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Le roman français des années 1970, une rétrospective (Université de Lorraine, 21-22 mai)

Le roman français des années 1970, une rétrospective (Université de Lorraine, 21-22 mai)

Publié le par Francesca Lorandini

Colloque international 

Université de Lille (ALITHILA) – Université de Lorraine (LIS) – Università di Modena e Reggio Emilia (DSLC)

Le roman français des années 1970, une rétrospective

Université de Lorraine, 21-22 mai

Le roman français des années 1970 souffre d’un déficit d’image, malgré les nombreux travaux consacrés aux auteurs ayant publié durant cette décennie. Une seule synthèse lui est à ce jour dédiée (Anne-Marie Macé, Le Roman français des années 1970, 1995).

En effet, la décennie 1970 est considérée au pire comme un tunnel d’abstraction idéologique, avant l’abandon des injonctions formalistes, au mieux comme une passerelle entre le Nouveau roman installé dès les années 1950 et le « retour au récit » des années 1980. Emblématisées par le « roman textuel », les années 1970 ne trouvent grâce aux yeux des commentateurs d’aujourd’hui qu’à travers de rares objets, considérés comme des OLNI (objets littéraires non identifiés), dont on se félicite qu’ils n’aient pas fait école.

On omet cependant de s’intéresser à ce qui a permis l’éclosion de telles conceptions du romanesque ; on se penche trop peu sur les textes eux-mêmes, sans voir qu’ils ont pu être le fruit d’une hybridation dont ont profité d’autres lieux que la littérature fictionnelle académique, tels l’art contemporain, la poésie, le cinéma ou la bande dessinée. C’est pourquoi, et alors que Barthes, en mai 1975, proclamait avec assurance que « le roman, […] historiquement, sembl[ait] disparaître de notre culture active », nous souhaiterions, en convoquant les grands auteurs ayant publié durant la décennie, revenir sur ce moment de l’histoire littéraire du second XXe siècle, pour ces livres oubliés, méconnus ou trahis, de la littérature française.

Car la décennie 1970, que Vincent Kaufmann décrit dans La Faute à Mallarmé (2011) comme une « mouvance théorique-réflexive », mérite à partir du roman un nouvel examen détaillé. L’enjeu est d’inspecter les conditions d’apparition des romans « théoriques » (Ricardou) mais aussi d’observer les transformations que connaît le « Nouveau Roman » (Duras, Robbe-Grillet, Sarraute, Simon), non sans avoir tenté de comprendre ce qui s’infléchit dans l’œuvre des romanciers découverts dans la décennie précédente (Sollers, Perec, Le Clézio, Cixous). On sait que la défiance à l’égard du récit est souvent mise en avant pour définir la « cérébralité » de ce roman, mais pouvons-nous réellement, au regard du corpus existant, passer outre la réalité de la production fictionnelle de cette décennie ? C’est également sans compter que le roman français des années 1970 a donné lieu à une hybridation du narratif et du théorique, s’amusant à être le laboratoire des formes romanesques à venir, dont celles qui ont à voir avec l’autofiction qui apparaît dès le mitan de la décennie, en 1975, avec le Roland Barthes par Roland Barthes et W ou le souvenir d’enfance de Perec, avant même que Doubrovsky n’en inventât le terme (Fils, 1977), et dont le moins qu’on puisse dire est qu’il représente un tournant générique de la littérature française.

La décennie 1970 est aussi marquante pour les orientations que prend la littérature « de genre » (le roman policier, la science-fiction, la littérature érotique, etc.). Il sera déterminant d’apprécier si, sur les chemins qu’elle a empruntés pendant cette décennie, nous pouvons repérer des éléments structurants pour la production littéraire à venir dans les années 1980 et jusqu’à aujourd’hui.

Enfin, et afin de saisir le système littéraire dans toute sa complexité, on pourra prendre en compte la production grand public afin de ne pas délaisser les enjeux éditoriaux majeurs de la décennie. Après la prospérité des Trente Glorieuses, l’édition connaît aux cours des années 1970 un fléchissement engendrant une crise à plusieurs niveaux. Comme l’a montré Olivier Bessard-Banquy (L’Industrie des lettres, 2012), les mouvements de l’industrie du livre ont accentué la coupure entre les partisans d’une littérature expérimentale et les tenants d’une littérature plus conventionnelle et plus accessible. Il faut se souvenir que l’émission Apostrophes, né en 1975, a joué un rôle décisif dans l’entrée de l’édition dans la « société du spectacle » (Guy Debord, La Société du spectacle, 1967). Enquêter sur la fabrique de l’édition romanesque et sur ses engrenages, sur la politique des maisons d’éditions et sur leurs collections, sur les best-sellers de l’époque dessine une perspective à suivre.

 Différents axes d’étude pourront être envisagés, sans exclusive :

  • Le « roman textuel », de la théorie à l’application
  • De la critique au roman : les pouvoirs de la théorie
  • La critique des écrivains (Francesca Lorandini, Au-delà du formalisme : la critique des écrivains dans la seconde moitié du XXesiècle (France-Italie), 2019)
  • Les best-sellers des années 1970
  • Les croisements et querelles entre littérature expérimentale et littérature conventionnelle
  • Les transformations des grandes œuvres romanesques de l’après-guerre au cours des années 1970, et leur héritage
  • L’arrivée en force des « mauvais genres » romanesques : néo-polar, bande dessinée et roman graphique, roman érotique
  • La place d’un roman féminin-féministe
  • Le roman socio-politique de l’ « entre-deux-Mai » (Pascal Ory, L’Entre-deux-mai : histoire culturelle de la France, 1983)
  • Les liens entre romanesque et « société du spectacle »

Les études sur corpus sont encouragées. Seront privilégiées les propositions qui, présentant un caractère synthétique, englobent plusieurs titres et/ou auteurs. D’autres études relatives à des collections et maisons d’édition emblématiques des années 1970 (Champ libre, Le Sagittaire, Futuropolis, etc.) sont elles aussi bienvenues.

Une liste de romans et de bandes dessinées parus durant la décennie est disponible sur le carnet « Hypothèses » du laboratoire LIS, à cette adresse : https://lis.hypotheses.org/2134

Corpus théorique indicatif (décennie 1970)

  • Roland Barthes, Sade, Fourier, Loyola, Paris, Seuil, 1970.
  • Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973.
  • Émile Benveniste, « L’appareil formel de l’énonciation », Langages, n° 17, 1970, p. 12-18.
  • Michel-Antoine Burnier et Patrick Rambaud, Roland Barthes sans peine, Paris, Chiflet & cie, 1978.
  • Jacques Derrida, La Dissémination, Paris, 1972.
  • Claude Duchet, « Pour une socio-critique ou variations sur un incipit », Littérature, n° 1, 1971, p. 5-14.
  • Umberto Eco, La Structure absente, trad. de l’italien, Paris, Mercure de France, 1972.
  • Michel Foucault, L’ordre du discours : leçon inaugurale au Collège de France [1970], Paris, Gallimard, 1971.
  • Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972.
  • Julia Kristeva, Semeiotikè, Paris, Seuil, 1978
  • Jacques Laurent, Roman du roman, Paris, Gallimard, 1977.
  • Albert Léonard, La Crise du concept de littérature en France au XXe siècle, Paris, José Corti, 1974.
  • Jérôme Lindon, La Fnac et les Livres, Paris, Minuit, 1978
  • Georges Mounin, La Littérature et ses technocraties, Paris, Casterman, 1977.
  • Groupe µ, Rhétorique générale, Paris, Larousse, 1970.
  • René Pommier, Assez décodé, Paris, Roblot, 1978.
  • Jean Ricardou, Nouveaux problèmes du roman, Paris, Seuil, 1978.
  • Antoine Spire et Jean-Pierre Viala, La Bataille du livre, Paris, Éditions sociales, 1976.
  • Tzvetan Todorov, Les Genres du discours, Paris, Seuil, 1978.
  • Tzvetan Todorov, Poétique de la prose, Paris, Seuil, 1971, rev. 1978.

Les propositions de communications (un titre et un court résumé), avec une courte biobibliographie, ainsi que toutes les demandes de renseignements concernant la journée, sont à adresser à Florence de Chalonge (florence.de-chalonge@univ-lille.fr">florence.de-chalonge@univ-lille.fr), Matthieu Rémy (matthieu.remy@univ-lorraine.fr">matthieu.remy@univ-lorraine.fr) et Francesca Lorandini (florandi@unimore.it">florandi@unimore.it) avant le 6 décembre

  • Responsable :
    Florence de Chalonge, Université de Lille (ALITHILA) & Matthieu Rémy, Université de Lorraine (LIS) & Francesca Lorandini, Università di Modena e Reggio Emilia (DSLC)