Sartre, lecteur de Genet : du côté de chez Proust ?
Il éclata en sanglots et trouva bien consolant d’être assis entre papa et maman dans l’automobile. [. . .] On lui permit de se coucher dans la chambre de papa et de maman, comme lorsqu’il était bébé ; il rit, et fit grincer les ressorts de son petit lit, et papa dit : « Cet enfant est surexcité. » Il but un peu d’eau de fleur d’oranger et vit papa en bras de chemise.
Le lendemain, Lucien était sûr d’avoir oublié quelque chose. Il se rappelait très bien le rêve qu’il avait fait : papa et maman portaient des robes d’anges, Lucien était assis tout nu sur son pot, il jouait du tambour, papa et maman voletaient autour de lui ; c’était un cauchemar. (156-157)
1Pour Sartre, il y a chez Genet deux systèmes concurrents de valeurs, celui de l’être et celui du faire, culminant, l’un, sur le principe mâle et, l’autre, sur le principe femelle – « héros » vs « sainte », criminel vs traître. De fait, on observe, dans Notre-Dame-des-Fleurs, par exemple, la récurrence de la figure du traître comme avatar de l’être aimé. Mais le littéralisme de Sartre est problématique, tout comme l’est sa manière de disqualifier Proust en lui accrochant l’étiquette dont Lucien, le protagoniste de L’Enfance d’un chef, craint qu’elle ne s’accroche à lui définitivement, celle de « pédéraste » (terme qui figure encore dans sa Présentation des Temps Modernes)1.
2L’homosexuel tient chez Sartre une place tout aussi problématique.En 1980, â Jean Le Bitoux qui l’interroge (« [l’] adhésion à l’ordre mâle se retrouve chez Genet. L’homosexuel ne serait-il en politique qu’un traître virtuel ? »), il répond :
C’est possible. Je ne l’ai pas dit parce que dans un sens ça a cessé de me regarder. Je n’étais pas homosexuel, donc je ne pouvais pas le dire. […] Et je pense en effet que l’homosexuel est un traître en puissance. Mais [… l]e traître c’est l’aspect noir de la chose ; mais l’aspect blanc, doré, c’est que l’homosexuel essaye d’être une réalité profonde, très profonde. Il essaye de trouver une profondeur que n’ont pas les hétérosexuels, mais cela même, cette profondeur qu’il essaye d’avoir avec simplicité, avec clarté, eh bien l’autre côté noir la reprend ; il y a dans l’homosexuel un aspect noir qui se fait sentir à lui et pas nécessairement aux autres2.
3Sartre, qui refuse l’analyse abstraite des romanciers comme Proust, affirme ne pouvoir représenter des conditions concrètes qui lui sont étrangères. Il n’hésite pas pourtant, lui qui ne l’est pas (n’en est pas), à dire ce que l’homosexuel est.
4Les attaques répétées contre Proust recèlent un lien intertextuel fort entre la lecture que Sartre fait de Genet et sa lecture de Proust, d’autre part. Se dessine alors une configuration tripolaire liée à ma lecture de l’Enfance d’un chef, qui date de la fin des années 303. La critique sartrienne a déjà lu La Nausée comme un remake de La Recherche4. Young-Rae Ji voit dans l’Idiot de la famille la Recherche de Sartre, et invite à lire l’Enfance d’un chef comme un pastiche de la description de celle du narrateur, du fait de son amour pour sa mère5.Mais la relation est plus précise et plus complexe à la fois. Si on sait lire l’enfance du futur chef comme une réécriture de celle du Narrateur, elle constitue le pendant pratique des dénonciations par Sartre de Proust comme écrivain typiquement bourgeois6. Et c’est à travers une sorte de « conversion », au sens riffaterrien, que Sartre peut écrire Saint-Genet à partir de l’Enfance d’un chef, où Bergère, variante de Charlus, initie Lucien Fleurier à l’homoérotisme. L’homosexualité est ici négativement marquée (comme décadence et menace sociale, un peu comme dans La Nausée) ; Sartre n’aura qu’à lire l’homosexualité de Genet comme choix de la marginalité, pour inverser le jugement. Demeure néanmoins une association entre homosexualité et tendance féminine, d’autant que le principe mâle et le principe femelle s’opposent selon une logique activité/passivité que Genet lui-même semble bien souvent adopter (mais qu’il est, à la différence de Sartre, capable d’enfreindre, voire de subvertir)7. Lucien est immédiatement présenté comme pris dans une oscillation de genre, du fait de son costume d’ange8. La masculinité que le personnage fonde dans ses opinions politiques – contingentes et inauthentiques mais cohérentes (nationalisme et antisémitisme) – et dans ses droits reste menacée jusqu’au bout (est-il un vrai petit homme ?), comme l’atteste le dernier regard à son image :
Au coin de la rue des Ecoles et du boulevard Saint-Michel, il s’approcha d’une papeterie et se mira dans la glace : il aurait voulu retrouver sur son visage l’air imperméable qu’il admirait sur celui de Lemordant. Mais la glace ne lui renvoya qu’une jolie petite figure butée, qui n’était pas encore assez terrible : « Je vais laisser pousser ma moustache », décida-t-il. (252)
5Comme Proust, Sartre s’intéresse à l’homosexualité dans son rapport à la masculinité9. Mais la masculinité, chez lui, est toute déterminée par les circonstances sociales et historiques concrètes. Ainsi, c’est en achetant la canne des camelots du roi que Lucien acquiert le phallus et peut, pour la première fois, faire l’amour avec une femme. L’Enfance d’un chef peut être comprise comme un Contre Proust.
Scènes primitives
6La nouvelle a sa scène du coucher, qui fonctionne comme un reflet inversé de celle qui suit le départ de Swann – dont la visite avait privé le narrateur du baiser maternel. Là où Proust, après avoir préparé le lecteur à un meurtre rituel du fils par le père (figure d’Abraham sacrifiant Isaac), présente le père invitant la mère à coucher dans la chambre de l’enfant, en notant : « tu vois bien que ce petit a du chagrin », formule que double la prolifération des occurrences de « nerveux » et de ses dérivés, Sartre fait coucher le petit Lucien dans la chambre parentale, ce qui permet à l’enfant de surprendre l’intimité sexuelle des parents.
7Si ce père en bras de chemise peut rappeler l’Abraham en chemise de nuit de la Recherche (et implicitement préparer la scène sexuelle refoulée), l’affirmation paternelle, qui reprend le « ce petit a du chagrin », est aussi une variante de l’affirmation de la mère du narrateur : « Mais il ne sait pas lui-même [pourquoi il pleure], Françoise, il est énervé ». On sait le glissement sémantique de l’adjectif. Si l’énervement est encore une faiblesse chez Proust, il est une manifestation d’hyperactivité dans le français du vingtième siècle – surexcité est donc en quelque sorte un synonyme d’énervé.
8Sartre ne se contente pas de répéter Proust. Rejetant l’idée d’une nature des sentiments et des êtres, indépendante non seulement de l’environnement familial immédiat, mais bien aussi de la position sociale et des circonstances matérielles concrètes, c’est-à-dire qui ignore donc la contingence10, Sartre introduit le trauma pour justifier les réactions de l’enfant. La peur de la castration – évocation d’Abraham, qui se révèle être une fausse piste, puisque le père démissionne, et que le non du père est ensuite escamoté chez la mère, normalement intraitable – est réécrite chez Sartre en identification à la mère. Mais les événements et les techniques du récit restent déterminés par l’intertexte proustien : ainsi le fameux « Longtemps, je me suis couché de bonne heure », commenté par Genette dans « Discours du récit »11, est réactualisé chez Sartre par des passages de l’imparfait au passé simple, donc des glissements de la répétition itérative à des événements singuliers et significatifs. Si la mère du narrateur lui lit François le champi,
Lucien était toujours dans [l]es jupes [de maman], comme à l’ordinaire, et il bavardait avec elle comme un vrai petit homme. Il lui demanda de lui raconter Le Petit Chaperon Rouge, et maman le prit sur ses genoux. (158)
9On voit le dialogue intertexuel avec Du côté de chez Swann pour l’élaboration de la nouvelle. Mais Sartre réutilise le matériau proustien de manière polémique et très didactique.
Bergère/Charlus/Bergotte
10Malgré l’affirmation (explicite ou non) du caractère contingent des manières de sentir et des constructions identitaires (Lucien accède à une masculinité normée, par le double biais de sa position sociale et de ses prétendus choix politiques, ceux de sa situation de classe), le personnage de l’homosexuel décadent (« pédéraste ») incarné par Bergère12, que l’on peut effectivement percevoir comme décadent, ne partage-t-il pas avec l’autodidacte de La Nausée quelque chose de l’ordre d’une nature13 ? Surtout, Achille Bergère14est aussi une réécriture de Charlus (avec quelque chose de la prestance d’un Saint-Loup) et un avatar de l’écrivain analytique bourgeois.
11Charlus prête au narrateur un livre de Bergotte – Sartre ne fait-il pas d’ailleurs remonter Bergère à Bergotte, puisqu’il donne à Lucien Les Illuminations de Rimbaud ou Les Chants de Maldoror de Lautréamont : « Avez-vous lu Rimbaud ? — Nnnnon, dit Lucien. — Je vous prêterai Les Illuminations » (195). Or, c’est l’occasion d’une apologie de la pédérastie qui doit beaucoup à la défense de l’amour maternel dans les lettres de Sévigné par Charlus. Tout comme Charlus à propos du narrateur, Bergère célèbre la jeunesse de son interlocuteur, et lui fait la leçon :
Oui, Lucien, vous avez dit une connerie. La pédérastie de Rimbaud, c’est le dérèglement premier et génial de sa sensibilité. C’est à elle que nous devons ses poèmes. Croire qu’il y a des objets spécifiques du désir sexuel et que ces objets sont les femmes, parce qu’elles ont un trou entre les jambes, c’est la hideuse et volontaire erreur des assis15. (197)
12Au « Tu oublies que ce n’était pas de l’amour, c’était de sa fille qu’il s’agissait » de Mme de Villeparisis, Charlus oppose un universel de la passion (ce qui lui, permet, comme Bergère le fera, d’inclure implicitement l’amour homoérotique),
Mais l’important dans la vie n’est pas ce qu’on aime », reprit-il d’un ton compétent, péremptoire et presque tranchant, « c’est d’aimer. Ce que ressentait Mme de Sévigné pour sa fille peut prétendre beaucoup plus justement ressembler à la passion que Racine a dépeinte dans Andromaque ou dans Phèdre que les banales relations que le jeune Sévigné avait avec ses maîtresses. […] Les démarcations trop étroites que nous traçons autour de l’amour viennent seulement de notre grande ignorance de la vie. »16
13Charlus se distingue par son horreur des jeunes gens efféminés (« ce sont de vraies femmes17 » – 121), mais commente le narrateur, « quelle vie n’eût pas semblé efféminée auprès de celle qu’il voulait que menât un homme et qu’il ne trouvait jamais assez énergique et virile ? » (Ibid.). Ajoutons à cela la camaraderie militaire autour de Saint-Loup et du narrateur lui-même, à Doncières, et tournons-nous à nouveau vers Lucien et Bergère :
Et puis il appréciait vivement la camaraderie si délicate et d’un genre si particulier que Bergère avait su établir entre eux. Sans quitter un ton viril et presque rude, Bergère avait l’art de faire sentir et, pour ainsi dire, toucher à Lucien sa tendresse. (199)18
14Les deux Guermantes, Charlus et Saint-Loup, engendrent en quelque sorte Bergère. Mais Sartre retient la catégorie de l’efféminement, et surtout une vision figée de l’opposition activité/passivité comme base d’une opposition entre principe masculin et principe féminin, qu’il retrouve chez Genet19.
15Charlus et Bergère emploient les mêmes formules, Sartre impliquant qu’il n’est pas dupe des déguisements du narrateur. De quelques jeunes gens mentionnés par Saint-Loup, Charlus dit, « avec une expression presque féroce qui tranchait sur sa froideur habituelle : ‟Ce sont de petites canailles” » (II, 121), expression dont il donnera d’ailleurs une variante, à propos du narrateur lui-même : « Mais on s'en fiche bien de sa vieille grand'mère, hein ? Petite fripouille ! » (II, 126). On peut lire dans l’Enfance d’un chef, avant que Lucien n’identifie Bergère comme un « pédéraste », « Bergère l’embrassa sur les joues et lui mordilla l’oreille en l’appelant tantôt ‟ma belle petite canaille” et tantôt ‟mon petit frère” » (p. 202)20.
16Bergère – avatar de Charlus, mâtiné de Saint-Loup : qu’on se rappelle en outre la première apparition de Charlus à Balbec, alors que le narrateur ne le connaît pas encore, et l’intuition d’un mystère à déchiffrer, ainsi que le retard du narrateur à comprendre les signes. Cela n’échappe pas à Sartre ; à preuve, la réflexion à propos de l’auto-aveuglement de Lucien : « Vingt fois pendant ce voyage, il avait été à deux doigts de découvrir ce que Bergère voulait de lui et puis chaque fois, comme par un fait exprès, un incident était survenu qui avait détourné sa pensée. » (203-204) C’est alors toute la Recherche, et pas seulement Du côté de chez Swann, qui apparaît comme un véritable intertexte – moins un texte-source qu’un facteur de sens, pour la nouvelle de Sartre.
Sartre, lecteur de Genet et/via Proust
17En quoi l’interprétation de L’Enfance d’un chef comme réécriture de Proustéclaire-t-elle la lecture sartrienne de Genet ? Si, en termes riffaterriens, il suffit d’appliquer un signe de conversion à l’ensemble de la caractérisation de Lucien pour arriver à l’éloge de Genet, à sa sanctification, la nouvelle de Sartre fonctionne comme un intertexte pour le Saint-Genet21 (elle semblerait presque avoir été écrite pour préparer ce texte !)22.
18On peut voir ici à quelles sources se construit la vision sartrienne de Genet (le Voleur, l’Homosexuel). Genet se choisirait plus authentiquement (selon Sartre du moins) que le personnage de la nouvelle. Mais le jeu de rôle annonce que toutes ces étapes ne remettent pas en cause le devenir23 ; et Genet vient remplir en quelque sorte en positif, ce qui est une forme de moule négatif chez Lucien. Lucien devient bien, pour un temps, voleur et brise-tout. Mais il sera le chef (le parcours, parodique du roman d’apprentissage, suggère qu’il n’y a pas ici de véritable individualité, et que, s’il y a paradigme, il est dérisoire).
19On confère à Lucien un phallus symbolique. Genet se choisit homosexuel (donc féminin – un point important au vu du sexisme qu’on a pu identifier chez Sartre). L’opposition entre principe mâle et principe femelle correspond bien, chez Sartre lui-même à une vision hétéronormative, qui oppose activité masculine et passivité féminine, et elle renvoie également à la catégorie proustienne des hommes-femmes (des invertis). Le terme pédéraste si fréquent dans l’œuvre de Sartre, et qui projette sur le récit le modèle antique des pratiques homoérotiques, a encore pour Sartre l’avantage de suggérer décadence et corruption : si la virilité de Lucien n’est qu’un reflet de son engagement aux côtés des camelots du roi (qui lui permet de contrer la peur de castration qui hante la nouvelle), Bergère n’en apparaît pas moins comme l’esthète décadent qui, tel un Socrate de pacotille et sous couvert de faire naître des Rimbaud, ne cherche qu’à abuser et corrompre de beaux jeunes gens en déréglant leurs sens.
20Mais si Genet semble a priori justifier ce que Sartre appelle « deux systèmes de valeurs irréductibles »24, opposant les « macs » et les « tantes » (mot que Proust/le narrateur attribue à Balzac et qui le relie à Genet), il complexifie le modèle, en particulier dans Notre-Dame-des-Fleurs, lorsque Seck Gorgui s’efface pour laisser monter d’abord Notre-Dame-des Fleurs dans le taxi : « Que l’on songe qu’un mac ne s’efface jamais devant une femme, moins encore devant une tante, ce que pourtant, vis-à-vis de lui, était devenu cette nuit Notre-Dame ; il fallait que Gorgui le plaçât bien haut.25 » Cette phrase met à la fois en évidence une définition identitaire distinctive (mac/tante) et la réversibilité de cette opposition figée apparente : d’abord le principe « femelle » se distribue entre femmes et tantes (celles-ci l’incarnant d’ailleurs souvent plus authentiquement, et l’on retrouve là un exemple pré-théorisé de la performativité du genre) ; ensuite, le système hiérarchique se révèle éminemment instable : non seulement le mac peut, par un renversement soudain, devenir tante, mais la tante peut subvertir l’ordre normatif. Le personnage central, Divine, oscille entre l’homme et la tante, non seulement parce qu’« elle » sent comme une femme, mais continue de penser comme un homme, mais aussi par des revirements occasionnels (même si ses efforts pour produire une persona masculine basculent dans la performance ratée, tout comme M. de Vaugoubert révèle par sa voix, dans la Recherche, qu’il est un Charlus26.
21Sartre et Genet ont tous deux lu Proust. Sartre le dénonce explicitement comme l’archétype du romancier analytique et de l’écrivain bourgeois, mais une nouvelle comme L’Enfance d’un chef est hantée par cet intertexte décrié. Et le Genet de Sartre en est lui-même contaminé. Sartre lit Genet littéralement, en faisant de tous ses textes l’expression de sa vérité immédiate et immédiatement vécue. Il conserve implicitement l’oxymore proustien (homme-femme) en mettant un principe féminin â la base de l’homosexualité. Il la lie clairement (dans le cas de Bergère par exemple) à une fausse conscience révolutionnaire, vue comme décadence (bourgeoise) et à une menace sociale et politique. Genet est remarquable de s’être, enfant, choisi le destin qu’on lui imposait de l’extérieur, contrairement au narrateur de Proust qui, non content d’attendre simplement que sa vocation s’accomplisse, hante dans l’intervalle les milieux aristocratiques et bourgeois. Du coup, Sartre peut à la fois célébrer le choix, signe d’une liberté particulièrement emblématique, puisque c’est celle d’un individu qui a passé tant de temps enfermé, et prendre, comme en témoignent, et l’interview accordée à Le Bitoux, et sa manière de figer le binarisme occasionnellement fluide de Genet, ses distances par rapport au point d’application de ce choix et de cette liberté, comme lui étant absolument étranger. En somme, Genet n’est pas admirable de s’être choisi homosexuel, mais de s’être choisiHomosexuel, Voleur, et Traître. Pour Sartre, c’est une solution concrète et individuelle, déterminée par les circonstances propres à l’enfance de Genet et Proust sert en quelque sorte de contre-modèle pour ce panégyrique, qui relève du genre de l’éloge paradoxal27. Peut-être, dans ces conditions est-il légitime, malgré les reproches que Sartre fait à Proust dans Saint-Genet d’avoir confiné l’homosexualité à un monde souterrain de vice28 et malgré les assurances de ses hagiographes, de se reposer la question de l’homophobie dans l’œuvre de Sartre autant que dans ses déclarations personnelles. Mais, pour terminer provisoirement sur la lecture de Proust : en stigmatisant Proust (en le paradigmatisant comme écrivain bourgeois et analytique, donc essentialiste, sans compter la « pédérastie » et, plus ou moins clairement, la judéité), Sartre néglige ce que la recherche proustienne de l’essence, et en fait, des essences, doit à une construction textuelle et le décalage que son roman instaure ainsi par rapport à toute notion de nature humaine toujours déjà là.