour exemples que des romans, jamais des ouvrages de non-fiction. Or ces derniers sont de plus en plus nombreux depuis le début des années 80. Dès lors, les termes même de rapprochement ou de confrontation entre littérature et sciences sociales s’en trouvent modifiés. Tous les propos de scientifiques qui s’emploient, contradictoirement, à légitimer ou déligitimer la pertinence de la fiction comme représentation recevable du réel deviennent secondaires. C’est plutôt la pertinence des non-fictions qu’il s’agit de prendre désormais en considération, soit un ensemble de textes où les écrivains renoncent au plaisir esthétique de la seule construction imaginaire, et se donnent pour objets, mais sans les romancer, les questions étudiées par ailleurs par les sciences humaines.

18 Tombent alors certaines réserves émises contre la littérature, qui arguent du fait qu’à l’inverse des traités scientifiques, celle-ci ne dispose des appuis probants dont atteste un système de notes de bas de page faisant état des connaissances sur lesquelles ces ouvrages reposent30, et dont la présence induit un pacte de lecture exhibant la scientificité du texte. Car nombre de non-fictions, si elles ne fournissent pas de telles informations en note, les affichent volontiers dans le corps même de leur texte. À cet égard, une évolution se mesure d’ailleurs au sein même de la littérature non-fictionnelle entre Dora Bruder (1997) où Patrick Modiano fait l’économie de toute référence, ce que Serge Klarsfeld, qui lui avait fourni sa documentation, ne manque pas de lui reprocher31 et Hélène Gaudy qui fournit les références précises de toutes les informations collectées et entretiens menés à propos de Terezín, non seulement dans le texte même de Une île une forteresse (2016) mais aussi dans une liste en fin de volume. Les livres de Patrick Deville procèdent de même.

19 De plus, les littératures de l’enquête et de terrain opèrent une mutation qui résorbe la différence majeure constatée par Jean-Michel Adam quant à la hiérarchie respective du récit et de la description : le récit littéraire, écrivait Adam, « a toujours besoin de s’appuyer sur une description minimale du monde dans lequel se déroule l’intrigue relatée. […] Dans la description anthropologique, c’est exactement l’inverse qui se produit : la description n’est plus au service du récit, c’est ce dernier qui sert la finalité descriptive32 ». Or on voit bien que les littératures enquêtrices subordonnent au contraire le récit à l’archive ou au document qu’il s’agit de décrire, d’ailleurs, non pas seulement pour le savoir qu’il permet de constituer mais pour sa matérialité, avec la sensibilité qui s’y attache.

Récits de vie

20 L’intérêt des sociologues pour la non-fiction se manifeste en 2014, à la faveur d’une tentative de rapprochement productrice d’ouvrages. Initiée par Pierre Rosanvallon avec Le Parlement des invisibles33 et la collection éditoriale « raconter la vie », cette entreprise s’inspire explicitement des livres d’Annie Ernaux, Jean-Christophe Bailly, Pierre Michon, François Bon, Emmanuel Carrère, Jean Rolin, d’auteurs de polars sociaux comme Didier Daeninckx, Thierry Jonquet ou Jean-Patrick Manchette tous allégués par Rosanvallon34. Interrompue trois ans plus tard, la collection se propose d’accueillir à la fois « témoignages, analyses sociologiques, enquêtes journalistiques, enquêtes ethnographiques et littéraires ». Des écrivains y participent à côté d’inconnus issus du monde social : Maylis de Kerangal, Cécile Coulon, François Bégaudeau, Annie Ernaux elle-même, mais aussi des sociologues comme Jean-François Laé ou Jules Naudet35, des historiens (Ivan Jablonka36) et des philosophes (Guillaume Le Blanc37). Elle favorise et exemplifie ainsi l’hybridité entre les disciplines en les rassemblant dans un même lieu éditorial. Elle s’en tient cependant à une pure juxtaposition, qui relève plus du geste socio-politique, d’ailleurs fortement contesté, y compris par la gauche intellectuelle (Frédéric Lordon notamment), que de l’exigence herméneutique d’une ethnographie de la vie professionnelle et quotidienne38. Il n’empêche, même si elle les laisse à l’état de matériaux bruts, la collection octroie une nouvelle faveur aux « récits de vie », à la manière de ceux autrefois collectés par l’École sociologique de Chicago, avant d’être abandonnés au profit de recherches plus quantitatives. Et elle le fait sous l’influence reconnue de la littérature (stimulée également par la collection « L’Un & l’autre » de J.-B. Pontalis)39.

L’expérimentation de nouvelles formes

21 Dans le même temps d’autres échanges ont lieu, moins largement commentés sans doute, mais plus féconds, et donnent lieu à publications. Des dialogues se multiplient, dès 1995, entre Arlette Farge et Pierre Michon40, entre Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean Rouaud, entre François Hartog et Olivier Rolin, pour ne citer qu’eux. Des livres s’écrivent à deux mains, ceux de Patrick Boucheron et de Mathieu Riboulet, ou de Marie Cosnay et du philosophe Mathieu Potte-Bonneville41. L’échange se fait désormais véritablement entre contemporains. Mais ce n’est pas tant dans les débats et discussions que l’essentiel s’engage : c’est dans la pratique même. Celle des écrivains comme celle des historiens ou des sociologues. À cet égard des livres font date : en Histoire, Léonard et Machiavel de Patrick Boucheron (2008) entreprend de présenter la rencontre avérée, quoique demeurée sans archives, entre ces deux figures historiques. Publié dans une collection littéraire chez Verdier, ce livre dans lequel l’auteur se défend de rien inventer, rapporte son enquête et ses hypothèses.

22 On évoquerait aussi les ouvrages de Philippe Artières, qui s’engage en 2001 avec Dominique Kalifa dans une forme singulière, explicitement inspirée de Tandis que j’agonise de Faulkner et des montages cinématographiques et littéraires, pour rapporter le trajet de Vidal le tueur de femmes42. Le même historien met en œuvre avec quatre collègues des « jeux d’histoire » quasi oulipiens sur un autre dossier, dit « Dossier Bertrand », entre vaudeville et tragédie43. L’entreprise, est-il explicité en prologue, dont les enjeux sont à la fois épistémologiques (confronter des méthodes historiographiques), poétiques (« mettre à nu la dimension écrite, textuelle, d’une opération historique que l’on cherche le plus souvent à présenter comme science ») et ludiques (faire apparaître « les parts de désir et de plaisir qui font aussi le quotidien de la recherche »), expose la subjectivité des chercheurs, celle-là même que Paxton se refuse à reconnaître pour lui-même, inféodé qu’il est cependant à Maurras et Girardet, ainsi que le démontre Vuillard44.

23 Dans Rêves d’histoire, au contraire, Artières assume cette dimension personnelle de la recherche : « des notations autobiographiques font partie intégrante de ma démarche » écrit-il45. Comme le souligne Pierre Nora46, ce qui change – et que manifeste pleinement l’expérience du « dossier Bertrand » –, c’est la place de l’historien par rapport à son objet d’étude. Non seulement celui-ci prend conscience que « les documents ne deviennent archives que dès lors qu’ils sont confrontés à l’œil de l’historien »47, mais il recourt de plus en plus à la première personne, « l’usage d’un “je” assumé ouvertement » lit-on en postface du Dossier Bertrand48. Bien sûr le développement de l’ego-histoire, qui emprunte sa forme à l’autobiographie49, participe de ces mutations. Mais c’est encore la littérature, au premier rang de laquelle Sebald et Modiano, qui fournit le modèle de cette irruption du « je » dans l’écriture de l’Histoire comme le montre l’étude que lui consacre Enzo Traverso50.

SHS et non-fiction : Récits de filiation

24 Autre inflexion dans la place des historiens : la plus grande proximité entre le chercheur et son objet. Ceux-ci n’hésitent plus à traiter de leur propre famille comme Michel Winock dans Jeanne et les siens (2003), Stéphane Audoin-Rouzeau dans Quelle histoire ! (2013), Ivan Jablonka dans L’Histoire des grands parents que je n’ai pas eus (2012), ou Philippe Artières dans Vie et mort de Paul Gény (2013) et dans Au fond (2016). Plus encore : si le premier de ces cinq ouvrages relève de l’autobiographie familiale traditionnelle, les quatre autres prennent la forme des récits de filiation apparus en littérature en 1983 avec La Place d’Annie Ernaux. Audoin-Rouzeau affiche même cet emprunt dans le sous-titre qu’il donne à son ouvrage. Quant aux livres de Jablonka et d’Artières, ils s’inscrivent encore plus précisément dans la veine des Littératures de terrain qui racontent leur enquête plutôt que de livrer a posteriori le récit linéaire et chronologique que les informations rassemblées permettent de restituer.

25 Ainsi est-ce dans l’échange de formes narratives que de véritables nouveaux passages ont lieu. Les deux formes majeures inventées dans les années 80 par la littérature contemporaine, initialement mises en œuvre par Annie Ernaux et Pierre Michon pour les Récits de filiation ; par Alain Borer, Georges Perec et Robert Bober pour les Littératures de terrain, s’avèrent particulièrement productives. Non seulement elles continuent de se déployer avec une vigueur jamais démentie d’année en année, mais elles agrègent des contributions de plus en plus nombreuses de chercheurs en sciences sociales qui y exposent leurs recherches. J’ai beaucoup étudié ces formes, analysées aussi par d’autres (Laurent Demanze et Guy Larroux pour les Récits de filiation ; Laurent Demanze encore, Maud Lecacheur et Mathilde Roussigné pour les Littératures de terrain ou d’enquêtes51), je serai donc cursif et me contenterai de signaler rapidement quelques publications.

26 Aux côtés de ceux déjà mentionnés (Audoin-Rouzeau et Jablonka), pensons aux Récits de filiation de l’historienne Martine Sonnet, Atelier 62 (2008) qui fournit une véritable enquête de sociologie historique au sujet de son père, de la documentariste Virginie Linhart, Le Jour où mon père s’est tu (paru la même année), à celui de la sociologue Nathalie Heinich, Une histoire de France (2018) ou, tout récemment, à Tombeaux. Autobiographie de ma famille de l’historienne Annette Wieviorka (2022). Sans compter bien sûr la centaine de Récits de filiations d’écrivains et d’écrivaines parus dans le même laps de temps et que je ne peux énumérer ici. Une chose est en tout cas certaine : cette forme, née en littérature, est désormais largement pratiquée par des scientifiques eux-mêmes.

SHS et non-fictions : Littératures de terrain

27 Il en va de même des Littératures de terrain où s’exposent les investigations menées par les auteurs, plutôt que ceux-ci n’en livrent les résultats sous forme d’ouvrages scientifiques pour les uns, de fictions ou de récits chronologiquement restitués pour les autres. J’ai déjà montré combien les emprunts étaient ici réciproques, car si la forme elle-même provient des écrivains qui la pratiquent sans la nommer depuis le début des années 80, elle puise aux méthodes et pratiques des sciences sociales : fouilles d’archives, enquête in situ, immersion, observation participante52, entretiens, recueil de récits, quêtes de documents en tous genres, etc. Là encore, les ouvrages sont légion.

28 Mais remarquons deux choses : d’une part que les chercheurs ne pratiquent à leur tour cette forme initialement littéraire que depuis le début du xxie siècle : Anthropologie d’Éric Chauvier paraît en 2006 ; Un livre blanc de Philippe Vasset en 2007 ; j’ai mentionné ceux de Jablonka et de Philippe Artières publiés dans les années 2010 ; d’autre part, que les écrivains qui l’emploient s’aventurent de plus en plus nettement sur le terrain des sciences sociales. Si Alain Borer traquait Rimbaud, si Bruno Bayen et Florence Delay enquêtaient respectivement sur Hernando Colòn et Catalina de Erauso, toutes figures dont on comprend qu’elles aient pu retenir leur intérêt d’écrivain, si Perec et Bober cherchaient à Ellis Island un lieu de mémoire et si Maspero se contentait de suivre les voies du RER, désormais ce sont bien des terrains plus nettement historiques ou sociaux que se donnent les écrivains : l’assassinat de Heydrich pour Laurent Binet dans HHhH, le génocide du Rwanda pour Jean Hatzfeld ; les réalités de l’habitat insalubre ou des hôpitaux psychiatriques pour Joy Sorman, l’univers quotidien d’une gare pour Sorman encore ou pour Martine Sonnet, celui d’adolescentes africaines prostituées ou d’ouvriers luttant contre leur licenciement pour Arno Bertina53. Il en va de même pour les témoignages de la violence historique, la disparition de l’ère industrielle et du monde ouvrier. Et leurs références scientifiques s’enrichissent, alléguant notamment l’exemple de Jeanne Favret-Saada, comme le font, entre autres, Arno Bertina et Philippe Vasset54.

29 À chaque fois, l’enquête se raconte. Elle n’assène pas de savoir pré-constitué. Elle affiche ses impasses, ses manques, ses doutes. Elle montre ainsi le savoir en train de s’établir peu à peu, invite le lecteur à en suivre les incertains méandres. Souvent même le dossier est livré en chantier, comme Une île une forteresse d’Hélène Gaudy. Écrits à la première personne, ces livres n’épargnent rien des incertitudes qui assaillent le chercheur ou l’écrivain quant à la pertinence de sa recherche et quant à sa propre légitimité à l’entreprendre. Publié un an après Jan Karski, HHhH de Laurent Binet met en scène les scrupules de l’écrivain qui se saisit d’un événement historique et s’interroge sur la manière dont il peut le rapporter. Inflexion notoire dans ces questions de rapprochements et de frontières : désormais ce n’est plus dans les commentaires métahistoriques et les réflexions paralittéraires des revues scientifiques que se développe le débat, mais au cœur même de l’œuvre : l’enquête et son scrupule en sont les thèmes majeurs, bien plus, finalement que l’objet même de cette enquête.

Échanges de techniques : l’archive substitutive

30 De tels ouvrages en appellent aussi bien aux connaissances scientifiques qu’à l’art et la littérature pour soutenir les figurations qu’ils déploient. On pourrait ainsi souligner l’usage de techniques ou de stratégies qui relèvent initialement soit de la littérature, soit des SHS. Comme l’espace manque, je n’en évoquerai qu’une : celle de l’archive substitutive. D’abord empruntée par les écrivains à la microstoria telle qu’on la voit à l’œuvre chez les promoteurs italiens de cette historiographie apparue à la fin des années 1970 et chez les historiens français, comme Alain Corbin55, cette méthode contextualisante compense la difficulté à restituer une vie ou un événement demeuré sans traces par le recours à des informations mieux documentées sur des existences voisines, par une sorte de transfert métonymique.

31 Les écrivains qui s’en saisissent, comme Modiano dans Dora Bruder ou Michon dans Vies minuscules, en élargissent à leur tour le principe analogique et figurent des scènes sans témoins à l’aide de références picturales ou littéraires. Non pour représenter fictivement ces scènes, mais pour les figurer explicitement sur le mode de l’hypothèse et d’une potentielle vraisemblance. Or, par effet retour, c’est exactement ce que pratique Ivan Jablonka, dans Histoire des grands parents que je n’ai pas eus, en allant chercher, comme Michon, dans des tableaux (Rembrandt et Georges de la Tour, p. 36), des images ou dessins (photographies de Roman Vishniac, p. 100 ; dessins du peintre Olère, p. 327) et chez des écrivains (Perec, Modiano) pour décrire ce qu’il n’a pas vu56. Force est de constater que cette pratique partagée en circulant entre écrivains et historiens. Je n’y insiste pas : j’ai déjà montré lors d’un colloque à l’EHESS dont on peut trouver les Actes en ligne.57

32 Comme l’écrit Carlo Ginzburg d’une formule qu’il m’est déjà arrivé de reprendre, « les romanciers font des découvertes techniques que les historiens peuvent utiliser comme des dispositifs cognitifs58 », à ceci près que c’est en s’émancipant du roman que les écrivains inventent ces dispositifs littéraires dont l’efficacité cognitive est telle qu’ils attirent à eux des scientifiques de toutes obédiences.

Recours scientifiques à la fiction

33 Le recours à la fiction, de la part de chercheurs cette fois, est également emblématique de ces détours par la littérature. Dans un ouvrage collectif récemment paru, La Machine à histoires, j’évoque le roman de la sociologue Véronique Le Goaziou, Monsieur Viannet, qui met en scène les entretiens qu’une enquêtrice sociale mène auprès d’un homme du tiers-monde désocialisé, poussés par la fiction à leur plus extrême conséquence : le suicide de l’homme auquel se consacre l’enquête59. Mais si des scientifiques recourent ainsi à la fiction pour exposer, en les radicalisant, leurs propres investigations, afin sans doute d’en élargir le lectorat, le plus singulier ne relève pas de cette pratique, proche finalement de l’esthétique réaliste historique. Il tient de ce que Jablonka et d’autres appellent « fictions de méthode ». On en trouve le meilleur exemple dans les cabinets d’expertise, sociétés de conseil et groupes de recherche en prospective. Cette discipline, la prospective, issue des travaux en anthropologie prospective de Gaston Berger60, s’est profondément développée et institutionnalisée depuis les années 1990. Elle compte désormais des antennes dans la plupart des formations gouvernementales et des institutions internationales, comme à Bruxelles ou à l’Unesco, où Riel Miller, auteur de Transforming the Future : Anticipation in the 21st Century61 dirige le programme « littératie du Futur ». Or, cette discipline, que l’écrivain Jean-Philippe Toussaint met ironiquement en scène dans son roman La Clé USB62, repose sur la production de scénarios. Appliqués à l’environnement, au réchauffement climatique, au devenir des écosystèmes, à la démographie, à l’urbanisme, etc., la plupart de ces derniers sont fondés sur une approche systémique des déterminismes et produisent des modélisations à partir de probabilités statistiques.

34 Certains chercheurs recourent à de véritables fictions que l’on peut aussi considérer comme littéraires. J’en prendrai deux exemples. Le philosophe Pierre Cassou-Noguès aborde les innovations techniques de notre proche avenir dans ce qu’il appelle des « technofictions »63. L’ouvrage paru sous ce titre en 2019 réunit 9 nouvelles, chacune fondée sur une réalisation technologique potentielle. Cela pourrait certes tenir de la science-fiction, sauf que depuis trois ans certaines de ces innovations sont sur le point de voir le jour. Ainsi le gant connecté permettant de toucher à distance une personne lointaine ne fait que transposer au toucher des télé-perceptions déjà établies : l’audition depuis l’invention du téléphone et la vision grâce à la télévision. Les progrès techniques du métavers sont à deux doigts d’en actualiser la possibilité. Même chose pour les applications susceptibles de mesurer notre humeur ou nos pensées comme d’autres déjà enregistrent nos paramètres biologiques sur les montres connectées. On peut dès lors considérer ces technofictions comme des fictions expérimentales prédictives, par où science et technique préfigurent leurs propres avancées.

35 Le second exemple est fourni par un spécialiste de l’intelligence artificielle, Jean-Gabriel Ganascia, qui dirige à la Sorbonne le laboratoire LIP6 et a présidé le comité d’Éthique du CNRS. Sous le pseudonyme de Gabriel Naëj, Ganascia publie en 2019 le roman Ce matin, maman a été téléchargée64, fantaisie anticipatrice qui imagine le téléchargement de la conscience d’une mère à son décès et sa réimplantation dans un corps artificiel de Bimbo qui ne cesse de harceler son fils désemparé par la situation. Tout cela semble assez loufoque. Mais voici que le même auteur fait paraître Servitudes virtuelles, ouvrage plus sérieux cette fois sur les implications sociales et sociétales du développement des biotechnologies numériques65. Dans ce livre, Ganascia analyse lui-même la fiction de son roman dont il montre, en en faisant varier successivement divers paramètres, les conséquences existentielles que cela implique, à la manière du film d’Alain Resnais, Smoking, no smoking66, mais en engageant cette fois le devenir de la nature humaine et son organisation sociale.

36 Ces textes, étudiés par Mara Magda Maftei sous le nom de « fictions posthumanistes »67 n’appartiennent pas à la science-fiction : ils mettent en œuvre une forme de collaboration nouvelle entre science et littérature que nous nommerons « littérature prospective ». Ces « fictions de méthode » réenvisagées dans un ouvrage scientifique ne sont pas isolées : on les rencontre semblablement chez Patrick Boucheron, Ivan Jablonka ou Éric Chauvier qui publient chacun un ouvrage de réflexion méta-scientifique où sont analysées leurs propres littératures de terrain : Boucheron revient sur Léonard et Machiavel dans Faire profession d’historien68, Jablonka sur Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus dans L’Histoire est une littérature contemporaine69, Éric Chauvier sur Anthropologie dans Anthropologie de l'ordinaire70. Ce faisant, ces chercheurs inversent la pratique du « second livre » étudiée par Vincent Debaene et Éléonore Devevey71 où les ethnologues racontaient, dans un ouvrage plus libre et plus personnel, l’élaboration de leurs travaux publiés dans un traité d’anthropologie scientifique. Là, au contraire, c’est le traité qui commente la littérature. Celle-ci a désormais abandonné sa fonction supplétive d’accompagnement : elle est devenue l’ouvrage central par lequel la recherche s’accomplit.

Conclusion

37 Il aura donc fallu, après sa reconversion à la transitivité, que la littérature contemporaine gagne en visibilité et en légitimité auprès des chercheurs. Cela a pris un peu plus de deux décennies pour que l’envie leur vienne, comme l’écrit Pierre Nora à propos des historiens, « de dépasser les limites de leur discipline, d’expérimenter d’autres moyens, d’explorer d’autres chemins encore obscurs pour retrouver, dans sa fraîcheur, cette imagination du passé qui a toujours été l’ultima ratio de leur ambition72. » Dans Réponse, Bourdieu écrit de même pour la sociologie :

je pense que la littérature, contre laquelle nombre de sociologues, dès l’origine et aujourd’hui encore, ont cru et croient devoir affirmer la scientificité de leur discipline (comme l’explique Wolf Lepenies (1991) dans Les trois cultures) est en plus d’un point en avance sur les sciences sociales et enferme un trésor de problèmes fondamentaux – concernant la théorie du récit par exemple – que les sociologues devraient s’efforcer de reprendre à leur compte et soumettre à l’examen, au lieu de prendre ostentatoirement leurs distances avec des formes d’expression et de pensée qu’ils jugent compromettantes73.

38Il semble que ce vœu soit enfin accompli et que nous soyons loin du temps où Alain Touraine prétendait voir dans la littérature « l’ennemi de la pensée sociologique74. » Littérature et sciences sociales avancent ensemble et croisent désormais leurs chemins.