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L'Antiquité gréco-latine aux sources de l'imaginaire contemporain: fantasy, fantastique, science-fiction

L'Antiquité gréco-latine aux sources de l'imaginaire contemporain: fantasy, fantastique, science-fiction

Publié le par Marion Moreau (Source : David NOUVEL)

L'Antiquité gréco-latine aux sources de l'imaginairecontemporain :

fantasy, fantastique, science-fiction

8 et 9 juin 2012 (à confirmer)

Paris, France

Organisateurs : Perrine Galand (Ecole Pratique des HautesEtudes, Paris), Mélanie Bost-Fievet (Paris IV – La Sorbonne), David Nouvel(Fitzwilliam Institute, Londres) & Sandra Provini (Université de Rouen)

En ce début du xxiesiècle où les études grecques et latines semblent vouées à l'extinction à plusou moins court terme, l'héritage gréco-latin nourrit pourtant l'imaginaire denombreux créateurs, aussi bien romanciers que dessinateurs de BD ou cinéastes.Ainsi, on observe au cinéma dans les années 2000 un renouveau du peplumhistorique ou mythologique, tandis que la bande dessinée et le jeu vidéo empruntentsouvent leur cadre à l'histoire ou à l'épopée antique. La « littérature del'imaginaire » se nourrit elle aussi de cet héritage, aussi bien en Franceque dans le monde anglo-saxon. Cela peut surprendre : le monde imaginairede la science-fiction est futuriste, et celui de la fantasy volontiers médiéval[1] ;quant au genre fantastique, il s'inscrit dans un contexte contemporain.Pourtant, force est de constater que les dix dernières années ont vu unemultiplication des écrits imaginaires inspirés de l'antiquité grecque oulatine. On s'interrogera sur les raisons de ce regain d'intérêt pour la culturegréco-latine dans les oeuvres d'imagination contemporaines, en se concentrantsur les genres de la science-fiction, de la fantasy et du fantastique, lesmieux connus[2]et les plus codifiés de la littérature imaginaire – qu'ils n'épuisent pas pourautant.

La question de la réécriture des grands mythesantiques comme point de départ à une remise en question des catégoriesnarratives ou poétiques, par exemple dans l'Ulyssede Joyce, a été posée à la poésie et au roman modernes de la première moitié duxxe siècle dans leséminaire Modernités antiques[3].Nous aimerions pour notre part interroger l'apport de la culture gréco-latineau sens large (mythologie, oeuvres littéraires, histoire, philosophie) dans laproduction imaginaire de notre post-modernité. Bien loin d'être un savoirscolaire, usé, devenu banal ou étranger, cette culture alimente une créationoriginale, dans un champ artistique où l'originalité est vivement valorisée.

Il s'agira d'abord de repérer le réinvestissementde motifs antiques dans les oeuvres de l'imaginaire. Il prend parfois la formed'une réécriture de textes anciens, comme dans Ilium et Olympos de DanSimmons, qui suit le texte d'Homère en transposant les personnages, l'intrigueet même le mode de narration épique de l'Iliade dans un monde descience-fiction. Certaines oeuvres reprennent quant à elles des éléments, despersonnages ou des structures mythiques : les querelles entre les dieux del'Olympe dans le film Percy Jackson,les Argonautes chez Terry Pratchett (TheLast Hero), Persée dans Le Choc desTitans, les Parques dans La Sève etle Givre de Léa Silhol ou le Minotaure dans la trilogie homonyme de ThomasBurnett Swann ; certains épisodes historiques font l'objet d'un traitementsimilaire, comme dans le comic puisdans le film 300. D'autres auteurs secontentent de simples emprunts de créatures mythologiques – on croise desCentaures dans Harry Potter, quelques Nymphes ou Satyres dans la série des Narnia de C. S. Lewis – ou deréminiscences (l'on pense, évidemment, à la « Maison Atréides » dans Dune, etc.) qu'il conviendra de repéreret d'interpréter. Car l'hommage peut se faire plus discret encore :structures sociales ou civiques héritées des modèles romain ou athénien chezDavid Eddings, intimité des rencontres entre hommes et dieux chez RolandVartogue ou Mercedes Lackey, reprise de fonctionnements tragiques dans lafamille déchirée des Farseers de Robin Hobb, ou redécouverte de la philosophiegrecque dans Socrate le demi-chien,la BD de Joann Sfar. Cette intertextualité antique assumée ou cachée, commentfonctionne-t-elle ? Comment la modernité peut-elle revisiter les héros,les structures, les images antiques ?

Il s'agira ensuite d'étudier le rapport desauteurs eux-mêmes à cet héritage. Procèdent-ils à un réinvestissement conscientdes représentations antiques ? Pour quel raison choisissent-ils cettesource d'inspiration ? S'agit-il d'un « positionnement dans le champ »,d'une volonté d'originalité ? À la suite de J. R. R. Tolkien, la fantasy a en effet préféré l'universmédiéval, surtout dans la littérature anglo-saxonne : l'imaginaire antiquepeut offrir une alternative, conservant la part d'hommage à une mythologiepartagée tout en renouvelant les univers imaginaires. La démarche de Tolkienest souvent reprise : rassembler des images traditionnelles héritées de lalégende ou d'un passé oublié permet, paradoxalement, de créer une oeuvrenovatrice. De même, fantasy ou SFs'éloignent, avec le modèle antique, de la structure du conte pour serapprocher de celle du mythe. On se demandera aussi quel type d'imitation lesauteurs contemporains pratiquent, de la contaminatiosavamment élaborée à partir de sources précises à la simple reprise d'élémentsculturels appartenant à la mémoire collective, voire scolaire. La démarcherepose-t-elle sur une recherche historique ou littéraire véritable, comme chezDavid Gemmell, ou se nourrit-elle de réminiscences et d'imagesenfantines ? Le témoignage d'écrivains contemporains sera certainementéclairant sur ces points.

Enfin, on tentera de comprendre le rôle que jouentles références antiques dans l'intérêt que prend le lecteur au texte. Lathéorie littéraire a proposé des lectures structuralistes et/ou psychanalytiquesdes mythes antiques : leur reprise dans des oeuvres contemporainesrépondrait aux structures profondes de la psyché du lecteur. Or le mytheantique n'est pas seulement source de structure, mais également d'images.L'imaginaire gréco-latin apparaît aujourd'hui dans des oeuvres qui le réactiventen affirmant son originalité, en revendiquant ses propres modes defonctionnement : il contribue à conférer, aux yeux du lecteur, unecrédibilité au monde imaginaire inventé par l'auteur, fondée sur une culturepartagée et une forme de connivence. Ainsi la connaissance partagée entrelecteur et auteur facilite l'avènement de ce que Tolkien théorisa sous le nomde secondary belief, « créancesecondaire »[4] :l'élément familier permet l'adhésion à l'étrange. La langue même peut jouer cerôle : les formules latinisantes que crée J. K. Rowling jouent à la foissur l'utilisation d'une langue connue, mais travestie, et sur l'inconnu decette langue. Enfin, la référence antique peut apporter au monde secondaire durécit toute la profondeur culturelle qui est la sienne.

Le colloque, sur quatre demi-journées, associerades interventions de chercheurs et de jeunes chercheurs et une table ronded'écrivains qui seront invités à réfléchir sur leurs pratiques d'écriture et leurrapport à l'antiquité gréco-latine. Il s'adressera tant aux universitaires etdoctorants spécialistes de la littérature antique et intéressés par sesprolongements à l'époque contemporaine, qu'aux enseignants de lettresclassiques dont les élèves sont souvent friands des littératures del'imaginaire.

Les propositions de communications doivent êtreenvoyées aux organisateurs avant le 1er juillet 2011 à l'adressecourriel suivante : nouveldav@gmail.com


[1] Les sources médiévales des oeuvres de Fantasy sont aujourd'hui bienmises en valeur par l'association « Modernités médiévales ». Voir www.modernitesmedievales.org.

[2] Voir notamment les études de Jacques Baudou, Anne Besson, ou encoreJacques Goimard.

[3] Séminaire co-organisé à Paris X et Paris XIII par Véronique Gély etAnne Tomiche. Un volume d'actesest à paraître prochainement.

[4] J.R.R. Tolkien, “On Fairy-Stories”, The Monsters & the Critics and Other Essays,éd. Christopher Tolkien, HarperCollins, Londres, 1983 ; Les Monstres et lesCritiques et autres essais, 
traduction de ChristineLaferrière,
Paris, Christian Bourgois, 2006.