Le comparatisme en Grèce : parcours institutionnel, diffusion actuelle et axes de recherche dominants
1Il n’est pas étonnant de voir que l’aube du comparatisme grec coïncide avec la prise de conscience de la littérature nationale néohellénique, en tant que champ de recherche unifié, dont la marque prépondérante, à savoir le fait d’être à la croisée des routes orientales et occidentales, mériterait une étude systématique. La conviction selon laquelle « l’identité d’une littérature nationale se détermine souvent par sa comparaison avec et sa confrontation à une ou plusieurs “autres” littératures étrangères » (Politou-Marmarinou, 2015, p. 28) nous oriente vers une reconsidération non seulement des conditions générales, socio-historiques, de production de la littérature néohellénique (migrations, voyages, commerce maritime, avatars de l’État néohellénique depuis sa libération progressive de l’Empire ottoman, etc.), mais aussi des particularités d’œuvres individuelles incontournables dans l’histoire de la littérature nationale, œuvres auxquelles la perspective comparatiste offre une profondeur nouvelle1.
2Les comparatistes actuels considèrent que la naissance d’une vraie conscience comparatiste est à chercher tantôt dans des cas d’influences entrecroisées, tantôt dans un multiculturalisme complexe et créatif, voire dans des cas de bilinguisme authentique : ainsi, Nassos Vayénas, professeur émérite de théorie de la littérature et critique littéraire, se penche sur le grand poète du XIXe siècle Andréas Kalvos (1792-1869), qui se situe entre le néoclassicisme et le romantisme, mais surtout entre la langue grecque et la langue italienne. Auteur, en italien, de la tragédie Les Danaïdes [Le Danaidi] (1818), il est surtout, en grec, le poète des Odes, dans une langue pleine d’italianismes que le chercheur averti ne saurait négliger2. Vayénas (1989, p. 42) mentionne aussi le fait que Kalvos, depuis 1826, enseignait à l’Académie ionienne de Corfou la philosophie appliquée à la littérature générale, ce qui pourrait faire de lui une figure de proue pour les premiers pas du comparatisme. La réception du romantisme en Grèce, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, est souvent liée à une interrogation comparatiste, d’autant plus que l’œuvre de poètes majeurs, comme celle, également bilingue grec-italien, de Dionyssios Solomos (1798-1857), soulève des controverses autour de questions comme les origines germaniques de l’idéalisme grec moderne (voir Vayénas, 1989, p. 43). Dans les dernières décennies du XIXe siècle, les textes critiques qui accompagnent les grands concours littéraires, dont le célèbre concours de récit (1883) qui introduisit en Grèce la mode voire la manie de l’étude de mœurs, sont aussi parsemés de notes comparatistes, même s’ils prônent l’expression prétendument authentique d’une ambiance néohellénique, idéalement libérée de toute mode, naturaliste ou autre, venant de France ou d’Allemagne. Pour rester dans les toutes dernières années du XIXe siècle, nous pourrions mentionner aussi le cas de Nicolaos Episcopopoulos (1874-1944, plus connu sous le nom qu’il s’est choisi en partant pour la France, Nicolas Ségur), qui, en tant que critique littéraire et artistique dans des journaux athéniens importants de l’époque, publia des dizaines d’articles ; ceux-ci, récemment réunis en volume (voir Episcopopoulos, 2011 ; et Ioakimidou, 2016) par les soins de Nikos Mavrélos, professeur de littérature néohellénique à l’Université de Thrace, révèlent chez le futur Nicolas Ségur une pensée fort vigilante et sensible à tout ce qui relève de la réception, en Grèce, des courants et des mouvements novateurs en Europe (wagnérisme, préraphaélites, etc.). Un autre questionnement comparatiste concerne par ailleurs les sources occidentales du chef-d’œuvre de la littérature crétoise du début du XVIIe siècle, c’est-à-dire du roman en vers Erotokritos3. Toutes ces discussions contribuèrent à la formation, en Grèce, d’une conscience comparatiste, indissociable, toutefois, de la progression de la philologie néohellénique en tant que discipline scientifique.
3Actuellement, la recherche sur l’histoire de la littérature comparée en Grèce voit un grand précurseur en Kostis Palamas, poète majeur marqué par le Parnasse et le symbolisme français, qui fut aussi, jusqu’à sa mort en 1943, un critique littéraire d’une influence capitale, institutionnellement reconnue. Assez récemment, Eleni Politou-Marmarinou, dans son ouvrage Littérature comparée. De la théorie à la pratique, lui a consacré un chapitre intitulé « La littérature néohellénique à travers le regard comparatiste de Kostis Palamas ». Prenant pour point de départ une description célèbre du travail du critique littéraire par Palamas (« J’aime. Je compare. J’évalue. J’instaure »), elle insiste aussi bien sur l’immense travail de ce dernier sur la réception de la littérature européenne en Grèce que sur le discours scientifique théorique qu’il ébaucha autour de notions telles que celles d’« originalité », d’« influence », d’« imitation », de « source », de « ressemblance » ou de « lieux communs », qui « reviennent avec insistance dans ses textes et dont l’emploi et le contenu restent stables des années 1890 aux années 1930 » (Politou-Marmarinou, 2015, p. 52).
4Cependant, la littérature comparée en Grèce atteint incontestablement l’âge adulte avec l’œuvre de Constantin Dimaras (1904-1992) et d’Emmanuel Kriaras (1906-2014). Le premier, enseignant, entre autres, à l’Institut Néohellénique de la Sorbonne dans les années 1970, s’intéresse aux échanges culturels dus à la situation géographique et à la longue histoire mouvementée de la Grèce, ainsi qu’aux problèmes des grands courants littéraires tels qu’ils sont reçus par les représentants de la littérature néohellénique. Il publie en 1977 Les Lumières néohelléniques, puis, en 1982, Le Romantisme néohellénique. Les comparaisons plus spécifiques entre la France et la Grèce occupent une catégorie à part dans son œuvre (voir Politou-Marmarinou, 1992). Mais ce qui est encore plus novateur, c’est que Dimaras est un lecteur attentif de Gustave Lanson, d’Albert Thibaudet et de Paul Van Tieghem, ce qui le pousse vers l’histoire des idées, vers l’étude des dépendances, des coïncidences et des simultanéités, tout en lui faisant choisir définitivement la méthode scientifique de l’histoire littéraire lansonienne, sans ignorer des paramètres comme les agents, le milieu ou les intermédiaires dans la détermination d’une fortune littéraire (voir Tampakē, 1995).
5Quant à Kriaras, qui avoue lui-même avoir été incité par Charles Dédéyan à contribuer à l’établissement institutionnel de la littérature comparée en Grèce4, il occupa, à partir de 1957, le premier poste d’enseignant en littérature comparée, créé à l’Université Aristote de Thessalonique, dans le cadre de l’Institut de Langues et Littératures Étrangères, qui donna naissance, par la suite, aux différents départements de langue et de littérature françaises, anglaises, etc. Kriaras fut aussi, pendant toute sa vie, l’un des serviteurs les plus fervents de la Société Grecque de Littérature Générale et Comparée, créée en 1987. Dans ses recherches comparatistes, le professeur de littérature néohellénique Euripide Garantoudis (2003) met en lumière la lecture faite par Kriaras de la tradition poétique des îles Ioniennes au XIXe siècle, et nous fait admirer la combativité comparatiste de ce grand homme de lettres quand, en 1945, il publie ses « Études sur Andréas Kalvos », dans lesquelles il transforme une question d’influences précise, microstructurale, pourrait-on dire, en une véritable étude sur la poétique de l’ode, notamment à travers Foscolo, Manzoni et Leopardi et l’essentiel de leur impact sur Kalvos. Ce fut un tour de force, d’autant plus que, comme l’écrit Garantoudis (2003, p. 26), « [à] l’époque où Kriaras publia son étude, en 1945, la tendance dominante des recherches sur Kalvos non seulement défavorisait tout examen comparatiste impartial par rapport à la littérature italienne, mais, de plus, était marquée par une conception herméneutique figée, dont la mentalité pourrait […] se traduire par le terme d’ “hellénocentrisme” ».
6Grâce entre autres aux travaux de Kriaras, la littérature comparée se diffuse dans les universités grecques en tant que matière à enseigner, et, aujourd’hui, il y a au moins un cours de littérature comparée, plus ou moins autonome par rapport à la littérature nationale, dans tous les départements de philologie grecque et dans les départements de littératures étrangères, mais aussi dans d’autres cursus, davantage orientés vers l’interdisciplinaire (journalisme et études culturelles, cinéma et théâtre, etc.). Cela ne veut pas dire, pour autant, que le personnel enseignant a reçu une formation comparatiste multiforme. Le plus souvent, les enseignants combinent cette discipline avec ce qui a été et reste encore leur préoccupation majeure, la discipline philologique dans le cadre d’une littérature nationale, grecque ou étrangère. Malgré la fondation de la Société Grecque de Littérature Générale et Comparée et de sa revue scientifique Σύγκριση/Comparaison5 (1987), malgré la création du Laboratoire de Littérature Comparée à l’Université Aristote de Thessalonique en 19986, et malgré l’activité de plus en plus consciente et organisée des théoriciens de la littérature (voir Koutrianou, 2005), il existe peu de postes de littérature comparée à proprement parler, ce qui entraîne certaines particularités, qui méritent d’être soulignées.
7En premier lieu, de ce bref historique de l’établissement de la discipline en Grèce se dégagent deux idées inébranlables jusqu’à nos jours :
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La philologie qui étudie la littérature néohellénique (les « études néohelléniques ») ne peut être que comparatiste.
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La littérature comparée en Grèce ne doit mettre en lumière que la fertile hybridité de la littérature nationale.
8Par conséquent, la littérature nationale gagnerait à être constamment soumise à l’épreuve des « carrefours européens », des croisements, multiples et multiformes, avec le système littéraire européen prédominant. Le Parnasse néohellénique, les divergences entre le surréalisme français et le surréalisme grec, l’existence ou non, dans la littérature néohellénique, d’un courant naturaliste (retardé, en raison de particularités locales, par rapport à la France et l’Allemagne) : autant de questions cruciales dans cette perspective.
9Tout en respectant les trésors philologiques apportés par les tenants de ces idées, la littérature comparée néohellénique essaie de lutter contre cette conception réductrice du comparatisme au moyen de deux outils épistémologiques de premier ordre, l’analogie et la poétique comparée. En 1981, Eleni Politou-Marmarinou, qui, en 1972, avait introduit l’enseignement de la discipline à l’Université d’Athènes, publie un ouvrage bref, mais substantiel, La Littérature comparée. Étendue, cibles et méthodes de recherche, qui met sur un pied d’égalité l’analogie et la recherche des influences, tout en insistant sur l’effet esthétique de la comparaison : « La comparaison n’est pas un but en soi. Elle ne se légitime que quand elle contribue à la compréhension plus aisée et plus approfondie des phénomènes littéraires, à l’expérience plus directe et plus intense de l’émotion artistique qu’ils apportent ainsi qu’à leur appréciation plus objective et plus sûre » (Politou-Marmarinou, 1981, p. 35). Même aujourd’hui, de nombreux étudiants-chercheurs en littérature comparée se réclament de ces pages, en entamant des recherches qui ne se fondent plus sur une relation de fait, historiquement et, pourrait-on dire, « mathématiquement » vérifiable. Ces postulats sont confirmés dans Littérature comparée. De la théorie à la pratique (2015), où Eleni Politou-Marmarinou inclut, au-delà de la question des échanges d’une part et de celle de la réception de l’Antiquité d’autre part, des réflexions liées à l’intermédialité et à la théorie. Entre-temps, la traduction en 1997 du célèbre Qu’est-ce que la littérature comparée ? (1983) de Pierre Brunel, Claude Pichois et André-Michel Rousseau a permis de mettre en place les grandes lignes de la recherche comparatiste en Grèce7. Le traducteur Dimitris Anguélatos, actuellement professeur de littérature néohellénique et de théorie de la littérature à l’Université nationale et kapodistrienne d’Athènes, défend aussi la littérature comparée dans son ouvrage L’Alphabet du néohelléniste, où il présente la discipline, ainsi que la notion de « comparable », dans un chapitre intitulé « Champs d’interprétation et d’analyse de la littérature, méthodes pratiques » (voir Anguélatos, 2011, p. 277-286). Il y évoque tout spécialement la poétique comparée, « qui découle justement de l’interférence systématique de la comparaison et de la théorie [et qui] a mis en valeur l’intérêt d’approches axées sur les analogies, c’est-à-dire d’approches comparatistes d’œuvres littéraires qui convergent sans présenter entre elles de rapports de fait » (Anguélatos, 2011, p. 278). Il présente aussi la littérature comparée comme une discipline « particulièrement sensible au relevé et à l’interprétation des ressemblances et des différences culturelles inscrites dans la littérature » (Anguélatos, 2011, p. 278).
10Par ses colloques internationaux et la publication de leurs actes, la Société Grecque de Littérature Générale et Comparée essaie de faire fusionner ces progrès, en choisissant comme thème tantôt un grand courant, comme le naturalisme (en 2001), tantôt un genre assez fluide, le récit (2005), tantôt une approche interculturelle et multidisciplinaire (littérature et mémoire, 2008), tantôt encore une question cruciale pour l’intermédialité (le paysage dans la littérature et les arts, 2012). Il y a toutefois des approches dominantes. Ainsi, un aperçu statistique des 25 premiers numéros de la revue Comparaison, publication scientifique annuelle de la Société, montre une préférence marquée pour les influences internationales et les confluences thématiques. Au deuxième rang se placent les articles sur des courants littéraires, avec un évident engouement scientifique pour des termes comme le Parnasse, le naturalisme et la modernité, transposés, plus ou moins pertinemment, dans le paysage littéraire néohellénique. Viennent ensuite des articles sur des notions méthodologiques ou épistémologiques, sur des traductions ou des problèmes d’édition de textes des XVIIIe et XIXe siècles. En revanche, les études sur les rapports entre la littérature et la musique, le cinéma ou la peinture sont nettement sous-représentées, malgré le thème choisi en 2012. Et, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, le mythe littéraire est aussi un domaine relativement négligé.
11Celui-ci a d’ailleurs un statut bien particulier dans les lettres en Grèce moderne. Inséparable de ce que nous apprenons depuis l’école, viscéralement lié à notre culture à travers notre rapport à l’Antiquité, il est omniprésent dans les lettres classiques, qui l’étudient de nombreux points de vue différents, tout en faisant ressortir des couples antagonistes comme les suivants : les micro-textes des récits séparés/le macro-texte du mythe ; le mythe tragique en tant que narration/la mise en intrigue de la représentation ; l’étrangeté du matériel anhistorique, imaginaire, mythique/la réalité du spectateur qui véhicule le vécu historique de la démocratie athénienne ; le présent atemporel/la temporalité historique8… Or, malgré toutes ces notions et bien d’autres encore, et malgré le riche appareil méthodologique qui nous vient des sciences sociales (voir Karakantza, 2003), nous pouvons considérer que dans la littérature comparée grecque, le mythe littéraire, notion maîtresse que le comparatisme français a su ériger en pierre angulaire de son renouvellement théorique, méthodologique et pratique, n’est pas perçu dans toute la richesse et la complexité de ses nuances. Ce qui manque, c’est la perception de la cohérence interne de tous les substrats qui forment le noyau unique « mythe littéraire », que nous limitons souvent à l’addition « littérature + mythe », « texte littéraire + décoration mythique », « littérature moderne + échos de l’Antiquité ». Les choses se compliquent encore à cause de la réticence de certains enseignants-chercheurs à reconnaître que les questions de réception de l’Antiquité grecque par la littérature néohellénique peuvent être des sujets de littérature comparée. Dans le domaine des recherches sur le mythe littéraire, la contribution de Zacharias Siaflékis, professeur de littérature comparée et de théorie littéraire à Athènes, prématurément disparu en 2017, fut capitale : il publia, en 1994, La Vérité fragile. Introduction à la théorie du mythe littéraire9, un ouvrage qui eut le grand mérite de faire le point sur ce concept et de l’étudier méthodiquement en tant qu’objet comparatiste, à travers une interrogation polyvalente sur les thèmes et les motifs littéraires, le personnage et la tradition mythiques et mythologiques, la théorie de l’intertextualité, l’esthétique de la réception, l’anthropologie structurale, la narratologie et la sémiotique. Ce qui retient particulièrement l’attention dans cet essai, c’est la description détaillée du comportement du lecteur face à un mythe littéraire qui inclut, potentiellement, en tant que texte, l’identique et le différent.
12De notre côté, nous avons tenté d’apporter notre contribution au développement des études sur le mythe littéraire dans notre ouvrage intitulé Le Mythe littéraire, du comparatisme français à la critique néohellénique. Questions de théorie et de pratique (2014). Après avoir exposé le système de la mythocritique selon Pierre Brunel et d’autres spécialistes mettant en valeur la force matricielle de la mythopoétique, l’ouvrage se penche sur l’instance du lecteur face au mythe littéraire, en mettant en valeur la triple mimésis de Paul Ricœur. Afin de mieux cerner des questions adjacentes de poétique comparée, sont proposés les termes de « redondance » et d’« allotopie » pour décrire le fonctionnement de narrations mythologiques telles que Les Aventures de Télémaque d’Aragon, Paix en Ithaque ! de Sándor Márai, Cassandre de Christa Wolf, ou encore Œdipe sur la route d’Henry Bauchau. Nous avons également tenté de développer d’autres notions, comme celles de « mythe brisé » (à propos des allusions mythiques chez Claude Simon dans La Route des Flandres, L’Acacia ou Le Jardin des Plantes) et de « mythe sublimé » (à propos de la poésie de Yannis Ritsos – Le Retour d’Iphigénie –, Bernard Noël – Genèse de l’arbre – et Miltos Sachtouris10).
13Nous avons aussi tenté d’évaluer la pertinence de certains équivalents du terme mythe littéraire dans la critique néohellénique. Nous avons pu constater que très souvent, la critique néohellénique, ayant à traiter un matériau qui relève nettement du mythique, par exemple l’altération d’un scénario mythique ou l’originalité créatrice d’un motif mythique, ou même le mythe comme réseau intertextuel dans une optique psychanalytique, évite ou ne trouve pas nécessaire d’employer le concept de « mythe littéraire », et considère peut-être comme plus efficace l’emploi de termes plus ou moins métalinguistiques qui lui sont contigus : pour nous contenter d’un seul exemple, dans une étude bien documentée sur Don Quichotte dans la littérature néohellénique (voir Samouil, 2007), l’auteur, tout en posant le problème en termes de matériau mythique, préfère avoir recours à des expressions telles que « héros », « personnage », « protagoniste monumental », « personnage imaginaire », « symbolisme de la figure », « dynamisme sémantique extraordinaire de Don Quichotte », « exotisme ibérique défini par la mythification d’images de l’Espagne d’un autre âge », « guerrier intrépide d’un type que nous pourrions inclure dans la tradition littéraire du miles gloriosus », etc. En d’autres termes, le lecteur se trouve confronté à un amas de signifiés, mais sans retrouver le signifiant « mythe littéraire », avec toutes ses connotations scientifiques et les conséquences méthodologiques du système qu’il implique.
14Pour clore cet article, nous voudrions mettre en valeur deux tendances actuelles de l’enseignement et de la recherche comparatistes en Grèce qui prouvent que la littérature comparée est en train d’acquérir une véritable autonomie : d’une part, la réflexion sur de nombreux cas d’intermédialité de la part de nos étudiants de troisième cycle, très bien informés de tout ce qui concerne l’esthétique de l’image depuis la fin du XVIIIe siècle, du sublime romantique au montage et au collage post-modernes ; d’autre part, la tentative de mettre en place une autre façon de concevoir la littérature nationale, à travers la notion de genre, tentative qui donne naissance à des ouvrages collectifs combinant la clarté d’un dictionnaire de termes littéraires avec la dimension philosophique d’une histoire de la littérature vue sous le prisme de la poétique comparée.