Bertrand Binoche, Religion privée, opinion publique, Paris, Vrin, coll. « Moments philosophiques », 2012, 232 p., 12,50 €
DATE DE PARUTION : 01/03/12 EDITEUR : Vrin COLLECTION : Moments philosophiques ISBN : 978-2-7116-2413-3 EAN : 9782711624133.
Ce livre a pour but de corréler l’apparition de l’« opinion publique » au refoulement de la croyance religieuse dans l’espace privé. Comme Bayle le vit aussitôt, cela posait le problème de savoir alors comment définir ce qui permet aux hommes de vivre ensemble à peu près pacifiquement. Est-ce encore une orthodoxie, mais laïque – quelque chose comme une morale naturelle, un catéchisme du citoyen? Ou cela ne peut-il pas être une institutionnalisation du désaccord telle que celui-ci, au lieu de représenter un obstacle à la paix, devienne le ressort même du destin collectif? L’opinion publique fut le nom disputé de ce programme grandiose, mais peut-être aussi vain, celui d’une société effectivement athée.
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Le site laviedesidees.fr a consacré un article à cet ouvrage:
Ce qui fait l’opinion, par Marion Chottin, en date du28/11/2012
Quand, et dans quel contexte historique et conceptuel, est apparue la notion d’opinion publique ? Quel rôle théorique a-t-elle assumé ? Peut-on la considérer comme un concept, ou bien fait-elle partie de ces mots, sinon creux, du moins ambivalents et volatiles, qu’il incombe à la philosophie de démasquer ?
La thèse de Religion privée, opinion publique consiste à lier causalement les deux termes qui forment son titre. Selon Bertrand Binoche, l’idée d’opinion publique constitue l’effet de celle de religion privée : elle émerge, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, non pas à sa suite et de façon accidentelle, mais essentiellement comme sa conséquence. Celle-ci, pour n’être pas nécessaire, n’en est pas moins logique : dès lors que la religion devient affaire privée et cesse de constituer cet accord que l’on a longtemps cru requis pour constituer le lien civil, dès lors que tout accord de substitution (religion naturelle, morale naturelle) révèle dans le même temps sa vanité, seule demeure la solution théorique, et hautement paradoxale, consistant à fonder la société sur l’idée de désaccord réglé d’opinions en perpétuelle évolution. L’auteur entend ainsi retracer l’émergence du concept d’opinion publique, sa transformation en « maître-mot » (p. 126) et sa dissolution tendancielle, depuis les guerres de religion jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle.